SÉANCE DU 2 BRUMAIRE AN III (23 OCTOBRE 1794) - N08 42-46 383 42 La Convention nationale, après avoir entendu [SAINT-MARTIN, au nom de] son comité des Secours publics, sur la pétition du citoyen Barthélémy Touron, journalier, demeurant à Prades, département de l’Ariège, lequel, après quatre mois huit jours de détention, a été acquitté et mis en liberté par jugement du tribunal révolutionnaire de Paris du 24 vendémiaire dernier; Décrète que, sur le vu du présent décret, la Trésorerie nationale paiera audit Touron la somme de 400 L à titre de secours et indemnité. Le présent décret sera inséré au bulletin de correspondance (128). 43 La Convention nationale, après avoir entendu le comité des Secours publics [SAINT-MARTIN, rapporteur], sur la pétition des citoyens Pierre Labange, père et fils, et Louis Brée, tous journaliers, demeurant à Gervais [?], département de la Vienne, lesquels, après cinq mois de détention ont été acquittés et mis en liberté par jugement du tribunal révolutionnaire de Paris du 24 vendémiaire dernier; Décrète que, sur le vu du présent décret, la Trésorerie nationale paiera à chacun des trois susnommés la somme de 500 L à titre de secours et indemnité. Ce décret sera inséré au bulletin de correspondance (129). 44 Un membre de la commission chargée de procéder à la levée des scellés apposés sur les papiers de l’infâme Robespierre et de ses complices observe que cette commission se trouve arrêtée dans sa marche, qu’elle éprouve des difficultés, qu’elle a reconnu qu’il lui était nécessaire d’obtenir une augmentation de pouvoirs, et d’appeler les détenus Héron et Pijaud pour être présents à la levée de leurs scellés; en conséquence il propose un décret qui est adopté en ces termes (130) : La Convention nationale décrète que les commissaires nommés pour l’exécution du décret du 22 vendémiaire, relatif à Héron et Pijaud, sont autorisés à procéder eux-(128) P.-V., XLVIII, 18. C 322, pl. 1363, p. 23, minute de la msdn de Saint-Martin, rapporteur. Bull., 3 brum. (suppl.). (129) P.-V., XLVni, 18-19. C 322, pl. 1363, p. 24, minute de la main de Saint-Martin, rapporteur. Bull., 3 brum. (suppl.). (130) Moniteur, XXII, 338. mêmes à la levée des scellés, après que la reconnoissance en aura été faite par ceux qui les ont apposés; ainsi qu’à la confection de l’inventaire et autres opérations ordonnées par ledit décret, tant en présence qu’en l’absence des membres de l’ancien comité de Sûreté générale, après l’invitation qui leur sera faite. Les dits commissaires sont également autorisés à faire amener Héron et Pijaud, pour assister à leurs opérations toutes les fois qu’ils le jugeront nécessaire (131). 45 Sur la pétition de Michel Simon, de la commune de Berre, district d’Aix, département des Bouches-du-Rhône, tendante à être renvoyée aux commissaires représen-tans sur les lieux dans ce département, pour statuer sur l’objet de sa pétition; un membre a converti cette pétition en motion, et la Convention décrète qu’elle est renvoyée aux commissaires représentans du peuple, pour, après les instructions et informations nécessaires, statuer définitivement s’il y a lieu (132). 46 MERLIN (de Thionville), au nom des comités de Salut public et de Sûreté générale : Citoyens, vous avez renvoyé à vos comités de Salut public et de Sûreté générale réunis l’examen des inculpations faites à notre collègue Dubois-Crancé, spécialement par Couthon, Robespierre et leurs partisans, relativement au siège de Lyon. Je viens aujourd’hui, au nom des deux comités, vous présenter la série des faits. Vous tirerez vous-mêmes les conséquences qui en dérivent. Retournant d’abord vers le temps où Dubois-Crancé partit pour le Midi, l’année dernière, plaçons-nous au milieu des circonstances qui l’environnaient alors, si nous voulons juger avec équité. Il fallait anéantir le fédéralisme et soumettre Lyon. Eh bien, mille voix s’élèvent, aujourd’hui qu’elles ne sont plus comprimées par les triumvirs, et déposent que Dubois-Crancé n’a pas démenti sa conduite antérieure. Les preuves de cette assertion résultent des pièces originales remises à vos comités. Dubois-Crancé, accusé par deux hommes qui n’avaient (131) P.