590 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE applaudissent). Les comités réunis vont vous présenter un rapport avec des mesures capables de sauver la liberté. Elles sont instantes; car ce hardi factieux, cet artificieux conspirateur, qui depuis 6 mois se couvrait du masque de la vertu pour égorger les républicains, est maintenant à la commune. Vous allez entendre le rapport des deux comités. COLLOT prend le fauteuil. LE PRÉSIDENT : Citoyens, voici l’instant de mourir à notre poste : des scélérats, des hommes armés ont investi le comité de sûreté générale et s’en sont emparés (l). [Mouvement d’horreur mais plein d’énergie et de patriotisme (2)]. [Grand mouvement. - Aux armes ! Courons tous ! Vive libres ou mourir ! (3)]. [L’Assemblée se lève en masse et se dirige vers le comité puis elle revient à son poste (4)]. [ - Marchons tous ! - Nous sommes à notre poste, observent plusieurs membres, nous devons y rester (5)]. [GOUPILLEAU : « Que l’on s’occupe des mesures qui doivent sauver la liberté ! Si nous voulons terrasser les conspirateurs, allons plus vite qu’eux » (6)]. [(Les citoyens qui remplissent une partie de la salle et les tribunes s’écrient tous : Allons-y. Ils sortent. (On applaudit) (7)]. B Le département de Paris est admis à la barre. L’orateur: Citoyens représentants, le département de Paris se rend ici pour recevoir vos ordres. LE PRESIDENT : Le devoir du département est d’assurer l’exécution des décrets de la Convention et la tranquillité publique. L’ORATEUR DU DEPARTEMENT : Nous avons écrit à la commune, pour savoir les mesures qu’elle avait prises afin d’assurer la tranquillité publique. Nous attendons sa réponse pour prendre un parti. La Convention renvoie le département aux comités de salut public et de sûreté générale, pour recevoir leurs ordres. [THURIOT prend place au fauteuil]. THURIOT : Pourrait-on douter qu’il y ait une conspiration, d’après ce qui se passe ? Ce matin, avant neuf heures, l’appel était fait, les ordres étaient donnés, la force armée était provoquée contre le Convention. Quel était donc cet accord, si ce n’était celui du crime ? Si le crime triomphe, croyez-vous que dans 24 heures il puisse exister un homme vertueux dans les murs de Paris ? Non, il faut que les hommes vertueux se poignardent ou conduisent les scélérats à l’échafaud, ces brigands (l) Débats, n° 677. (2) C. univ., n° 940. (3 J. Perlet, n° 674. (4 Ann. patr., suppl1 au n° DLXXIV ; Ann. R.F., n° 239. 5) J. Fr., n° 672; F.S.P., n° 389. {6} Ann. patr., suppl1 au n° DLXXTV ; Ann. R.F., n° 239 ; 5 J. S. -Culottes, n° 529. Mention in Mess. Soir, n°708. (7) Moniteur (réimpr.), XXI, 339. Voir P.V., n03 2, 4, 8. qui, s’ils avaient réussi, auraient fait accrocher à leur fenêtre tous ceux à qui il reste encore un degré d’estime publique, et qui auraient fini par dévorer les entrailles des mères de famille. Aimé GOUPILLEAU (l) : J’annonce à la Convention qu’Hanriot vient de s’échapper et qu’on l’emmène en triomphe. (L’Assemblée frémit d’horreur). Elie LACOSTE : Plusieurs des conspirateurs viennent d’être mis en liberté. Robespierre, qui, contre le vœu du comité de sûreté générale, avait été conduit au Luxembourg, a été refusé par l’administration de police qui se trouvait dans cette maison, et qui l’a fait conduire à la commune. Les officiers municipaux l’ont embrassé, l’ont traité en frère, et lui ont dit qu’ils le protégeraient. Ces officiers municipaux sont en rébellion contre les décrets de la Convention. Je demande qu’ils soient mis hors la loi. Cette proposition est décrétée au milieu des applaudissements. Un citoyen, à la barre, annonce qu’il arrive du faubourg Antoine, qu’il a trouvé debout et prêt à combattre pour la Convention. (On applaudit). Un membre annonce qu’Hanriot est sur la place du Palais National, et qu’il y donne des ordres. Toute l’assemblée : Hors la loi ! hors la loi ! La