[Assemblée nationale.l ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [29 novembre 1790.] 125 « Déclare vendre à la municipalité de Janville, district de Janville, département d’Eure-et-Loir, les biens nationaux compris dans l’étal annexé en la minute du procès-verbal de ce jour, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai dernier, et pour le prix fixé par lesdits procès-verbaux d’évaluations et d’estimations, montant à la somme de 360,202 liv. 10 sous 2 den., payable de la manière déterminée par le même décret. » QUATRIÈME DÉCRET. <■ L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité chargé de l’aliénation des domaines nationaux, de la soumission de la municipalité de la ville de Chartres, du 13 septembre dernier, en exécution de la décision prise par le conseil général de la commune de cette ville, les 17 mai et 10 septembre précédents, pour, en conséquence des décrets des 19 décembre 1789, 17 mars et 11 mai derniers, acquérir, entre autres biens, ceux dont l’état se trouve annexé en la minute du procès-verbal de ce jour; ensemble cinq procès-verbaux d’estimations et évaluations desdits biens, faits les 16, 17, 18, 19 et 22 novembre présent mois, vus et vérifiés par le directoire du district de Chartres, et approuvés par celui du département d’Eure-et-Loir, les 16, 17, 18, 19, 20 et 22 dudit mois de novembre; « Déclare vendre à la municipalité de Chartres, district de Chartres, département d’Eure-et-Loir, les biens nationaux compris dans ledit état, aux charges , clauses et conditions portées par le décret du 14 mai dernier, pour le prix lixé par lesdits procès-verbaux d’estimations et évaluations, montant à la somme de 641,880 I. 15 s. 6 d., payable de la manière déterminée par le meme décret. » M. d’Eymar, député de Forculquier. Je demande la parole pour une motion rotative ci Jean-Jacques Rousseau. M. le Président. Vous ferez votre motion un autre jour. L’Assemblée va s’occuper d’une affaire urgente. (M. d’Ëymar persiste à demander la parole, et ne se retire que sur le refus du Président de la lui accorder.) (Voy. la motion de M. d’Eymar annexé à la séance de ce jour, p. 127.) M. le Président fait lecture d’une lettre du commerce du Havre, qui annonce à l’Assemblée que des avis reçus en cette ville par le navire les Deux-Frères , parti de la Martinique le 29 septembre, apprennent que, dans l’action qui a eu lieu le 25 dans cette lie, il a péri uu très grand nombre de personnes. M. ISarnavc. Je suis chargé, par le comité colonial, d’un rapport sur cette affaire; je demande la permission de vous le soumettre. (L’Assemblée décide qu’elle entendra M. Bar-nave.) M. llarn ave, au nom du comité colonial. Vous avons encore à yous entretenir des troubles des colonies. Cette maladie politique qui s’est manifestée dans nos possessions du Nouveau-Monde, au moment où la nouvelle de la Révolution y est parvenue, passe de l’une à l’autre-. Il y a peu de temps que vous vous êtes occupés de la situation de Saint-Domingue; aujourd’hui , celle de la Martinique n’est pas moins alarmante. Cependant, les causes de ces événements ne doivent pas se confondre. A Saint-Domingue, il y avait deux partis: i’un, constamment attaché à la mère-patrie, a respecté les décrets, les a défendus et a fini par les faire triompher; l’autre, rebelle, a rais sa volonté à la place de celle de la loi, a pensé à une indépendance coupable, et vous avez prononcé à son égard. A la Martinique, les deux partis se considèrent comme Français; ils en appellent à vous, ils invoquent la loi, ils reconnaissent votre autorité. Une ancienne haine est le seul principe de cette division. Les colons, les planteurs ont de tout temps été opposés à la ville de Saint-Pierre : elle jouit de l’entrepôt; elle fait presque exclusivement le commerce et se trouve, avec les planteurs, dans la position d’un créancier vis-à-vis d’un débiteur. De ces oppositions intérieures et constantes, entre les commerçants et les cultivateurs, est née cette haine, dont l’intensité s’est accrue dans les mouvements occasionnés par la Révolution. C’est vers la hn de l’année dernière et au commencement de celle-ci que les premiers troubles ont éclaté. Je ne vous rappellerai pas ce qui s’est passé pendant l’administration de M. Vioménil, M. Damas a comme lui soutenu les habitants. A l’arrivée de vos décrets la joie fut universelle; mais, le jour de la Fête-Dieu, une malheureuse