[États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéehausséo d’Aix.] 695 dre de la noblesse de la sénéchaussée d’Aix. Signé d’Aymar. INSTRUCTIONS, REMONTRANCES ET DOLÉANCES GÉNÉRALES DU TIERS-ÉTAT DE LA SÉNÉCHAUSSÉE D’AIX EN PROVENCE (1), Contenant les sommaires des principaux chefs de demandes des communautés, dont les preuves , le développement se trouvent dans les instructions et doléances particulières ci-jointes, et auxquelles le tiers état se rapporte, les ayant toutes adoptées par la délibération prise unanimement le 2 avril 1789. § 1er. Organisation des Etats généraux. Il n’y aura qu’un cérémonial commun aux députés des trois ordres. Le nombre des députés du tiers sera au moins égal à celui des deux autres ordres réunis, tant dans les Etats que dans les commissions ou bureaux. On ne reconnaîtra pour députés de Provence aux Etats généraux prochains que ceux nommés dans les assemblées convoquées en conformité des lettres du roi et règlement y annexé. On opinera par tête et non par ordre. On ne pourra délibérer sur aucune proposition dans la même séance où elle aura été faite. La retraite on refus d’opiner d’un ou plusieurs membres ne pourra pas arrêter le cours des délibérations ni les rendre illégales, sauf les protestations. § H-CONSTITUTION. La constitution du royaume sera fixée par un acte authentique dont on s’occupera avant tout autre objet. Les Etats généraux seront périodiquement as* semblés, au moins tous les cinq ans, et la tenue fixée au premier du mois de mai. Le cas de régence arrivant, les Etats généraux seront assemblés extraordinairement, dans deux mois au plus tard. Les Etats généraux pourvoiront aux moyens d’empêcher que la convocation des Etats subséquents ne soit éludée aux époques déterminées. Nulle loi ne pourra, être établie sans le consentement préalable et libre des Etats généraux, sauf les règlements non constitutionnels, provisoires et instants qui, seront référés aux plus prochains Etats généraux. La liberté individuelle sera assurée à chaque citoyen. On accordera la liberté de la oresse, La responsabilité des ministres. Sera donné le respect le plus absolu pour les lettres confiées à la poste. Les officiers de justice et les agents du fisc ne pourront être désormais députés aux Etats généraux. Les citoyens de tous les ordres indistinctement seront appelés à toutes les dignitéset emplois ecclésiastiques, militaires et civils. Toutes le� provinces seront érigées en pays d’Etat. Les députés aux Etats généraux seront avant tout et par une loi expresse mis sous la sauvegarde (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de V empire. des Etats et leurs personnes déclarées inviolables dès l’instant de leur nomination. § III. LÉGISLATION. Abolition de la vénalité des charges. 11 n’y aura plus que deux degrés de juridiction, les premiers juges jugeront en dernier ressort jusques à une somme déterminée. Suppression des justices seigneuriales, qui seront remplacées par des justices royales, qui jugeront consulairement les affaires du commerce. Suppression de toutes les juridictions ecclésiastiques, cartulaires, d’attribution, surtout des intendances, et généralement de tous les tribunaux d’exception. Chaque citoyen sera jugé par ses pairs dans les tribunaux en dernier ressort, et à cet effet la moitié des membres qui les composeront seront choisis dans le tiers-état. Le roi nommera aux offices de judicature, savoir : dans les tribunaux en dernier ressort sur la présentation qui lui en sera faite par les Etats provinciaux de trois sujets pour chaque place, et dans les tribunaux inférieurs sur la présentation qui sera faite de trois sujets élus par un conseil général de tous chefs de famille. Nul ne sera admis aux places de judicature avant l’âge de trente ans, sans qu’il puisse être accordé de dispense d’âge ni de parenté, Réformalion des codes civils et criminels. Instruction publique en matière criminelle. La justice sera rendue gratuitement ; tous les jugements seront motivés. Suppression de tout privilège et nulle évocation que pour cause de pauvreté. La police sera exercée dans tout le royaume par les officiers municipaux avec plus d’extension