-V., XLVIII, 19. C 322, pl. 1363, p. 25. Décret attribué à Robert Ldndet par C*II 21, p. 15. Mess. Soir, n° 796. (132) P.-V., XLVni, 19. C 322, pl. 1363, p. 27, minute de la main de Durand-Maillane. Décret anonyme selon C* II 21, p. 15. 384 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE jamais rien fait pour la patrie qu’ils croyaient asservir, qui étaient investis par une sorte de prestige de l’estime et de la confiance du peuple qu’ils voulaient dominer, qui mettaient à le persécuter un tel acharnement qu’ils le présentaient sans cesse comme un traître digne du dernier supplice, devait sans doute succomber; mais cette persécution suffirait à sa justification. Vous connaissez aujourd’hui les motifs qui poussaient ces hommes de sang à se faire, des cadavres des plus zélés défenseurs de la liberté, des degrés pour arriver au trône et dominer par la terreur sur la France, dont ils partageaient d’avance la dépouille à leurs satellites. Cependant cette opinion générale ne complète pas la justification d’un représentant du peuple ; il ne peut avoir le droit de se prévaloir des crimes et de la punition de ses accusateurs s’il a lui-même des reproches à se faire; mais, s’il est innocent, il ne faut pas que la malveillance puisse faire planer l’ombre du soupçon sur sa conduite. Vos deux comités, chargés de l’examen de cette affaire, ont vu d’abord que Dubois-Crancé, envoyé en mission à l’armée des Alpes le 1er mai 1793 (vieux style), arrivé à Lyon, y connaît dans l’instant le mauvais esprit qui y règne ; il veut assurer à la République une ville aussi importante ; il fait assembler, de concert avec ses collègues, les corps administratifs en présence du peuple, et les détermine à prendre un arrêté qui, s’il eût été exécuté, aurait sauvé la ville de Lyon. Cet arrêté se trouve n° 2 des pièces justificatives qu’il a publiées, et qui sont depuis longtemps dans vos mains. Alors la Convention nationale était tourmentée par les divisions qui ont précédé la journée du 31 mai; cet arrêté fut improuvé par les Girondins; il resta sans effet. Dubois-Crancé alla visiter les frontières; le système des contre-révolutionnaires d’alors était de comprimer, d’égorger au nom de la liberté, et, sans quitter l’étendard du républicanisme, de rendre odieux les meilleurs patriotes. Déjà Bordeaux, Montpellier, Nîmes, Marseille avaient dénaturé leurs sociétés populaires, incarcéré les patriotes; Lyon fit aussi sa contre-révolution le 29 mai. Dubois-Crancé arrive à Grenoble; toute la correspondance des représentants avec le comité de Salut pubbc était interceptée sur cette frontière : il embrasse d’un coup d’oeil le danger; il voit que Lyon va faire manquer les approvisionnements des armées des Alpes et des Pyrénées, et les livrer à l’ennemi; il veut saisir cette ville dans l’anarchie de sa révolte; il demande à marcher à l’instant contre elle. La Convention venait elle-même d’essuyer la révolution du 31 mai; on redoutait une guerre civile; on craignait que l’ennemi du dehors ne profitât de cette circonstance; on défendit de dégarnir la frontière, et Dubois-Crancé fut réduit à la guerre de plume. Il la fit avec succès; il désabusa les départements environnants, qui étaient égarés, sur les motifs de la révolte de Lyon; il fit les proclamations les plus énergiques; toutes sont consignées dans les pièces justificatives de sa mission, et l’on doit à Dubois-Crancé cette justice, qu’il a étouffé les brandons de la guerre civile la plus dangereuse à la liberté, sans qu’aucun acte de rigueur déplacée ait souillé sa mission. Enfin, le 14 juillet, la Convention décréta qu’il serait pris des mesures pour forcer la ville de Lyon de rentrer dans le devoir, et elle chargea le général Kellermann de se concerter avec Dubois-Crancé et Gauthier à