[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 février 1791.] 81 (L’Assemblée ordonne l’impression du rapport de M. Delattre.) M. le Président annonce l’ordre du jour de demain. La séance est levée à 2 heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. FRÉTEAU, EX-PRÉSIDENT. Séance du jeudi 10 février 1791, au matin (1). La séance est ouverte à 9 heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier, qui est adopté. Un membre : Le décret que vous avez rendu hier en faveur de M. de La Pérouse me fait espérer que vous prendrez en considération l'observation que j’ai à vous proposer; tout porte à croire que ces infortunés navigateurs ont péri ou sont détenus dans la partie occidentale de la Nouvelle-Hollande. Il n’y a qu’un seul établissement en Europe dans la punie orientale de ce vaste continent; c’est celui que b s Anglais ont établi à Botauy-Bay. Dans ce moment, le gouvernement anglais prépare une expédition pour cet établissement. Il est donc très urgent que vous chargiez votre président d’accélérer l’expédition de votre décret, en priant le roi de donner des ordres à l’ambassadeur de France à Londres, de solliciter une lettre du gouvernement pour les administiateurs de Botany-Bay, et de donner tous les renseignements sur le sort de M. de La Pérouse, afin que, lorsque l’expédition que vous venez de décréter ira y prendre terre, elle sache à quoi s’en tenir sur l’objet de ses recherches. M. Delattre, rapporteur des comités d'agriculture� de commerce et de la marine. On ne peut qu’applaudir à la sollicitude du préopinant; mais ce qu’il observe est prévenu par le projet de décret, et même a déjà été rempli à l’avance par la sollicitude du roi, qui, comme j’ai déjà eu l’honneur de l’observer à l’Assemblée, a donné des ordres à son ambassadeur en Angleterre, à la cour de Londres, d’engager à écrire pour s’assurer des démarches qui pourront concourir à la recherche de M. de La Pérouse. Ainsi les ordres sont déjà donnés à cet égard-là. M. Camus Messieurs, les vainqueurs de la Bastille viennent très fréquemment au comité des pensions, pour réclam-r la suite de l’exécution du décret du 14 juillet, dans la partie où il est dit qu’il leur serait accordé une marque d’honneur. Le comité des pensions leur a représenté que cela ne le regardait aucunement, parce que c’est dans la Constitution que l’on doit fixer les marques d’honneur aux personnes qui auront bien mérité de la patrie. Le comité des pensions désirerait que vous prissiez une mesure précise afin de décréter, d’une manière positive, que les vainqueurs de la Bastille seront renvoyés au co-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur. lro Série, T. XXIII. mité de Constitution, lequel vous fera son rapport. M. Voldel . Cette affaire a été soumise à l’examen du comité de Constitution ; il doit vous présenter à cet égard tout ce qu’il croira nécessaire. Je demande, en conséquence, l’ordre du jour. M. Camus. Je demande qu’au moins la décision de passer à l’ordre du jour soit mentionnée dans le procès-verbal. Vous n’avez pas d’idée de la continuité des demandes des vainqueurs de la Bastille. M. ISegnaud (de Saint-Jean-d' Angêly). Vous ne devez pas perdre de vue que, dans une circonstance remarquable, une députation des vainqueurs de la Bastille est venu - faire en leur nom l’abdication des récompenses honorifiques qui leur avaient été accordées. Il a été fait mention de cette renonciation dans le procès-verbal. Si les vainqueurs de la Bastille ont oublié cette démarche généreuse, l’Assemblée ne peut pas l’oublier et elle ne doit pas faire l’inconséquence de mentionner dans son procès-verbal des pétitions dont elle ne veut pas s’occuper. Gomme il serait possible d’en profiter pour exciter des troubles et des mécontentements dont les ennemis de la Révolution profitent avec une funeste adresse, je demande que l’Gn passe purement et simplement à l’ordre du jour. