768 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er mars 1790.] aux droits dont l’article 14 prononce la suppression ceux de Chasse-Mannée ou de Quette-Moute, usités dans la coutume de Péronne. M. Merlin, rapporteur, adoptant la plus grande partie des amendements, propose de substituer à la première rédaction une nouvelle rédaction. On demande la division des articles. La division est repoussée. M. Merlin, rapporteur. Le comité reconnaît que la rédaction nouvelle qu’il propose est défectueuse pour l’article 15. Il vous demande de décréter le fond, sauf à vous représenter l’article à la séance de demain, avec les corrections de style dont il est susceptible. Sous le bénéfice de cette observation, les articles 14 et 15 sont mis aux voix et adoptés en ces termes : Art. 14. « Tous les droits de banalité de fours, moulins, pressoirs, boucheries, taureau, varrat, forges et autres, ensemble les sujétions qui y «ont accessoires, les droits de verte-moute et de vent, le droit prohibitif de la quête-mouture ou chasse des meuniers, soit qu’ils soient fondés sur la coutume ou sur un titre acquis par prescription, ou confirmés par des jugements, sont abolis et supprimés sans indemnité, sous les seules exceptions ci-après : « Art. 15. Sont exceptées de la suppression ci-dessus, et seront rachetables : « 1° Les banalités qui seront prouvées avoir été établies par une convention souscrite entre une communauté d’habitants et un particulier non -seigneur; « 2° Les banalités qui seront prouvées avoir été établies par une convention souscrite entre une communauté d’habitants et un seigneur, pour l’intérêt et l’avantage desdits habitants, et par laquelle le seigneur ne se sera pas seulement obligé à bâtir ou entretenir les usines et objets nécessaires au service de la banalité; 3° Celles qui seront prouvées avoir eu pour cause une concession faite par le seigneur à la communauté des habitants, de droits d’usages dans ses bois ou prés, ou de communes en propriété. » M. le Président. Demain, la séance ouvrira à 9 heures. Elle commencera par la lecture, de la part du rapporteur du comité féodal, de l’article 15 qui vient d’être voté sous réserve de rédaction, après quoi viendra l’affaire des colonies. (La séance est levée à quatre heures.) ANNEXE à la séance de V Assemblée nationale du Ier mars 1790. M. Pellerin, députéde Nantes (1). Réflexions sur la traite des noirs (2). Messieurs, une société qui dit (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. (2) Le jour que la députation de Bordeaux (25 février) vint supplier l’Assemblée nationale de décréter la continuation de la traite des noirs, je me fis inscrire pour porter la parole dans cette affaire. Comme elle a été renvoyée au comité nommé par l’Assemblée nationale pour l’examen de tout ce qui intéresse nos colonies, je me suis décidé à imprimer le discours que je me proposais de faire afin de le servir aux membres de ce comité. ( Note de M. Pellerin.) tenir sa mission de l’humanité, vous demande Vabo-lition de la traite des noirs. Cette société est formée d’hommes choisis, et pour soutenir la cause qu’elle porte au tribunal de la nation, elle fait valoir de puissants moyens. Composée d’une multitude de gens de lettres, de savants académiciens, de citoyens distingués, elle compte encore parmi ses coopérateurs et peut-être parmi ses membres des étrangers illustres, qu’un intérêt commun paraît avoir rapprochés d'elle, malgré les rivalités qui jusqu’ici avaient divisé leur nation de la nôtre. Les moyens que ces deux sociétés alliées, au grand étonnement de l’Europe, invoquent à l’envi dans l’affaire majeure de l’affranchissement des nègres, c’est la liberté de l’homme, le premier don de la nature ; c’est l’humanité, la première de toutes les vertus. La société des Amis des noirs veut venger une nombreuse portion du genre humain de l’oppression, sous laquelle elle assure qu’elle gémit depuis deux siècles. Les adversaires de cette sociétédéjà trop célèbre, ce sont tous les habitants des colonies, nos compatriotes, et nos frères ; ce sont les négociants de toutes les villes maritimes de France; ce sont tous les manufacturiers, tous les artistes, ce sont les marins nombreux qui remplissent nos ports; que dis-je, Messieurs? C’est la France entière qui défend à cette réclamation inconsidérée, dont le succès, s’il pouvait avoir lieu, ruinerait pour toujours le plus beau royaume, l’état le plus ancien de l’Europe, le plus florissant de l’univers. La France ne combat ce système combiné de la société qui a pris naissance dans la capitale, et de celle que Londres a produit, que pour conserver l’existence à des milliers de colons, menacés d’être égorgés par leurs esclaves, que pour soutenir la fortune et la vie de plusieurs millions d’hommes, nos concitoyens, qu’alimente le commerce des colonies; gue pour défendre ses ports qui seraient bientôt insultés, des provinces qui seraient bientôt ravagées, si sans marine et sans forces, elle n’était plus en état de repousser ses ennemis, devenus plus puissants et plus hardis que jamais, par notre chute et notre faiblesse. À ces raisons qui ne sont pas sans mérite dans une assemblée nationale, les adversaires des amis prétendus des noirs, joignent encore des considérations de quelque crédit. C’est que l’humanité bien entendue, ne favorise pas le système de cette société, autant qu’elle se plaît à le croire; c’est que, dans cette cause de la liberté qu’elle réclame à si grands cris pour ses protégés, obtiendrait-elle tous les succès qu’elle poursuit aujourd’hui, jamais elle ne fera du peuple africain un peuple libre; elle n’assurera pas même la liberté des familles éthiopiennes, transplantées dans nos colonies. Ainsi, Messieurs, une société philanthropique d’un côté, la France et nos idées de l’autre ; un beau système de philosophie, d’une part; et d’autre part, l’intérêt politique de tout un royaume concilié avec les principes sacrés d’une humanité sagement réglée: voilà en deux mots toute l’affaire relative à la traite des noirs, telle qu’elle se présente devant cette auguste Assemblée. Permettez, Messieurs, à un citoyen qui n’est ni commerçant, ni planteur, de plaider dans cette cause que l’on vous dit être celle de la liberté. Il désire vous prouver qu on abuse encore de ce beau nom, de la même manière qu’on abuse un peuple qui s’égare et qui appelle liberté les excès de la licence. Je ne vous dirai pas, comme plusieurs des fauteurs de l’esclavage des Africains attachés à la culture de nos colonies, que ces peuples