cet effet. Déjà des mesures avaient été prises par eux pour attaquer les rebelles de Marseille, et pour les empêcher de se joindre aux Lyonnais ; c’est à ce coup de hardiesse qu’est dû en partie le salut du Midi; mais il fallait réduire Lyon. Les contre-révolutionnaires de cette ville avaient eu le temps de se préparer et d’organiser leurs moyens de défense : maîtres d’un des plus riches arsenaux de la République, ils avaient des munitions en abondance et trois cents pièces de canon. Ils avaient fait venir de Suisse et de tous les départements du Midi une foule d’aristocrates expérimentés dans l’art de la guerre; ils avaient quarante mille hommes bien armés, dont sept mille, casernés, étaient dévoués à leurs chefs, et plus de soixante redoutes furent ajoutées aux moyens de défense que la nature, le cours du Rhône et de la Saône présentaient. D’un autre côté, la frontière était menacée par soixante mille Piémontais. L’armée des Alpes était réduite de soixante-dix bataillons à quarante-huit, parce que dix bataillons avaient été envoyés au Rhin, six bataillons étaient passés aux Pyrénées-Orientales, et six autres étaient occupés contre les rebelles de Marseille. Ces quarante-huit bataillons ne pouvaient s’évaluer qu’à cinq cents hommes chacun ; total, vingt-quatre mille hommes, avec lesquels il fallait garder soixante lieues de frontières, menacées par soixante mille Piémontais et Autrichiens, et faire le siège de Lyon. On n’avait d’ailleurs ni attirail de siège, ni munitions de guerre. Dubois-Crancé et Gauthier n’hésitèrent cependant pas de marcher sur Bourg, avec Kellermann, pour se placer entre Lyon et le Jura, dont les administrateurs dirigés par Dumas, frère du complice de Robespierre, avaient promis des secours aux rebelles; il fallait parvenir à isoler Lyon et l’attaquer, avec quoi? avec douze bataillons, huit mille hommes de réquisition, la plupart sans armes, douze bouches à feu, et deux mille coups à tirer. Cette armée, qu’on a tant exagérée, qui n’était pas de quatorze mille hommes, fut partagée en trois colonnes; une se plaça entre le Rhône et la Saône, à Caluire, sous les ordres du général Petit-Guillaume, pour intercepter le cours des deux rivières et le grand chemin de Genève, par le département de l’Ain. C’est là où Kellermann établit son quartier général, et les deux représentants Dubois-Crancé et Gauthier s’y fixèrent, pour surveiller les travaux de l’état-major. Une seconde colonne appuya sa droite à la rive gauche du Rhône, et se plaça en parallèle du cours de cette rivière, le long SÉANCE DU 2 BRUMAIRE AN III (23 OCTOBRE 1794) - N° 46 385 de Lyon jusqu’à La Guillotière : c’est cette colonne, commandée par le général Vaubois et surveillée par le représentant du peuple Laporte, qui a bombardé Lyon. Une troisième colonne, commandée par le général Rivas et surveillée par Reverchon, appuyée à la rive droite de la Saône, couvrait les montagnes de Saint-Rambert, et, passant par la Duchère, où elle avait établi ses batteries en face de Vaise, elle étendait sa droite jusqu’à une redoute construite à la tour de Salvagny, pour intercepter à la fois la route du Méconnais et celle de Moulins. Ainsi, les reproches faits à Dubois-Crancé par l’ancien comité de Salut public sur son prétendu généralat, reproches qui ont servi à motiver son rappel le 6 octobre, sont destitués de tout fondement ; car il y avait un général et un représentant du peuple à chaque colonne, et la totalité de l’armée était commandée par deux généraux en chef, Kellermann et Dumay, et après lui Coustard. Il restait, pour achever la circonvallation, à couvrir la route du Forez et celle de Clermont, depuis la tour de Salvagny jusqu’à Oulins, position que devait venir occuper la colonne du Puy-de-Dôme, mais dont les administrateurs avaient livré aux Lyonnais le général Nicolas, envoyé pour les commander. En conséquence, les Lyonnais sont restés maîtres de ce débouché jusqu’au 20 septembre ; ils occupaient