�OQ [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 mai 1790.] comme nécessaire; mais ils pourront peut-être se consoler par la proposition de donner au roi la nomination pure et simple des officiers du ministère public. Si l’on veut savoir l’avis du comité d’une manière plus précise, on peut ajourner à demain pour lui donner le temps de se rassembler. M. de Toulongeon. Quelle que puisse être la décision sur la question, il me paraît nécessaire d’arrêter préalablement si l’institution aura lieu pour les juges réélus ou continués. M. Charles de Lameth. Cet amendement n’est pas de nature à être délibéré avant la question principale. Il tendrait à la préjuger ; il a l’air d’être une petite consolation pour déterminer à accorder l’institution au roi. M. de Cabales. L’amendement de M. de Toulongeon me paraît parfaitement juste. Le roi n’a pas le droit de faire cesser les fonctions des juges; il ne l’avait pas dans l’ancien ordre des choses, et les fonctions d’un juge ne seront pas censées interrompues s’il est continué. M. d’André. L’amendement est hors de la question : il s’agit seulement de savoir si, quand le peuple aura élu un juge, le roi lui donnera une patente pour l’investir. (On propose d’ajourner à demain, et de renvoyer au comité de constitution la question principale do l’amendement.) (On demande la question préalable sur cette proposition.) M. le comte de Mirabeau. Il me paraît parfaitement inutile de renvoyer au comité ce qui est évident. Nous nous séparons sans connaître le point de la question. On s’est servi tantôt du mot investiture, tantôt du mot institution; leur signification respective a besoin d’être déterminée. Le préopinant a énoncé la véritable définition en disant qu’il ne s’agit que de la patente qui rend notoire que le juge a été élu par des gens capables de l’élire. Si telle est la question, elle sera facilement résolue. La justice se rend au nom du roi ; il n’y a nul doute que ce ne soit au prince à affirmer que tel homme a été légalement élu pour rendre la justice au nom de lui, exécuteur suprême des volontés de la nation. Mais si, par institution, vous avez entendu le choix des juges, le droit de rejeter les juges nommés par le peuple, c’est une autre question, et j’en demande l’ajournement, parce qu’elle n’a pas été débattue. M. de Cazalès. Il n’y a pas de doute sur la véritable question : elle est énoncée dans la série que vous avez décrété de suivre : elle est telle que vous l’avez posée en ouvrant la discussion. L’Assemblée, en la décidant, ne sera pas liée sur les questions subséquentes. (Après quelques débats et le refus obstiné de la partie droite de la salle, qui s’opposait à ce que l’ajournement fût mis aux voix, l’ajournement est prononcé.) La séance est levée à quatre heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ GOUTTES. Séance du mardi 5 mai 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. M. Rœderer, secrétaire , donne lecture des adresses dont l’extrait suit : Adresse contenant le procès-verbal d’élection des membres qui doivent composer l’administration du district de Sens, département de l’Yonne. Adresse des officiers municipaux et habitants de la ville de Bellac en Basse-Marche, département de la Haute-Vienne. Elle supplie l’Assemblée d’établir un tribunal suprême dans la ville de Limoges. Adresse des ci-devant religieux bénédictins de l’abbaye de Longeville, congrégation de Saint-Vannes en Lorraine, qui ont prêté le serment civique sur l’autel du Dieu vivant, en présence des officiers municipaux. Adresses des nouvelles municipalités des communautés de Laleiriat, d’Amettes, de Saint-Hilaire, et des Echelles entre deux Guiers en Dauphiné, de Rivas en Forez, de Glairac en Bazailais, de Saint-Maixant, du bourg de Nexon, et de la ville de Montléon; Des communautés de la Trinité des Lettiers, département de l’Orne, de Langoiran, près de Bordeaux , et de la ville de Saint-Trivier en Dombes; elles font le don patriotique du produit des impositions sur les ci-devant privilégiés. Toutes ces municipalités, après