172 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 janvier 1790.] Le libraire dont je viens de parler m’a dit que ces vingt mille exemplaires étaient pour l’Alsace et pour la Lorraine. Metz est un entrepôt considérable de ce commerce atroce. Je n’ai préparé aucun décret qui puisse concilier la liberté nationale; mais j’ai cru devoir indiquer un objet intéressant pour les amis de la révolution. M. Merlin observe que depuis longtemps on cherche à ébranler la fidélité des provinces bel-giques. Des libelles revêtus de signatures authentiques ont été remis au comité des recherches. M.Emmery a été chargé d’en’prendre connaissance, sur la dénonciation de deux mille citoyens, les plus notables de la ville de Lille. On n’en a cependant point fait de rapport, et on dit que ces pièces sont perdues . L’Assemblée doit prendre connaissance de ces faits... M. Leclerc représente que le préopinant, quia dit que beaucoup d’imprimeurs de Paris publiaient des libelles , aurait pu restreindre son assertion aux particuliers très-nombreux qui viennent d’élever des imprimeries. Il assure que pas un des trentes-six imprimeurs de Paris n’imprime des libelles. M. Kmmery. Voici ce qui est à ma connaissance : on a envoyé au comité des recherches un ouvrage contre les décrets de l’Assemblée, signé Lefèvre, avocat à Lille. Cet homme s’est rétracté dans une adresse imprimée et dans les Affiches de Flandre. Un autre libelle a été arrêté à Ypres, ainsi qu’une délibération du bureau renforcé du Gambrésis. Une autre pièce, de la même orthographe que l’écrit de l’avocat de Lille, m’a aussi été remise. Elle contient une protestation contre les pouvoirs des députés qui ont concouru à vos décrets, et elle est signée des commissaires nobles et ecclésiastiques du Gambrésis. J’ai fait le rapport de ces pièces au comité des recherches; je n’ai eu que mon opinion particulière, et je ne dois pas m’occuper ici de celle de ce comité. On a ait ensuite que ces pièces étaient perdues. Les membres du nouveau comité m’ont appelé, et ces pièces se sont retrouvées dans le carton où elles avaient été placées. J’ai fait part à ces messieurs d’une lettre originale, écrite par un homme de Villeneuve-de-Berg, au comité municipal de Metz, pour demander un nouvel envoi des libelles dont cette dernière ville est l’entrepôt. Ce particulier croyait que le comité municipal en était le distributeur. Le comité des recherches vous fera bientôt sans doute un rapport aü sujet de toutes ces pièces. Mais je crois qu’il importe au salut public de prendre des précautions efficaces, et je demande que le comité de constitution soit chargé de présenter incessamment une loi sur la liberté de la presse. M. d’Estourmel appuie la motion; ses cahiers lui ordonnent d’exiger la garantie des auteurs, libraires et imprimeurs. M. de Montlosicr dit que l’Assemblée ne peut se dispenser de prendre un parti sur la réclamation faite par le régiment du Maine. M. Salicetti. Je demande que l’Assemblée prenne le parti de renvoyer cette affaire au comité des recherches. Si les faits énoncés par les citoyens de Bastia sont faux, les calomniateurs doivent être punis. S’ils sont vrais, le régiment du Maine ne doit pas rester sans punition. M. Duport représente la nécessité de faire une adresse aux commettants, dans laquelle serait développé l’esprit des décrets, afin de les prémunir contre les suggestions perfides des ennemis de la patrie et de la liberté. Deux députés annoncent que l’adresse aux provinces a été condamnée au feu par les officiers municipaux de Romans et de Nantes. M. Dufraisse-Duchey dénonce le Journal de Paris, le Journal des Révolutions et le journal de M. Marat, intitulé l'Ami du peuple, et demande qu’il soit défendu à tout membre de l’Assemblée de faire un journal. L’Assemblée nationale décrète : 1° Que le récit de M. Démeunier sera inséré dans le procès-verbal ; 2" Que le comité de constitution sera chargé de présenter incessamment un projet de règlement sur la liberté de la presse. 