Saint-Etienne, Feurs, Montbrison, et tiraient de ces pays leurs subsistances : voilà la véritable cause de la longueur du siège de Lyon. Nous allons voir quelle influence Couthon pouvait y avoir. Il avait fait rendre le décret du 14 juillet contre Lyon; il était membre du comité de Salut public; il écrivait à Dubois-Crancé et Gauthier : « Cerner Lyon, lui intercepter ses subsistances, est tout ce que vous pouvez faire en ce moment avec aussi peu de troupes; il ne faut rien tenter de plus, à moins de circonstances impérieuses. » Cette lettre est datée du 18 août; et le 21 Couthon déclamait à la Convention contre la lenteur du siège de Lyon, et se faisait donner la mission de l’aller terminer. Couthon est parti le 22 août pour faire lever en masse le Puy-de-Dôme; il avait pour adjoints Maignet et Châ-teauneuf-Randon : alors le Puy-de-Dôme s’est ébranlé, et le 20 septembre il s’est réuni à l’armée devant Lyon. C’est à cette époque que Couthon écrivait de Clermont à la Convention : « Un bataillon, ou plutôt un rocher du Puy-de-Dôme est tombé dans Vaise. » (On ne s’est battu dans Vaise que le jour de la sortie des Lyonnais, le dernier jour du siège). Remarquez que, pendant que Couthon accusait Dubois-Crancé de la lenteur du siège, Dubois-Crancé, qui, pendant près de deux mois, n’avait pas quitté la tranchée, où il a eu deux chevaux blessés sous lui, enlevait, l’épée à la main, à cinq lieues de son quartier, ce jour-là, une très-forte redoute, celle d’Oulins, ce qui découvrait complètement le flanc gauche de l’ennemi, et facilitait l’approche des redoutes de Sainte-Foy, qui furent tournées et enlevées le 24 septembre avec beaucoup de courage. Depuis ce moment, Lyon, cerné de tous côtés, parlait chaque jour de capituler ; la faim le dévorait; on s’y nourrissait d’avoine crue et non broyée; et les représentants du peuple, sagement avares du sang d’une armée si faible, qui était si nécessaire, si attendue devant Toulon, et qui combattait corps à corps depuis deux mois les rebelles, ne firent plus aucune attaque, qui pouvait être dangereuse et qu’ils jugèrent au moins inutile. C’est dans ces circonstances que Couthon, parfaitement instruit par Maignet, arriva le 2 octobre à Sainte-Foy; le 6, un courrier apporta de Paris la nouvelle de la destitution de Dubois-Crancé, Gauthier et Châ-teauneuf-Randon. C’est ici, citoyens, que je dois plus particulièrement fixer votre attention. La lettre du comité, datée du 2 octobre, s’exprimait ainsi : « Dubois-Crancé, Châteauneuf et Gauthier vont être rappelés au sein de la Convention. » Effectivement, le 6, le décret fut rendu, à la demande de l’ancien comité de Salut public; mais Couthon, pressé de jouir, n’avait pas attendu le décret; et, sur la lettre du comité, il envoya, le 7 au matin, un trompette à Lyon, avec la proclamation suivante : « La Convention nationale vient de rappeler dans son sein Dübois-Crancé, Gauthier et Château-neuf; c’est nous qu’elle charge maintenant de faire réduire cette ville rebelle. » Ici pourrait se terminer mon rapport ; car dès ce moment, Dubois-Crancé n’était plus revêtu d’aucun pouvoir, et Couthon, exerçant votre puissance à son égard, l’avait paralysé de sa propre autorité, et s’était déclaré responsable de tous les événements postérieurs ; mais il est utile que je démontre par de nouveaux traits combien était coupable ce charlatan politique que vous avez puni. Couthon, en recevant cette lettre du comité, qu’il avait provoquée par des calomnies, feignit la désolation; il appelait le rappel de Dubois-Crancé une calamité, et il l’engagea à rester près de lui, en disant que ses collègues et lui en prendraient l’arrêté sur leur responsabilité. Dubois-Crancé resta à Sainte-Foy, près de Couthon; mais, l’arrêté n’ayant pas été pris, il ne se mêla de rien. Tout ce que je rapporte est à la connaissance de nos collègues Reverchon, Laporte, Gauthier et Châteauneuf-Randon. Tout ce que je rapporte se passait le 7 octobre. Le 8, à cinq heures du soir, une