554 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES [4 avril 1794.) Deuxième décret. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités des rapports, des recherches, diplomatique, militaire et ecclésiastique, réunis, sur les troubles récemment survenus dans le département du Bas-Rhin, notamment dans la ville de Strasbourg, le 26 du mois dernier, et avoir pris connaissance des dénonciations, procès-verbaux, mandements, monitions canoniques, et autres pièces adressées, soit par les commissaires du roi près les départements du Rhin, soit par les corps administratifs, soit enfin par la municipalité de Strasbourg, décrète ce qui suit : Art. l6r. « Qu’il y a lieu à accusation, tant contre le sieur Louis-René-Edouard, cardinal de Rohan, ci-devant évêque de Strasbourg, comme prévenu principalement d’avoir tenté, par diverses menées et pratiques, de soulever les peuples dans les départements du Haut et Bas-Rhin, et d’y exciter des révoltes contre les lois constitutionnelles de l’Etat, que contre les sieurs Jœglé, ci-devant curé de Saint-Laurent de Strasbourg; Zipp, curé de Schierrieth ; Ignace Zipp, son neveu, vicaire audit lieu; Jean-Nicolas Wilhelm, homme de loi; Etienne Durival, se disant ingénieur; et la nommée Barbe Zimbert, femme du sieur Biaise Burkner, chantre à la cathédrale de Strasbourg, tous prévenus d’être les agents, complices, fauteurs et adhérents dudit sieur Louis-René-Edouard de Rohan ; qu’en conséquence, les mandements, lettres pastorales, monitions canoniques, ensemble toutes les pièces qui y sont relatives, envoyées à l’ Assemblée nationale, seront adressées à l’officier chargé des fonctions d’accusateur public près la haute cour nationale provisoire, séante à Orléans, pour, sur lesdites pièces et les faits résultant de la procédure, le procès être fait et parfait auxdits accusés, jusqu’à jugement définitif inclusivement. Art. 2. « Qu’en exécution du présent décret, le roi sera prié de donner des ordres pour faire arrêter les personnes ci-dessus dénommées, et faire transférer, sous bonne et sûre garde, dans les prisons d’Orléans, celles qui se trouvent déjà détenues. « Charge son président de porter, dans le jour, e présent décret à la sanction du roi. » M. de Montlosier. Il serait, je pense, à propos de donner plus d’extension au décret qui vous est propose et de faire un règlement général relatif à tous les citoyens français qui s’obstineraient à regarder les” nouveaux évêques et les nouveaux curés comme des intrus. (Bruit.) Un grand nombre de membres : A l’ordre! à l’ordre ! M. de Montlosicr. Je demande à expliquer ce que je viens de dire et je ne veux pas l’atténuer. Je le répète, le décret n’est pas assez général et vous devriez l’étendre au royaume entier ( Murmures ) : car j’ose vous annoncer que la moitié du royaume s’obstinera à regarder comme instrus... ( Murmures prolongés.) Un grand nombre de membres : A l’ordre! à Tordre I Plusieurs membres : A l’Abbaye ! M. Prieur. Je demande que ce calomniateur de la nation soit rappelé à Tordre; on ne doit pas souffrir que la nation soit calomniée dans le sein de l’Assemblée nationale. (Applaudissements.) Une partie des membres du côté gauche se lèvent et appuient cette motion. (Tumulte prolongé.) M. ChabromI, Je m’oppose à ce que M. de Montlosier soit rappelé à Tordre. Je ne crois pas que quelques mots inconsidérés que j’ai entendu prononcer à la tribune doivent empêcher M. le Président de mettre aux voix le décret proposé par le comité. (La discussion est fermée.) M. le Président. Je mets aux voix les deux projets de décret présentés par M. de Broglie. (L’Assemblée adopte ces décrets.) M. de Montlosier. G’est un décret de violence; et, comme membre de cette Assemblée, je déclare que je proteste contre ce décret. Messieurs les suppléants ayant fait demander à M. le Président de vouloir bien les autoriser à se réunir à l’Assemblée pour assister avec elle au convoi de M. de Mirabeau, M. le Président les y autorise. M. le Président lève la séance à deux heures et invite tous les membres de l’Assemblée à se réunir à quatre heures précises. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 4 AVRIL 1791, AU MATIN. De Vètendue et des bornes naturelles du droit de tester , par M. Dupont (de Nemours ), député à l'Assemblée nationale. Avertissement. — L’Assemblée nationale va s’occuper des lois sur les successions. Je regarderai comme un devoir d’exposer et de discuter avec toute la clarté qui pourrait dépendre de moi les principes qui me paraissent ceux de la raison, de la nature et de la justice, sur cette branche importante de la législation; la possibilité m’en est enlevée par l’obligation de hâter les autres travaux que mes collègues ont daigné me prescrire. Je hasarderai, du moins, de faire réimprimer un petit écrit qu’un homme très éclairé et dont l’amitié m’est très précieuse (M. Mazzei) me permit, il y a 2 ans, de placer en note parmi celles dont il a enrichi la traduction, qu’il a publiée, de Y Examen du gouvernement d’Angleterre, comparé aux constitutions des Etats-Unis d’Amérique , par M. Livingston. Je n’ai pu y tracer que les premiers linéaments des vérités fondamentales sur lesquelles les droits de succession me semblent assis ; mais cette esquisse imparfaite peut donner aux excellents esprits, dont l’Assemblée nationale abonde, l’occasion des plus utiles développements.