568 [États gén. 1789. Cahiers. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.) des lenteurs dans les affaires, et qui ne peut contribuer qu’à favoriser la mauvaise foi. Art. 15. Dans les justices seigneuriales, c’est au procureur fiscal, dans lequel réside la puissance du ministère public, à solliciter l’exécution des lois ; mais soit ignorance ou insouciance, soit faiblesse ou considération particulière de la part de ces officiers, soit le peu de dignité des juges ou le peu de consistance du seigneur , les lois sont sans exécution. Cet état de choses doit être changé, et y substituer utilement un tribunal toujours en activité, savoir : une administration municipale dans chaque communauté ; nous insistons auprès de nos députés pour solliciter, par une motion expresse, à .la séance des Etats généraux, cette institution. Le bonheur des sociétés particulières constitue la félicité publique ; le royaume aura son assemblée nationale, les provinces, leur Etat particulier, et chaque communauté son administration municipale; cette harmonie ne peut que contribuer à affermir la nouvelle constitution. Cette administration embrasserait une foule d’objets: telle serait la levée de l’impôt, la gestion des biens de la communauté, ceux de la fabrique, l’éducation des enfants, la police des domestiques, la-salubrité du village et de la prison, la distribution de charité et des secours dans le cas de maladies. Art. 16. On pourrait donner à l’administration municipale le caractère d’un tribunal rural, qui répondrait, dans les campagnes, à ce qui est la juridiction consulaire dans les villes ; on y porterait les constestations si fréquentes qui s’élèvent entre les habitants, et l’opinion de ce tribunal imposerait aux gens de bonne foi, réglerait souvent leurs discussions, et ces jugements préviendraient une foule de procès. Art. 17. Les dispenses pour alliance ne s’obtiennent qu’à grands frais. On ne peut les éluder que par le moyen de mensonges et de suppositions qui compromettent l’honneur des filles à marier ; on demande une diminution de frais dans l’obtention des dispenses. Art. 18. Les marchands de la campagne qui sont domiciliés, et qui, pour raison de leur commerce, payent la partie qu’ils doivent supporter de l’impôt public, se plaignent avec raison de ce que des marchands forains sans domicile, viennent dans les campagnes vendre leurs marchandises, et ne payent aucun droit, ce qui fait un tort notable aux marchands de campagnes ; pour quoi on demande des défenses de souffrir des marchands forains. Art. 19. Il est encore à demander que ce droit exclusif de l’administration des voitures publiques des environs de Paris soit restreint à ceux qui veulent en user, et que le public ne soit point astreint à la dure nécessité d’obtenir des permissions pour se faire charrier par d’autres voituriers ; ermission, d’ailleurs, plus coûteuse que le pour-oire qu’un pauvre malheureux peut à peine donner pour son port au voiturier. Art. 20. Il se perçoit à Franconville un droit connu sous le nom de travers ; ce droit, affermé par le seigneur, est du nombre de ceux dont la suppression intéresse le commerce et la cicula-tion. On perçoit un droit de barrage à Saint-Denis, un droit de passage à Epinay, enfin le droit de travers à Franconville, ce dernier se paye double dans le mois de novembre; il en résulte cru’y ayant deux routes pour la Normandie, on préfère la route haute à celle par Pontoise, sur laquelle on a trois droits à acquitter dans le court espace de 4 lieues. Il est à désirer que ce droit, qui avait pour objet l’entretien de la route, soit aboli, puisque ces routes sont aux frais de l’Etat; c’est un grand malheur quand, dans une nation, on sacrifie l’intérêt public à l'intérêt d’un seul individu. Art. 21. On demande avec instance une loi pour la campagne, qui défende, en tout temps de l’année, le pâturage des bestiaux sur les héritages d’autrui et l’abolition du droit de parcours. Art. 22. On demande aussi la suppression des droits de voirie tant royaux que seigneuriaux. Signé Bertin; Lardit de Naux : Gilles; Gilles Chapelles ; Faucon ; Bertin ; Paul Gilles ; Pierre Gilles; Lesdreux ; Decastel; Thévenin ; Régnard Puison; Thévenin; Douard; Gentil; Chapelle; Palette; Blondeau; Thévenin ; Becquet; Jacque-min; Bertin ; Chapelle ; Rondonneau; Genty ; Thévenin ; Breton ; Levert-Dezer ; Potter ; Guérin ; Rondonneau ; Douard, Danet ; Bouju; G. Bouju. CAHIER Des plaintes , doléances et remontrances de la paroisse de Frépillon (1). Aujourd’hui[|14 avril, nous, syndic et habitants de la paroisse de Frépillon, étant assemblés, avons vaqué à la rédaction du cahier des doléances, plaintes et remontrances de notre communauté et étant tous d’un mutuel accord ensemble, déclarons notre vœu être tel qu’il suit : Art. 1er. L’Etat exigeant des impôts, ces impôts doivent être établis, répartis et perçus sur les sujets de cet Etat, sur les grands comme sur les petits, sur tous les biens de cet Etat en général. Art. 2. Les grandes charges de l’Etat doivent être données à des personnes distinguées, non-seulement par leur naissance et leur grandeur, mais aussi par leurs vertus et leur mérite. Art. 3. La vénalité doit être supprimée à toutes les charges et offices, soit d’Etat, de judicature et militaires. Art. 4. Que les Etats généraux se tiennent, à l’avenir, en un temps fixé et périodique. Art. 5. La subvention territoriale ayant lieu, que les impôts soient établis selon la valeur des terrains, que l’on y ait égard au lieux où ils sont situés, à leur plus ou moindre valeur. Art. 6. La suppression des intendants. Art. 7. La suppression des élections, afin d’éviter la confusion dans les affaires. Art. 8. La suppression de la milice; quand l’Etat n’a pas besoin a’hommes, cela cause beaucoup de tumulte, des accidents, des misères. Art. 9. L’abolition des lettres de cachet, de répit et de surséance. Art. 10. La suppression de tous privilèges en générai. Art. 11. Que le tiers-état soit admis à partie égale dans toutes les assemblées, soit provinciales et de département et par élection. Art. 12. Que chacun se puisse voiturer par tout le royaume librement. Art. 13. Les aides et les gabelles supprimées. Art. 14. Que les droits d’entrée ne se perçoivent qu’aux extrémités du royaume. Art. 15. Que, si les droits sur les marchandises subsistent, ils ne soient payés qu’une fois ; que ces (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 569 droits soient les mêmes partout, afin d’éviter les bus et les procès. Art. 16. Qu’il n’y ait qu’une loi, qu’un poids et qu’une mesure ; cela cause de grands abus dans le commerce, la différence des coutumes cause beaucoup de tromperies. Art. 17. L’impôt des corvées, qui se perçoit au marc la livre de la taille, doit être supprimé. Art. 18. Les capitaineries doivent être supprimées. Les cerfs et biches sont fort communs, ils détruisent les plantations et les différentes cultures de notre territoire, qui est tout environné de bois. On est obligé d’aller garder les grains et les vignes pendant la nuit, ce qui cause souvent des maladies. Il s’y trouve des sangliers qui dévastent toutes les denrées. Art. 19. Les chasses devraient être abolies. Art. 20. Que, si elles subsistent, elles ne puissent être louées ; c’est un des plus grands abus ; la vénalité oblige de multiplier le gibier à l’infini, la malheureuse expérience que nous en avons nous le fait assez connaître. On ne voit que gibier de toutes parts et de toute espèce ; le cultivateur n’est libre que pour ensemencer ses terres; on défend d’aller dans les champs de quelle espèce qu’ils soient pour les nettoyer et arracher l’herbe, sans la permission du garde du canton qu’on achète quelquefois bien cher ; cela est cause que l’herbe étouffe et suffoque le grain. Vers la fin de la moisson, on vient faire des battues, les grains qui restent à moissonner se trouvent impitoyablement foulés aux pieds; au temps des vendanges, on laisse aller les chiens dans les vignes, ils mangent le raisin; les hommes y vont aussi, ils brisent et cassent les échalas et même les ceps. Le cultivateur regarde de loin, médite sur la perte, et, considérant sa misère et son infortune, se retire chez lui, sans oser ouvrir la bouche pour faire la moindre plainte. La moisson faite, on est tenu d’épiner. Art. 21. Il ne doit y avoir des lapins que