circonstance renouvela les divisions. R n’était pas d’usage que les gens de couleur, armés et enrégimentés, portassent des armes à cette cérémonie; ils en ont porté, et c’est de cette innovation que la querelle a pris naissance... On a cru que les gens de couleur avaient formé un complot. Le peuple s’est porté contre eux à des mouvements répréhensibles. Un grand nombre a péri, ainsi que trois officiers blancs qui les commandaient. La municipalité a institué un tribunal prévôtal pour connaître de ces faits. Elle a demandé à M. Damas la sanction de cette disposition ; il l’a refusée, parce qu’il a cru ce tribunal illégal. Cependant beaucoup de mulâtres ont été emprisonnés. L’assemblée coloniale de la Martinique n’était pas encore formée suivant vos décrets. Emue par les meurtres qui étaient arrivés, ou excitée par la haine dont la ville de Saint-Pierre est l’objet, elle a requis M. Damas d’employer toutes les forces qui étaient en son pouvoir pour réduire cette ville, détruire le tribunal prévôtal et les autres institutions, et faire punir les coupables. La ville n’a fait aucune résistance : le tribunal a été supprimé, et la municipalité suspendue, ainsi que la garde nationale. M. Damas a cependant rendu la police aux juges, c’est-à-dire qu’il a rétabli les choses dans l’état où elles étaient avant la Révolution. Il a renvoyé la connaissance du tout au sénéchal du Fort-Royal. Soit par la crainte qu’inspirait la présence des troupes, soit par d’autres motifs, M. Damas a reçu des remerciements qui bientôt furent rétractés, et remplacés par des plaintes sur plusieurs faits, et notamment sur ce qu’il avait ordonné l’enlèvement de plusieurs citoyens soupçonnés d’avoir concouru aux meurtres' La ville 'n’a cessé de réclamer; cependant la procédure se poursuivait au sénéchal ; on ne recueillait aucune preuve, et, soit que l’Assemblée doutât de f impartialité du juge, soit que la liberté de ce tribunal parût gênée par les cir- 126 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES; [23 novembre 1790.] constances, l’affaire, sur la requête de la veuve d’un mulâtre, fut évoquée au conseil supérieur; M. Damas signa l’acte d’évocation. Je dois vous faire observer qu’antérieurement à cet acte l’assemblée coloniale avait, aux termes de vos décrets, été confirmée par les paroisses. Les nouveaux juges ont décrété quelques accusés, en ont mis en prison d’autres contre lesquels ils n’avaien t pas des preuves suffisantes : ils ont voulu les envoyer en France. C’est à cette époque que la scène a changé et que de nouveaux troubles ont pris naissance. M. Damas avait exercé sur la ville de Saint-Pierre un pouvoir absolu. Le Fort-Royal est en partie entraîné par les prisonniers des compagnies en garnison à ..... , et le détachement de Saint-Pierre arbora le pavillon national. Au mois de novembre, toutes les troupes ayant abandonné M. Damas, et étant aux ordres du parti de Saint-Pierre, les prisonniers sont mis en liberté, et l’assemblée coloniale, obligée de quitter le Fort-Royal, se retire dans une autre partie de l’île. Dans le premier moment M. Damas, dont nous ne pouvons rapporter la conduite, parce que nous n’avons pas de notions assez exactes, a paru vouloir se réunir aux troupes. Après quelques incertitudes il s’est fait le chef du parti de l’assemblée coloniale; il s’est joint à elle, aux grenadiers et à quelques officiers. M. Ghabrolles, colonel du régiment de la Martinique, est devenu chef militaire de Saint-Pierre, d’une partie du Fort-Royal, et de quelques paroisses qui avaient suivi le même parti. Telles sont les nouvelles qui nous ont été apportées par la station. Inutilement les équipages avaient voulu retenir les vaisseaux, sur lesquels la ville de Saint-Pierre avait même tiré un coup de canon. Nous n’avions aucune idée précise jusqu’au moment où la station nous a donné connaissance des faits que nous venons de vous rapporter. Nous avons cherché les moyens à employer, et nous avons cru indispensable de recourir à la force. Nous avons vu le ministre de la marine, afin qu’au moment du décret il ait fait les dispositions nécessaires. Nous nous sommes également concertés avec le ministre des affaires étrangères pour qu’il fit connaître aux puissances les motifs des armements. Mais il faut joindre aux moyens de force des moyens de sagesse. Avant d’indiquer ceux que nous avons adoptés, nous allons vous présenter de nouveaux