744 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mai 1790.J un canal qui, joignant la Marne depuis Meaux à la Seine et à Paris, et la Seine à l’Oise, et se prolongeant de là jusqu’à Dieppe, ouvre la navigation la plus prompte, la plus facile, la plus utile à la capitale et aux provinces qu’il traverse. Ce canal pour lequel il n’y a aucun fonds à faire, puisque l’auteur du projet se propose de les fournir et de ne commencer que quand le tiers de ses fonds sera évidemmentassuré,emploieradanssaprolongation plusieurs milliers d’ouvriers. Ce canal, pour être ouvert, devra être décrété par l’Assemblée. Nous en avons pris connaissance, comme d’un moyen prompt de fournir du travail. Nous croyons pouvoir vous assurer de son importance, mais nous n’avons pas cru devoir vous en soumettre le projet avant d’avoir consulté, sur la facilité de son exécution et sur ses avantages, l’Académie des sciences. Il sera incessamment revêtu de toutes les approbations qui ne vous laisseront aucun doute sur son utilité, et si vous nous y autorisez, nous vous le présenterons de concertavec le comité de commerce et d’agriculture. Un grand nombre de membres réclame une seconde lecture de ce projet de décret. La lecture a lieu. Le décret est ensuite adopté sans réclamation. M. le Président cède le fauteuil à M. le baron de Menou, ex-président, et se rend chez le roi avec la députation de l’Assemblée. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion sur le plan de l' organisation du clergé. M. Treilhard a la parole. M. Treilhard (1). Messieurs, les vices du gouvernement français avaient corrompu toutes les classes de citoyens ; et le clergé, malgré les vertus de plusieurs de ses membres, n’avait pu résister à la fatale influence d’une mauvaise constitution. Des établissements sans objet et sans utilité, des évêchés et des cures d’une étendue démesurée, ou d’une petitesse extrême, des grâces versées sans discernement et sans choix, des hommes oisifs largement salariés, des hommes utiles négligés et dans l’indigence : tel est le tableau que vous offrait l’organisation du clergé ; tels sont les maux dont la nation a déjà reçu ou attend de vous le remède, Le pian qu’a présenté le comité, embrasse trois objets : la réduction des titres de bénéfices à ceux qui peuvent être nécessaires ou utiles, la manière de pourvoir à ces titres, et la fixation des traitements qui y seront attachés. Les changements qu’on vous propose sont-ils utiles? Avez-vous le droit de les ordonner ? C’est dans ces deux questions que je renferme toute la discussion. Je commence par examiner si ces changements présentent un grand avantage ; car s’ils n’en offraient pas, il serait superflu de décider que vous pouvez les faire. Première question. Lorsque vous fixez vos regards sur deux cures, dont l’une a dix lieues de circonférence, et dont l’autre ne renferme pas dix feux ; lorsque vous (1) Le discours de M. Treilhard est incomplet au Moniteur. sortez d’un évêché qui embrasse près de quinze cents cures, pour entrer dans un autre qui n’en a pas vingt; lorsque vous voyez le pasteur d’un territoire immense, réduit à une portion congrue de 700 livres, forcé, par conséquent, de laisser sans secours un père de famille affaibli par les ans, le besoin et la maladie, ou de rte l’assister qu’en se privant lui-même du plus absolu nécessaire ; lorsque, dans cette même cure, s’élève un bâtiment somptueux, chef-lieu d’un bénéfice inutile, dont le titulaire réunit sur sa tête la fortune de cent ecclésiastiques utiles, etn’est connu sur les lieux que par les fermiers qui le payent; ne serait-on pas tenté de croire qu’un hasard aveugle a présidé à une pareille organisation, et qu’il a dû suffire d’entrevoir ce désordre pour le réprimer ? Cependant, Messieurs, il existe, ce désordre; il existe depuis plusieurs siècles, et il a trouvé jusqu’à ce jour des appuis et des défenseurs ; car il est des personnes auprès de qui le temps a le pouvoir de tout légitimer, et l’esclavage lui-même n’a pas manqué d’apologistes. Mais le moment est venu, où tout ce qui est abusif doit être réformé : je ne demanderai donc pas s’il faut changer l’ancien état ; j’examinerai seulement si les bases des changements proposés sont convenables ; nous discuterons ensuite vos pouvoirs et vos droits. Dans le premier titre du plan du comité , on propose la réduction du nombre des évêchés et des cures, et la suppression de tous les bénéfices inutiles. Personne assurément ne disconviendra qu’un bénéfice quelconque, évêché ou cure, doit être assez étendu pour occuper un titulaire, et qu’il ne doit pas l’être assez pour l’accabler : si le bénéfice est trop grand, il est mal desservi ; s’il est trop considérable, le titulaire, en proie à l’oisiveté et à toutes ses suites, est presque toujours à charge à lui-mème et aux autres ; heureux encore s’il n’est pas un objet de scandale ! Une nouvelle circonscription sera donc évidemment utile : elle doit l’être pour le pasteur à qui on n’imposera qu’un fardeau proportionné à ses forces ; pour les fidèles, auxquels on assurera une distribution plus égale et plus facile des secours spirituels ; pour l’Etat, qu’il ne faut pas surcharger par une multiplication excessive de titres; pour la religion enfin, à laquelle des esprits légers et frivoles n’imputent que trop souvent l’irréguralité et les abus des établissements ecclésiastiques. Je n’examine point ici si vous devez adopter, pour ces réductions, toutes les bases de votre comité: si, par exemple, vous aurez quatre-vingt-trois évêchés, plus ou moins ; si vous donnerez aux curés de campagne une demi-lieue de rayon ou plus; tous ces détails seront discutés en particulier. Il me suffit, quant à présent, d’avoir établi l’utilité des réductions dans le nombre des évêchés et des cures : il existe trop d’évêchés et trop de cures; il existe des évêchés et des cures trop étendus; il en existe encore plus qui ne le sont pas assez : la nécessité d’une organisation nouvelle dans ce moment de régénération, ne peut donc pas être équivoque. Il n’est pas moins nécessaire de supprimer les titres sans fonctions. Pourquoi? ..... ils sont inutiles. Les bénéfices simples et non sujets à résidence sont si abusifs, et si contraires à l’esprit de l’Eglise, qu’il ne se présentera sans doute personne pour les défendre. On sait aussi que, dans le prin-