Convention met Hanriot hors la loi. AMAR : Je rentre de dessus la place; j’y ai vu Hanriot cherchant à égarer tous les citoyens, et principalement les canonniers. Je me suis écrié : « Canonniers, déshonorerez-vous votre patrie, de qui vous avez toujours bien mérité ? ». Les canonniers se sont aussitôt tournés de mon côté. Un aide de camp d’ Hanriot me menaçait de son sabre; les canonniers m’ont protégé contre lui. (On applaudit). Eclairons le peuple, et nous braverons tous les dangers (2). [THURIOT : Les conspirateurs sont hors de la loi, il est du devoir de tout républicain de les tuer; le Panthéon attend celui qui apportera la tête du scélérat Hanriot (3)]. [FÉRAUD annonce que les canonniers de poste ont refusé d’obéir à l’ordre du scélérat Hanriot, qui vouloit faire tourner les canons contre la convention. Le capitaine des canonniers vient à la barre, confirmer la même chose (4)]. C VOULLAND : Citoyens, il faut un chef à la garde nationale; mais il faut que ce chef soit un homme à vous, et pour cela il faut le prendre dans votre sein. Les deux comités vous proposent le citoyen Barras, qui aura le courage d’accepter. L’assemblée, au milieu des applaudissements, (l) Goupilleau de Montaigu. (2) Mon., XXI, 339-340; J. Débats, n° 677, 184-185; J. Mont., n° 93 bis. (3 J. Fr., n° 672. (4) J. Sablier, n° 1464. Mentionné par C. Eg., n°709; J. Perlet, n°674; Rêp., n°221; Ann. R.F., n°240; Ann. patr., suppl1 au n° DLXXTV; F.S.P., n°389; J. S.-Culottes, n°529; Audit, nat., n°673; Mess. Soir, n°708; J. Paris, n° 575. Voir P.V., nos 3, 6, 19. 590 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE applaudissent). Les comités réunis vont vous présenter un rapport avec des mesures capables de sauver la liberté. Elles sont instantes; car ce hardi factieux, cet artificieux conspirateur, qui depuis 6 mois se couvrait du masque de la vertu pour égorger les républicains, est maintenant à la commune. Vous allez entendre le rapport des deux comités. COLLOT prend le fauteuil. LE PRÉSIDENT : Citoyens, voici l’instant de mourir à notre poste : des scélérats, des hommes armés ont investi le comité de sûreté générale et s’en sont emparés (l). [Mouvement d’horreur mais plein d’énergie et de patriotisme (2)]. [Grand mouvement. - Aux armes ! Courons tous ! Vive libres ou mourir ! (3)]. [L’Assemblée se lève en masse et se dirige vers le comité puis elle revient à son poste (4)]. [ - Marchons tous ! - Nous sommes à notre poste, observent plusieurs membres, nous devons y rester (5)]. [GOUPILLEAU : « Que l’on s’occupe des mesures qui doivent sauver la liberté ! Si nous voulons terrasser les conspirateurs, allons plus vite qu’eux » (6)]. [(Les citoyens qui remplissent une partie de la salle et les tribunes s’écrient tous : Allons-y. Ils sortent. (On applaudit) (7)]. B Le département de Paris est admis à la barre. L’orateur: Citoyens représentants, le département de Paris se rend ici pour recevoir vos ordres. LE PRESIDENT : Le devoir du département est d’assurer l’exécution des décrets de la Convention et la tranquillité publique. L’ORATEUR DU DEPARTEMENT : Nous avons écrit à la commune, pour savoir les mesures qu’elle avait prises afin d’assurer la tranquillité publique. Nous attendons sa réponse pour prendre un parti. La Convention renvoie le département aux comités de salut public et de sûreté générale, pour recevoir leurs ordres. [THURIOT prend place au fauteuil]. THURIOT : Pourrait-on douter qu’il y ait une conspiration, d’après ce qui se passe ? Ce matin, avant neuf heures, l’appel était fait, les ordres étaient donnés, la force armée était provoquée contre le Convention. Quel était donc cet accord, si ce n’était celui du crime ? Si le crime triomphe, croyez-vous que dans 24 heures il puisse exister un homme vertueux dans les murs de Paris ? Non, il faut que les hommes vertueux se poignardent ou conduisent les scélérats à l’échafaud, ces brigands (l) Débats, n° 677. (2) C. univ., n° 940. (3 J. Perlet, n° 674. (4 Ann. patr., suppl1 au n° DLXXIV ; Ann. R.F., n° 239. 