détails. M. Damas ne s’est pas tenu pour vaincu. L’assemblée coloniale a formé un projet; elle a rassemblé un grand nombre de citoyens et de nègres auxquels elle a mis lesarmes�à la main. Quand ces troupes se sont crues assez fortes, elles ont fait une incursion vers le Fort-Royal. La ville de Saint-Pierre prétend avoir été exposée aux mêmes incursions; on a répondu par des sorties. Après une affaire particulière, il y en a eu une très grave entre une sonie du Fort-Ruya! et uu parti des troupes de l’assemblée coloniale. Nous n’avons pas de détails précis, mais il est certain que les troupes du Fort-Royal, après avoir donné dans une embuscade, ont perdu beaucoup de monde et ne sont rentrées qu’avec peine. On ne peut concevoir de trop vives inquiétudes suites événements que ces dispositions annoncent. Le Fort-Royal est redoutable, mais la ville de Saint-Pierre est ouverte et offre un pillage tenta-tif. Voici cependant une lueur d’espérance. On a eu recours à la Guadeloupe, qui a envoyé trois cents hommes et vingt commissaires conciliateurs. C’est ce que nous apprenons par les dernières nouvelles, en da(e du 6 octobre dernier. Tel est l’état des choses; tels sont les maux auxquels vous avez à remédier. Comme le décret regarde en général les colonies, j’ai encore quelques mots à ajouter. Des troubles se sont aussi manifestés à la Guadeloupe: cette colonie est également divisée en deux partis. On a à craindre les effets de la contagion. Quant à Saint-Domingue, la province du Sud est calme, celle du Nord est tranquille, et M. Peinier domine dans l’Ouest; mais si la sûreté politique y est rétablie, la sûreté civile n’y existe pas également. L’assemblée générale avait mis en mouvement un nombre considérable d’hommes dangereux à la chose publique, et plus multipliés à Saint-Domingue que dans nos autres colonies, d’hommes qui n’ont rien, qui ne font rien et qui ne peuvent exister que dans le désordre. M. Peinier n’a pas assez de troupes pour mettre la police partout; ii demande quatre mille hommes. Dans cette position, voici le résultat des recherches de votre comité. Vous avez chargé les assemblées coloniales de présenter leur vœu; les divisions de Saint-Domingue ont retardé pour longtemps cette opération, les autres colonies n’ont encore rien fait. La Martinique avait préparé des décrets de propositions: elle avait suivi les instructions à un seul article près, qui consistait à retenir la législation des gens de couleur avec la seule sanction du roi; elle s'est établie provisoirement corps administratif. En autorisant Jes colonies à statuer sur leur administration intérieure, vous ne leur avez pas attribué les fonctions des corps administratifs. Vous n’avez pas entendu qu’en aucun cas elles puissent s’occuper de la partie d’administration qui concerne nos intérêts avec les colonies, et vous avez toujours pensé que cette administration devait rester entre les mains d’officiers institués par la nation. L’assemblée coloniale de la Martinique, après s’ètre constituée corps administratif, a cru l’intendant inutile; elle a renvoyé M. Foulon, ainsi que deux de ses subordonnés, et a mis à leur place un subalterne entièrement à la disposition de l’assemblée coloniale. Ce que nous voyons de plus fâcheux, c’est le ralentissement de l’organisation des colonies. Les anciens pouvoirs sont sans force, les nouveaux tardent infiniment à s’établir. Tout annonce que les colonies n’ont pas assez de lumières. Sans leur retirer le bienfait de pouvoir proposer librement ce qu’elles croiront propre à leur prospérité, on peut les aider dans leur marche. Nous ayons pensé qu’une nouvelle instruction, qui contiendrait une véritable organisation, leur serait très utile. Chaque colonie recevrait le pouvoir do mettre à exécution, avec la sanction du gouverneur, tout ce qu’elle voudrait adopter; mais aucune ne pourrait rien exécuter de ce qu’elle modifierait. M. IHînirnave termine en proposant le décret suivant : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport du comité des colonies sur la situation de File de la Martinique, et sur les moyens de rétablir et d’assurer la tranquillité dans les colonies françaises des Antilles ; « Décrète qu’il sera incessamment envoyé des instructions dans les colonies, tendant à presser le moment de leur nouvelle organisation ; ajourne en conséquence lu délibération sur les propositions de Rassemblée coloniale de la Marti-