3° Qu’il sera rédigé une adresse aux commettants, conformément à la motion de M. Duport. M. Dufraisse-Dnchey fait une motion ainsi conçue : « L’Assemblée nationale décrète qu’il sera nommé un comité de quatre personnes, chargé d’examiner tous les journaux, nommément l'Ami du peuple , les Révolutions et le Journal de Paris. Il fera à l’Assemblée le rapport de ces écrits qui seront envoyés au procureur du roi du Châtelet. « Enfin, il sera défendu à tous membres de l’Assemblée de faire directement ou indirectement aucuns journaux. M. Fos de Laborde. Je propose de faire lire la déclaration des droits à l’opinant et je demande la question préalable sur sa motion. L’Assemblée cousultée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur le projet du décret de M. Dufraisse-Duchey. M. le Président propose et l’Assemblée décide qu’attendu la nécessité de finir promptement le travail des départements, il n’y aura pas de séance le soir. La séance est levée et renvoyée à demain neuf heures du matin. PREMIÈRE ANNEXE. A la séance de V Assemblée nationale du 12 janvier 1790. M. Dcvoislns, député de la sénéchaussée de Toulouse. Motion (1) concernant la liberté de conscience à accorder aux enfants nés des mariages mixtes, ou contracté s entre des catholiques et des non-catholiques, et autres objets sollicités par ses commettants (2). (1) Cette motion n’a pas été insérée au Moniteur. (2) Si l’Assemblée craint de perdre un temps précieux à la discussion de l’entier contenu en la motion louchant les enfants issus de mariages mixtes, elle est suppliée de fixer au moins le sort de ceux de l’un et de l’autre sexe qui ont des asiles en vertu de précédents ordres et de les soustraire à la cruelle tyrannie des marâtres. ( Note de M. Devoisins). 173 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Il janvier 1790.] Messieurs, en fixant les droits de l’homme et du citoyen, vous avez statué, entre autres dispositions, que tous les individus doivent avoir la faculté de recourir aux lois, et y trouver deprompts secours contre les obstacles qu’ils trouveraient dans l’exercice de leur liberté. Vous avez décrété aussi qu’aucun homme ne pourra être inquiété pour ses opinions religieuses, pourvu qu’il se conforme aux lois, et qu’il ne trouble pas l’ordre public. Le premier de ces décrets vous assure la reconnaissance de l’humanité entière; le second tarit la source la plus abondante des haines et des guerres intéressées et fanatiques qui ont fait couler tant de sang. Il ne vous reste, Messieurs, qu’à faire l’application de ces principes conservateurs de l’ordre et de la liberté, à de grandes questions de droit, telles que celles qui sont soumises tous les jours à votre tribunal ; j’ai l’honneur de vous en présenter une aujourd'hui qui, par sa nature et son étendue ale degré d’importance requis pour solliciter votre attention et une prompte décision de votre part. Vous allez établir la paix dans un nombre infini de familles, en fixant les droits et les devoirs des membres qui les composent sur un sujet très-grave, et qui sème trop souvent les divisions parmi ceux mêmes que le sang et des habitudes de leur éducation commune devaient, ce semble, lier si étroitement ; je veux parier de ces familles composées de catholiques et de non-catholiques dont les enfants se partagent, selon leur sexe, les opinions religieuses des parents. Pour vous mettre à portée de juger du mal qui résulte de ce mélange domestique d’opinions, et d’y appliquer le remède convenable, il est nécessaire de mettre sous vos yeux la manière dont ces sortes de mariages se contractent, et le sort qui est réservé aux enfants qui en proviennent. Dans la sénéchaussée de Toulouse, dont j’ai l’honneur d’être l’un des représentants, il est assez ordinaire de voir des mariages se former entre des personnes professant des religions différentes; c’est l’usage en Languedoc, et l’on peut en dire autant de toutes les parties du royaume, où les mariages mixtes ont lieu, que le père élève dans sa religion tous les enfants mâles, et que la mère élève les filles dans la sienne. Cet arrangement conventionnel converti en une espèce de loi, maintient la paix dans les familles, et fait que ces établissements sont parfois aussi heureux que beaucoup d’autres ; jusque-là, les enfants étant bien libres de professer la religion qu’ils ont une fois adoptée, il n’y a rien qui doive alarmer le législateur. Il est un événement fatal et trop commun, où cette liberté de conscience reçoit des atteintes terribles et souvent cruelles, c’est à la mort du père, ou de la mère surtout, si le survivant pense en énergumène dans l’une ou l’autre religion ; ce cas où les opinions religieuses font d’un père et d’une mère des persécuteurs de leurs enfants, n’est pas aussi rare qu’on pourrait