SÉANCE DU 26 FRUCTIDOR AN II ( 12 SEPTEMBRE 1794) - N“ 58-59 121 c’est l’ordre formel que nous attendons de la Convention nationale d’aller détrôner le roi sarde; nous nous chargeons de l’expédition avec nos braves camarades. Salut et fraternité. Cassanyès 58 Sur la proposition d’un membre [Mon-nel], la Convention nationale décrète qu’il sera fait de nouveaux envois de lois aux administrations de département et de district, qui justifieront du pillage de leurs dépôts ou archives par les ennemis de la République, soit du dedans, soit du dehors; Charge son comité des Décrets et Procès-verbaux de surveiller ces envois (98). 59 Un membre [Merlin (de Douai)], au nom des comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation, fait un rapport sur la proposition faite dans la séance d’hier, de suspendre l’exécution des juge-mens rendus contre les citoyens mis en arrestation depuis le 9 thermidor. Ce rapport excite quelques débats. La Convention nationale décrète l’ajournement à deux jours, et l’impression du projet de décret (99). MERLIN (de Douai) : Vos comités de Salut public, de Sûreté générale, et de Législation, se sont réunis hier pour examiner la question de savoir si l’on devoit [sur la proposition faite par Méaulle dans la séance d’hier] (100) suspendre les procédures intentées par devant les tribunaux criminels contre les citoyens arrêtés depuis le 9 thermidor, ou si l’on devoit suspendre l’exécution des jugemens prononcés contr’eux. Ils l’ont appréciée et réduite à sa juste valeur : ils ont unanimement reconnu qu’elle n’a-voit pas dans l’intention de celui qui l’a présentée, le sens qu’elle offre naturellement, et qu’elle ne pouvoit avoir d’autre but que de centraliser le gouvernement, afin que les arrêtés des représentans du peuple ne s’entre-choquâssent pas. Us vous proposent donc de déclarer qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur cette question. (98) P.-V., XLV, 232. C 318, pl. 1285, p. 47. Décret n° 10 848 de la main de Monnel, rapporteur. M. U., XLIII, 444; J. Fr., n° 719. (99) P.-V., XLV, 232. Gazette Fr., n° 986; Rép., n° 267; Ann. Patr., n° 620. (100) Débats, n° 722, 441. Voir ci-dessus, 25 fructidor n° 52. Mais devez-vous vous borner là ? Les représentans envoyés dans les départemens, ont sauvé la chose publique. Mais depuis environ un an, on a trop prodigué cette mesure, salutaire lorsqu’elle est ménagée par la sagesse. Il en est résulté que la législation de la République s’est fédéralisée de la manière la plus étrange, pour ne pas dire la plus choquante; que cette législation bigarrée n’avoit pas seulement l’avantage de la stabilité; que rarement les représentans du peuple ont laissé subsister les mesures prises par leurs prédécesseurs, et que la principale source des divisions funestes qui se sont manifestées dans notre sein, est dans la divergence, la contrariété et le choc des opérations des représentans qui se sont succédés dans une même mission. Il est plus que temps d’apporter remède à tant de maux et d’apprendre aux autorités constituées à faire marcher elles-mêmes sous la surveillance de la Convention et de ses comités, les rouages de la machine politique dont le soin leur est confié. Ce n’est pas que vos comités pensent qu’il faut rappeler tous les représentans en mission; un rappel général et trop rapide seroit dangereux; d’ailleurs, il est utile de les conserver encore quelques temps. Mais ils ont cru devoir vous proposer de décréter; 1°. Que tout représentant en mission enverra, sous trois jours, expédition de ses arrêtés aux comités de la Convention, chacun dans ce qui les concerne, d’après la loi du 7 fructidor. 2°. Que ces comités seront autorisés à suspendre l’exécution de ceux de ces arrêtés qu’ils croiront contraires à l’intérêt public ou à la justice distributive. De ces mesures résultera un grand avantage pour la paix intérieure de la Convention nationale; et la voûte du temple des lois ne retentira plus de dénonciations réciproques. L’effet d’un mauvais arrêté sera suspendu sans bruit, sans scandale, sans déchirement (101). [Le rapport de Merlin a été interrompu fréquemment par plusieurs membres [BOURDON (de l’Oise)] (102) qui trouvent dans le ton du rapport un style trop magistral; dans l’exposition des discussions de la veille, une affectation peu décente; dans certaines expressions, le langage méprisé de la plaidoierie, et dans les qualifications du fédéralisme, une mollesse et une négligence que les malheurs dans lequel il a plongé la patrie ne peuvent permettre à la tribune de la représentation nationale.] (103) [On murmure de ce que le rapporteur nomme l’auteur de la motion, au lieu de dire suivant l’usage, un membre a proposé de...] (104) (101) J. Perlet, n° 720. (102) Mess. Soir, n” 756; M. U., XLIII, 430; Gazette Fr, n° 986; J. Mont., n° 136; Ces gazettes insistent particulièrement sur l’intervention de Bourdon (de l’Oise). (103) J. Paris, n° 621. (104) J. Mont., n° 136. 