316 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE par Maignet contre les ci-devant nobles et prêtres, et au décret de la Convention qui les approuve : elle dénonce les dénonciateurs de ce représentant du peuple, et déclare qu’au réveil de la contre-révolution, le réveil a battu dans les sociétés populaires de ces contrées; le mot d’ordre, dit-elle, est Convention; le point de ralliement, principes et lois; la devise, justice et vigueur; leur serment, liberté, gouvernement révolutionnaire ou la mort. Cette adresse est accueillie par de vifs applaudissements. La Convention nationale en décrète la mention honorable, l’insertion en entier au bulletin, et le renvoi au comité de Sûreté générale (141). L’orateur : Représentai, La société régénérée d’Aix, département des Bouches-du-Rhône, nous députe vers vous pour applaudir à vos travaux, pour repousser et confondre la calomnie, et déposer dans votre sein ses sollicitudes. La tête du tyran Robespierre est tombée, et la liberté, trop longtemps comprimée, a entendu sonner l’heure de la résurrection : mais la joie des patriotes a été de courte durée. Les prédécesseurs, les émules du tyran, ont changé de système après sa mort pour continuer leurs persécutions, pour se maintenir dans leur despotisme. Ils nous ont accusés d’être les complices, les continuateurs de Robespierre, nous qui en étions les victimes, qui en eussions été les Scaevola. Ils ont rassemblé autour d’eux les débris impurs de toutes les factions; ils ont réchauffé tous les vices, et s’en sont entourés. Le modérantisme a osé jeter son masque; l’aristocratie a relevé sa tête hideuse. Des regards criminels se sont tournés vers les lieux qui renferment les bourreaux de la patrie; et des femmes égarées par des hommes corrompus se sont portées en foule pour applaudir au triomphe du crime. Les patriotes énergiques ont été traités d’hommes de sang. Des discours incendiaires ont tracé des portraits abominables contre les fidèles enfans de la liberté. La société populaire, ce roc escarpé, inaccessible aux intrigues et à l’ambition, habité par des hommes purs, dont les mains fécondent la terre ou embélissent les arts, cette société respectable a été outragée, avilie par le maire en fonctions, devant un grand peuple assemblé. Vous avez entendu naguères dans cette enceinte des pétitionnaires d’Aix, sans mission, vouloir vous apitoyer sur le sort des ci-devant nobles et prêtres, et accuser le représentant du peuple Maignet de les avoir réduits à l’heureuse impuissance de nuire. Eh quoi ! des agriculteurs, des artisans, des citoyens utiles à la société ont été renfermés pour des erreurs, pour (141) P.V., XLV, 120. J. Paris, n° 615; Ann. R. F., n° 279; F. de la Républ., n° 427; J. Fr., n° 712; J. Perlet, n° 714; J. S.-Culottes, n° 569; J. Univ., n° 1 748; M. U., XLIII, 329; J. Mont., n° 130. des fautes légères, et aucune voix ne s’est fait entendre en leur faveur ! et lorsqu’une mesure juste et salutaire balaye de notre commune des présidents à mortier, des marquis, des prêtres fanatiques, des nobles conspirateurs, enfin, les sangsues et les vampires encore gorgés du sang du peuple, un maire, à la honte des mœurs publiques, déserte son poste, et vient se déclarer leur défenseur à la face des représentans d’une nation justement révoltée de leurs forfaits ! un ancien membre du comité, un de ceux qui ont résolu, signé et fait exécuter les mandats d’arrêt contre tous les suspects que renferment les maisons de réclusion, ne craint pas de venir se calomnier lui-même !... Car il est un raisonnement bien simple qui se présente ici naturellement : ou les pétitionnaires ont entendu parler de tous les suspects en général, ou seulement des ci-devant prêtres et nobles compris dans la mesure prise par le représentant Maignet. Dans le premier cas, c’étoit le comité de surveillance de la commune, auteur de ces arrestations, qu’il falloit dénoncer, s’il s’en trouvoit d’injustes ou d’illégales; car le représentant du peuple n’y avoit aucune part; et alors les pétitionnaires sont venus s’accuser eux-mêmes, le maire ayant été longtemps, et l’autre n’ayant jamais cessé d’être membre de ce comité. Dans le second cas, c’est donc seulement la cause des prêtres et des nobles qu’ils sont venus plaider à la barre de la Convention; c’est cet indigne motif qui a fait retentir les voûtes de cette enceinte des calomnies les plus dégoûtantes. Représentans, la société populaire d’Aix désavoue cette infamie; elle vous dénonce la dénonciation et ses auteurs; elle applaudit aux mesures vigoureuses prises par Maignet et au décret de la Convention qui les consacre. Les patriotes, délivrés de la présence de ces nobles et prêtres, dont l’air sinistre et conspirateur menaçoit la liberté et affligeoit ses enfans, vous disent par notre bouche : Mettez une triple barrière autour de la fosse aux lions; faites juger sans délai tous les conspirateurs; soyez justes et impassibles comme la loi, mais fermes comme le rocher que vous habitez, sévères et inflexibles comme Brutus : la justice soutiendra, vengera l’innocence; mais les perfides modérés, les aristocrates, les orgueilleux, les despotes, que toutes les foudres de la Montagne, lancées à la fois, les pulvérisent en un instant ! Restez sur ce mont majestueux, Représentans du peuple; soyez plus que jamais la terreur de l’aristocratie et du modérantisme, l’espoir et le soutien des