et en dernier ressort jusqu’à une somme déterminée. L’exercice de la municipalité dans aucun degré de la hiérarchie municipale ne pourra être autorisée par aucun officier de justice. Nulle personne ne pourra exiger des visites de la part des officiers municipaux. La marque distinctive des officiers municipaux sera uniforme dans tout le royaume. § IV. IMPOTS. Aucun établissement d’impôts et nul emprunt sans le consentement libre des Etats généraux. Tous les impôts actuels, directs ou indirects, de quelque nature qu’ils soient, quelque ancien que puisse être leur établissement, seront soumis à l’examen des Etats généraux. Aucun ne subsistera qu’après avoir été sanctionné. Il sera fait un nouveau code fiscal par lequel, à titre de subside et non d’impôt, toutes les contributions seront plus également réparties, leurs assiettes mieux assurées, rendues moins préjudiciables à l’agriculture et au commerce et la pêr-ception plus économique et moins oppressive. Les contributions de différentes provinces seront directemen t employées par leurs trésoriers à payer les dépenses que le gouvernement y fait, et l’excédant sera versé directement au trésor royal. La perception sera confiée à chaque pays ou province. Les subsides ne seront votés que jusqu’aux prochains Etats généraux seulement, et leur tenue n’ayant pas lieu au terme prescrit, les subsides cesseront. Les comptes des finances de la France seront 696 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.J rendus publics annuellement par la voie de l’impression. Le ministre des finances rendra son compte général aux Etats généraux. Tous les sujets du roi, sans exception, contribueront aux subsides proportionnellement à leurs propriétés, facultés et industrie. Les impôts sur le luxe seront adoptés par préférence. Abolition des péages, des douanes intérieures et des quatre à cinq lieues frontières (sic). Abolition du droit sur les cuirs. Réduction et simplification des droits de contrôle, centième denier, insinuation et suppression de toute vérification rétroactive. L’emploi de contrôleur sera déclaré incompatible avec l’office de notaire. En attendant la suppression de la gabelle, le prix du sel sera modéré et rendu approchant, uniforme dans tout le royaume, ce qui détruira la contrebande. On abrogera comme barbares et tyranniques les lois qui défendent de laisser boire aux troupeaux de l’eau de la mer et des fontaines salées. L’action pour fraude ou contrebande sera purement civile. On défendra les visites des gardes tant sur les personnes que dans les maisons, caves, écuries et bergeries. On ne distribuera le tabac qu’en bons. Les baux à fermes des subsides, à l’avenir, seront déterminés et délivrés dans le sein des Etats généraux. Sera fait un tarif des perceptions unique et -à la portée de tout le monde. Réduction des pensions du gouvernement. La diminution des grands officiers militaires dans les provinces. Dans la répartition des subsides on prendra en considération, pour la Provence, la mortalité des oliviers et arbres fruitiers, principale ressource du pays. On n’adoptera pas pour règle la proportion des députés, la Provence n’étant ni en étendue, ni en richesse foncière, la quarantième partie du royaume; les productions de son sol étant très-incertaines, son territoire naturellement in-rat, hérissé de rochers de nul produit, dégarni e bois ; la terre n’accordant rien sans un travail opiniâtre et extrêmement couteûx, et les meilleurs fonds étant exposés aux débordements des différents torrents et rivières qui ravagent la Provence. § V-COMMERCE ET AGRICULTURE. Abrogation de tous privilèges exclusifs, liberté indéfinie du commerce. Remédier aux abus qui pourraient naître de la liberté indéfinie du commerce des grains, et prendre des précautions pour empêcher les accaparements qui, dans le moment présent, sont l’unique cause de tous nos désordres. Uniformité de poids et mesures dans tout le royaume. Liberté du roulage à tel nombre de chevaux que ce soit. Etablissement des juridictions consulaires dans les principales villes du royaume, sans préjudice de Pattributiori des mêmes matières aux juges de petits lieux. Suppression des droits