5) J. Fr., n° 672; F.S.P., n° 389. {6} Ann. patr., suppl1 au n° DLXXTV ; Ann. R.F., n° 239 ; 5 J. S. -Culottes, n° 529. Mention in Mess. Soir, n°708. (7) Moniteur (réimpr.), XXI, 339. Voir P.V., n03 2, 4, 8. qui, s’ils avaient réussi, auraient fait accrocher à leur fenêtre tous ceux à qui il reste encore un degré d’estime publique, et qui auraient fini par dévorer les entrailles des mères de famille. Aimé GOUPILLEAU (l) : J’annonce à la Convention qu’Hanriot vient de s’échapper et qu’on l’emmène en triomphe. (L’Assemblée frémit d’horreur). Elie LACOSTE : Plusieurs des conspirateurs viennent d’être mis en liberté. Robespierre, qui, contre le vœu du comité de sûreté générale, avait été conduit au Luxembourg, a été refusé par l’administration de police qui se trouvait dans cette maison, et qui l’a fait conduire à la commune. Les officiers municipaux l’ont embrassé, l’ont traité en frère, et lui ont dit qu’ils le protégeraient. Ces officiers municipaux sont en rébellion contre les décrets de la Convention. Je demande qu’ils soient mis hors la loi. Cette proposition est décrétée au milieu des applaudissements. Un citoyen, à la barre, annonce qu’il arrive du faubourg Antoine, qu’il a trouvé debout et prêt à combattre pour la Convention. (On applaudit). Un membre annonce qu’Hanriot est sur la place du Palais National, et qu’il y donne des ordres. Toute l’assemblée : Hors la loi ! hors la loi ! La Convention met Hanriot hors la loi. AMAR : Je rentre de dessus la place; j’y ai vu Hanriot cherchant à égarer tous les citoyens, et principalement les canonniers. Je me suis écrié : « Canonniers, déshonorerez-vous votre patrie, de qui vous avez toujours bien mérité ? ». Les canonniers se sont aussitôt tournés de mon côté. Un aide de camp d’ Hanriot me menaçait de son sabre; les canonniers m’ont protégé contre lui. (On applaudit). Eclairons le peuple, et nous braverons tous les dangers (2). [THURIOT : Les conspirateurs sont hors de la loi, il est du devoir de tout républicain de les tuer; le Panthéon attend celui qui apportera la tête du scélérat Hanriot (3)]. [FÉRAUD annonce que les canonniers de poste ont refusé d’obéir à l’ordre du scélérat Hanriot, qui vouloit faire tourner les canons contre la convention. Le capitaine des canonniers vient à la barre, confirmer la même chose (4)]. C VOULLAND : Citoyens, il faut un chef à la garde nationale; mais il faut que ce chef soit un homme à vous, et pour cela il faut le prendre dans votre sein. Les deux comités vous proposent le citoyen Barras, qui aura le courage d’accepter. L’assemblée, au milieu des applaudissements, (l) Goupilleau de Montaigu. (2) Mon., XXI, 339-340; J. Débats, n° 677, 184-185; J. Mont., n° 93 bis. (3 J. Fr., n° 672. (4) J. Sablier, n° 1464. Mentionné par C. Eg., n°709; J. Perlet, n°674; Rêp., n°221; Ann. R.F., n°240; Ann. patr., suppl1 au n° DLXXTV; F.S.P., n°389; J. S.-Culottes, n°529; Audit, nat., n°673; Mess. Soir, n°708; J. Paris, n° 575. Voir P.V., nos 3, 6, 19. SÉANCE DU 9 THERMIDOR AN II (SOIR) (27 JUILLET 1794) - C 591 nomme le citoyen Barras, pour diriger la force armée (l). [BARRAS : « Je sens tout l’honneur que me fait la Convention : je ne trahirai point sa confiance. Mais comme je ne connois point la position géographique de Paris, je demande des adjoints (2)]. Sur sa demande, la Convention lui adjoint six membres, qu’elle investit des pouvoirs attribués aux représentants du peuple près les armées. Ces six membres sont Féraud, Fréron, Rovère, Delmas, Bol-let, Léonard Bourdon et Bourdon (de l’Oise). [Ils paroissent un moment après avec le costume des représentans du peuple; ils jurent, le sabre en main, de sauver la patrie, et ils partent au milieu des plus vifs applaudissemens (3)]. [BILLAUD-VARENNE