patriotes. Tournez vos regards vers nos départemens, où la réaction s’est fait sentir avec tant de violence : dans ces contrées brûlantes tout porte l’empreinte du climat; le patriotisme y est ardent; mais aussi le modérantisme y est plus souple, plus artificieux, plus perfide; l’aristocratie plus conspiratrice, plus sanguinaire, l’intrigue plus active. Que les moyens de les comprimer soient donc plus actifs, plus vigoureux; que les représentans chargés de ce devoir y soient énergiquement révolutionnaires. Les patriotes y sont en petit nombre; mais quoiqu’assiégés de toutes parts, ils combattent en hommes libres, ils frappent en montagnards. Au réveil de la contre-révolution, SÉANCE DU 20 FRUCTIDOR AN II (6 SEPTEMBRE 1794) - N° 86-88 317 le rappel a battu dans nos sociétés populaires; le mot d’ordre est Convention; le point de ralliement, principes et lois; la devise, justice, vigueur; notre serment, liberté, gouvernement révolutionnaire ou la mort. Réponse du Président : Citoyens, Quelque soient le nombre et les ressources des malveillants, le patriotisme ne peut être abattu : plus il trouve d’obstacles à vaincre, plus il doit redoubler de courage pour faire triompher la liberté; et s’il est donné à une grande République de renfermer des traîtres et des intrigants dans son sein, il est donné aussi à la vertu républicaine de les démasquer et de les abattre. Retournez donc dans vos foyers rassurer vos concitoyens, relever leur énergie; la Convention nationale se charge du reste (142). 86 Des rentiers viagers se présentent en grand nombre, invoquent l’humanité de la Convention sur la réversibilité des rentes viagères constituées sur deux têtes; ils appellent en même temps sa sollicitude sur une classe d’infortunés qui n’ont, pour subsister, que des rentes viagères ou pensions sur les émigrés et les détenus; ils représentent que, depuis plusieurs années, ils n’ont rien touché. Renvoyé au comité des Finances pour faire un rapport dans le courant de la décade (143). 87 Le citoyen Bourdier expose qu’il est l’inventeur d’une mécanique propre à moudre toutes sortes de grains, à des moulins à poudre, à des foreries à canons, à la papeterie, et autres objets essentiels; que des commissaires nommés par le département de la Dordogne, pour faire faire devant eux l’essai de sa machine, en ont fait le rapport le plus satisfaisant; il demande à être remboursé des frais et dépenses que cette découverte lui a occasionnés, et à être autorisé à mettre la machine en activité dans tel lieu que la Convention lui indiquera, aux dépens et pour le service de la République. Il ne veut d’autre traitement que celui nécessaire à un sans-culotte qui n’aime que son pays. Renvoyé au comité d’ Agriculture et des Arts (144). (142) Bull., 20 fruct., Moniteur, XXI, 693-694. Débats, n° 717, 349-351. (143) P.-V., XLV, 121. Ann. R. F., n° 279; J. Fr., n° 712; M. U., XLIII, 329. (144) P.-V., XLV, 121. 88 Les pétitionnaires sont admis à la séance dans l’ordre qu’ils se présentent. Une députation de la société, séante à la salle électorale, demande; 1) La garantie la plus illimitée des opinions et de la liberté de la presse. 2) Que le peuple rentre dans la plénitude de ses droits, en nommant immédiatement ses fonctionnaires publics. Pétition à la Convention Nationale, présentée le 20 fructidor, par la société populaire séante à la salle électorale (145) Mandataires du Peuple, Vous vous êtes occupés, dans cette enceinte, du droit imprescriptible qu’ont tous les citoyens de manifester leurs pensées sur tous les objets importans qui peuvent garantir au peuple sa liberté; tant dans les assemblées politiques, que par la voie de l’impression. Ces principes ont été proclamés par les différentes législatures; mais les ambiteux qui ont toujours craint le flambeau de la vérité, ont su, par leurs perfides influences, les faire méconnoitre, et ont été même prêts à les anéantir. Nous vous demandons, pour assurer aux citoyens courageux qui se dévouent au noble emploi de démasquer les traîtres, la garantie la plus illimitée pour la communication des pensées et la liberté de la presse. Nous demandons que, sous prétexte d’écarter les cabales et de faire de meilleurs choix, il ne soit jamais porté atteinte aux principes qui confèrent au peuple seul le droit de nommer ses fonctionnaires. En s’écartant de ces principes, de grands abus ont été consacrés; la France vient d’en avoir un terrible exemple dans la municipalité conspiratrice et autres agens que vous venez d’anéantir. Le tyran n’avoit appelé ses amis dans les différentes places, que pour s’assurer plus positivement des complices. Si par suite de quelques-uns de ses choix le peuple a été trompé, ce ne fut jamais une raison pour le priver d’un droit imprescriptible sans lequel il tomberait bientôt dans le plus honteux esclavage. La confiance ne se commande pas, et sans confiance il est impossible aux fonctionnaires d’opérer le bien : qui en est plus digne ou de celui nommé immédiatement par l’assentiment du peuple, ou de celui nommé par des hommes dont les importantes occupations les empêchent de tout voir par eux-mêmes, et qui souvent ne se trouvent entourés et importunés que par les intrigants et les ambitieux. A mérite égal, le premier a pour lui l’opinion générale qui a intérêt même à ne point rougir de son choix, le second a contre lui la défiance (145) Journal de la Liberté de la Presse, n° 13.