[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 novembre 1789.] dépenses de ses chemins, etc., et l’autre sert de gage à ses créanciers. M. le baron de Cernon, député de la province de Champagne, est entendu sur les difficultés qu’éprouve en ce moment la commission intermédiaire de cette province pour la répartition des impositions de 1790. L’Assemblée décide qu’il aura la parole à 2 heures. M. le Président rappelle la demande formulée par plusieurs adresses de la municipalité et des bourgeois de la ville ci-devant impériale de Haguenau en Alsace.— M. Hall, maire de cette ville, député du bailliage du même nom, est autorisé à s’y rendre et à s’absenter pour quinze jours. M. Pilas, suppléant de M. Simon de Maibelle, député de Douai et Orchies, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est admis. Plusieurs observations sont faites sur la lecture du procès-verbal de la séance de samedi soir. M. Dubois de Grancé demande qu’on y consigne le fait certain qu’on a refusé, après que M. Malouet eut présenté sa justification, d’entendre M. Gleizen et M. Goupil de Préfeln. M. Malouet témoigne le désir qu’il ne reste de cet événement que le souvenir des témoignages touchants et honorables d’estime qu”il a reçus de l’Assemblée. M. Thouret, président, annonce que sur 680 votants, M. le duc d'Aiguillon a obtenu 166 voix;M. de Boisgelin, archevêque d’Aix, 374, et qu’ainsi ce prélat lui succède. M. Thouret. Le moment où je remets entre les mains de mon successeur l’auguste fonction dont vous m’aviez honoré m’autorise à vous renouveler l’hommage de mon zèle, de mon dévouement et de ma vive reconnaissance. Ces sentiments que je vous dois, Messieurs, à tant de titres, ont seuls dirigé mes efforts constants pour concilier l’accélération de vos décrets avec la suffisante étendue de la discussion, et la maturité nécessaire de vos délibérations : si je n’ai pas atteint entièrement ce but, j’ai du moins été assez heureux pour que mes efforts aient obtenu votre indulgence. Vous avez rempli le plus ardent de mes vœux, en prononçant par mon organe les nombreux articles de la Constitution, qui illustreront l'époque de ma présidence. Je rentre au milieu de vous comblé des marques de votre bienveillance ; il ne me restera rien à désirer, si vous recevez favorablement mes respectueux remercîments. « M. de Boïsgelfn, archevêque d’Aix, président. Messieurs, c’est dans les assemblées nationales qu’un citoyen apprend à connaître sa dignité personnelle et sa véritable existence; c’est là que ses sentiments s’élèvent avec ses idées, et que ses plus grands intérêts ne sont point renfermés dans lui-même: il concourt à tous les progrès de la liberté publique; il exerce la puissance de sa nation qui semble devenir la sienne, et la Constitution de son pays est son ouvrage : et quand cette auguste Assemblée daigne me choisir pour présider à ses séances, et pour parler en son nom, je dois remplir avec un sentiment digne d’elle les devoirs qu’elle m’impose. J’invoquerai son autorité pour maintenir l’ordre établi par ses règlements; j’exécuterai ses volontés avec lre Série, T, X. cette confiance et ce respect qu’on ne sent que pour les lois. Mon prédécesseur, distingué par ses talents, nous a fait connaître quelle est cette attention toujours calme et présente qui répond à vos vœux, sans en prévenir et sans en retarder le terme, et gui sait étudier vos sentiments pour fixer les objets de vos délibérations; il n’y a point d’acte de sagesse et de fermeté dont cette place ne nous rappelle le souvenir; honoré par vos suffrages, je puiserai dans d’illustres exemples les moyens de vous témoigner ma vénération, mon dévouement et ma reconnaissance. On propose de voter des remercîments à M. Thouret. La proposition est adoptée à l’unanimité et par acclamation. M. de Boisgelin, archevêque d’ Aix, président , formule le décret en ces termes: « L’Assemblée décerne à M. Thouret les remercîments les plus exprès et les plus signalés pour la manière dont il a rempli les fonctions qui lui avaient été confiées. » L’ordre du jour appelle la discussion du plan du comité de constitution concernant l’organisatioa des municipalités et assemblées provinciales. M. Lanjuinais rappelle qu’il a proposé deux articles qiii ont été ajournés, portant: « 1° Que les parents ou alliés jusqu’au second degré inclusivement, ne pourront être en même temps membres de l’assemblée d'administration. « 2" Que chaque assemblée d’électeurs nommera un suppléant à chacun de ses députés aux assemblées administratives ou nationales. » Il dit que la réunion des parents dans les assemblées administratives n’est ni juste ni convenable. A Brest, quatre ou cinq familles sont en possession, par la faveur des ministres, d’occuper des places de municipalité et de judicature. C’est cet inconvénient qui lui a donné l’idée de l’un des articles qu’il propose. M. Reguaud de Saint-Jean-d’Angeïy. Ce raisonnement pouvait être exact autrefois; il cesse de l’être aujourd’hui que le peuple nommera aux divers emplois publics : il n’accordera sans doute sa confiance que lorsqu’il n’y aura nul danger pour ses intérêts. J’observerai, sur le second article, qu’il n’est pas nécessaire d’un nombre de suppléants égal à celui des représentants, et qu’il me paraît suffisant d’en nommer dans la proportion d’un quart ou d’un tiers. M. Barère de Vieuzac rejette le premier article. En administration et en justice, dit-il, tout sera désormais public: on voyait souvent autrefois, dans le même tribunal, le père et le fils ; tout