[8 décembre 1790 | [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 326 que les médailles en cuivre qui doivent être frappées, en mémoire de l’abandon de tous les privilèges, seront exécutées jusqu’au nombre de douze cents, y compris les cent trente qui sont déjà frappées; qu’à cet effet les coins, ainsi que des médailles, actuellement déposés aux archives de l’Assemblée nationale, en seront retirés pour être remis à la Monnaie et aux artistes chargés de l’exécution , jusqu’à l’entière perfection de l’ouvrage. Ces médailles seront distribuées à chacun de MM. les députés ; après quoi les coins seront brisés en présence de commissaires; ordonne, en outre, que le prix de ces médailles sera payé par une retenue faite sur le montant des premiers mandats à délivrer à chaque député. » M. le Président annonce qu’il vient de recevoir à l'instant, de la part du ministre de la justice et garde des sceaux, l’extrait d’une lettre écrite à M. de Montmorin , par M. le Prince, évêque deSpire, avec plusieurs pièces qui y sont jointes. (L’Assemblée en ordonne le renvoi aux comités diplomatique et de féodalité.) M. le Président annonce encore à l’Assemblée que les membres qui doivent composer le comité central dont elle a décrété hier l’etablissement sont MM. d’André, Regnaud (de Saint-Jean-d’Angély), de Folieville, Bouche, de Richier et de Grillon le jeune. M. de Folieville propose de débaptiser ce comité et de l’appeler désormais comité de l'ordre du jour. (Cette motion n’a pas de suite). M. Ricard, député de Castres , demande et obtient un congé de trois semaines pour raison de santé. M. le Président lève la séance à trois heures. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 8 DÉCEMBRE 1790. MÉMOIRE SUR LA POLICE DE LA PÊCHE FRANÇAISE présenté à l'Assemblée nationale par les députés des patrons-pêcheurs de Marseille. Juridiction sur la pêche de Marseille. Parmi les juridictions établies à Marseille, il en existe une dont l’origine est aussi ancienne que cette ville, pour juger en dernier ressort tous les différends et contestations sur les faits relatifs à la pêche, entre tous pêcheurs établis en ladite ville, ou fréquentant les mers de Mar-séille, qui s’étendent depuis le cap de l’Aigle jusqu’à la Couronne inclusivement (1). Cette juridiction est exercée par quatre prud’hommes élus dans une assemblée générale des patrons-pêcheurs convoqués à la lin de chaque année, et tenue en présence du lieutenant et du procureur du roi au siège de l’amirauté. (1) La Couronne est un cap dans la Méditerranée. Ces quatre prud’hommes, choisis parmi les pêcheurs, ne peuvent remplir leurs fonctions qu’a-près avoir été installés par les officiers municipaux, et avoir prêté serment entre leurs mains. I. •— Ils ont un auditoire et salle commune où ils tiennentleursaudiencespubliques, le dimanche à deux heures. Rien de plus sommaire que la procédure usitée et constamment suivie de siècle en siècle. Le pêcheur qui a quelques plaintes à former contre un autre, pour contravention à la police de la pêche, ou quelque demande à lui faire à l’occasion de la profession, s’adresse à l’un des gardes ou valets des pêcheurs ; et en mettant deux sous dans une boîte qu’on nomme de saint Pierre, et destinée aux pauvres, il le charge de citer son adversaire, le dimanche suivant. Le défendeur, avant d’être écouté, met aussi deux sous dans cette boîte, et ce sont là tous les épices et vacations. Gela fait, les parties disent leurs raisons aux prudh’hommes assis sur leur tribunal, en manteaux et rabats ; ils les écoutent, les interrogent, entendent les témoins lorsqu’il y a lieu, et presque toujours ils concilient les parties. Toute cetle instruction ainsi que les jugements se passent en public, les portes sont ouvertes aux étrangers, aux curieux, et quoique la foule soit considérable, il est hors d’exemple qu’on ait manqué aux prud’hommes qui ont toujours été en vénération à Marseille (1). S’il n’y a pas moyen de concilier les parties, s’il faut absolument les juger, on appelle d’autres patrons-pêcheurs exerçant la profession qui a donné lieu au litige, qu’on appelle experts ou sapiteurs, et qui ont voix consultative. Les prud’hommes opinent, et le premier prononce en idiome provençal avec cette formule : La loi vous condamne. La partie condamnée paye sur-le-champ, et si elle s’y refuse, on fait séquestrer son bateau et ses filets par les gardes, et la plus prompte expédition suit le jugement le plus simple (2). Les parties plaident en personne, et la chicane est inconnue dans ce tribunal de pairs. Leur code est dans leur cœur et dans la pratique qu’ils ont des procédés de la pêche, il s’est transmis d’âge en âge, et leurs archives renferment d’ailleurs les règlements auxquels ils ont recours au besoin (3). II. — L’existence de cette juridiction tient à l’utilité publique. 1° S’il s’agit d’avoir des matelots pour l’armée navale, le bureau des classes a recours aux prud’hommes qui les ont sous la main, et qui les leur fournissent (4). 2° S’il faut envoyer des bateaux ou des tartanes pour approvisionner une armée, ou pour porter (1) Voyez : A. Lettre de M. Malouet, 27 octobre 1781. B. Lettre du consul d’Espagne à Marseille, 5 avril 1790. G. Lettre du consul de Gènes à Marseille, 7 avril 1790. 1). L ettre de la municipalité do Marseille, 12 mai 1790. (2) Au mois de mars dernier, le patron Mas, catalan, ayant réclamé des filets qu’il avait perdus en mer, d’un patron français, ils lui furent restitués sur-le-champ, et le jugement prononcé enjoignit à tout pêcheur, en pareil cas, de les déposer sans retard à la salle de juridiction, à peine de 50 livres d’amende. Voyez la lettre du consul d’Espagne aux prud’hommes (1. B). . (3) Voyez le recueil en manuscrit relie. (4) A et B. Voyez les deux réquisitions du bureau des classes de Marseille.