le penser; il semble même que les sentiments de la nature se joignent ici contre des malheureux enfants en bas-âge, avec ceux que la religion inspire, à une espèce de bonne foi; une mère ne peut voir sans frémir que le fruit de ses entrailles soit abandonné à un malheur qu’elle voit être aussiinévitable pour lui qu’il est terrible pour elle. Le cœur d’un père frémit, de son côté, à cette idée, à peu près autant que celui de la mère; car il s’agit ici de deux époux qui ont réellement une religion, qui pensent qu’il en faut une à l’homme, et qui diraient volontiers avec un écrivain célèbre, que s’il n’y avait point de Dieu dans le ciel ni de culte religieux sur la terre, il faudrait se hâter d’en faire. Dans ce cas, Messieurs, combien est critique la position des enfants imbus de bonne heure des principes d’une religion dont les idées, les craintes et les espérances sont opposées à celles de la religion du père ou de la mère survivant! Qui les garantira de ces séductions où l’art a toujours moins de part que le zèle qui cherche à se satisfaire? Disons mieux: qui les dérobera à une persécution d’autant plus facile qu’elle s’exerce sans témoins; d’autant plus amère qu’elle peut être journalière et constante; enfin, d’autant plus affreuse, qu’elle aurait pour motif apparent les intérêts de Dieu et ceux de ces innocentes victimes? C’est en faveur de cet âge déjà si intéressant par lui-même que je viens réclamer la protection des lois, s’il en existe pour des cas semblables, ou votre pouvoir, si ces lois nous manquent. Une bouche plus éloquente que la mienne fit entendre, il y a peu de jours, sa voix au milieu de vous en faveur des vieillards qui ont bien mérité de la patrie, et les sentiments nobles et généreux de cet honorable membre furent applaudis dans cette Assemblée, comme Eschyle le fut jadis au milieu d’Athènes. Que ne puis-je répandre le même intérêt sur la cause d’un grand nombre d’enfants qui n’ont encore rien fait pour leur pays, il est vrai, mais qui peut-être un jour feront beaucoup pour sa prospérité et pour sa gloire ! Permettez-moi maintenant, Messieurs, de faire une supposition qui, en particularisant la question importante que je soumets à vos lumières, à votre humanité, à votre justice, vous mette à même de fixer votre opinion. Supposons une demoiselle née d’un père protestant et d’une mère catholique, élevée, selon l’usage et l’accord des parents, dans la religion catholique; supposons encore que cette fille, parvenue à l’àge de huit ou neuf ans, perde sa mère; enfin, pour n’omettre aucune des circonstances dont on est si souvent témoin dans la province que je représente auprès de vous, supposons que le père épouse en secondes noces une protestante qui lui donne un grand nombre d’enfants, tous élevés dans la religion protestante, et qui joigne à sa qualité de marâtre envers la fille unique du premier mariage, autant de zèle pour sa religion que d’avidité pour le bien considérable dont la jeune personne a hérité de droit du chef de feu sa mère : je vous le demande, Messieurs, de quelle tranquillité peut jouir cette enfant dans la maison paternelle, où seule riche, seule catholique, étrangère presque à tout ce qui l’environne, elle peut compter autant de jaloux de sa fortune, et d’ennemis de ses opinions, qu’il y a de membres qui la composent? Quelle position pour un sexe timide et pour un âge que tout affecte si profondément, surtout dans ce qui a rapport à la religion! Passe encore s’il lui était permis de réclamer juridiquement sur des biens qui lui appartiennent une modique pension, pour fuir un séjour de tracasseries et de persécutions, et se choisir une retraite où, en mettant ses mœurs à l’abri des écueils si ordinaires à cet âge, elle pût librement et sans crainte professer la religion dans laquelle elle a été élevée, et à laquelle rien ne serait capable de la faire renoncer : mais cette infortunée est encore mineure, sous la puissance de son père; elle ne peut conséquemment recourir aux lois. Telle est la jurisprudence du pays 474 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1* janvier 1790.1 qu’elle habite, et qui est réunie aux principes du droit écrit. Dans l’état des choses qui a précédé celui dont nous venons d’être les heureux témoins, il n’y avait qu’une ressource en pareil cas, c’était celle que fournissait la sensibilité des parents maternels, qui, assemblés