avoir prêté, de concert avec tous les habitants, le serment civique, présentent à l’Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Adresse des religieux bénédictins du prieuré de Sainte-Livrade, qui adhèrent, avec une admiration respectueuse, aux décrets de l’Assemblée nationale, notamment à ceux concernant les religieux et les biens ecclésiastiques. Ils annoncent que leur maison, dotée de 21 à 22,000 livres se trouve, par sa bonne administration, réparée à neuf, exempte de toute dette, et scrupuleusement intacte dans ses dépendances et son mobilier; que le service et les aumônes s’y font comme s’ils devaient toujours durer, et qu’ils se font un devoir sacré de prévenir même la sagesse des décrets de l’Assemblée contre toute espèce d’expoliation. Adresse de la garde nationale deMoncornet-sur-Serre, département de l’Aisne, district de Laon. Elle est prête à verser jusqu’à la dernière goutte de son sang pour le soutien de la Constitution, et supplie l’Assemblée nationale de lui faire obtenir des armes. Afiresse du bataillon Saint-Germain-l’Auxerrois, sixième division de la garde nationale parisienne, par laquelle il déclare que, quelle que soit la décision de l’Assemblée sur la permanence ou la non permanence des districts, il sera toujours prêt à soutenir jusqu’à son dernier soupir les décrets de l’Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par le roi. Adresse de renouvellement d’adhésion et dévouement de la ville d’Issoudun. Elle sollicite avec instance un tribunal de district. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 mai 1790.] 401 Adresse des citoyens actifs du canton de Lure, j qui, réunis pour nommer leurs représentants à l’Assemblée qui doit choisir les membres destinés à composer le département de la Haute-Saône, présentent à l’Assemblée l’hommage de leur admiration et de leur dévouement. Adresse des électeurs du département de Saône-et-Loire, qui ont solennellement prêté le serment civique. « La douce émotion, disent-ils, de la reconnaissance mêlée à une noble énergie, a solennellement proclamé notre engagement inviolable d’unir toutes nos forces morales et physiques, pour maintenir la Constitution contre les trames insidieuses et les excès des ennemis d’une Révolution qui prépare le bonheur de cet empire. » Adresse de la garde nationale de la ville de Verneuil-lès-Perche; elle supplie l’Assemblée de s’occuper de l’organisation des milices nationales. Adresse de gardes nationaux de la ville d’Ex-mes en Normandie, et de douze communautés voisines. Elles demandent la conservation du siège royal établi dans cette ville. Adresse de la ville de Lambesc en Provence; elle fait hommage à la patrie d’un contrat de constitution de la somme principale de 1 ,560 livres sur les Etats de Bretagne, ainsi que des rentes et des fonds qu’elle avait sur les domaines et sur les rentes provinciales, dont les titres n’ont point été renouvelés. Elle demande l’établissement dans son sein du tribunal de département. Adresse des nouvelles municipalités de la ville de Buzançais et de dix communautés voisines. Elles demandent avec instance l’établissement d’un tribunal de district dans cette ville; Des communautés d’Epenancourt, de Saint-Jean-d’Ardière en Beaujolais et de la ville de Cas-tillon sur Dordogne. Elles font le don patriotique du produit des impositions sur les ci-devant privilégiés. Adresse des officiers municipaux et des amis de la Constitution de la ville de Crest, qui adhèrent à tous les décrets de l’Assemblée nationale, jurent de les maintenir de tout leur pouvoir, et demandent l’établissement des jurés tant au civil qu’au criminel. M. Bureaux de Pusy dit que M. de Peysso-nel, qui a déjà fait hommage à l’Assemblée de plusieurs de ses travaux, lui offre aujourd’hui un Mémoire sur la nécessité de mettre sur le pied français ou d’incorporer les troupes étrangères. Ce mémoire, pouvant contenir des renseignements utiles, est renvoyé au comité militaire. (Voy. ce document, annexé à la séance de ce jour). M. Pothéc, député de Vendôme , présente une adresse