fait décréter que ceux de ses membres qu[e la Convention] vient d’investir de sa confiance auprès de la force armée ont les mêmes pouvoirs que les représentans du peuple auprès des armées (4)]. Le citoyen de Veze, officier municipal qui était absent du conseil-général de la commune, désavoue tout ce qui s’y fait, et déclare qu’il n’en a aucune connaissance. Des canonniers, ayant à leur tête des représentants du peuple, défilent dans la salle au bruit des applaudissements (5). [Un canonnier se présente à la barre. Je viens du fauxbourg Antoine, dit-il; il est debout, mais sans inquiétude. Payan étoit arrêté : Hanriot l’a fait descendre de la voiture et a fait renfermer à la force les deux gendarmes qui le conduisoient. Les deux Robespierre et Couthon sont à la Mairie. Ils conspirent avec la municipalité ! (Mouvement d’indignation) (6)]. Un membre du comité civil de la section de l’Unité, admis à la barre, annonce que cette section ne reconnaît d’autre autorité que celle de la Convention ; qu’elle a reçu de la municipalité l’ordre de s’assembler, et de lui envoyer, toutes les deux heures, des commissaires pour communiquer avec elle. BARÈRE, au nom du comité de salut public : Citoyens, elle a donc éclaté cette horrible conjuration, tramée sous le manteau du patriotisme, et par des usurpateurs de l’opinion publique; elle tenait à des ramifications nombreuses, et qui se sont découvertes dans cette soirée avec une rapidité effroyable ; car les événements de la moitié de cette journée doivent dessiller les yeux aux citoyens les plus incrédules. Tous les préparatifs de cette contre-révolution étaient faits, toutes les dispositions prêtes; et il ne peut y avoir dans ceux qui y coopèrent que des complices. Pendant que vous rendiez des décrets salutaires, Hanriot répandait dans les rues de Paris (l) Mon., XXI, 340-341 ; Débats, 185-187; J. Mont., 756- 757. (2) J. Perlet, n° 674. 3 J. Perlet, n° 674. (4) J. Sablier, n° 1464 ; Ann. R.F., n° 240 ; pour J. Perlet, ce décret semble avoir été pris un peu plus tard. (5) Mon., 340-341. (6) J. Perlet, n° 674; J. Fr., n° 672. Voir P.V., nos 9,11, 15, 19, 22. le bruit qu’on venait d’assassiner Robespierre. Les nouvelles les plus infâmes étaient publiées contre vous. Des cartouches étaient distribuées aux gendarmes pour frapper les représentants du peuple, et les soldats fidèles viennent de déposer sur le bureau du comité ces cartouches distribuées par le crime. Pendant ce temps, l’administration de police, d’après un mandat du maire, l’agent national de la commune de Paris, et l’un de ses substituts, décernaient un mandat de liberté pour les citoyens Lava-lette et Boulanger, officiers de la force armée parisienne, et pour Villate, juré du tribunal révolutionnaire. Ainsi l’administration de police, le maire et l’agent national se constituaient les supérieurs du comité de sûreté générale, qui avait fait arrêter Villate, et usurpaient effrontément l’autorité nationale confiée à la Convention. Au même instant Hanriot faisait traduire à la Force un gendarme porteur d’un décret de la Convention, jusqu’à ce que les magistrats du peuple en eussent ordonné autrement. Tandis qu’Hanriot créait des magistratures, il insultait à votre autorité, arrêtait le sergent de la Convention; il faisait battre le rappel dans une section, la générale dans l’autre, et sonner le tocsin dans les sections qui environnent la commune. Le maire de Paris envoyait à toutes les barrières des ordres pour leur fermeture. Nous vous demandons un décret pour faire de nouvelles défenses de fermer les barrières, et de réputer ennemis du peuple ceux qui désobéiraient à ce décret. Boulanger s’était réfugié au camp de Paris; Hanriot traversait les rues à cheval, en criant : « On assassine les patriotes ; aux armes contre la Convention !» et il excitait le peuple, qui, calme, ne répondait point à ces agressions