588 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 129 juin 1791.j dont on parle, qui n’ont cessé de demander à l’Assemblée de servir la patrie. Il en est dont le roi de Prusse, Frédéric, faisait un tel cas, qu’il les avait placés à la tête de son école de guerre. Ce sont ces mêmes hommes qui, n’étant pas nés nobles, ont été continuellement exclus de notre service; qui, aujourd’hui, trouvant ies mesures différentes, et sachant qu’il y a une foule de places vacantes, et qu’on peut occuper, ne demandent pas mieux que de se soumettre à tous les examens d’usage. Mais ils demandent de servir dans un moment où le patriotisme doit être une des premières vertus nécessaires avec l’expérience, celle qui est certainement la plus utile. M. d’Estonrmel. Quoi qu’il y ait un grand avantage à faire rentrer les officiers de service qui se sont expatriés, je ne crois pas qu’ils aient mérité le très grand éloge qu’on nous en a fait, parce que je doute qu’ils aient pu l’acquérir depuis 10 ans; ou du moins il n’v en aura qu’un très petit nombre qui ont assez de talents pour pouvoir l’emporter sur tous les autres. Mais je crois que. quand aous avons des officiers réformés par nos décrets, à qui ou a ôté la possibilité de rentrer au service, il faut que ces demandes soient renvoyées au comité des pensions. Vous avez encore une autre classe d’hommes qui, certainement, sont bien dans vos décrets: ce sont les gendarmes réformés qui avaient brevet d’officiers, qui se sont tous mis dans la garde nationale, et qui, dans ce moment-ci, ont presque tous demandé des emplois dans la gendarmerie nationale. Il serait injuste qu’ils fussent exclus. Je pense donc que l’article doit être renvoyé au comité. M. Chabroud. A entendre le préopinant, il semblerait que le décret tend à exclure quelqu’un. Ce décret n’a pas un pareil objet; il est fondé sur la déclaration des droits, sur l’égalité qui doit être entre tous les citoyens. Par les usages de l’ancien régime, il était des citoyens qui ne pouvaient pas avancer. Ces citoyens s’étaient expatriés; ils avaient porté ailleurs leurs talents. Le décret que propose le comité militaire ne fait autre chose que leur donner la jouissance d’un droit dont ils ont été longtemps privés. Il ne vous propose aucune préférence; il n’est pas question de les faire passer avant les citoyens qui ont des droits; il est ques'ion de les mettre sur la même ligne. Je demande donc qu’on mette ce décret aux voix. M. Le Chapelier. Je suis aussi d’avis qu’il faut, autant qu’il est en nous, et autant que la déclaration des droits le prescrit, séparer l’injustice qui a été la suite de l’ancien régime. J’appuie fortement le décret, et je n’en critique que la rédaction. Je demanderais qu’au lieu des mots trop généraux : « leurs talents, leurs services , leur patriotisme pourront leur mériter, » il fût dit: « Tout officier français qui a passé au service des puissances étrangères, et qui s'est déterminé à rentrer en France , pourra être employé dans les troupes françaises, chacun suivant leurs grades. » • M. de Wimpfen. Le comité adopte l’amendement deM. Le Chapelier et vous propose le décret suivant : « Les officiers français qui auraient passé au service des puissances étrangères, et qui, depuis la Révolution, ont demandé à rentrer au service de leur patrie, pourront y être reçus, ainsi que les officiers des régiments provinciaux. » M. Lavïe. Je demande, par sous-amendement, que tous ceux qui n’ont pas continué ce service dans quelque corps, ou ceux qui n’auraient pas servi dans les gardes nationales eu soient exclus nominativement. M. Gaultier-Biauzat. La condition que l’on propose d’exiger, que les officiers dont il s’agit doivent justifier qu’ils ont servi dans la garde nationale me paraît trop vague. Je demande que le projet de décret soit renvoyé au comité militaire, pour être rapproché des'décrets précédents. M. Chabroud. Les différentes observations qui ont été faites ne sont pas des amendements à l’article; ce sont d’autres dispositions qui sont proposées. Le comité, qui a pris connaissance en ce moment des demandes qui sont faites par les Français servant en pays étranger, vous propose un décret à leur égard ; d’un autre côté, on vous propose des dispositions relatives aux gendarmes et aux officiers des grenadiers royaux. Il est évident que ce qu’on déclare à l’égard de ceux-ci ne tend point à altérer ce que Je comité vous propose pour les autres. Plusieurs membres : Si ! si ! M. Merlin. Je demande que le projet soit renvoyé au comité, et surtout qu’il soit combiné avec le décret par lequel vous avez prescrit un mode de remplacement pour les officiers qui sont dans le cas d’être destitués. (L’Assemblée décrète le renvoi du projet de décret au comité militaire.) M. de Mouilles, rapporteur. Voici maintenant le projet de décret du licenciement des gardes du corps : « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité militaire, décrète ce qui suit : « Art. 1er. Le traitement des officiers, sous-officiers et gardes du corps licenciés par le décret du 27 juin 1791, sera pris sur la liste civile, à compter du 1er juillet 1791. « Art. 2. Tout officier, sous-officier et garde du corps ne pourra ootenir la pension ci-dessous détaillée, qu’autanl qu’il présentera, sous l’espace de 3 mois, au ministre de l’intérieur, des certificats des officiers municipaux ou corps administratifs des lieux qu’il aura habités, depuis le mois d’octobre 1789, qui attesteront qu’il a tenu une conduite sans reproches. « Art. 3. Les officiers, sous-officiers des gardes du corps qui ont 10 années de service, ies campagnes de guerre comprises, recevront le tiers de leurs appointements. Ceux de 10 à 25, la moitié, ceux de 25 à 35, les 2 tiers ; ceux de 35 à 40, les 3 quarts ; ceux de plus de 40, le traitement entier. « Art. 4. Le traitement des officiers, sous-officiers et gardes du corps leur sera payé par semestre. « Art. 5. Seront susceptibles de rentrer dans les troupes de ligne et gendarmerie nationale, les officiers, som-officiers et gardes du corps. » M. Legrand. C’est à la liste civile à payer les pensions et les traitements des gardes du corps. M. de Moailles, rapporteur . Il y a dans les gardes du corps un grand nombre d’individus qui ont rendu de grands services et qui sont dans la misère. Ils sont très inquiets de leur [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES, malheureux sort et il importe de faire cesser leurs inquiétudes et leurs besoins. Plusieurs membres insistent pour que les pensions soient payées par la liste civile. M. de Wimpfen. Il y a dans les gardes du corps plusieurs individus qui ont servi longtemps dans l’armée de ligne, et il faut une disposition particulière à leur égard. Je demande qu’ils soient replacés dans la troupe de ligne. M. Legrand. Ces officiers sont ceux qui méritent le moins d'égards, parce qu’ils ont quitté la ligne pour acheter un emploi plus avantageux dans la garde militaire du roi. M. Chabroud. Les gardes du corps ont pris leur traitement sur la liste civile tant qu’ils ont subsisté ; et si le roi les eût réformés, c’eût été à lui à les indemniser par des pensions ou des retraites. Mais c’est en vertu d’un décret du Corps législatif qu’ils sont supprimés. Il est donc juste que les pensions et traitements soient à la charge de la nation. Je propose le renvoi au comité sur cet objet. M. Gaultier-Biauzat. Lorsque la liste civile a été décrétée, l’intention bien manifeste de l’Assemblée a été que les pensions et traitements des gens, formant le service de la maison du roi, fussent pris sur cette liste, tout comme leurs appointements. Je propose de n’admettre ces officiers réformés que sur des certificats de leurs municipalités, qui attesteront leur bonne conduite pendant la Révolution. M. de Broglie. Je demande que la retraite des gardes du corps leur soit comptée à raison de leur service dans la ligne et dans les gardes du corps. M. Chabroud. Je demande qu’au lieu du mot traitement on emploie celui de pension de retraite. (L’Assemblée ordonne l’impression et l’ajournement du projet de décret.) M. le Président. Voici une lettre de plusieurs citoyens du département de l’Oise ; elle renferme des sentiments patriotiques et rend compte des mesures prises dans ce département à la nouvelle du départ du roi. A cette lettre sont jointes plusieurs autres lettres saisies sur un courrier ; elles sont à l’adresse de M. de Penthièvre, de M. d’Orléans et de plusieurs personnes de leur suite. Je prends les ordres de l’Assemblée pour savoir ce que je dois en faire. M. de Crillon jeune. Le courrier qui portait ces lettres a été détenu pendant plusieurs jours à Beauvais. D’après les décrets que vous avez rendus sur la libre circulation des personnes, il a été remis en liberté. Je crois que la mesure à prendre actuellement est de mettre ces lettres à la poste pour être rendues à leurs adresses. (Cette motion est adoptée.) M. le Président donne lecture de la liste des membres qui doivent assister à la procession de demain à Saint-Germain-l’Auxerrois. M. Duport, au nom des comités de �Constituez juin 1791.J 589 tion et de révision. Messieurs, le comité de Constitution et plusieurs membres de celui de révision se sont crus appelés à considérer de la manière la plus étendue, la position dans laquelle se trouvent actuellement la nation et l’Assemblée nationale. Le parti qu’ils vont vous proposer est Je résultat d’une longue discussion; ils ont d’abord considéré, dans la situation où nous nous trouvons, trois objets principaux : le premier, c’était les mesures nécessaires de précaution, de prudence et de sûreté relativement à notre défense, tant intérieure qu’extérieure. Les plus importâmes ont été prises par vous; l’exécution va s’ensuivre et les gardes nationales dans les différentes parties du royaume, et notamment à Paris, commencent à s’inscrire et vont accomplir cette portion du serment qui les lie à la défense intérieure et extérieure de l’Etat, lorsque les circonstances l’exigeront. Le second objet également nécessaire étant de régler les relations que vous deviez avoir dans ce moment avec le chef du pouvoir exécutif. Sur cela vous avez déjà pris le parti que les principes et les circonstances indiquaient, et dans ce moment il n’a pas paru urgent de vous présenter des dispositions ultérieures. Il reste un troisième objet qui est d’examiner, d’une manière générale, le parti qu’il y aura à prendre relativement aux circonstances actuelles. Si nous n’avions pas été obligés d’établir la Constitution, en détruisant, en édifiant, en administrant tout à la fois, nous aurions suspendu tous les pouvoirs, mais il a fallu les faire marcher parallèlement. Aujourd’hui les circonstances nous ramènent aux principes ; nous avons pris le parti qu’il y avait à prendre, et toute précaution ultérieure est inutile pour le moment. Nous venons vous présenter des mesures générales d’après lesquelles il sera très facile d’assurer l’exécution de la résolution que vous aurez prise. Il nous a paru utile que, dans une circonstance aussi intéressante, les événements ne nous dominent point, mais que, par la réflexion et par la prévoyance, nous parvenions à dominer les événements. Il nous reste à savoir quels sont les mouvements des puissances étrangères, quel est le degré de leur participation aux événements qui viennent de se passer. Quelle que soit votre détermination, il n’en existe point qui ne rencontre dans l’opinion beaucoup de résistance ; pour cela, Messieurs, il faut qu’après l’avoir déterminé, vous l’appuyiez de toute la force de l’opinion générale qu’il faudra opposer à toutes les opinions particulières qui pourraient vous entourer, et à toutes celles qui pourraient chercher à vous diviser, à discréditer le parti que vous aurez pris. C’est ainsi que vous pouvez faire cesser cet état d’incertitude. Telle est l’idée qui a saisi tous les membres de votre comité. D’après cela, il nous a paru que ce moyen de cimenter notre délibération ne pouvait pas avoir lieu par l’effet d’une délibération partielle; et c’est là le principal motif qui a déterminé votre comité de Constitution à vous proposer de suspendre la nomination des députés au Corps législatif, en suspendant les corps électoraux. Dans un gouvernement représentatif la délibération ne peut être placée qu’au centre ; sans cela, la volonté des parties serait prédominante sur la volonté générale; sans cela, le premier caractère du gouvernement représentatif est détruit. Votre comité a encore pensé qu’il fallait reproduire une circonstance pareille à celle dans la-