SÉANCE DU 10 VENDÉMIAIRE AN III (1er OCTOBRE 1794) - N08 13-14 195 que depuis longtemps le département de l’Ain étoit en proie à tous les genres de vexations; que les scélérats qui se disoient patriotes, mais dont toutes les démarches tendoient à opérer une contre-révolution, s’y étoient érigés en tyrans et en maîtres; que l’opinion publique les accuse de tous les crimes; qu’il n’est point d’abus d’autorité qu’ils ne se soient permis, et qu’ils ont poussé la scélératesse jusqu’à avilir la représentation nationale. Il étoit temps, dit-elle, que le représentant du peuple Boisset parût parmi nous. Lorsqu’il a vu le peuple en masse accuser ses oppresseurs, il les a fait incarcérer. Nous venons d’apprendre qu’ils faisoient intriguer jusque dans le sein de la Convention, et que le comité de Sûreté générale avoit envoyé à l’accusateur public à Bourg ordre de suspendre toute poursuite contre eux. Ce comité a été trompé sans doute ; ce n’a été que sur des exposés calomnieux qu’il aura regardé les tyrans du département de l’Ain comme des patriotes. Représentans, ne vous y trompez pas : ces individus sont proscrits par l’opinion publique ; nous ne pensons pas qu’ils trouvent jamais de protecteur dans la Convention nationale qu’ils ont avilie en plusieurs circonstances, et dont ils vouloient la dissolution. Nous vous en conjurons suspendez toute mesure relative au département de l’Ain, jusqu’à ce que vous ayez reçu les preuves des délits dont ils sont coupables : vous serez convaincus alors que ce département a gémi sous la plus affreuse tyrannie, sans cesser d’être fidèle à la Convention (22). 13 La société populaire de Dol, département d’Ille-et-Vilaine, écrit à la Convention nationale qu’elle a éprouvé, comme plusieurs sociétés, des craintes sur quelques élargissemens de détenus : mais que bientôt jetant ses regards sur la vigueur des lois répressives qui n’ont pas été abolies, elle s’est rassurée, et que sa tranquillité repose sur le règne de ces mêmes lois. Elle a vu, dit-elle, avec plaisir, la mise en liberté des patriotes et de l’homme de bien, de l’homme simple qui n’étoit qu’égaré. Elle demande que le gouvernement révolutionnaire qui doit subsister jusqu’à la paix, soit inséparable de la justice, de l’humanité et de la sagesse qui présidèrent à sa création, de manière qu’il ne puisse devenir l’arme terrible de l’ambition d’aucun individu. Insertion au bulletin, et renvoi au comité de Sûreté générale (23). (22) Bull., 25 vend, (suppl.). (23) P.-V., XL VI, 204-205. Bull., 15 vend.; C. Eg., n° 780. 14 [La société populaire de Richelieu, département d’Indre-et-Loire, à la Convention nationale, s. d.] (24) Citoyens législateurs, Nous voyons certainement avec une satisfaction vraiment fraternelle, que les représentans du peuple en mission dans les départemens donnent la bberté aux détenus, et les rendent à leurs familes éplorées; mais nous ne voyons pas sans surprise que ces mises en liberté se font sans consulter les comités de surveillance, sans le concours et l’avis des sociétés populaires, qui doivent être regardées comme l’œil toujours clairvoyant d’une surveillance aussi active que permanente. Sans doute, et nous en sommes persuadés, que les représentans du peuple en mission ne sont animés que de l’amour du bien public et du salut de la patrie ; cependant nous vous observons que, malgré leur sollicitude paternelle, il échappe à leur connoissance nombre de faits qui pourraient retenir les uns dans les fers, et renvoyer les autres dans leurs foyers. Nous ne devons pas laisser ignorer que la république nourrit encore dans son sein nombre de factions, une multitude de malveillans ; craignez d’augmenter les forces de cette classe malfaisante, cherchez plutôt à les atténuer en les divisant; surveillons-la si nous voulons que la liberté triomphe. Punissons le coupable, rendons justice à l’innocence. Les sociétés populaires sont les seules qui peuvent éclairer sur la conduite des détenus et de ceux mis en liberté, et déterminer votre jugement sur le sort qu’ils doivent éprouver. Sans leur secours, vos collègues n’opéreront jamais tout le bien que leurs âmes bienfaisantes ont pour objet, et nous nous verrons continuellement environnés d’ennemis de la révolution. CLAUZEL : Je demande l’improbation formelle de cette adresse; écouter la prétention des sociétés populaires, ce serait élever à côté de l’autorité nationale des autorités rivales, et organiser l’anarchie (25). La société populaire de Richelieu, département d’Indre-et-Loire, se plaint à la Convention nationale de ce que les représentans du peuple en mission dans les divers départemens, mettent les détenus en liberté sans consulter les comités de surveillance, et sans le concours et l’avis des sociétés populaires : il s’élève une discussion et, sur la proposition d’un membre, la Convention nationale décrète ce qui suit : La Convention l’improuve formellement comme attentatoire aux droits de la représentation nationale, qui est seule investie du pouvoir de maintenir les droits du peuple; décrète qu’elle sera insérée (24) Débats, n" 740, 129-130. (25) Moniteur, XXII, 127; Ann. R. F., n’ 11. 