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. Ifcégnier, au nom du comité des rapports, Messieurs, le comité des rapports auquel a été adressée l 'affaire relative aux prétendants droit à la succession de Jean Thierry, m’a chargé de vous eu rendre compte. En 1782, un arrêt du conseil établit une commission extraordinaire pour juger les demandes d-s prétendants droit à la succession de Jean Thierry. La plupart de ces prétendants furent renvoyés par cette commission ; ils demandèrent un autre tribunal, et leur pétition vous fut présentée par voire comité des rapports. On invoqua la question préalable sur le projet de décret qui vous fut proposé. Vous décidâtes qu’il y avait lieu à délibérer, mais vous ajournâtes la décision. Depuis, votre comité a examiné avec Je plus grand soin les prétentions des parties. Il est impossible de refuser un tribunal à celles qui n’ont pas été jugées en 1785. Depuis que toutes les commissions sont détruites, les affaires qui y étaient pendantes doivent être renvoyées aux tribunaux de districts; mais, comme il serait difficile aux parties de s’accorder sur le choix du tribunal, elles vous prient de le déterminer. Nous vous proposons de les renvoyer au premier tribunal de Paris, puisque le plus grand nombre des parties se trouve dans la capitale. Celles qui ont été condamnées par l’arrêt du conseil de 1785 auraient désiré n’êlre pas forcées à recourir à la voie de la cassation ou de la révision, mais le comité n’a pas cru que l’autorité de ja règle pût fléchir en ce cas. L’existence de la succession est établie ; les preuves en ont été recueillies par les soins de MM. James et Thierry de Franqueville; le premier comme dépositaire des pièces justificatives de la succession ; le second, eu qualité de chef de branche et comme procureur fondé, et au nom des légitimes héritiers. Cette succession s’élevait en 1676, déjà à 25 ou 30 mil-6 82 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 février 1791,] lions de capital connu ; il faut y ajouter les intérêts depuis cette époque. L’humanité doit engager l’Assemblée nationale à venir au secours de ces individus, au nombre de 2,000, qui, lors même qu’ils seraient reconnus par les tribunaux comme héritiers légitimes de Jean Thierry, ne pourraient cependant obtenir, de la république de Venise, la succession qu’ils réclament, sans la protection du gouvernement. Sous un point de vue politique, il importe à la France que ces sommes rentrent dans le royaume. Voici en conséquence le projet de décret que j’ai l’honneur de vous proposer: « L’Assemblée nationale décrète que l’instance pendante entre les prétendants droit à la succession de Jean Thierry, en la commission extraordinaire nommée par arrêt du conseil du 31 mai 1782, est renvoyée au tribunal du premier arrondissement du département de Paris, pour y être procédé suivant les derniers errements, et statué sur les demandes des parties, sauf l’appel ; sauf pareillement les voies de droit, s’il y a lieu, contre les jugements rendus par la commission ; « Décrète, en outre, que le comité diplomatique prendra les mesures convenables pour procurer la pleine et entière exécution des jugements qui interviendront. » M. Regnaud (de Saint-Jean-d’Angély). La dernière disposition présentée par le comité est à mon sens destructive des principes constitutionnels posés par l’Assemblée nationale elle-même; l’attribution au comité diplomatique est attentatoire aux droits du pouvoir exécutif. Je demande, en conséquence, que l’exécution des jugements rendus soit confiée à ce dernier. M. Régnier, rapporteur. Je conviens de la justesse d-votre observation dans la thèse générale, mais le comité des rapports a conçu que les sommes qui sont entre les mains de la république de Venise intéressaient essentiellement la nation. Je ne prétends pas proposer que l’on dépouille le pouvoir exécutif de ce qui lui appartient, aussi ce n’est pas l’objet du décret; car, en proposant de renvoyer au comité diplomatique, c’est pour qu’il s’assure de la quotité des sommes qu’il s’agit de récupérer et, ensuite, lorsqu’il aura constaté que, par la réalité de la succession et par son importance, la nation elle-même doit y mettre un grand intérêt, il prendra les mesures convenables pour donner l’impulsion au pouvoir exécutif qui, de son côté, remplira à cet égard les fonctions qui lui sont attribuées par la Constitution. Je m’en rapporte, d’ailleurs, pour trancher cette question, à la décision de l’Assemblée. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Ângêly). J’admets l’objet d’intérêt que propose M. le rapporteur, mais je ne saurais admettre le mode très Inconstitutionnel qu’il vous présente. J’insiste pour le renvoi au pouvoir exécutif. (La motion de M. Regnaud est décrétée.) Le projet de décret est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète que l’instance pendante entre les prétendants droit à la succession de Jean Thierry, en la commission extraordinaire nommée par arrêt du conseil du 31 mai 1782, est renvoyée au tribunal du premier arrondissement du département de Paris, pour y être procédé suivant les derniers errements, et statué sur les demandes des parties, sauf l'appel ; sauf pareillement les voies de droit, s’il y a lieu, cou tre les jugements rendus par la commission. « Décrète, en outre, que le roi sera prié de prendre les mesures convenables pour procurer la pleine et entière exécution des jugements qui interviendront. » M. Dauchy, au nom du comité des contributions publiques. Messieurs, vous avez ajourné le décret qui vous a été présenté sur l’échange du Clermontois; je dois vous observer que cet ajournement produit des retards légitimes dans les impositions de ce pays. Le nouveau mode de contribution commence, en effet, à s’y établir et cependant les anciens droits continuent à y être perçus au profit de M. de Condé. Les habitants ont donc quelque lieu de se plaindre, attendu, disent-ils, qu’ils ne peuvent être assujettis en même temps aux nouvelles et aux anciennes impositions. Il est donc nécessaire de prononcer incessamment sur cette affaire; je demande que la discussion en soit fixée à l’une de nos prochaines séances. (L’Assem'blée fixe la discussion du projet de décret relatif à l’échange du Clermontois à la séance de samedi soir.) M. Rauchy,au nom du comité des impositions. Messieurs, vous avez obligé les soumissionnaires pour le bail des messageries à fournir un cautionnement de 2 millions en immeubles. Ce cautionnement est nécessaire pour la responsabilité des objets confiés aux messageries et, pour les autres engagements à l’égard du Trésor public. Vous avez de plus obligé les nouveaux fermiers à payer , immédiatement après leur adjudication, aux anciens fermiers et sous-fermiers, tous les objets servant à l’exploitation, tels que chevaux, voitures, etc. L’adjudication a été suspendue par le motif qu’il est impossible qu’aucune compagnie puisse faire, au moment même de l’adjudication, le remboursement de ces effets, non encore inventoriés. Vous les avez déclarés insaisissables, et cependant Ja reprise du service doit se faire au même moment; et d’après votre décret, il pourrait résulter, de la part des sous-fermiers, un refus de fournir à la nouvelle compagnie les objets d’exploitation. Votre comité a pensé qu’il suffisait que les soumissionnaires justifiassent de la possibilité où ils se trouvent d’effectuer promptement ce remboursement. En décrétant cette disposition, vous préviendrez les difficultés qui pourraient s’élever à la prochaine séance d’adjudication, sur l’interprétation même de la loi. Voici e projet de décret que je vous propose : * « L’Assemblée nationale décrète que le ministre des finances, avant l’adjudication du bail des messageries, fera justifier à chacune des compagnies qui se présentera, qu’elle a, en outre des 2 millions de cautionnement exigés par le décret des 6, 7 et 8 janvier dernier, les moyens nécessaires pour monter le service et effectuer le remboursement comptant du mobilier servant à cette exploitation. » M. Moreau. Il me semble que le premier décret exigeait le cautionnement, non pas des soumissionnaires, mais seulement de la part des adjudicataires. Je fais une seconde observation qui tient à la première : une compagnie de près de 600 maîtres de postes s’était présentée pour faire l’acquisition du bail des messageries ; fai-