[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARI lit une lettre par laquelle on l’informe du meurtre commis sur M. de Fitz-Jean-de-Sainte-Co-lombe, à l’assemblée primaire tenue à Viteaux le 28 avril. On a fait souffrir tous les tourments de la mort la plus longue et la plus barbare à ce malheureux gentilhomme; on l’a percé de six coups de couteau, on lui a introduit un bâton dans les oreilles et on l’a traîné dans la fange; on a été trois heures à lui arracher la vie. (L’Assemblée renvoie cette affaire au comité des rapports, qui en rendra compte jeudi prochain.) Une députation du département des Ardennes est introduite à la barre. M. Bailly, électeur, député de Charleville, organe des députés extraordinaires des électeurs des Ardennes, des villes de Mézières et de Charleville, prononce le discours suivant : Messieurs, électeurs et députés particuliers des villes de Mézières et Charleville nous venons rendre hommage à la sagesse des lois que vous avez portées. Nous étions esclaves, vous nous avez créés citoyens libres; vous avez renversé le colosse ministériel qui écrasait le peuple. Les déprédations énormes des finances avaient mis le royaume à deux doigts de sa perte, vous le sauvez en sondant la plaie dans toute sa profondeur, et en établissant un ordre inaltérable dans l’administration des revenus publics. Les provinces étaient opprimées par des commissaires, vous leur avez substitué des corps administratifs, composés de citoyens dont vous éclairerez et surveillerez les opérations. La féodalité, ce monstre né de l’ignorance des peuples et de la faiblesse des gouvernements, opposait à la régénération de la France une résistance que l’on croyaitinvincible: votre courage l’a détruit. Ce vaste et superbe empire, ébranlé jadis par des divisions intestines, dont la religion était le prétexte, ne craindra plus de voir son sein déchiré par les excès du fanatisme ; vous avez décrété la liberté des opinions, et, par respect pour la religion catholique, vous venez de lui rendre un hommage digne de sa grandeur en éloignant jusqu’au soupçon qu’il soit besoin d’un décret pour la conserver. Votre nouvelle division du royaume est un chef-d’œuvre qui fait une seule famille de tous les habitants des diverses provinces, qui, divisées d’intérêts, comme par leurs coutumes et leurs privilèges, semblaient être autant de peuplades isolées. Les parlements s’étaient investis d’une sorte de souveraineté rivale de celle qui ne doit résider que dans la nation : vous avez anéanti ces corps devenus dangereux ; vous les remplacez par des hommes qui n’arriveront à l’administration de la justice que par leurs talents et leurs vertus, et en décrétant l’amovibilité des juges, vous avez appris à ces mêmes hommes qu’il faudra être incorruptible pour obtenir l’honneur d'une réélection. Que pourraient maintenant des libelles, des cabales, des insinuations perfides contre tant de bienfaits? Groyez-en, Messieurs, l’amour de la liberté et du bonheur, gravé profondément dans le cœur des Français; tous les efforts des ennemis de la Révolution viendront se briser contre la masse des bons citoyens et des troupes nationales, armées pour le soutien de la Constitution, et la France, sous vos auspices, par vos lois, et animée par l’exemple du meilleur des rois, marche à grands pas vers les plus hautes destinées. Telle est, Messieurs, la profession de foi civique des électeurs du département des Ardennes. i1* Sérié. T. XV. 1MENT AIRES. [4 mai 1190.] 385 Avant la clôture de leur assemblée, ils ODt arrêté par acclamation une adhésion générale à vos décrets, et ils ont ordonné à l’assemblée de département de commencer ses séances par une adresse de remercîment et de soumission à l’Assemblée nationale. Nous sommes chargés de vous l’annoncer. Daignez, Messieurs, en confirmant la délibération des électeurs, leur faire connaître que cette auguste assemblée approuve leur conduite et leur vœu pour le bonheur des administrés. Nous finissons, Messieurs, en vous conjurant, au nom de nos comettants, au nom sacré de la patrie que vous avez créée, de ne point désemparer sans avoir achevé la Constitution. Nous jurons en vos mains de la faire respecter, et de la maintenir de toutes nos forces, et contre les étrangers s’ils pénétraient dans nos frontières, et contre les ennemis de la Révolution s’ils osaient attenter