ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les mars.] 480 [États gén. 1789. Cahiers.] ture ; deux ou trois mots forment une ligne afin de multiplier les rôles et rendre la somme de frais plus considérable. De là des écrits et des requêtes, qui souvent ne sont entendues ni du juge ni des parties, mais qu’il faut pourtant payer comme s’ils eussent servi à rendre l’affaire plus claire. Il est étonnant que des hommes qui se donnent le nom de défenseurs de la justice en violent les lois si ouvertement, au préjudice de leurs parties, et rendent les procès presque indéfinissables. Art. 12. Les receveurs des tailles sont encore des hommes bien à charge à la nation. Ne serait-il pas plus convenable de porter au trésor royal le recouvrement des impôts? Les frais de recette sont si considérables, qu’ils diminuent beaucoup les sommes principales, et que le montant pourrait procurer un grand soulagement à l’Etat, tandis qu’ils ne servent qu’à obérer les particuliers pour enrichir certains individus qui ont grand soin de se faire porter les deniers afin d’en faire tourner l’intérêt à leur profit. On est même forcé par ces concussionnaires de payer toujours par avance. Mais ne serait -il pas à propos de fixer une époque pour le payement de l’impôt général que nous espérons devoir être établi. Au moyen de cette loi, personne ne pourra ignorer le terme fixe de sa redevance et prendra les précautions nécessaires pour en remplir le payement. Art. 13. Il est encore un intérêt général qui mérite bien l’attention des députés aux Etats généraux : c’est de trouver un moyen sûr pour réprimer l’horrible manœuvre de ces bourreaux du commerce qui, par une insidieuse adresse, se procurent toute espèce de marchandises sans argent, et après avoir ruiné d’honnêtes familles, vont se réfugier dans les endroits privilégiés, d’où ils font la loi à leurs créanciers en déclarant une banqueroute frauduleuse, et d’où, par des artifices criminels, ils se procurent des propriétés très-considérables avec le prix des marchandises qu’ils ont volées. N’est-il pas honteux pour le royaume de France qu’il s’y soit trouvé des seigneurs qui se soient mis au nombre de ces hommes détestables et qui aient, par leurs débauches et leurs dépenses sans bornes, englouti les fortunes de nombre de citoyens réduits à la mendicité? Ne devrait-on pas plutôt les renfermer dans des endroits ténébreux pour expier leurs crimes et pour la vindicte publique, que de les souffrir dans des équipages brillants, insulter à l’humanité souffrante, dont ils sont les fléaux et la ruine ? Art. 14. Enfin, nous croyons que le vœu de la nation doit être qu’un seul et unique impôt soit établi sur toutes les propriétés sans exception; que cet impôt soit suffisant pour répondre aux besoins de l’Etat; que tous les sujets du Roi qui ont des prérogatives attachées à leur naissance et à leur état fassent le sacrifice de leurs privilèges, mais que tous ensemble partagent le poids des charges publiques, travaillant à l’envi au bonheur de tous. Tels sont les vœux particuliers que nous faisons pour la gloire et pour la prospérité de l’Etat, du Roi et de la nation, en Rassemblée susdite, les jour, mois et an, et avons signé en présence des membres de la municipalité, et consentement unanime de ceux qui ont déclaré ne savoir signer, lesquels étaient en grand nombre. Signé Picard; Dufour; Jollin ; Jollin père; Etienne Redrin ; Martin ; Bernard; L’Huillier; Leblanc, syndic ; Seguin, greffier, et Loyal, notaire. CAHIER Des habitants de la paroisse de Croissy-sous-Chatou (1). Les pauvres habitants de la paroisse de Croissy-sous-Chatou ne peuvent que s’en rapporter à ce qui sera déterminé dans l’assemblée de la prévôté et vicomté de Paris, pour obtenir une constitution qui, en garantissant les propriétés de tous les genres, puisse assurer à jamais la gloire du Roi et l’exécution des engagements contractés par Sa Majesté au nom de la nation. Ils se contenteront de fixer l’attention de MM. les députés de la prévôté de Paris sur les quatre objets par lesquels ils souffrent le plus : Les impositions royales; Les milices; Les capitaineries , Et les colombiers. IMPOSITIONS ROYALES. Les impositions royales ont éprouvé depuis 1770 une augmentation considérable. A peine peuvent-elles être