GUYENNE (QUATRE-VALLÉES-SOUS). Nota. Le tiers-état du pays des Quatre-Vallées-sous-Guyeime nomma un député aux Etats généraux-Le clergé et la noblesse participèrent à l’élection des députés de la sénéchaussée d’Auch. — • Yoy. le règlement du Roi du 2 mai 1789, Archives Parlementaires, tome Ier, page 650. CAHIER Des plaintes et doléances du tiers-état du pays des quatre vallées éPAure, tfagnonac , Nestes et Barousse, arrêté à la Barthe , le 28 mai 1789 (1). Les députés du tiers-ordre du pays des quatre vallées d’Aure, Magnonac, Nestes et Barousse, assemblés à la Barthe, en vertu du règlement fait par leur auguste maître, le 2 du présent mois, pour la nomination d’un député à l’assemblée nationnale qui se tient à Versailles, supplient Sa Majesté de recevoir l’hommage de leur reconnaissance pour avoir écouté, dans sa justice, les représentations qu’ils lui avaient adressées pour cet objet. Ils osent encore supplier Sa Majesté de déclarer la forme de convocation établie par le règlement, le modèle perpétuel des convocations des Quatre-Vallées aux Etats généraux ui se tiendront dans la suite, en rendant leur éputation complète. Pour répondre au vœu de la bonté paternelle du Roi qui demande d’être éclairé sur les griefs, abus et objets des plaintes de la part de ses sujets, la présente assemblée va mettre sous les yeux de Sa Majesté et de nosseigneurs des Etats généraux, les articles de doléances et remontrances qui suivent : Art. 1er. Avant de passer à aucune délibération concernant la régénération du royaume, il sera fait une loi qui supprime à jamais toutes lettres closes, tous ordres arbitraires, et qui déclare sacrée et inviolable la personne de tout citoyen assez courageux pour dire nos maux, en indiquer la source et le remède. Art. 2. Assurer le retour périodique des Etats énéraux pour tous les cinq ans, et que la forme e leur convocation soit déterminée d’une manière précise par la nation elle-même. Art. 3. Maintenir la constitution de l’Etat par la distinction des trois ordres. Art. 4. Prendre connaissance du déficit des finances, et aviser au moyen le plus propre d’en remplir le vide. Art. 5. La liberté de la presse, sauf aux auteurs à souscrire leurs ouvrages, et à répondre, en leur propre et privé nom, de ce qu’ils pourraient contenir de contraire à la religion, au gouvernement, aux mœurs et à l’honnêteté publique. Art. 6. Qu’il soit statué, par une loi, qu’à la nation seule appartient de droit de consentir les impôts, d’en fixer la durée, de les proroger ou de les abolir. Art. 7. Les parlements seraient déclarés des corps inhérents à la nation, établis par elle à la garde et à l’exécution des lois qu’elle-même aura faites, sans pouvoir enregistrer 1ers édits portant création d’impôts qu’elle n’aüra pas con-(1) Nous publions ce eahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. sentis , et autorisés par elle à çoursuiyre, suivant la rigueur des lois, ceux qui voudraient en asseoir de nouveaux, ou continuer la levée de ceux qu’elle aurait abolis. Art. 8. Il sera établi deux impôts, l’un personnel, sans exception des personnes, et l’autre réel, sans distinction des fonds privilégiés. Art. 9. Abolir la maxime : nulle terre sans sei - gneur, et lui substituer celle : nul seigneur sans titre. Art. 10. Que les ministres, gouverneurs des provinces j et autres dépositaires de l’autorité royale, soient déclarés responsables envers la nation des malversations dans les finances, abus de pouvoir, prévarications, atteintes portées aux lois sanctionnées par les Etats généraux; et qu’en conséquence, ils soient poursuivis et jugés suivant les lois du royaume, sans qu’aucune autorité puisse les soustraire à leur animadversion. Art. 11. Que tous les grades dans les armées, tous les emplois dans la magistrature, l’Eglise et les finances , soient déclarés également accessibles au mérite, sans distinction d’ordre, de rang ni de personne. Art. 12. Abolition des gabelles, et reculement de tout bureau aux frontières. Art. 13. Prohibition du tabac en poudre à cause des mixtions dangereuses dont il est susceptible. Art. 14. Simplifier les procédures en matière civile, et faire un nouveau Code criminel. Art. 15. Fixer, par un tarif général, le droit des officiers de justice, greffiers, procureurs, et salaire des huissiers exécuteurs de leurs ordres. Art. 16. Qu’il sera fait une loi gui permette de prêter de l’argent à terme, en stipulant l’intérêt au denier vingt, ainsi qu’il est d’usage dans le s de Béarn, limitrophe des Quatre-Vallées. rt. 17. Qu’il sera promu une autre loi par laquelle il sera défendu de n’accorder des provisions qu’à des avocats en parlement, ou à des praticiens de dix ans , lesquels notaires seront aussi apostoliques. Art. 18. Que les curés et vicaires