établis sur les matières remières étrangères servant à alimenter les fa-riques et la construction et gréement des vaisseaux , de même que sur lès tuiles , briques, bois de charpentes et autres matières semblables. Favoriser l’industrie et les fabriques nationales, et, à cet effet, préférer les étoffes de France à celles de fabriques étrangères. Les vins, huiles, amandes, et autres menus fruits seront affranchis de tous droits de sortie du royaume. On s’occupera essentiellement de faire revivre et même d’amplier les lois qui ont pour objet de prévenir les banqueroutes. Etablir des bacs partout où il en sera nécessaire, faire construire un pont sur la Durance, encaisser les rivières, et ouvrir les canaux nécessaires. Les directions des postes aux lettres seront interdites aux négociants. Solliciter des encouragements pour l’amélioration du'commerce et de l’agriculture. Encourager l’éducation des troupeaux, exécuter les1 règlements de police qui s’opposent à la trop grande consommation des viandes de lait et à l’exportation trop multipliée des troupeaux hors du royaume. Demander la révocation de la loi qui encourage les défrichements pour les lieux penchants et ardus. S’occuper des moyens d’amélioration et de repopulation des bois. Suppression de tous règlements particuliers dans les bras de mer et étangs navigables, et liberté entière de la pêche, et notamment suppression de la madrague du cap d’Ellons de la Giotat et de la bourdigue du canal de passage du Martigues. Les paysans seront libres d’aller momentanément à la pêche lorsqu’ils ne pourront travailler, sans que, pour raison de ce, ils puissent être inquiétés ou classés. Obligation de la milice forcée, et de la garde-côtes et surtout deux canonniers auxiliaires de la marine. Le bassin du dépôt de Saint-Ghamat, ainsique le port de Bône et du Cassis, seront curés et mis en état de recevoir des bâtiments. L’étang de la Yaldue sera érigé en saline, comme pouvant naturellement fournir du sel de la première qualité et à suffisance pour tout le royaume. § VI. DES MOEURS. Les Etats généraux s’occuperon tessentiellement: 1° Des règlements à faire poür l’amélioration des mœurs dans tout le royaume; 2° Des moyens de rendre lé célibat plus rare. 3° De donner une existence civile et politique au bâtards ; 4° De soulager les pères de famille chargés d’un grand nombre d’enfants; 5" D’améliorer l’éducation publique pour les deux sexes ; 6° D’extirper la mendicité. Toutes les fêtes seront supprimées et renvoyées au dimanche. Les biens des hôpitaux et maisons de charité étant un patrimoine public, seront à l’avenir administrés par des recteurs élus dans le conseil municipal de chaque lieu, et les comptes en seront rendus gratuitement à la suite des comptes des communautés par-devant les mêmes auditeurs ; et dans les mêmes assemblées , on renouvellera chaque année la moitié des recteurs. Les biens des religionnaires. fugitifs seront restitués aux légitimes héritiers, et à défaut d’héri- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] 697 tiers, iis seront vendus et le produit employé à des objets d’utilité publique. L’édit concernant les non catholiques sera confirmé par les Etats généraux et recevra meme une extenlion raisonnable. On demandera l’autorisation d’un tribunal de famille, de mœurs et de correction présidé par un officier municipal. Ce tribunal prononcera sur les fautes domestiques et privées dénoncées par la famille. § VII. CLERGÉ. -Le clergé ne doit pas former un ordre dans l’Etat. Réduction du nombre des ecclésiastiques à ceux absolument nécessaires au service divin. Suppression de la dîme ecclésiastique et du casuel. Aviser aux moyens de mettre dans le commerce les biens du clergé et notamment ceux de l’ordre de Malte. Accorder un revenu fixe aux ecclésiastiques. F ondations réunies aux paroisses. Résidence de tous les ecclésiastiques dans leurs districts. Abolition de toute rétribution à la cour de Rome, à quelque titre que ce puisse être. § VIII. NOBLESSE ET FÉODALITÉ. Plusieurs communautés demandent l’abolition de la noblesse héréditaire. La réclamation générale est que la noblesse ne puisse jamais être acquise à prix d’argent. Tous