[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 7tt3 la sueur du pauvre pour sa isfaire vos caprices, assouvir vos passions, et étouffer, s’il vous eût été possible, dans les excès d’un luxe effréné les remords vengeurs de votre conscience? « Vous parlez d’outrages faits à la divinité? Est-ce donc à vous à invoquer ce nom redou¬ table et sacré? Qui la respecte le plus de vous, qui désolez la terre, ou de nous qui voulons la rendre heureuse? Sera-ce par des mensonges que nous lui rendrons un culte digne d’elle, ou par la pratique des vertus sociales, de ces vertus douces et bienfaisantes qui consolent l’homme dans ses malheurs, qui l’encouragent dans ses efforts, qui agrandissent son être, et le rendent digne de l’estime de ses semblables? « Vous parlez de la Divinité ! Malheureux, transportez-vous dans les contrées de laVendée fumantes de carnage, dégoûtantes du sang que vos mains impies ont répandu, jonchées des cadavres amoncelés des patriotes vertueux que votre fureur a égorgés, ou des malheureuses victimes de l’erreur que vous avez sacrifiées. C’est là, c’est dans ces affreux repaires du fana¬ tisme inoculé par vos prédications insensées, que nous vous appelons. Venez-y contempler votre ouvrage, et si le cœur des tigres peut s’ouvrir encore à un reste de pitié, frémissez en calculant le nombre de vos crimes. Ils surpassent ceux des Néron et des Caliguia. Homme ; barbares ! Votre Dieu, ce sont vos passions : le nôtre est la justice. « Et vous, consciences timorées, rassurez-vous. La Convention nationale ne veut point vous ravir les objets de votre vénération. Ella sait tout ce qu’une longue habitude, une édu¬ cation théologique, peuvent avoir d’empire sur l’âme de l’homme. Elle sait qu’un cœur sen¬ sible et faible a besoin d’un appui; et si cet appui, vous croyez le trouver encore dans les vieux préjugés que vos pères vous ont inspirés, elle ne veut point le briser entre vos mains. Elle désire, sans doute, le développement de ces grandes maximes qui attachent tous les citoyens à leurs devoirs par le saint et brûlant amour de la patrie; mais elle ne gêne point vos opinions, elle n’interroge point votre cons¬ cience, et la première des lois qu’elle a rendue au nom du peuple dont elle est l’organe, con¬ tient formellement la reconnaissance de la liberté de tous les cultes. Suivez donc, sans crainte, les pratiques que vous croyez bonnes. Servez à votre manière l’auteur de la nature. Juifs, chrétiens, musulmans, disciples de Con¬ fucius ou adorateurs du Grand Lama, vous êtes tous égaux aux yeux d’un peuple libre. « Mais vous vous devez tous les uns aux autres d’être fidèles à la République, de la chérir, de combattre et de vaincre pour elle, et dans les rangs des défenseurs de la patrie (car nous le sommes tous), les nuances particulières doi¬ vent disparaître, et l’on ne doit compter que des citoyens. Il suit de la liberté absolue des cultes qu’il ne peut pas y en avoir de dominant, que chaque agrégation religieuse n’est, sous ce rapport, qu’une société particulière, libre dans l’exercice de ses rites, mais soumise aux lois de police sans l’observation desquelles il n’y a pas d’ordre possible dans les sociétés civilisées. Dès lors, chaque secte doit se renfermer dans les lieux destinés à ses assemblées; au dehors rien ne doit frapper les regards que le culte de la patrie, et les symboles chéris de la liberté. « Tels sont, citoyens, les principes incontes¬ tables que la sagesse dicte sur cette matière 521 trop longtemps embrouillée par des discussions interminables, et par les prétentions orgueil* leuses d’un culte qui, pour régner sur nous, nous demandait pour premier sacrifice l’abandon de notre propre raison. Ces principes, il suffit de les énoncer pour que chacun les respecte et s’empresse de s’y conformer. Pontifes de toutes les religions, si vous n’avez pas renoncé à tout sentiment de