insolentes. Payan déclamait à la commune contre la représentation nationale, et la commune se constituait en insurrection ouverte contre la Convention. Le comité révolutionnaire du Temple nous apprend que la commune de Paris vient de fermer les barrières et de convoquer sur-le-champ les sections pour délibérer sur les dangers de la patrie. A la municipalité, il y a un ordre de ne laisser entrer aucun employé de la Convention; cependant l’huissier a été admis. Un municipal, au décret qui appelle la municipalité à la barre, a répondu : « Oui, nous irons, mais avec le peuple ! ». Il a ajouté à cette réponse un geste que le peuple n’aurait pas avoué, parce que le peuple s’honore lui-même en honorant ses représentants. Vous voyez ici la conspiration la plus atroce, une conspiration militaire, une conspiration ourdie avec une latitude, avec un art et un sang-froid que n’eurent jamais ni les Pisistrate, ni les Catilina. Une partie des sections s’est déjà prononcée pour la représentation du peuple; une autre partie accourt au secours de la loi. Si quelques-uns sont égarés ou gagnés par des intrigues communales, ne croyez pas que le prestige puisse durer. En attendant, déclarez hors de la loi tous ceux qui donneraient des ordres pour faire avancer la force armée contre la Convention nationale, ou pour l’inexécution de ses décrets. Il faut aussi mettre hors de la loi les individus qui, frappés de décret d’arrestation ou d’accusation, n’auront pas déféré à la loi, ou qui s’y seraient soustraits. Le courage doit accompagner la vertu publique, SÉANCE DU 9 THERMIDOR AN II (SOIR) (27 JUILLET 1794) - C 591 nomme le citoyen Barras, pour diriger la force armée (l). [BARRAS : « Je sens tout l’honneur que me fait la Convention : je ne trahirai point sa confiance. Mais comme je ne connois point la position géographique de Paris, je demande des adjoints (2)]. Sur sa demande, la Convention lui adjoint six membres, qu’elle investit des pouvoirs attribués aux représentants du peuple près les armées. Ces six membres sont Féraud, Fréron, Rovère, Delmas, Bol-let, Léonard Bourdon et Bourdon (de l’Oise). [Ils paroissent un moment après avec le costume des représentans du peuple; ils jurent, le sabre en main, de sauver la patrie, et ils partent au milieu des plus vifs applaudissemens (3)]. [BILLAUD-VARENNE fait décréter que ceux de ses membres qu[e la Convention] vient d’investir de sa confiance auprès de la force armée ont les mêmes pouvoirs que les représentans du peuple auprès des armées (4)]. Le citoyen de Veze, officier municipal qui était absent du conseil-général de la commune, désavoue tout ce qui s’y fait, et déclare qu’il n’en a aucune connaissance. Des canonniers, ayant à leur tête des représentants du peuple, défilent dans la salle au bruit des applaudissements (5). [Un canonnier se présente à la barre. Je viens du fauxbourg Antoine, dit-il; il est debout, mais sans inquiétude. Payan étoit arrêté : Hanriot l’a fait descendre de la voiture et a fait renfermer à la force les deux gendarmes qui le conduisoient. Les deux Robespierre et Couthon sont à la Mairie. Ils conspirent avec la municipalité ! (Mouvement d’indignation) (6)]. Un membre du comité civil de la section de l’Unité, admis à la barre, annonce que cette section ne reconnaît d’autre autorité que celle de la Convention ; qu’elle a reçu de la municipalité l’ordre de s’assembler, et de lui envoyer, toutes les deux heures, des commissaires pour communiquer avec elle. BARÈRE, au nom du comité de salut public : Citoyens, elle a donc éclaté cette horrible conjuration, tramée sous le manteau du patriotisme, et par des usurpateurs de l’opinion publique; elle tenait à des ramifications nombreuses, et qui se sont découvertes dans cette soirée avec une rapidité effroyable ; car les événements de la moitié de cette journée doivent dessiller les yeux aux citoyens les plus incrédules. Tous les préparatifs de cette contre-révolution étaient faits, toutes les dispositions prêtes; et il ne peut y avoir dans ceux qui y coopèrent que des complices. Pendant que vous rendiez des décrets salutaires, Hanriot répandait dans les rues de Paris (l) Mon., XXI, 340-341 ; Débats, 185-187; J. Mont., 756- 757. (2) J. Perlet, n° 674. 