citoyenne de Lyon, nommée Rameau-Beauchaton, vint prévenir Couthon qu’ayant parfaitement rempli la mission que lui avait donnée, le 5, Dubois-Crancé et Gauthier, le peuple était soulevé contre ses oppresseurs, et que les rebelles se disposaient à faire une sortie par Vaise, ayant Précy à leur tête, le 9, à quatre heures du matin, pour tenter de s’évader. Pour ne laisser aucun doute sur un objet qui jette le plus grand jour sur la fausseté de la seule inculpation sérieuse faite à Dubois-Crancé, « d’avoir facilité l’évasion des rebelles de Lyon », voici l’attestation que Couthon lui-même donna, le 13 brumaire, un mois après le siège, à la citoyenne Rameau-Beauchaton. 386 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE « Les représentants du peuple envoyés près l’armée des Alpes, après avoir pris lecture de l’attestation délivrée à la citoyenne Beaucha-ton, femme du citoyen Rameau, ledit certificat signé par les représentants du peuple Dubois-Crancé et Gauthier, sous la date du 10 octobre (vieux style), duquel il résulte qu’elle s’était rendue à La Pape pendant le siège, qu’elle avait été chargée d’une mission secrète et importante pour le succès des armes de la République ; sur la réquisition de ladite citoyenne de certifier les faits qui sont parvenus à notre connaissance : Nous attestons que, le 8 dudit mois d’octobre, ladite citoyenne est venue nous rendre compte du succès de la mission qui lui avait été précédemment confiée par nos collègues; que nous avons été prévenus par elle d’une manière positive de la retraite méditée par Précy et sa troupe, de l’heure à laquelle elle devait s’effectuer, et de l’endroit par lequel la sortie devait avoir heu; qu’il résulte du compte à nous rendu que, le 2 au soir, ladite citoyenne s’était transportée de La Pape à Lyon ; que la nuit elle a fait faire des affiches qui ont été placardées au coin de plusieurs rues, dans les allées, et jetées çà et là pour faire ouvrir les yeux au peuple... ; que l’on décida cm grand nombre de malheureux incendiés à se répandre dans la ville pour demander du pain et l’assemblée des sections ; que la déroute fut aussi portée dans différents bataillons, et surtout dans celui de Sainte-Claire, dont les redoutes furent, comme il en était convenu, livrées aux troupes de la République; que, par le désordre qui fut porté dans la ville, on parvint à empêcher l’exécution du projet de Précy, qui était de faire brûler tous les cartons contenant les papiers des administrateurs rebelles, comme aussi de faire égorger les prisonniers, malheureuses victimes de la tyrannie. Signé Couthon, Maignet, etc. » Une autre lettre de la citoyenne Rameau atteste qu’elle n’avait donné connaissance de ces faits qu’à Couthon et Maignet, parce que, d’après leur proclamation du 6, elle devait considérer Dubois-Crancé et Gauthier comme destitués de tout pouvoir; on la tint enfermée chez Couthon pour l’empêcher de communiquer avec Dubois-Crancé. Des commissaires furent envoyés effectivement le même jour, à quatre heures du soir, chez Couthon, par les sections de Lyon, pour parlementer. On ne put tomber d’accord. C’était le moment de la plus grande surveillance ; Dubois-Crancé, quoique destitué et sans fonctions, donna avis à la colonne de Caluire que personne ne se couchât et que l’on fût sur ses gardes ; l’adjudant général Sandos répondit sur sa tête que vingt mille hommes ne le forceraient pas. Effectivement personne ne parut pour sortir vers cette colonne, qui était placée militairement à cinq lieues de celle de Vaise, par où les rebelles sont sortis. Dubois-Crancé a donc fait tout ce que pouvait lui dicter son zèle pour la chose publique. Je vous ai démontré que Couthon savait d’une manière positive la porte par où les rebelles devaient sortir, Précy à leur tête, l’heure à laquelle la sortie devait s’effectuer ; cette porte était celle de Vaise, devant laquelle les colonnes surveillées par Reverchon et Couthon étaient en position. Eh bien, Couthon, ayant