payées dans la révolution de vingt mois. Mais tsi, comme on l’annonce, la noblesse s’empresse de renoncer à ses privilèges et que les bourgeois soient privés des leurs, tous les ordres supporteront le fardeau sous lequel succombaient les cultivateurs, et il deviendra léger. Les habitants de Croissy demandent que les terres seules soient imposées et que les taxes personnelles soient supprimées; que désormais les manouvriers, qui n’ont pour propriétés que leurs bras et pour habitations que de pauvres masures, ne se voient pas privés du salaire qui assure leur existence; que l’industrie de toute espèce soit affranchie de charges qui ne peuvent être qu’arbitraires, et qu’enfm la portion d’impôt que la paroisse de Croissy doit supporter, soit arrêtée définitivement et répartie dans une juste porpor-tion sur toutes les propriétés. Si toutes y sont assujetties, l’imposition s’accroîtra d’un' tiers, tandis que les habitants connus sous la triste distinction de taillables payeront un tiers de moins. MILICE. La milice est un des plus grands fléaux des campagnes. Le sort frappe souvent un fils unique, le soutien de ses parents, et il épargne une famille riche et nombreuse. La communauté de Croissy charge expressément ses députés de solliciter la suppression des milices et leur conversion en une addition à l’impôt territorial qui sera bien moins cher que les bourses, frais de conduite et autres dépenses qu’entraîne cette cruelle loterie. CAPITAINERIE. La paroisse de Croissy a été longtemps une des plus malheureuses de toutes celles qui sont soumises aux capitaineries. A peine un quart du territoire était-il cultivé ; le reste, abandonné au gibier de la forêt du Vésinet, présentait des landes arides. Les habitants obtinrent en 1783 la permission de faire un mur à leur frais. Le mur à été construit; son prix ne peut être payé qu’en huit ans, et ce prix, versé dans les fonds publics, donnerait un revenu qui acquitterait à jamais les impositions royales; et cependant cette clôture ne défend ses propriétés que d’une espèce de gi-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de Œmpire. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les mars.] bier, les lièvres, les faisans et les perdrix font toujours des dégâts considérables. Les habitants de Croissy doivent convenir que M. le prince d’Henin adoucit autant qu’il le peut la rigueur de leur sort; mais ce régime ne peut être que passager. Ils n’en sont pas moins soumis à la législation des capitaineries. Les maraîchers sont obligés de payer le droit de creuser un puits. 11 faut aussi acheter la permission de bâtir une chaumière si l’on est propriétaire d’un terrain contigu au village. Les sables brûlants de Croissy avancent d’un mois la maturité, et la fauche des prés est soumise aux mêmes entraves que dans les terres les les plus tardives. Si un batelier passe dans les îles un cultivateur, il est assigné comme ayant traversé des braconniers, et bientôt la frayeur des poursuites lui fera refuser son bateau à des baigneurs prêts à se noyer. Les gardes assignent verbalement, et sur leurs simples témoignages font condamner de notables habitants qui présentent inutilement des témoins domiciliés et n’ont souvent d’autres torts que de n’avoir pas acheté la paix. Le Roi ne chasse jamais à Croissy. Monseigneur le comte d’Artois n’y vient que quatre heures par an. Il n’est pas de capitainerie plus inutile aux plaisirs de Sa Majesté et il est permis au pauvre village de Croissy d’espérer une suppression qu’il charge expressément ses députés de solliciter. COLOMBIERS. Il est encore un fléau destructeur : les pigeons. Les habitants de Croissy demandent l’exécution des anciens règlements à cet égard ; il y a longtemps que leur seigneur s’y serait soumis, mais les colombiers voisins vivent sur son territoire, et le sacrifice qu’il aurait fait eût été inutile. Les anciens règlements ordonnent que les pigeons soient renfermés pendant les semences et les récoltes. Les habitants de Croissy renouvellent à leurs députés l’injonction expresse de solliciter vivement un impôt territorial auquel tous les ordres soient assujettis, et qui remplace les différents impôts dont les bases sont incertaines. Et ont, tous ceux desdits habitants qui savent signer, signé avec nous, J ean-Pierre Vanier, notaire, tabellion de la prévôté de Croissy, en fin des présentes et de la minute restée aux archives de cette communauté, lesquels ont été paraphés ne varietur, Signé Nicolas Bremoy ; Gabillions ; Louis Bonnet ; Houssay ; Grand fils ; Nicolas Hubert ; Sylvain Thomas ; J.