3 J. Perlet, n° 674. (4) J. Sablier, n° 1464 ; Ann. R.F., n° 240 ; pour J. Perlet, ce décret semble avoir été pris un peu plus tard. (5) Mon., 340-341. (6) J. Perlet, n° 674; J. Fr., n° 672. Voir P.V., nos 9,11, 15, 19, 22. le bruit qu’on venait d’assassiner Robespierre. Les nouvelles les plus infâmes étaient publiées contre vous. Des cartouches étaient distribuées aux gendarmes pour frapper les représentants du peuple, et les soldats fidèles viennent de déposer sur le bureau du comité ces cartouches distribuées par le crime. Pendant ce temps, l’administration de police, d’après un mandat du maire, l’agent national de la commune de Paris, et l’un de ses substituts, décernaient un mandat de liberté pour les citoyens Lava-lette et Boulanger, officiers de la force armée parisienne, et pour Villate, juré du tribunal révolutionnaire. Ainsi l’administration de police, le maire et l’agent national se constituaient les supérieurs du comité de sûreté générale, qui avait fait arrêter Villate, et usurpaient effrontément l’autorité nationale confiée à la Convention. Au même instant Hanriot faisait traduire à la Force un gendarme porteur d’un décret de la Convention, jusqu’à ce que les magistrats du peuple en eussent ordonné autrement. Tandis qu’Hanriot créait des magistratures, il insultait à votre autorité, arrêtait le sergent de la Convention; il faisait battre le rappel dans une section, la générale dans l’autre, et sonner le tocsin dans les sections qui environnent la commune. Le maire de Paris envoyait à toutes les barrières des ordres pour leur fermeture. Nous vous demandons un décret pour faire de nouvelles défenses de fermer les barrières, et de réputer ennemis du peuple ceux qui désobéiraient à ce décret. Boulanger s’était réfugié au camp de Paris; Hanriot traversait les rues à cheval, en criant : « On assassine les patriotes ; aux armes contre la Convention !» et il excitait le peuple, qui, calme, ne répondait point à ces agressions insolentes. Payan déclamait à la commune contre la représentation nationale, et la commune se constituait en insurrection ouverte contre la Convention. Le comité révolutionnaire du Temple nous apprend que la commune de Paris vient de fermer les barrières et de convoquer sur-le-champ les sections pour délibérer sur les dangers de la patrie. A la municipalité, il y a un ordre de ne laisser entrer aucun employé de la Convention; cependant l’huissier a été admis. Un municipal, au décret qui appelle la municipalité à la barre, a répondu : « Oui, nous irons, mais avec le peuple ! ». Il a ajouté à cette réponse un geste que le peuple n’aurait pas avoué, parce que le peuple s’honore lui-même en honorant ses représentants. Vous voyez ici la conspiration la plus atroce, une conspiration militaire, une conspiration ourdie avec une latitude, avec un art et un sang-froid que n’eurent jamais ni les Pisistrate, ni les Catilina. Une partie des sections s’est déjà prononcée pour la représentation du peuple; une autre partie accourt au secours de la loi. Si quelques-uns sont égarés ou gagnés par des intrigues communales, ne croyez pas que le prestige puisse durer. En attendant, déclarez hors de la loi tous ceux qui donneraient des ordres pour faire avancer la force armée contre la Convention nationale, ou pour l’inexécution de ses décrets. Il faut aussi mettre hors de la loi les individus qui, frappés de décret d’arrestation ou d’accusation, n’auront pas déféré à la loi, ou qui s’y seraient soustraits. Le courage doit accompagner la vertu publique,