soient autorisés à déposer aux greffes des justices royales les plus voisines de leurs paroisses les registres de baptêmes , sépultures et mariages , afin que le Sublic puisse y recourir plus aisément et à moins e frais, en interdisant aux juges et greffiers aucun droit pour la remise. Art. 19. Faire révoquer expressément l’arrêt du 14 août 1744, pour que l’ancienne constitution des Etats soit rétablie. Art. 20. Rétablir les communautés des Quatre-Vallées dans l’usage et droit de ne rendre compte dê leur gestion qüvà la communauté en corps ; de déterminer toutes les dépenses utiles et nécessaires ; de lever et imposer toutes les sommes qu’il faudra pour fournir auxdites dépenses ; comme aussi d’intenter et défendre à toute action sans qu’il soit besoin de réclamer l’autorisation d’aucun tribunal, que de la commission qui sera 414 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Guyenne (Quatre-Vallées-sous).] à ces fins établie par nos Etats, sans aucune espèce de frais. Art. 21. Que chaque communauté d’habitants soit autorisée à perfectionner et à entretenir la tâche des routes qui lui sera assignée, sous l’inspection des syndics et des officiers municipaux; laquelle tâche ne pourra être changée ; comme aussi il ne pourra être ouvert de nouvelles routes sans le consentement exprès du pays. Art. 22. Permettre aux communautés des villes et villages d’acquérir des immeubles sans lettres patentes, formalités de justice, ni être assujetties au payement du droit d’amortissement. Art. 23. Rétablir les communautés des Quatre-Yallées, qui en ont été dépouillées, dans le droit de créer et élire leurs officiers municipaux. Art. 24. Comme la dévastation de nos bois date de l’époque à laquelle la maîtrise s’immisça dans leur administration, supprimer ce tribunal pour le moins inutile, et tous autres tribunaux d’exception, et attribuer la connaissance de tout ce qui est relatif à ces objets aux juges des lieux. Art. 25. Qu’en ramenant la forme du contrôle à l’objet de son établissement, le droit en soit fixé par un taux précis, clair, déterminé , et invariable, quelles que soient la qualité des parties, la nature du contrat, ses clauses, et le prix des objets, avec attribution des contestations aux juges royaux. Art. 26. Demander que tous les registres du contrôle , insinuations et autres quelconques , I tenus pour le compte du Roi et du public, seront i communiqués à tous requérants, sans frais et sans ! aucune formalité. J Art. 27. Faire fixer la dîme des gros fruits à la i cote douze, et faire abolir tant la dîme du foin i que celle des carnalages, et autres dîmes inso-i lites. ! Art. 28. Permettre au seigneur de se jouer de I son fief, ou de ne conserver qu’un fief en l’air, | conformément à la jurisprudence du parlement S de Toulouse. | Art. 29. Abolition de tous droits domaniaux, j et réclamer, conformément à l’arrêté des Etats, j la restitution des droits de franc-fief, indûment ! perçus sur les habitants des Quatre-Vallées, au j mépris des lettres patentes de Henri IV, et de ! l’arrêt du conseil de 1742, rendu contre les trai-i tants. ! Art. 30. Demander un traité avec l’Espagne, pour permettre le libre transport du produit des bestiaux que les Français vont y vendre, soit en ! argent, soit en or ; et dans le cas où ce traité soit i refusé, prohibition du transport de ces bestiaux, j laquelle prohibition doit nécessairement opérer | ledit traité. Art. 31. Rétablissement de l’exploitation libre des marbrières, comme devant occuper des bras ui vont chercher des travaux et leur subsistance ans des royaumes étrangers. Art. 32. Rendre les juges ordinaires souverains jusqu’à la somme de 1 ,200 livres, avec l’assistance des deux opinants en toute matière civile ; et pour celles excédant cette somme, elles seraient portées par appel au présidial, ou au parlement, de manière qu’il n’y ait jamais à parcourir que deux degrés de juridiction. Art. 33. Qu’il soit permis aux consuls, assistés de quatre prud’hommes nommés par la communauté, de juger sans frais toutes les contestations qui s’élèveraient dans leurs communautés au sujet des arrosements, servitudes, bornages et dommages causés dans les héritages des particuliers, ainsi que toutes les affaires sommaires dont le capital n’excédera pas 30 livres, ensemble le salaire des ouvriers. Cette forme de jugement épargnera beaucoup de frais aux personnes litigieuses qui se ruinent en parcourant les divers degrés de juridiction . Art. 34. Enjoindre aux décimateurs de déposer, entre les mains des consuls et notables de chaque paroisse, la portion des fruits destinés aux pauvres et à l’Eglise. Art. 35. Reconstruction et entretien des églises, presbytères et autres bâtiments relatifs au service divin, à la charge des gros