[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 février 1790.] « Donnez-lui l’exemple aussi de cet esprit de justice qui sert de sauvegarde à la propriété, à ce droit respecté de toutes les nations, qui n’est pas l’ouvrage du hasard , qui ne dérive point des privilèges d’opinion, mais qui se lie étroitement aux rapports les plus essentiels de l’ordre public et aux premières conditions de l’harmonie sociale. « Par quelle fatalité, lorsque le calme commençait à renaître, de nouvelles inquiétudes se sont-elles répandues dans les provinces! par quelle fatalité s’y livre -t-on à de nouveaux excès ! Joignez-vous à moi pour les arrêter , et empêchons de tous nos efforts que des violences criminelles ne viennent souiller ces jours où le bonheur de la nation se prépare. Vous qui pouvez influer par tant de moyens sur la confiance publique, éclairez sur ses véritables intérêts le peuple qu’on égare, ce bon peuple qui m’est si cher, et dont on m’assure que je suis aimé, quand on veut me consoler de mes peines. Ah ! s’il savait à quel point je suis malheureux à la nouvelle d’un attentat contre les fortunes , ou d’nn acte de violence contre les personnes, peut-être il m’épargnerait cette douloureuse amertume! t Je ne puis vous entretenir des grands intérêts de l’Etat sans vous presser de vous occuper, d’une manière instante et définitive, de touf ce ui tient au rétablissement de l’ordre dans les nances, et la tranquillité de la multitude innombrable de citoyens qui sont unis par quelque lien à la fortune publique. Il est temps d’appaiser toutes les inquiétudes; il est temps de rendre à ce royaume la force de crédita laquelle il a droit de prétendre. Vous ne pouvez pas tout entreprendre à la fois : aussi je vous invite à réserver pour d’autres temps une partie des biens dont la réunion de vos lumières vous présente le tableau; mais quand vous aurez ajouté à ce que vous avez déjà fait, un plan sage et raisonnable pour l’exercice de la justice, quand vous aurez assuré les bases d’un équilibre parfait entre les revenus et les dépenses de l’Etat ; enfin , quand vous aurez achevé l’ouvrage de la Constitution, vous aurez acquis de granus droits à la reconnaissance publique ; et, dans la continuation successive des Assemblées nationales, continuation fondée dorénavant sur cette Constitution même, il n’y aura plus qu’à ajouter d’année en année de nouveaux moyens de prospérité. Puisse cette journée , où votre Monarque vient s’unir à vous de la manière la plus franche et la plus intime, être une époque mémorable dans l’histoire de cet empire ! Elle le sera, je l’espère, si mes vœux ardents, si mes instantes exhortations peuvent être un signal de paix et de rapprochement entre vous. Que ceux qui s’éloigneraient encore d’un esprit de concorde, devenu si nécessaire, me fassent le sacrifice de tous les souvenirs qui les affligent ; je les payerai par ma reconnaissance et mon affection. Ne professons tous , à compter de ce jour, ne professons tous, je vous en donne l’exemple, qu’une seule opinion, qu’un seul intérêt , qu’une seule volonté , l’attachement à la Constitution nouvelle, et le désir ardent de la paix, du bonheur et de la prospérité de la France. » Le discours du Roi a fini au milieu des applaudissements universels de l’Assemblée et des tribunes. M. le Président a répondu au Roi : « L’Assemblée nationale voit avec la plus vive 431 reconnaissance, mais sans étonnement, la conduite confiante et paternelle de Votre Majesté. Négligeant l’appareil et le faste du trône , vous avez senti , Sire , que pour convaincre tous les esprits , pour entraîner tous les cœurs, il suffisait de vous montrer dans la simplicité de vos vertus. Et lorsque Votre Majesté vient au milieu des représentants de la nation contracter avec eux l’engagement d’aimer, de maintenir et de défendre la Constitution et les lois , je ne risquerai pas, Sire , d’affaiblir , en voulant les peindre, le témoignage de la gratitude, du respect et de l’amour que la France doit au patriotisme de son Roi, mais j’en abandonne l’expression au sentiment sùr , qui , dans cette circonstance, saura bien lui seul inspirer les Français. » Sa Majesté est sortie de la salle au bruit des applaudissements et des acclamations générales; témoignage de l’amour et de la reconnaissance de l’Assemblée pour ses vertus et son patriotisme. Elle est reconduite jusqu’à la porte par M. le Président. La salle est remise dans son premier état. — M. le président reprend son fauteuil. M. le baron de Menou a fait la motion suivante : « Qu’il soit fait une adresse de remerciements au Roi et qu’une députation soit chargée de la lui présenter le plus tôt possible. » M. Stanislas de Clermont-Tonnerre demande que M. le Président se retire par devers Sa Majesté, aussitôt après la séance, pour l’assurer que tous les membres de L’Assemblée étaient réunis par leur zèle et leur désir d’opérer la régénération du royaume. Les motions de M. de Menou et de M. de Clermont-Tonnerre sont unanimement décrétées. M. Goupil de Préfeln demande que , d’après la déclaration solennelle faite par Sa Majesté, tous les membres de l’Assemblée présent à l’instant, par l’appel nominal, le serment, civique. M. le Président prend les voix de l’Assemblée, et la motion a été adoptée. M. le Président lit alors le projet de serment suivant , est adopté unanimement : » Je jure d’être fidèle à la nation, à la loi et au Roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le Roi. » M. Emmery demande qu’il soit fait une note des membres qui se trouveraient absents, afin qu’ils puissent être admis à prêter ce serment avant de reprendre séance, et qu’aucun ne puisse voter sans l’avoir prononcé. M. le Président prend les voix de l’Assemblée qui admet la proposition. M. de Foucault demande qu’un comité soit chargé de rédiger une adresse aux municipalités, pour les informer des détails de cette séance, et inviter tous les citoyens à la paix et à l’union. Cette motion est décrétée. Au moment de commencer l’appel, arrive la députation chargée de reconduire Sa Majesté.