pour constater les dangers de tous genres auxquels un enfant dans l’espèce supposée était exposé, délibéraient, s’il y avait lieu, qu’on solliciterait un ordre du Roi pour que cette fille fût séquestrée dans une maison religieuse, où elle pût être élevée dans les principes de sa religion, et le père tenu de fournir une pension proportionnée à sa fortune, et à celle délaissée par la mère dont la fille était héritière. Le prince, sur l’avis des parents, accordait sans hésiter l’objet de leur demande; rien de plus juste que cette conduite du gouvernement en faveur des enfants aussi persécutés, à qui une loi trop rigoureuse n’accordait presque rien en accordant tout aux parents; rien déplus conforme aux principes de l’Assemblée nationale, qui, dans les décrets qu’elle a déjà rendus, et dans ceux qu’elle prépare, manifeste si hautement son intention de protéger toutes les classes de citoyens contre les aristocrates, tous les partisans de toutes les religions contre la fureur du fanatisme, tous les vieillards contre la force oppressive, tous les enfants contre la tyrannie de certains pères, et surtout contre la dureté des marâtres. Il faut convenir que, si les lettres de cachet n’avaient été délivrées que dans des cas semblables à celui que je viens d’exposer, la nation assemblée n’aurait vu, dans cet usage du pouvoir exécutif, qu’un sage supplément à nos lois obscures ou barbares ; et un grand nombre de jeunes personnes en France doivent à cette ancienne administration des asiles sûrs, et le repos de leurs jours et de leurs consciences. Faut-il présenter à vos yeux, Messieurs, une victime réelle de ces persécutions domestiques excitées contre des mineurs par la cupidité et l’esprit de la religion mal entendue? elle existe, et je ne suis auprès de vous que l’organe de ses justes réclamations. Vous avez entendu le récit de ses malheurs, quand j’ai eu l’honneur déposer l’hypothèse qui n’était que son histoire. Dans un couvent du Languedoc, existe une demoiselle âgée de dix-huit ans, que sa vertu rend encore plus intéressante que ses charmes; née d’un père protestant et d’une mère catholique, elle fut élevée dans la religion catholique non seulement selon l’usage qui détermine, dans cette es-lèce de mariage, la religion des filles d’après cellede amère, mais d’après la convention expresse entre es deux époux, que tous les enfants qui naîtraient de leur mariage, seraient élevés dans la religion catholique, et la promesse du mari qu’il abjurerait lui-même la sienne. Celui-ci, après le mariage contracté, ne tint aucun compte de ses serments ; la demoiselle dont il s’agit, était à peine âgée de sept ans, lorsqu’elle eut le malheur de perdre sa mère ; on a avancé que cette femme respectable fut consumée par le chagrin de voir son époux manquer aux engagements qu’il avait pris d’abjurer sa religion pour embrasser celle de son épouse ; il est du moins bien certain que, sans cette parole de sa part qu’on croyait sincère, jamais il n’eût fait un établissement aussi avantageux pour lui. Quelle que soit la cause de la mort de cette femme, le mari, enfin devenu libre, se hâte de convoler à de secondes noces; il épouse une protestante de laquelle il a eu un grand nombre d’enfants. Dans une famille aussi nombreuse, il n’y avait plus qu’une personne catholique, c’était la fille du premier mariage. Ses parents maternels, la voyant exposée à des dangers de plusieurs espèces, s’assemblent en 1781, et arrêtent qu’ils agiront pour obtenir des ordres qui mettent à l’abri de toute insulte de la part d’une marâtre dure et fanatique, et de la part d’un père peu délicat, la personne de cette demoiselle et ses sentiments religieux. Le Roi accueillit favorablement leur demande ; on assigne un couvent à la demoiselle , et le père est soumis à payer une pension annuelle de 600 livres, somme bien modique pour fournir à la nourriture et l’entretien d’une demoiselle de qualité, héritière naturelle et de droit de sa mère, qui a laissé un bien estimé plus de 60,000 livres; mais la sûreté de l’asile où ta main bienfaisante du monarque l’a placée, le repos qu’elle y goûte depuis plus de neuf ans qu’elle y est, la liberté dont elle jouit de professer sa religion à laquelle elle tient infiniment, tout cela lui ferme les yeux sur des moyens si resserrés de subsistance; elle est en proie en ce moment à de plus cruelles et déchirantes