pudeur, vous en sentirez la jus¬ tesse; vous ferez plus, vous profiterez de l’as¬ cendant que vous pouvez conserver encore pour les étendre et les propager. Osez être avec nous les instituteurs du genre humain, la ter¬ reur du vice, le fléau des préjugés. Dans la car¬ rière honorable où nous vous admettons à combattre à nos côtés, la gloire vous attend; et si vous avez des sacrifices à faire, la nation vous en dédommagera, et le sentiment du bien que vous aurez fait en sera la plus douce récom¬ pense. Eh ! quoi ne seriez -vous pas flattés comme nous du spectacle touchant du genre humain heureux et libre, et libre par vos soins ? Malheur à l’âme insensible et froide qui oserait se compter encore pour quelque chose quand l’humanité parle, que la postérité s’avance, et qu’il faut sauver toutes les générations à venir des maux dont l’affreux récit souille toutes les pages de l’histoire de nos aïeux. « Pour nous, citoyens, fidèles à notre man¬ dat, jaloux de remplir la tâche que la Conven¬ tion nationale nous a donnée, indulgents pour toutes les erreurs, disposés à couvrir de l’égide de la loi tous ceux qu’on voudrait inquiéter ou persécuter par un excès de zèle pour la liberté, nous serons fermes pour le maintien des prin¬ cipes, et en suivant cette marche, nous sommes assurés que l’estime des bons citoyens nous environnera, et forcera les méchants à l’obser¬ vation des règlements que nous aurons cru devoir publier pour la conservation des droits de tous. « Citoyens, que la paix règne, que l’ordro public soit respecté, que la loi soit révérée, que la patrie soit adorée, et bientôt ces nuances légères d’opinion, épurées au feu d’un patrio¬ tisme brûlant disparaîtront pour faire place aux douces étreintes d’une fraternité commune. Arrêté. Art. 1er. « Il est défendu à tous citoyens, sous quelque prétexte que ce puisse être, d’attenter à la libéré des cultes, d’user de violence ou de menaces pour la gêner, la restreindre ou la modifier; lo décret de la Convention nationale du 16 de ce mois, recevra sa pleine et entière exécution, et il sera imprimé, publié et affiché à la, diligence du directoire du district, et aura force de loi à compter de ce jour, sans qu’il soit permis a’al-léguer qu’il n’a pas encore été reçu officielle¬ ment. Art. 2. « En conséquence de l’article ci-dessus, les ministres du culte devront se renfermer pour en célébrer les rites dans l’intérieur des lieux destinés à leurs assemblées, et ne paraîtront en public qu’avec le costume ordinaire des ci¬ toyens. 522 [Convention nationate.l ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j “ frimaire an il L ‘ (16 décembre Ii93 Art. 3. « Il sera établi une forme civile d’inhumation pour les citoyens décédés; le directoire du dis¬ trict en présentera le mode au représentant du peuple, pour être provisoirement adopté, en attendant la décision définitive de la Conven¬ tion nationale. Pourront néanmoins les citoyens attachés à une croyance particulière, célébrer pour leurs morts toutes les cérémonies qu’ils jugeront convenables, mais seulement dans l’intérieur de leurs temples. Art. 4. « Les bons citoyens, les corps administratifs, les municipalités, les Sociétés populaires sont exhortés à développer les principes de la morale sociale toutes les fois qu’ils en trouveront l’oc¬ casion, de manière à lui préparer le triomphe qu’elle doit avoir; mais ils sont aussi particu¬ lièrement invités à n’employer d’autres armes que celles de la raison, et à témoigner en tout à leurs frères cette douce condescendance qui assurera leurs succès, qui leur attachera tous les cœurs, et qui renforcera de plus en plus ces liens d’amitié et de fraternité qui doivent unir tous les membres de la grande famille. Art. 5. « Le présent arrêté sera imprimé, publié et affiché dans toute l’étendue du district de Cher¬ bourg. » « Jean -Bon-Saint-André ; René Beldan-ger et Labrouche, secrétaires