-F. Bonnet ; Leclère ; Neaubon; François Bonnet ; Jacques Bonnet ; P. Prévôt ; Charles-Pierre Brenu ; G. Lefèvre ; Nicolas Grand fils ; E.-J. Hubert ; Etienne de Bled ; Basset ; Four-not ; A.-R. Arnould ; J. Dozois ; L. Gabillions ; N. Lebrun ; Brunet ; Grand fils; R. Guy ; Prévôt; Jacques Brenu ; Jean Cré"pu ; E.-A. Arnould, et Yanier. OMISSION. Les aides et gabelles étant onéreuses aux habitants de Croissy comme aux autres paroisses, il serait à désirer qu’elles fussent supprimées, et que chaque habitant payât, suivant la quantité de sa récolte, une fois seulement, avec liberté de vendre leur vin à leur volonté. Signé Grand fils ; Joseph Grand fils ; Nicolas Hubert ; É.-J. Hubert ; Fournaud ; Fran Arnould ; lre Série, T. IY. J. Darois; Nicolas Lebrun; Charles-Pierre Breu ; E.-N. Arnould, syndic, et Jean Crépu, député. CAHIER Contenant les doléances , plaintes et remontrances de to us et un chacun les habitants de la paroisse ' de Crosnes , du ressort de la prévôté et vicomté de Paris , et qui ont droit de voter et nommer deux députés d'entre eux , pour, en vertu de leurs pouvoirs , se trouver à l'assemblée le 18 du présent mois , ainsi qu'il a été notifié auxdits habitants par publication au prônede la paroisse, par M. le curé , cejourd'hui , et par le sieur Bonfils , leur syndic , a la porte de l'église, le même jour, issue de la messe paroissiale { 1). Art. 1er. Que lesditsdeux députés d’entre nous porteront en ladite assemblée les vœux que nul impôt ne sera censé légal qu’autant qu’il aura été consenti par toute la nation dans l’assemblée des Etats généraux, qui pourront néanmoins les limiter jusqu’à leur prochaine tenue, laquelle se tiendra au moins de cinq ans en cinq ans, et qu’il soit nommé une commission intermédaire pour veiller à l’exécution des règlements faits auxdits Etats. Art. 2. Qu’il soit établi une caisse nationale dans laquelle sera versé le produit de toutes les subventions, dont l’administration se fera par une commission nommée par les Etats généraux , et les ministres seront garants des deniers qui leur seront remis dans chacun leur département. Art. 3. Que l’impôt sur la nation ne sera consenti que lorsque l’étendue de la dette nationale aura été reconnue et consolidée; et, pour l’avenir, qu’il sera fixé par les Etats généraux les sommes qui seront employées pour chaque département, ainsi que pour la maison du Roi, en observant qu’elles soient proportionnées à la majesté du trône, de manière qu’aucune dépense ne pourra excéder, pour quelque cause que ce soit, celles fixées par les Etats généraux et pendant l’intervalle d’une tenue à l’autre. Art. 4. Que l’impôt ainsi consenti sera généralement et également réparti sur tous les sujets du Roi et sans aucune distinction de rang ni de privilège. Art. 5. Demanderont qu’avant toutes délibérations sur les impôts, il soit délibéré sur la liberté individuelle de tous les sujets et la suppression des lettres de cachet, la réformation des lois dans la procédure, l’abolition des évocations et des arrêts de surséance. Demanderont pareillement l’égalité des peines pour les crimes sans distinction de rang et d’état, et la faculté à tout citoyen de parvenir à toutes les places eclésiastiques, civiles et militaires. Art. 6. Demanderont que si aucun a des privilèges qui nuisent aux intérêts du tiers-état, il ne . pourra être nommé député aux Etats généraux qu’après avoir renoncé à sondit privilège. Art. 7. Demanderont que la taille et les autres impositions soient converties en une seule subvention et réparties sur l’universalité des biens, comme aussi à raison de l’industrie dans le commerce et dans tous autres états, il soit imposé une taxe personnelle par forme d’industrie, afin que les propriétaires fonciers ne supportent pas seuls les charges de l’Etat. Art. 8. Que iesdits deux députés d’entre nous demanderont et insisteront à ce que la somme qui sera fixée de subvention soit répartie sur tous (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. 31