décimateurs, sur la réquisition des communautés. Art. 36. Suppression de tout retrait féodal, ou bien, dans le concours, le lignager sera préféré. Art. 37. Réunir aux Quatre-Vallées partie de la baronnie de la Barthe, dont le démembrement fut une usurpation, ou, tout au moins, une infraction au traité d’après lequel cette baronnie fut inviolablement unie à la couronne ; réunion qui devient d’autant plus indispensable que le parlement de Navarre n’a jamais voulu reconnaître ce démembrement, vu qu’il oblige les communautés qui en font partie à faire leur démembrement devant leur chambre des comptes, comme relevant directement de la couronne. Art. 38. Attribuer à chaque communauté un prêtre résident pour les fonctions ecclésiastiques, payable par les décimateurs ; annuler tous les accords entre le peuple et les décimateurs, à raison de l’honoraire des prêtres desservants, sous quelque prétexte que ce soit. Art. 39. Suppression des haras, et la liberté individuelle d’en avoir. Art. 40. Suppression de toute justice seigneuriale dans les Quatre-Vallées, comme n’ayant jamais pu s’introduire que par abus, d’après ses privilèges, ses droits et sa constitution. Art. 41. Que les lieux des Quatre-Vallées, fondés en titre, seraient maintenus dans le droit de tenir des foires et marchés. Art. 42. Assujettir tous les décimateurs à vendre, en temps fixe et opportun, les pailles cueillies dans le dîmaire, aux habitants des paroisses, au taux des lieux voisins, et, en défaut, suivant le prix que les officiers municipaux en fixeront. Art. 43. Demander l’exécution pleine et entière du contrat synallagmatique, intervenu lors de la soumission volontaire des habitants des Quatre-Vallées à la couronne de France, sous le règne de Louis XI, confirmé de règne en règne, et par voie de suite, l’anéantissement de tous édits, déclarations du Roi et arrêts de son conseil, contraires audit traité. Art. 44. Obliger les évêques, abbés, prieurs et tous autres ecclésiastiques, à la résidence; et déclarer abusives toutes les dispenses qu’ils pourraient obtenir à cet égard ; autoriser les officiers municipaux à saisir les revenus du titulaire, en concurrence du temps qu’il n’aura pas résidé. Art. 45. Déclarer tous prêtres et bénéficiers incapables de posséder plus d’un bénéfice ; comme aussi déclarer incompatibles les offices de notaire, commissions de contrôle et autres emplois domaniaux. Art. 46. Que tous collateurs de bénéfices ecclésiastiques ne pourront les conférer qu’aux ecclésiastiques nés dans le diocèse, ou qui y auront fixé leur résidence depuis dix ans. Art. 47. La suppression de l’office du juré-pri-seur établi dans la sénéchaussée d’Àuch, attendu que le plus souvent les frais du transport de cet officier sur les lieux coûteraient plus que la valeur des meubles à priser. États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Guyenne (Quatre-Vallées-Sous).] 44 g Art. 48. Que tous les registres de contrôle et abus quelconques, tenus pour le compte du Roi, soient communiqués à tout le monde, sans frais ’et sans aucune formalité de justice. I Art. 49. Les habitants des Quatre-Vallées chargent expressément leur député aux Etats généraux de promouvoir un arrêt du conseil qui enjoigne aux cinq pays d’élection de rembourser aux communautés desdites vallées les dépenses que leurs députés ont faites inutilement à Auch, L>rs de leur convocation, par rapporta l’obstina-‘iion que ces mêmes élections mirent à ne pas laisser voter en commun. Art. 50. Les députés qui composent la présente assemblée supplient très-humblement Sa Majesté de rendre à leur cœur et à ses fonctions M. le vicomte de Noé, leur sénéchal, qui, depuis plusieurs années, fait par sa situation l’objet de leurs regrets. Art. 51. Que, conformément à l’article 43 des présentes doléances, les habitants des Quatre-Val-lées resteront exempts des milices, amortissements, francs-fiefs, nouveaux acquêts, lods et ventes, en-saisinements , traites foraines, leudes , péages, gabelles, logements de gens de guerre et autres subsides; jouiront du droit de port d’armes, chasse et pêche; pourront construire des moulins à farine et à scie sur les rivières, et jouiront de l’exemption de tous droits sur le sel, à raison de leur consommation et celle de leurs bestiaux. Arrêté en l’assemblée générale des Quatre-Val-lées, à la Barthe de Restes, le 29 mai 1789 : Du-trey, juge, président; Duming l’aîné, commissaire ; d’Abadie, commissaire ; Trône de Bonies, commissaire; Lacassin, commissaire; Bourjac, commissaire; Labroquère, commissaire ; Rivière, commissaire ; Manem, commissaire ; Dutrey , commissaire; Forgue, commissaire; Verdié aîné, commissaire; D. Galan, commissaire, signés. Expédié et collationné. Signé Carrère, greffier en chef et de la commission.