78 [Convention nationale.] ARCHU ES PARLEMENTAIRES, i 4 frimaire an W 1 1 (81 novembre 1793 assemblée générale, lorsqu’elle fut informée de la trahison qu’elle vient de vous dénoncer. J’ai eu le bonheur d’assister à cette assemblée. A peine y eut-on entendu la lecture de la lettre du représentant Laplanche, que plus de 4,000 voix firent entendre ce cri : « Qu’on les fusille ! » L’opinant a demandé que cet acte sublime fût placé à côté de celui de Brutus que nous a transcrit l’histoire romaine. Thuriot a observé qu’il ne fallait pas être étonné de la trahison du bataillon, puisqu’il ren¬ fermait des nobles, marquis, comtes, barons, ecclésiastiques, etc. « Ce sont eux, a-t-il ajouté, qui ont levé l’ étendard de la rébellion, et j’aime à croire que le crime n’est pas général. J’en juge par le civisme et les larmes de ces pères de famille qui, plus grands que les Brutus et les Sccevolas, viennent appeler la vengeance de la loi sur la tête de leurs enfants. Je demande que les citoyens qui font une démarche aussi sublime soient déclarés avoir bien mérité de la patrie. » La Convention a décrété cette motion pour toute la section des Tuileries, dont la con¬ duite sera aussi inscrite au recueil des actions héroïques, et de plus l’insertion en entier au Bulletin de son discours et de son arrêté, qui seront imprimés et envoyés aux départements, aux armées et aux Sociétés populaires. C’est au milieu des plus vifs applaudissements que ce décret a été rendu. IV. Compte rendu du Journal de Berlet (1). La section des Tuileries, informée par une lettre de Laplanche, représentant du peuple à Cherbourg, que le 11e bataillon de Paris, composé des jeunes gens de la réquisition de son arrondissement, s’est insurgé à Coutances, et a osé chanter : O Richard! ô mon roi! etc... se présente en masse à la barre pour demander que les traîtres soient fusillés. « S’il le faut, dit l’orateur, nous irons nous-mêmes remplacer ces enfants coupables et réparer ce grand attentat. Nous demandons _à porter à Cherbourg le décret que vous rendrez. » Le Président. Il est douloureux sans doute pour des pères et des mères d’accuser leurs propres enfants; il est encore plus douloureux pour des républicains d’avoir à dénoncer de nouveaux traîtres. Vous demandiez vengeance, vous l’obtiendrez. Merlin (de Thionville). Un Romain fonda la République en faisant couler le sang de ses deux fils. Plus de 600 républicains français demandent la mort de leurs fils traîtres à la cause de la liberté. Tremblez, tyrans du monde, puisque vous voyez ici 600 Brutus. (Vifs applau¬ dissements. ) Je demande que deux représentants du peuple (1) Journal de Perlel [n° 429 du 5 frimaire an II (lundi 25 novembre 1793), p. 444]. soient adjoints à Laplanche pour s’enquérir des coupables, des faire punir et absoudre les innocents. La pétition est renvoyée au comité de Salut public. La Convention nationale décrète que la sec¬ tion des Tuileries a bien mérité de la patrie, ordonne que son arrêté sera inséré au Bulletin, affiché dans toutes les sections de la Répu¬ blique et rapporté dans les annales qui doivent transmettre à la postérité les traits d’héroïsme des défenseurs de la liberté. Ce décret sera envoyé aux armées et à toutes les Sociétés popu¬ laires. V. Compte rendu des Annales patriotiques et littéraires (1). La République française est à son berceau; mais déjà elle peut compter dans ses annales des faits aussi héroïques, aussi grands, que ceux qui ont jeté un si brillant éclat sur les répu¬ bliques anciennes. La section des Tuileries s’est présentée tout entière à la Convention. Une douleur profonde était peinte sur la physionomie des pères et des mères qui défilaient dans le sanctuaire des lois. L'orateur, dans un discours énergique, a té¬ moigné l’indignation qui s’était emparée de la section en apprenant la conduite de quelques jeunes gens de cette section qui, presque en face de l’ennemi, ont eu la lâcheté de . répéter ce chant impie : O Richard! ô mon roi ! L'orateur, au nom des pères, des mères de ces enfants ingrats a demandé que la hache nationale frappât les coupables. Un mouvement d’admiration a saisi les légis¬ lateurs à la vue de ces Brutus nouveaux. Merlin a proposé de consigner dans le jour¬ nal des belles actions ce dévouement sublime et l’insertion de la pétition au Bulletin. Thuriot a demandé qu’il fût décrété que les citoyens signataires de cet honorable arrêté avaient bien mérité de la patrie et que le comité de Salut public fût chargé d’examiner tous les détails de cette affaire, afin de distinguer les innocents d’avec les lâches. Un membre propose do décréter que la section des Tuileries tout entière a bien mérité de la patrie. Cette dernière proposition est adoptée. La Convention décrète aussi que l’arrêté et la pétition seront insérés au Bulletin et envoyés aux armées. L’Assemblée renvoie au comité de Salut public le fond de cette affaire. (1) Annales patriotiques et littéraires [n° 328 du 5 frimaire an II (lundi 25 novembre 1793), p. 1519, col. 1],