à notre liberté, ou insulter à la dignité du citoyen français. Signé : Hanotin, député de Mézières et membre de l’administration du département; Duvignault, électeur du département des Ardennes et député de Mézières; Bailly, électeur et député de Charleville. M. le Président répond : Messieurs, l’établissement rapidedesdiversdépartements du royaume est un des vœux que l’Assemblée nationale a formé avec le plus d’ardeur. Elle aime à voir que le département des Ardennes ait été un des premiers à se signaler, et par sa promptitude à se signaler, et par sa promptitude à se former et par son empressement à manifester son adhésion à ses décrets; votre éloignement du centre de l’empire n’a pas refroidi les sentiments d’amour que tout Français doit à sa patrie; l’Assemblée nationale a entendu avec une vive satisfaction les expressions de votre zèle pur et clair, et elle vous permet d’assister à sa séance. (L’Assemblée ordonne que l’adresse du département des Ardennes sera imprimée et insérée dans son procès-verbal.) M. Cretté de Palluel, de la société royale d’agriculture, fait hommage à l’Assemblée d’un ouvrage de sa composition sur le dessèchement des marais. L’Assemblée agrée cet hommage. M. Helman, graveur de l’académie des arts de Lille, fait hommage à l’Assemblée d’une estampe réprésentant l’ouverture des Etats-Généraux à Versailles, le 5 mai 1789. L’Assemblé agrée cet hommage. M. le Président donne la parole à un membre du comité des rapports pour faire, au nom de ce comité, un rapport sur l'affaire relative aux désordres arrivés dans la ville de Toulouse , les 18, 19 et 20 avril dernier. M. Huotde Concourt, rapporteur. Messieurs, j’ai l’honneur de vous proposer, au nom de votre comité des rapports, de consacrer par un décret les témoignages de satisfaction et d’approbation que mérite la conduite sage, prudente et ferme tenue par la municipalité de Toulouse dans des circonstances difficiles et orageuses. Le fanatisme et la superstition, déguisés sous le voile de la religion, ont tenté depuis quelque temps d’alarmer, d’irriter les citoyens de celte ville sur plusieursde vos décrets; et c’est au nom de Dieu, c’est en invoquant la Vierge, tous les saints, les saintes du Paradis et toutes les béatitudes célestes; c’est par des insinuations plus mystiques encore, par des exercices et pratiques 25 386 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4maiIÎ90.j religieuses étrangement multipliées, par des processions, des pèlerinages, des adresses anonymes dont l’une est cependant revêtue de la signature et de l’autorisation du sieur Barbasan, vicaire général de M. l’archevêque de Toulouse et qui a été lue au prône des paroisses de cette ville, qu’on est parvenu à rassembler dans les églises, le 28 avril dernier, un grand nombre de confréries, de corporations, et qu’on a en quelque sorte profané les temples par des motions et des délibérations également perfides et coupables. C’est à l’aide des mêmes moyens que le lendemain, 29 avril, une masse énorme de citoyens s’est tumultueusement rassemblée en la salle des Grands-Augustins, où les mêmes motions ont été reproduites sous les formes les plus dangereuses, et que les délibérants, après des discussions, des querelles et des menaces violentes, en soqt venus aux mains, et se sont portés à des excès dont les suites pouvaient être fatales à la tranquillité publique. C’est encore à l’aide des mêmes moyens que le même rassemblement s’est renouvelé en la salle de l’Académie des sciences, que le désordre s’est accru, que les passions se sont développées, que la fureur s’est emparée des esprits, qu’on a crié de toute partaux armes, qu’un grand nombre de personnes, à la tête desquelles était un procureur au parlement, sont sorties subitement d’une maison, armées de fusils et de baïonnettes, ont fait feü sur plusieurs citoyens, |es ont hostilement poursuivis, ont exercé les voies de fait les plus criminelles et que s’il n’y a eu personne de tué c’est parce que l’amorce seule des fusils à pris feu. (La partie droite de l’Assemblée se met à rire.) M. Guillaume. Je demande qu’on mette à l'ordre les membres qui se permettent de rire. Un tel procédé annonce qu’ils sont fâchés qu’il n’y ait que l’amorce qui ait pris feu. M. Huot de Concourt, poursuit. Les coupables ont tellement répandu l’alarme dans la Ville que l’insurrection