122 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE [MÉAULLE, DUHEM et GOUJON, ce dernier sur-tout ont insisté long-tems pour être entendus contre ce rapport.] (105) [BOURDON (de l’Oise) dit que la question a été traitée par les comités, et le projet de décret arrêté à l’unanimité; mais que le rapport de Merlin n’a pas été lu à ces comités. TREILHARD observe que les comités ne se sont séparés qu’à deux heures du matin, et que Merlin n’a pu faire son rapport que d’une manière très hâtive : si donc il y avoit, dit-il, quelqu’ expression à reprendre, ce n’est que celui d’entre nous à qui il n’est jamais arrivé de dire plus ou moins qu’il ne vouloit, qui auroit droit de blâmer notre collègue dont personne ne peut suspecter les intentions. Après quelques débats l’Assemblée décide qu’elle entendra le rapport jusqu’au bout.] (106) [BENTABOLE : Ce projet est de la plus haute importance. J’y trouve de grands in-convéniens. [Il est persuadé que la patrie n’a été sauvée que par les représentans du peuple envoyés dans les départemens; qu’elle n’a été sauvée que par les pouvoirs indépendans et illimités dont ils sont investis, qu’elle seroit encore sauvée par les mêmes moyens si les mêmes crises se renouvelloient.] (107) Vos commmissaires seront absolument paralysés, et il leur sera impossible de faire le bien. Comment vos comités pourront-ils juger de la bonté d’un arrêté, sans connoître les circonstances qui les ont déterminés. Il faudra donc joindre à chaque arrêté un nombre infini de pièces; et tout celà ne fera qu’apporter du retard, dans l’exécution de la mesure. D’ailleurs, les arrêtés ne seront pas respectés, parce que l’on pourra toujours croire qu’ils seront cassés par les comités. Je demande l’ajournement et l’impression.] (108) [DUHEM appuie cette proposition en observant au surplus que si la mesure prise d’envoyer des représentans en mission a été accompagnée de quelques abus, comme le sont les plus sages institutions, il est dumoins une vérité constante, c’est qu’il en est résulté le salut de la République] (109). [On demande aussi l’impression du rapport; plusieurs membres s’y opposent : elle n’est pas décrétée. [BOURDON (de l’Oise) et DUHEM partagent cet avis : mais ils demandent l’impression du projet de décret seulement parce que le rapport n’est pas l’ouvrage des comités et qu’il ne leur a pas été soumis] (110). LEGENDRE demande qu’aucun rapport ne puisse être fait, au nom d’un ou de plusieurs (105) Mess. Soir,. n° 756. (106) Débats, n° 722, 441. (107) J. Paris, n° 621. (108) J. Perlet, n° 720. (109) Rép., n° 267. (110) J. Perlet, n° 720. comités, sans avoir été communiqués à ces comités. Adopté] (111). La séance est levée à quatre heures (112). Signé, Bernard (de Saintes), président ; L. Louchet, Borie, Cordier, Guffroy, Bentabole, Reynaud, secrétaires. AFFAIRES NON MENTIONNEÉS AU PROCÈS-VERBAL. 60 [La société populaire d’Auxerre (département de lYonne) à la Convention nationale, s. d.] (113) La société populaire d’Auxerre annonce que la mise en liberté d’une foule d’individus contre-révolutionnaires par théorie et par pratique afflige les vrais patriotes; elle pense que la religion de ceux qui ont ordonné ces mises en liberté a été sans doute trompée, qu’ils auront été circonvenus, et que les importunités auront fait violence à leur sagesse. Elle ajoute que, si l’on continue de mettre en liberté les contre-révolutionnaires, la patrie est perdue. Elle termine en disant qu’elle va faire connaître à la Convention les noms des contre-révolutionnaires du district d’Auxerre qui ont obtenu leur liberté, et les notes sur leurs crimes envers la patrie. On demande le renvoi au comité de Sûreté générale et l’insertion au bulletin. [Cette adresse, dit [DELAUNAY (jeune)] (114) est une censure injurieuse du gouvernement et de la Convention nationale, elle tend à jeter l’alarme pour empêcher les effets bienfaisants de la dernière révolution et remettre la terreur à l’ordre du jour. Si des contre-révolutionnaires ont été élargis, il est juste qu’ils soient réintégrés dans les prisons, le devoir de votre comité de Sûreté générale est de les y remettre. Renvoyez-lui cette adresse.] (115) [DU ROY appuie ce renvoi. [(Il) parle au long sur la définition, ce que c’est que les mal-veillans. Les malveillans, dit-il, sont les ci-de-(111) Les débats qui ont accompagné le rapport de Merlin (de Douai) sont inégalement rapportés dans la presse, une partie de ceux-ci accompagnent le rapport lui-même; nous avons suivi l’ordre des Débats, n° 722, 441. dans lequel nous avons inséré les variantes majeures; J. Perlet, n° 720; Moniteur, XXI, 744. Mess. Soir,. n° 756; M. U., XLIII, 430; Rép., n° 267; J. Mont., n° 136; C. Eg., n° 755; Ann. R. F., n° 285; F. de la Républ., n° 433; Gazette Fr., n° 986; Ann. Patr., n° 620; J. Paris. n° 621; Orateur P., n°2. (112) P.-V., XLV, 232. Moniteur, XXI, 744; J. Perlet, n° 720; M. U., XLIII, 430. (113) Moniteur, XXI, 741. (114) Ann. R. F., n° 285. (115) J. Perlet. n° 720.