de la Commission. » La commune de Dijon annonce qu’elle a îe-quis ses saints d’or et d’argent pour marcher à la défense de la patrie; qu’ils sont arrivés à Paris pour s’enrôler dans les bataillons de la monnaie; qu’ils ont fourni 487 marcs 2 onces 7 gros en argent et 25 marcs, 3 onces 1 gros en or. Mention honorable, insertion de la lettre en entier au « Bulletin » (1). Suil la lettre du maire de la commune de Di¬ jon (2). « Citoyens représentants. « La commune de Dijon a requis ses saints d’or et d’argent de faire le voyage de Paris pour marcher à la défense de la patrie; ils n’ont point fait de résistance; des saints pouvaient-ils se laisser prier en vain pour servir l’humanité? « Nous ne leur avons point donné de nourri¬ ture pour leur route, parce qu’on nous a dit qu’ils avaient le pouvoir de changer les pierres en pain et l’eau en vin; cependant, nous leur avons remis les vases où depuis trop long¬ temps leurs ministres buvaient et mangeaient (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 221. (2) Archives nationales, carton C 284, dossier 816. pour eux, pour que dans leur voyage patrio¬ tique ils puissent y boire et manger à leur tour. « Nous leur avons demandé quelle voiture ils voulaient? Ils nous ont répondu que, saints de la ci-devant Bourgogne, ils voulaient pour voiture un tonneau; c’est dans cet équipage que, sous peu de jours, vous les recevrez avec les vases qu’on nous disait sacrés. « Qu’on aille encore nous dire que les saints sont des êtres idéaux, insensibles, sans valeur et hors d’état de faire le bien ! la commune de Dijon répondra que les siens sont palpables et sensibxes, puisqu’ùs pèsent 487 marcs 2 onces 7 gros en argent et 25 marcs 3 onces 1 gros en or; qu’Ls ont de ia valeur, puisqu’ils viennent s’en¬ rôler dans les batainons de ±a Monnaie; qu’fis sont bienfaisants, puisqu’ils veulent aus û sauver la République. « Législateurs, Montagne sainte d’où part la foudre qui écrase les conspirateurs, reçois pour la patrie l’offrande que te fait la commune de Dijon; continue de frapper les traîtres à mort jusqu’à la paix; que ton sommet, s’élevant majestueusement au milieu de l’univers, glace d’effroi les tyrans et pénètre les peuples du feu sacré de la liberté; continue d’accélérer le bonheur des hommes; les citoyens de Dijon et tous les Français sont là, ils te seconderont jus¬ qu’à la mort. « Sauvageot, maire de la commune de Dijon. » Compte rendu du Bulletin de la Convention (1). Le maire de Dijon, admis à la barre, a pro¬ noncé le discours suivant. ( Suit le texte du discours que nous avons inséré ci-dessus d’après l’original qui existe aux Archives nationales.) La commune de la Ferté-sur-Marne fait passer le tableau des dons et contributions volontaires faits par les citoyens de cette com¬ mune, se montant, jusqu’à présent, à une somme de 33,160 livres. Elle se plaint d’être sans tri¬ bunal, sans Administration, et qu’elle est grevée d’un passage continuel de troupes. La Convention nationale en a ordonné la mention honorable, l’insertion au « Bulletin », et le renvoi aux représentants du peuple que le comité de Salut public est chargé d’envoyer, par le décret du 19 de ce mois, dans le dépar¬ tement de Seine-et-Marne (2). Compte rendu du Bulletin de la Convention (3). La commune et la Société populaire de la Ferté-sur-Marne, qui ont déjà fait les plus grands sacrifices pour la Révolution, ayant eu der¬ nièrement connaissance du besoin de nos frères d’armes de l’armée du Nord, leur ont fait passer en deux jours de temps, 12 couvertures, 74 paires (1) Supplément au Bulletin de la Convention natio¬ nale du 7e jour de la 3e décade du 3e mois de l’an II (mardi 17 décembre 1793). (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 222. (3) Supplément au Bulletin de la Convention natio¬ nale du 7e jour de la 3e décade du 3e mois de l’an II (mardi 17 décembre 1793).