droits seigneuriaux portant profit, tels que cens, champart, ou laïque directe, dîme féodale, pensions féodales et autres de pareille nature seront à toujours rachetables ou par les redevables ou par leurs communautés dmabitants à un taux équitable et uniforme sur les compensations légitimes. Tous autres droits seigneuriaux qui imposent servitude personnelle et qui sont contraires au droit personnel, tel que l’hommage à genoux, le retrait, les corvées, droit de larde, bon vin et vendanges, chasse, pêche, banalité, faculté exclusive, droit d’alberge, quête, fouage, cavalcade, régales et dépendances, anapte et arrière alapte, cas impériaux, droits domaniaux, reconnaissances, services, terres gâtées, cautionnement, boles, épaves, pulvérage, beauvache, pasqueviage, alluvion, ban des haras, varècbe, corvées, confiscation, félonie, amendes, droit de bâtardise, déshérence, eaux pluviales, égout des fontaines, droit de suc et tous autres de pareille nature seront entièrement supprimés sans indemnités. Toutes charges ecclesiastiques ou roturières, connues sous la dénomination de loyer perpétuel cens et surcens , imposées sur les" biens-fonds seront également rachetables. Sa Majesté sera suppliée de rentrer dans la possession de ses domaines aliénés et engagés par nos anciens comtes ou par les rois de France leurs successeurs, et notamment dans la possession du comtat Venaissin et du comté d’Avignon. J IX. Les députés aux États généraux ne voteront les subsides qu’après que la constitution sera fixée et les griefs principaux redressés, sauf à pourvoir aux besoins du moment par les arrangements provisoires pour une année seulement avec répartition égale et proportionnelle sur les trois ordres ; ils demanderont une réforme dans tous les départements. L’abandon des places fortes dans l’intérieur ainsi que des maisons royales inutiles. On demandera une loi pour que tout ministre, tribunal ou officiers de justice ou autre personne que ce soit qui intercepteront les plaintes que des particuliers ou des corps voudraient porter aux pieds du trône, soient punis sévèrement. Nos députés .seront chargés de se conformer aux vœux des États généraux relativement à tout ce qui concerne le déficit et les dettes de l’Etat. § X. OBJETS RELATIFS A L’ADMINISTRATION DE PROVENCE. Nos députés requerront que la Provence soit maintenue dans sa constitution d’Etat principal uni et non sulbaterne. Ils réclameront les bons offices des Etats généraux pour obtenir l’assemblée générale et intégrale des trois ordres, à l’effet de réformer les abus qui se sont glissés dans notre constitution et surtout relativement à la présidence des Etats, à la réunion dè la procuration du pays au consulat d’Aix, aux députés-nés, à l’inégale distribution de la représentation, aux confirmations des officiers municipaux, et la reddition des comptes des deniers royaux dans le pays. Ils protesteront contre la forme de convocation actuelle pour la députation aux Etats généraux. CONCLUSION. L’impossibilité de présenter dans le cahier général tous les objets particuliers aux communautés exige absolument que pos députés aux Etats généraux soient expressément chargés de faire valoir les doléances particulières dans tous leurs détails, pour parvenir à la réforme de tous les abus et injustices, que l.es petites communautés n’ont ni le moyen ni le courage de faire réprimer; et à cet effet, nos députés entretiendront correspondance avec les communautés qui leur feront passer des instructions pour le soutien de leurs doléances qui seront jointes au présent cahier principal. — Signés Michel de Bourdonnière, commissaire; Joubert de Fontvive, commissaire; Gressien, commissaire; Ghave, commissaire: Clapiers, commissaire; Michel, commissaire; Nègre, commissaire; Benoît, commissaire; Guigon, commissaire ; Du Quenay, commissaire subrogé; Philibert, commissaire ; Yerdet, commissaire; Guérin, commissaire ; B. Bressy, commissaire ; Giraud, commissaire subrogé; Coquillat , commissaire, démentis, commissaire ; Panot, commissaire subrogé; Audier, lieutenant général ; Etienne, greffier; Bertrant, greffier. Collationné par nous greffier en chef, soussigné, Signé Etienne.