de la municipalité de Saint-Pierre-du-Bois. M. Tolin, curé et en même temps maire de la paroisse, exprime, dans cette adresse, tous les sentiments du plus pur patriotisme. Il y reconnaît que Dieu s’est déclaré ouvertement pour la France, qu’il fait éclater sur nos têtes des signes de protection et de bienveillance ; que l’audace, les ruses et les artifices multipliés des ennemis du bien public ne finissent que par la honte de leur défaite, au milieu des orages qu’ils font naître; qu’ils peuvent bien retarder de quelques jours les heureux effets des décrets de l’Assemblée, mais que leurs obstacles ne les rendent que plus admirables à toute la terre; que ces ennemis de la chose publique cherchent à exciter des troubles dans la province, pour en accuser en-ji lre Série. T. XV. suite l’Assemblée nationale; mais qu’il a le bonheur de voir tous les habitants de la contrée cultiver en paix leurs héritages, bénir les travaux de l’Assemblée nationale, et pénétrés de respect et d’admiration pour les représentants de la nation qu’ils regardent avec justice comme leurs libérateurs. M. Tolin et ses paroissiens adhèrent aux décrets qui, en ramenant la religion à ses principes et à sa pureté, anéantissent l’opulence qui en dégradait la simplicité ; ils reconnaissent que toutes les richesses de l’Eglise ne s’étaient accumulées que dans des siècles de superstition et d’ignorance. H offre en don patriotique une somme de 60 livres, fruit d’une économie sévère dans les frais du culte, les habitants ayant pris la résolution de suppléer à l’éclat des cérémonies par la ferveur de leurs prières. M. Dubufe, directeur d’une école d’ agriculture , du commerce et des arts, à Vincennes, est introduit à la barre avec ses élèves et offre en don patriotique une somme de 60 livres. — Il prononce le discours suivant : « Messieurs, permettez qu’une compagnie d’adolescents, dont je suis l'instituteur et l’organe, vous fasse hommage de leur cœur brûlant du désir d’être utile à la patrie ; ils marchent sur les traces des vénérables vétérans qui les ont précédés ; comme eux, ils jurent au sein de votre auguste Assemblée d’être fidèles à la nouvelle Constitution, d’élever leurs enfants dans l’obéissance due à la sagesse qui dirige vos décrets et de répandre leur sang pour le maintien des lois, la conservation d’un roi, père de la patrie; ils déposent au pied de son autel, leur don patriotique, produit de leurs menus plaisirs. La postérité apprendra que tous les âges, tous les états se sont réunis pour concourir au salut de l’Etat, admirer votre constance, votre fermeté et vus travaux. » M. le Président répond : « Messieurs, c’est moins pour elle que pour vous que l’Assemblée nationale s’occupe de la Constitution, qui coûte de grands sacrifices de la part des membres qui la composent. Ils le font avec plaisir, parce qu’ils sont assurés de travailler pour les races futures, que vous allez perpétuer, et dont vous recueillerez les premiers fruits. Elle vous exhorte à mettre à profit et votre jeunesse et vos talents, pourvous rendre dignes d’aspirer à toutes les faveurs que la nouvelle Constitution vous permet d’espérer. Elle vous permet d’assister à sa séance. » La municipalité d’Ivry-sur-Seine, introduite à la barre, offre à l’Assemblée une contribution patriotique de 439 livres et dit qu’elle a vaincu sa timidité respectueuse pour venir apporter à l’Assemblée une adhésion entière à ses décrets. M. le President répond à cette municipalité dans les termes suivants : « Messieurs, toute timidité est déplacée devant une Assemblée qui, n’admettant d’autre distinction que celle due au mérite, a posé pour base de sa Constitution, que tous les hommes sont égaux en droits. Ellqexamine moins le prix de la chose donnée, que la personne qui la donne et les motifs qui dirigent son offrande. Elle donne plus d’intérêt au don pris sur le nécessaire, qu’à celui donné par le riche, qui n’offreque du superflu. « Satisfaite du zèle que vous lui témoignez pour le soutien de la Constitution, elle vous permet d’assister à sa séance. » 26