dans les parcs et garennes.' Art. 22. On ne doit souffrir aucun pigeon. Art. 23. Il est nécessaire d’établir des règlements pour accélérer les procès civils et criminels. Art. 24. On doit rendre justice aux petits comme aux grands. Art. 25. Les ecclésiastiques ne doivent s’occuper que de ce qui concerne l’exercice de leur ministère. Art. 26. On devrait réduire leur revenu à une honnête pension. Art. 27. Les rentes foncièrés devraient être remboursables sur les biens de mainmorte, comme sur les autres biens. Art. 28. Les dîmes doivent être supprimées. Art. 29. Les règlements des dîmes en la perception sont rigides pour le cultivateur, et ils causent beaucoup de procès. Art. 30. Les gros décimateurs cherchent à éluder les charges et réparations qu’il sont obligés de faire aux églises. Art. 31.: Il est nécessaire de rendre des règlements décisifs sur ce sujet ; si ce droit subsiste, il devrait être le même partout. Art. 32. Que les portions congrues des curés soient mises à 1,200 livres. Art. 33. Ils doivent conférer les sacrements gratis. Art. 34. Qu’ils ne prétendent aucun droit abusif, par usage ou autrement, dans l’église de leur paroisse. Art. 35. Dans les affaires de fabrique, ils ne doivent pas tenir d’assemblée secrète ; ceux qui y ont le plus d’intérêt doivent y être appelés ; quand les affaires se concluent tacitement, ceux qui n’y ont eu aucune part en sont souvent les victimes. Art. 36. Les principaux propriétaires doivent être préférés dans les affaires de fabrique, et au sujet des réparations des presbytères et des écoles. Art. 37. Que les curés n’exigent aucun usage abusif en percevant leurs droits. Art. 38. Si deux particuliers sont en procès, qu’on ne le mette point à l’arbitrage des curés, si ce n’est du consentement des deux parties. Art. 39. Ils doivent rendre compte des deniers destinés au soulagement des pauvres dont ils ont l’administration , selon la volonté des donateurs. Art. 40. Les seigneurs doivent rendre justice à leurs vassaux. Art. 41. S’ils ont dans leurs archives des titres et papiers qui appartiennent à leurs vassaux, qui, pour être en sûreté, y auraient été déposées dans le temps des guerres ou autrement, ils doivent être rendus auxdits vassaux, ou leur en être délivré copie. Art. 42. S’ils jouissent de quelques biens appartenant à leurs vassaux, soit communs ou autres, qu’ils soient tenus de les leur rendre. Art. 43. Si, dans leurs archives, ils ont des papiers et titres qui regardent particulièrement leurs vassaux, pour aucuns droits coucédés à des particuliers par la communauté, ils sont tenus de les remettre à ladite communauté, ou en délivrer copie. Art. 44. S’il se trouve des contestations entre leurs vassaux, pour des portions de territoires réputés communs entre deux paroisses, ils doivent donner les renseignements qui leur sont connus. Art. 45. Ils devraient poser un procureur fiscal dans chaque paroisse, pour maintenir le bon ordre. Art. 46. Si quelque particulier, étant pris à faire du tort aux autres, n’a pas le moyen de payer l’amende pécuniaire, qu’il soit puni par prison ou autrement. Art. 47. Les corvées seigneuriales, les banalités soient abolies. Art. 48. Les lods ou ventes modérés ou supprimés. Art. 49. Qu’ils soient tenus de justifier leurs titres de possession. Art. 50. La liberté du commerce dans l’intérieur du royaume. Art. 51. Le blé à juste prix, si ce n’est en cas de disette, afin que tout le monde puisse vivre. Art. 52. Qu’il ne soit permis de Fexporter hors du royaume que dans le temps d’abondance et du consentement des Etats. Art. 53. Nous désirons que les affaires se terminent par l’établissement du bon ordre pour les besoins de l’Etat, la prospérité du royaume, le bien de tous et de chacun des sujets de Sa Majesté. A Frépillon, lesdits jour et an. - Et ont signé : Ant. Delagroux; F. Leclerc; J. -B. Lambert; D.-J. Viel; Louis Viel ; Simon Bail-let; Germain Jolly; Nicolas Floret; Louis Guillet; Denis Marchand; Fiacre Harcin ; J. -J. Marlan; J.-B. Maillet; Noël Tardu; René-Gervais Rollain; Pelletier; Fiacre Leclerc; Nicolas Terronnet; Nicolas Fluret; Miargée; Henri de Boissi, syndic; Denis Jolly, greffier de la communauté.