inquiétudes. Le père, armé de vos décrets qu’il interprète à sa manière, et appuyé sur des droits abusifs de sa puissance paternelle, demande que sa fille sorte de la retraite qui fait toute sa consolation, pour venir vivre dans son château de campagne, auprès de lui et d’une marâtre impitoyable; il sollicite auprès du Roi et des ministres la révocation de la lettre decachetobtenuepar les parents maternels ; il se fonde sur saqualité de père qui le rend tuteur et légitime administrateur de la personne et des biens de sa fille, il se fonde aussi sur ce que l’Assemblée nationale a décrété la suppression des lettres de cachet. Mais observons, Messieurs, les nouveaux moyens que ce bon père met en usage pour vaincre la résistance de sa fille qui a eu le tort d’être heureuse loin de lui, loin d’une marâtre, loin de ceux dont elle redoute les persécutions; il lui a retranché de son autorité privée la pension modique à laquelle le Roi l’avait assujetti. Depuis plus� de dix-huit mois, cette fille infortunée n’a rien reçu pour sa nourriture et son entretien et, quoique riche de|l ,000 écus de revenus du chel de sa mère, elle est livrée à la bienfaisance des religieuses qui l’ont élevée et qui sont elles-mêmes très-médiocrement dotées. Telle est, Messieurs, la cruelle position d’une , eune personne qui sollicite par ma bouche la irotection des lois qui assurent à chaque citoyen a liberté de ses opinion s et de sa conscience ; vous 'entendrez parler elle-même en lisant les mémoires qu’elle m’a fait passer, et que je déposerai sur le bureau : on y verra son nom sur lequel je me suis tu, en suivant ses recommandations ; sa modestie la tient dans la persuasion qu’une personne de son sexe doit, autant qu’il est en elle, rester ignorée. Considérons maintenant, Messieurs, et n’en doutons pas, que telle est, ou fort approchante, la position d’une foule de jeunes gens de l’un et l’autre sexe, catholiqne et non catholique, gémissant trop longtemps sous la tyrannie des pères égoïstes remariés, et sous l’aristocratie la plus affreuse de toutes, celle desmarâtresimplacables. Pour faire de la question, particulière à la demoiselle qui demande de continuer à jouir de la faveur de la lettre de cachet obtenue par ses parents maternels ; pour faire, dis-je, de cette. question une question générale qui embrasse tous les abus de ce genre, permettez-moi, Messieurs, de vous présenter quelques propositions que vous [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 janvier 1790.] 17î> convertirez en tel décret général que vous trouverez juste de prononcer : 1° Les enfants parvenus à un certain âge, à quinze ou dix-huit ans, par exemple, ne pourront-ils pas prétendre à une portion de l’usufruit des biens de leur mère décédée à la survivance du père ? Quelle devrait-être cette portion ? 2° Au cas que cette question fût décidée tout entière en faveur des pères non remariés, faudrait-il accorder la même faveur à ceux qui passent à de secondes noces, et qui exposent par là les enfants du premier mariage à l’antipathie presque inévitable d’une marâtre ? 3° Les enfants de ceux-ci peuvent-ils être contraints par le père à vivre dans la maison paternelle, sous l’empire d’une marâtre, malgré qu’ils aient une subsistance suffisante dans les biens maternels ? 4° Au cas que le décret de l’Assemblée sur l’article précédent serait défavorable aux enfants, n’y aurait-il pas une différence à faire entre les enfants professant une religion autre que celle de leur père remarié, et les enfants professant la même religion que leur père ? 5° Les enfants ne doivent-ils pas être aussi libres dans leur religion que les parents eux-mêmes? Du décret ou des décrets qui interviendront, Messieurs, sur ces questions, dépend la liberté ou la servitude d’une foule d’individus de l’un et de l’autre sexe, victimes des mariages en secondes noces, surtout lorsqu’ils sont attachés à un culte religieux différent de celui que suit leur père ou leur marâtre. Veuillez donc, Messieurs, jeter les yeux sur ces infortunés ; ils l’attendent de votre justice et de votre bienfaisance, et cet âge ne sollicite jamais en vain le cœur des législateurs. Notre sage monarque et ses ministres attendent aussi ce décret avec une louable impatience pour venir, de concert avec vous, au secours des infortunés qui demandent la durée des ordres déjà accordés en leur faveur, eFdont les pères