a failli devenir générale et que des milliers de victimes allaient être immolées, si par une médiation imposante et patriotique, par des exhortations persuasives et conciliatrices, la municipalité ne fût parvenue à dissoudre une assemblée où des Français ont osé refuser de renouveler le serment civique devant le buste de leur roi. G’est à sa municipalité que Toulouse doit son salut. Votre comité ne peut lui refuser cet hommage de vérité et de justice ; mais U avouera avec la même franchise qu’un abus d’autorité, celui dont s’est rendu coupable le sieur abbé Barbasan, en ordonnant la publication au prône d’une adresse anonyme, pouvait ensevelir une grande cité sous ses ruines. G’est à vous, Messieurs, à juger dans votre sagesse ce contraste affligeant sur lequel je me condamne au silence, et je m’empresse de yous annoncer que le lendemain de cette orgie scandaleuse, la municipalité de Toulouse a fait une proclamation aux citoyens par laquelle toute espèce d’assemblée a été provisoirement défendue, jusqu’à ce que l’Â3semblée nationale en ait au-ment ordonné. Je vais, Messieurs, par la lecture des pièces remises à votre comité , vous justifier l’exactitude des faits dont j’ai eu l’honneur de vous faire l’analyse, en les livrant à votre méditation, Puis-sais-je vous dérober des sensations douloureuses dont votre comité a été affecté. (Le rapporteur donne lecture de diverses pièces.) M. Huot de Goncourt reprend ensuite : La lecture que je viens de vous faire n’affaiblit pas le récit qui la précède; il est inutile de l’aggraver en vous récitant une légende de prières, d’oraisons, d’amendes honorables. Pour la dignité de la religion même, votre comité a pensé qu’il fallait tirer un voile sur les livides productions du fanatisme. Il a pensé que le sanctuaire de la justice ne devait ressembler en rien à un auto-dafé. G’est avec une sorte de scrupule qu’il vous observe que c’est à l’époque du 17 mai, qu’on fait annuellement à Toulouse, une procession en mémoire du massacre des Albigeois, et que les pèlerinages que l’on conseille aux citoyens de cette ville ont pour point de ralliement une chapelle élevée dans la plaine où ce massacre a été commis. Votre comité a repoussé avec horreur les idées alarmantes que peuvent faire naître le rapprochement des circonstances et l’analogie des maximes professées dans les pièces imprimées dont il est dépositaire. Dieu, qui veille sur les destinées de cet empire et qui a couronné vos augustes travaux par tant de succès, ne permettra pas qu’on fasse couler, en son nom, le sang des bons patriotes et des vrais chrétiens; ce sang si pur (vous en avez fait le serment) ne pourra désormais être répandu que pour le soutien de la liberté et de la Constitution française. Votre comité m’a chargé de soumettre un projet de décret à vos délibérations. En voici le texte : « L’Assemblée nationale, douloureusement affectée des événements qui ont compromis la tranquillité de la ville de Toulouse, invite tous ses citoyens à la paix et à l’union, que la religion et l’amour de la patrie prescrivent à tous bons Français. « Elle déclare, après avoir entendu son comité des rapports, qu’elle approuve la conduite sage, prudente et patriotique de la municipalité et des légions patriotiques, relativement aux assemblées provoquées par des écrits anonymes, et qui ont eut lieu en ladite ville de Toulouse, dans les églises, en la salle des Grands-Augustins, et en celle de l’Académie des sciences, lés 18, 19 et 20 du mois d’avril dernier; ordonne que les défenses provisoires, faites au nom de la même municipalité, par la proclamation du 25 dudit mois d’avril, seront suivies et exécutées selon leur forme et teneur jusqu’aux prochaines assemblées des districts et départements ; à l’effet de quoi le présent décret sera affiché et publié partout où besoin sera, même lu aux prônes des paroisses ; et en ce qui concerne les manœuvres, troubles et voies de fait qui ont précédé, accompagné, suivi, et pourraient suivre lesdits événements, l’Assemblée nationale a renvoyé le tout à son comité des recherches, pour lui en être rendu compte. »> Plusieurs membres demandent la parole. M. le comie de Pannetier, député du Couse - rans (1). Messieurs, dépeindre les droits des peu-(I) Le Moniteur ne fait pas mention du discours de M. le comte de Pannetier que nous reproduisons in ex-