connaissance de ce qui se passait, comme il le déclare, ne pouvant douter de la vérité du rapport de la citoyenne Rameau, puisqu’il recevait la députation qu’elle avait annoncée; Couthon, instruit de l’heure à laquelle Précy devait sortir, connaissant la porte par laquelle cette sortie devait se faire, Couthon ordonne cependant une suspension d’armes, et ne donne aucune nouvelle à Reverchon, à la colonne placée devant Vaise. Voici la lettre que le général Doppet écrivait à La Pape; elle est datée de Sainte-Foy, le 9, à deux heures après minuit. « Les sections ont envoyé ce soir des commissaires à vos collègues; ils sont venus demander la paix. La réponse qu’on leur a faite est digne de la République ; je ne sais pas si cela plaira aux moteurs de la rébellion ; quoiqu’il en soit, on leur donne aujourd’hui jusqu’à quatre heures après midi pour faire leurs réflexions. » Cette lettre est datée du 9, à deux heures du matin. Les rebelles sont sortis ce même jour, à six heures du matin ; ils sont sortis par Vaise, que devait surveiller la colonne de Couthon ; et quatre heures avant cette sortie l’on fait ordonner une suspension d’armes! Vous pouvez juger maintenant qui l’on doit soupçonner; je dis plus, qui est convaincu d’avoir favorisé la sortie des rebelles. Reverchon, qui était à Li-monest, devant Vaise, à qui Couthon ne donna aucun avis, faillit devenir lui-même la victime de tant d’horreurs et de trahisons; mais bientôt il rallia les troupes, les conduisit à la victoire, et les rebelles furent entièrement défaits. Serait-il vrai que la perfidie de Couthon n’eût eu pour objet que d’avoir un prétexte de perdre un jour Dubois-Crancé, de le conduire à l’échafaud? Toute la conduite ultérieure de Couthon paraît démontrer cette affreuse intention. Non content d’avoir calomnié Dubois-Crancé pour lui faire retirer ses pouvoirs lorsqu’il savait qu’il ne restait plus rien à faire devant Lyon, il l’accusa de rébellion à la loi, de cabaler dans Lyon contre son rappel. Ce fait est grave : Couthon obtint du comité de Salut public, sur cette dénonciation, l’ordre de le faire arrêter et traduire à Paris par la gendarmerie. Eh bien, je me contente ici d’observer à la Convention nationale que l’arrêté est du 12 octobre, et que Dubois-Crancé n’est entré dans Lyon que le 9 au soir; qu’il n’est sorti de l’espèce de cachot où l’avait fait mettre Couthon que le 10, à midi; de sorte que, vu la distance qu’il y a de Paris à Lyon, l’inculpation est démontrée matériellement fausse. Tout le monde sait d’ailleurs que Dubois-Crancé est arrivé dans cette Assemblée le surlendemain du jour où on l’avait dénoncé comme cabalant pour rester à Lyon. Depuis ce temps Couthon a fait arrêter toutes les lettres adressées à Dubois-Crancé, toutes les Adresses des sociétés, celles de SÉANCE DU 2 BRUMAIRE AN III (23 OCTOBRE 1794) - N08 47-49 387 l’armée qui justifiaient son innocence et sa conduite. Vous avez vu avec quelle audace il l’a inculpé, il y a huit mois, avec quelle perfidie il a eu l’art de lui rendre justice ensuite, et de lui donner une mission pour l’accabler en son absence. Partout une foule d’espions avaient été attachés à ses pas ; de faux témoignages avaient été provoqués; et, malgré les services qu’il a rendus à son pays, il était perdu, il revenait porter sa tête sur l’échafaud, sans l’énergie de la Convention nationale, qui, en se relevant elle-même, arrêta le crime, et rendit la vie et le courage à l’innocence. Voilà les faits. Merlin propose un projet de décret qui est adopté en ces termes (133). La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de Salut public et de Sûreté générale, décrète que dans sa mission près l’armée des Alpes et notamment à Lyon, Dubois-Crancé a fait son devoir (134). La Convention nationale décrète l’insertion de ce rapport au bulletin (135). 47 La Convention nationale décrète que le représentant du peuple Bouillerot se transportera dans les départemens de la Haute-Garonne et du Gers. Il est investi des mêmes pouvoirs que les autres représentans du peuple envoyés dans les départemens (136). 