durs, et cédant à l’impulsion des marâtres encore plus dures, sollicitent la révocation. Je terminerais ici la motion que j’ai l’honneur de présenter à l’Assemblée, et je renverrais à un autre jour de l’entretenir de plusieurs demandes de mes commettants, si j’étais sûr d’obtenir la parole une seconde fois; mais les difficultés qu’il a fallu vaincre pour pouvoir me faire entendre, m’autorisent à user pleinement de la faveur qui m’a été accordée, et ce n’est pas ma faute si je suis long. Les habitants de Lavaur, ma patrie, m’ont adressé extrait d’une délibération prise le 6 novembre dernier, contenant plusieurs demandes qu’ils supplient l’Assemblée nationale de prendre en considération ; ils demandent : 1° Que si la ville de Lavaur, ne peut pas conserver l’avantage d’être, comme ci-devant, chef-lieu de département, il plaise à l’Assemblée nationale de l’unir de préférence aux villes d’Alby et de Castres, pour jouir concurremment avec elles du privilège de chef-lieu ; 2° La conservation du siège épiscopal, et celle du chapitre. Outre les ressources assurées que ces établissements offrent dans des temps malheureux, ce qui suffirait pour devoir en perpétuer la durée, il est heureux pour moi de trouver, dans le mérite personnel de M. l’évéque et du Chapitre de Lavaur des titres qui viennent à l’appui des vœux des habitants ; la bienfaisance du prélat, l’aménité de son caractère, son respect constant pour les droits de la municipalité de la ville épiscopale, et son attention scrupuleuse à seconder les officiers de la commune, les lumières des bénéficiers, leur charité envers les pauvres, leur zèle pour l’instruction des fidèles, nous portent à désirer , non-seulement la perpétuelle durée de leurs places, mais même celle de leurs personnes ; 3° La conservation aussi du collège dirigé par les prêtres de la doctrine chrétienne, du couvent des religieuses de Sainte-Claire, servant d’asile à la jeune personne pour qui j’ai eu l’honneur de parler, qui a servi et qui servira de refuge à bien d’autres en pareille occurrence, et de la maison des filles de la Croix qui tiennent les écoles gratuites des filles. Ces établissements, utiles et nécessaires dans toutes les villes, le seront bien davantage si on considère qu’ils sont uniques dans tout le diocèse de Lavaur, et que la nation en les supprimant et s’emparant de leurs fonds, loin d?en retourner avantage, n’y trouverait qu’un objet de dépense, pour fournir à la subsistance des individus composant les établissements supprimés, tant ils sont médiocrement dotés ; 4° La juridiction royale de Lavaur dont cette ville jouit depuis des siècles, et qu’elle mérite de conserver par sa position qui la rend susceptible d’un présidial. 5° L’établissement de deux foires en sus de celles déjà établies. Son commerce de soie, laines, grains et bestiaux, ne pourrait que recevoir un nouvel accroissement, moyennant les nouvelles facilités que cette ville sollicite. Le mémoire de la ville de Lavaur a été remis depuis plusieurs jours à Messieurs du comité des rapports. 2e Annexe À la séance de l’Assemblée nationale du 12 janvier 1790. Projet d’administration pour la ville de Paris présenté à l’Assemblée nationale par M. de La ülelherle, docteur en médecine (1). (Le soussigné, ne pouvant obtenir la parole, prend le parti de faire imprimer, pour mettre sa motion sur le bureau, et y être statué par l’Assemblée nationale ainsi qu’elle avisera dans sa sagesse. A Paris le 12 janvier 1790.) La ville de Paris vient de rentrer dans tous ses droits, dont le despotisme ministériel l’avait dépouillée, ainsi que toutes les autres cités du royaume. 11 faut, dans ces heureux moments, fixer de la manière la plus sage les différentes parties de l’administration de cette imrnense cité. On doit surtout avoir soin d’en éloigner toute l’influence ministérielle, qui va faire des efforts soutenus pour reprendre ce qu’elle vient de perdre. Ainsi il ne doit plus y avoir de ministre de Paris. Le secrétaire d’Etat, qui aura dans son département la généralité de Paris, ne doit avoir d’autre autorité que celle des autres secrétaires d’Etat dans les pro-vinces. Il est nécessaire de partager l’administration de Paris en différentes branches. Je crois qu’on pourrait la diviser en dix portions principales : 1° Les milices bourgeoises. 2° La police. 3° La subsistance. (1) Ce document n’a pas eié inséré au Moniteur.