196 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE avec le présent au bulletin de correspondance, et renvoie le surplus au comité de Sûreté générale (26). 15 La société populaire de Billom, département du Puy-de-Dôme, écrit à la Convention nationale : la République a prononcé son vœu; de toutes parts on a rendu hommage à votre énergie quand vous avez fait tomber sous le glaive de la loi la tête des derniers conspirateurs : achevez votre ouvrage, anéantissez la conspiration : le parti subsiste encore; il s’obstine; il cherche à se grossir par d’infâmes manœuvres, on cherche des suffrages, on se fait des partisans. On trompe les sociétés populaires; on cherche à vous désunir, à vous épouvanter, et peut-être à vous dissoudre; le projet a été d’égorger la Convention, de tuer la liberté et de subjuguer le peuple : frappez, frappez de bonne heure les intri-gans, si vous voulez détourner le poignard de votre sein. Tous vos ennemis seront les nôtres; nous n’avons qu’un point de ralliement, c’est autour de vous que nous nous resserrons : s’il vous faut des bras, les sans-culottes de Billom vous en offrent de nerveux : guerre à mort contre quiconque veut dévorer la Convention; c’est la dévorer que de rivaliser avec elle. Mandataires du peuple, ajoute cette société, vous ne devez quitter le char de la révolution qu’à la paix; armez-vous d’une sévérité redoutable pour frapper les faux amis de la liberté ; vos succès nous répondent de l’avenir : vous remporterez toujours des victoires, et quand vous ne pourrez plus vaincre, nous saurons mourir. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi au comité de Sûreté générale (27). Les citoyens composant la société populaire de Billom, département du Puy-de-Dôme, écrivent à la Convention nationale que le parti des derniers conspirateurs subsiste encore; qu’il s’obstine et cherche à se grossir par d’infâmes manœuvres ; qu’on cherche des suffrages ; qu’on se forme des partisans ; qu’on trompe les sociétés populaires; qu’on cherche à la désunir elle-même, et peut-être à la dissoudre ; que le projet a été de l’égorger, de tuer la liberté, de subjuguer le Peuple. Ils l’invitent à frapper de bonne heure les intrigans, si elle veut détourner le poi-(26) P.V., XLVI, 205. C 320, pl. 1330, p. 1. Minute de la main de Clauzel, rapporteur. Bull., 10 vend, (suppl.); Moniteur, XXII, 127 ; Débats, n” 740, 130; Ann. Patr., n° 639 ; Ann. R. F., n° 11; C. Eg., n° 774; F. de la Républ., n° 11; Gazette Fr., n° 1004; J. Fr., n° 736; J. Mont., n° 155; J. Perlet, n° 738; Mess. Soir, n° 774; M. U., XLIV, 153; Rép., n" 11. (27) P. V., XLVI, 205-206. gnard de son sein; à maintenir l’exécution entière du gouvernement révolutionnaire; à rester à son poste et à développer plus que jamais son énergie. « Représentons, disent-ils, nous le jurons, nous ne prenons aucune part dans la lutte des opinions; nous nous prononçons hautement contre les modérantistes et contre les furieux... Guerre à mort contre quiconque veut dévorer la Convention! c’est la dévorer que de rivaliser avec elle : le génie qui vante ses services, qui fédéralise pour étayer sa puissance, doit fixer toute votre attention. Athènes, dans de pareilles circonstances, marqua le temps pour procéder à l’ostracisme. Convention, seule tu jouis de notre confiance ; tu es seule dépositaire du pouvoir du Peuple souverain; c’est sous ton égide seule que nous sommes prêts à combattre » (28). 16 La société populaire de Trévoux, chef-lieu du district de ce nom, département de l’Ain, fait à la Convention nationale le tableau de l’oppression sous laquelle les bons citoyens ont gémi pendant le règne affreux de la terreur et du brigandage qui se répandit tout-à-coup sur la France : des intrigans, sous le masque du patriotisme, avoient commencé par tromper la confiance du peuple ; ils profitèrent des mo-mens de troubles et de calamités pour le tyraniser ; mais la présence du représentant Boisset, dans le district de Trévoux, les a fait rentrer dans la poussière; il a rendu des bras à l’agriculture, a ramené la confiance et la sécurité; c’est en vain que l’intrigue a croassé contre lui : par-tout, et principalement dans les sociétés, il s’étoit glissé des meneurs qui, la vertu à la bouche et le crime dans le cœur, s’emparoient des tribunes et parloient seuls, au nom des sociétés dans le sens qui leur convenoit; ce sont ces êtres fangeux qui sortent de leurs repaires pour avilir les représentans et leurs opérations, les uns pour détourner les regards fixés sur eux, les autres pour ressusciter le règne de sang et de brigandage qui faisoit tout leur espoir : mais les intrigans dans notre district sont dispersés ou en fuite. Continuez, représentans, à baser la République sur un gouvernement juste et vertueux; c’est le seul que craigne le crime, le seul qui soit solide, et le seul que puissent aimer les Français : vous anéantirez, par ce moyen, jusqu’au dernier rejet-ton du tyran, et vous saurez que si ce monstre ne s’étudie pendant une année qu’à vous faire des ennemis, vous avez regagné tous les cœurs dans un mois. Insertion par extrait au bulletin (29). (28) Bull., 26 vend, (suppl.). (29) P.-V., XLVI, 206-207. Ann. Patr., n° 640.