48 Le citoyen Milaveau, député par le district de Coutances, département de la Manche, est admis à la barre : il fait hommage à la Convention de 250 sabres confectionnés dans un atelier établi à Coutances, et demande que cet établissement républicain soit sanctionné et alimenté. (133) Moniteur, XXII, 339-341. Bull., 2 brum. (suppl.); Débats, n° 762, 489-496; mention dans Ann. Patr., n" 661; Ann. R.F., n° 32; C. Eg., n" 796; F. de la Républ., n° 33; Gazette Fr., n° 1025; J. Fr., n" 758; J. Paris, n” 34; J. Perlet, n” 760; J. Univ., n° 1792; Mess. Soir, n° 796; M. U., XLV, 44; Rép., n“ 33. (134) P.-V., XLVIII, 19-20. C 322, pi. 1363, p. 28, minute signée de Guimberteau. Décret attribué à Merlin (de Thion-ville) par C* II 21, p. 15. Moniteur, XXII, 341; Débats, n° 762, 496; Ann. Patr., n“ 661; Ann. R.F., n” 32; C. Eg., n° 796; F. de la Républ., n° 33; Gazette Fr., n 1025; J. Fr., n° 758; J. Mont., n° 10; J. Perlet, n° 760; J. Univ., n” 1793; Mess. Soir, n* 796. (135) Moniteur, XXII, 341. (136) P.-V., XLVIII, 20. C 322, pl. 1363, p. 29, minute de la main de Clauzel, rapporteur. Bull., 2 brum. J. Fr., n° 759; Mess. Soir, n” 796; M. U., XLV, 43. Le district de Coutances a établi dans son sein une manufacture de petites armes. Cet établissement ne doit son élévation qu’au patriotisme et à l’activité des citoyens de Coutances, qui se sont empressés d’offrir à la Convention 250 sabres, les premiers fruits de leurs travaux ; mais malgré leur bonne volonté, ils se trouvent arrêtés par le défaut de matières premières nécessaires à l’alimentation de cette manufacture (137). La Convention nationale décrète la mention honorable de l’offrande patriotique du district de Coutances, l’insertion au bulletin, et le renvoi de la pétition au comité de Salut public, pour encourager et alimenter la manufacture d’armes dont il s’agit (138). 49 GUYTON-MORVEAU, au nom du comité de Salut public (139) : Vous avez ordonné, le 13 prairial, la formation d’une Ecole de Mars, dans la plaine des Sablons; vous l’avez mise sous la surveillance de votre comité de Salut public, en le chargeant de prendre toutes les mesures d’exécution. Le moment est venu de vous rendre compte de ces mesures, de vous faire connaître, et au peuple français, le résultat de ce premier essai d’une éducation militaire républicaine ; les principes qui l’ont dirigée, les moyens qu’il a fallu créer révolutionnairement, les fruits que l’on peut déjà s’en promettre, les vues que l’on doit recueillir pour assurer et accroître les avantages de cette institution, d’appeler enfin, sur tous ceux qui y ont heureusement coopéré, sur la masse des élèves qui ont si bien justifié vos espérances, le regard de la Convention nationale, qui est à la fois leur récompense et le principe de leur émulation. Tel est l’objet du rapport que le comité m’a chargé de vous présenter. Ce que vous avez vu décadi, à la fête des Victoires, de la force et de l’adresse des élèves de cette école, dans une lutte préparée pour offrir le simulacre d’un combat, me dispensera de vous retracer toutes les preuves qu’ils en avaient déjà données; mais l’impression que vous en avez conservée ajoutera sans doute à l’intérêt avec lequel vous entendrez l’exposition des moyens par lesquels on a obtenu des progrès si rapides et véritablement étonnants. (137) Mess. Soir, n° 796. (138) P.-V., XLVIII, 20. C 322, pl. 1363, p. 30, minute de la main de Le Carpentier. Décret anonyme selon C* II 21, p. 15. J. Fr., n' 758; Mess. Soir, n“ 796; M. U., XLV, 42 -, Rép., n° 33. (139) Moniteur, XXII, 308-312. Bull., 6 brum. (suppl. 1 et 2) ; mention dans Ann. Patr., n° 661 ; Ann. R.F., n" 32 ; C. Eg., n' 796; Débats, n° 760, 468; F. de la Républ., n° 33, 34; Gazette Fr., n° 1025; J. Fr., n” 758; J. Mont., n° 10; J. Paris, n° 34; J. Perlet, n 760; J. Univ., n° 1793; Mess. Soir, n" 796; M. U., XLV, 43.