était secret alors; une voix secréte pouvait avoir la plus grande inlluence. Nous avons sous les yeux plusieurs preuves du peu de danger de la réunion des parents dans les assemblées publiques, puisque nous voyons ici plusieurs frères dont les sentiments sont également purs et les opinions souvent différentes. M. Befermon adopte l’article contesté. Il établit son opinion sur son expérience personnelle et sur celle qui a déterminé beaucoup de lois prohibitives conformes à la proposition de M. Lanjuinais. M. le duc de la Rochefoucauld. Autant les 45 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 novembre 1789.] exclusions des parents étaient nécessaires lorsque les places se trouvaient à la nomination d’un seul, autant la liberté doit être entière lorsque le peuple choisit lui-même ses représentants.,. Vous devez être extrêmement parcimonieux sur les exclusions, parce qu’elles atténuent le droit qui appartient au peuple de donner sa confiance à celui qu’il en croit le plus digne. Je pense qu’il n’y a pas lieu à délibérer, M. Guillaume propose un moyen intermédiaire, qui consiste à arrêter que, lorsqu’un citoyen aura été élu membre d’une assemblée administrative, aucun de ses parents, aux premier et deuxième degrés, ne pourra être élu qu’aux deux tiers de voix, au lieu de la majorité. On demande la question préalable, non-seulement sur la motion, mais encore sur les amendements. Cette demande mise en délibération, les deux premières épreuves paraissent douteuses à une partie de l’Assemblée; une troisième épreuve a pour objet de s’assurer si le doute existe réellement. Une très-grande majorité décide que le résultat des deux premières épreuves était qu’il n’y avait pas lieu a délibérer. Le décret est ainsi prononcé. Le résultat du scrutin pour la nomination des secrétaires a donné la pluralité à MM. le vicomte de Beauharnais, de Yolnev et üubois de Grancé. Le premier article que l’ordre du jour appelle à la discussion est conçu en ces termes: « A l’ouverture de chaque session des administrations de département, le conseil de département commencera par entendre, recevoir et arrêter le compte de la gestion du directoire; ensuite les membres du directoire prendront séance et voix délibérative avec ceux du conseil. » Cet article est adopté unanimement et sans discussion. L’article suivant est rédigé comme il suit: « Chaque administration de district sera subordonnée à celle de département; elle se divisera aussi en deux sections: l’une destinée, sous le nom de conseil, à préparer les moyens de discussion des différents objets, les matières qui devront être soumises à l’administration de département, et l’examen des comptes de la gestion : elle tiendra ses séances pendant quinze jours par chaque année. L’autre section, sous lé nom de directoire, sera chargée continuellement de l’exécution. M. le comte de Urieu propose d’ajouter les mots « au plus » après ceux de « pendant quinze jours ». On demande pour amendement d’ajourner les mots « au plus », et ce qui est relatif à la durée des séances de district; l’ajournement est mis aux voix et rejeté. 11 est proposé pour amendement de borner les assemblées de district; l’amendement mis aux voix est admis. On réclame ensuite que le mot « entièrement », qui avait été d’abord lu, soit rétabli; l’Assemblée décrète que le mot « entièrement », après ceux, « chaque administration de district », sera rétabli : l’article ainsi amendé est admis et décrété. On fait ensuite lecture de l’article suivant, en ces termes ; « Les assemblées administratives étant instituées dans l’ordre du pouvoir exécutif, seront, les agents de ce pouvoir, dépositaires de l’autorité du Roi, comme chef de l’administration générale; elles agiront en son nom, sous ses ordres, et lui seront entièrement subordonnées. » M. Defermon. Le comité avait précédemment ajouté à cet article que les actes des assemblées administratives ne pourraient être exécutoires qu’après avoir obtenu la sanction du Roi. Je nie suis dit, en examinant cet article, qu’il était impossible de décréter plus entièrement et plus constitutionnellement la conservation des pouvoirs des commissaires départis. Le Roi ne pourra voir par lui-même toutes les opérations des assemblées administratives ; il faudra donc créer pour cet objet un agent du pouvoir exécutif, qui, quelque nom qu’on lui donne, sera réellement un intendant. En établissant ces assemblées, vous avez voulu soustraire les provinces aux bureaux des intendances; votre intention ne peut être de les y replonger constitutionnellement. Je conviens que les assemblées administratives doivent agir sous les ordres et au nom du Roi; elles seront toujours obligées de se renfermer dans l’attribution qui leur aura été accordée par vos décrets sanctionnés par le Roi, et dont Sa Majesté leur aura ordonné l’exécution ; si elles ne peuvent rien faire sans un ordre ad hoc du Roi, à qui le demanderont-elles ? par qui le recevront-elles? ne sont-elles pas entièrement subordonnées à un intendant? Je voudrais que le comité nous indiquât d’abord tous les objets dont les assemblées administratives seront chargées; nous verrions alors quelle doit être l’étendue de leurs droits. Je demande l’ajournement de l’article jusqu’à ce que le comité ait présenté ce tableau, M. Lanjuinais. L’article qu’on vous propose refuse des pouvoirs que les plus grands excès du despotisme n’avaient pas enlevés aux plus chétives assemblées administratives. Ainsi un ministre voudrait, du fond de son cabinet, conduire toutes les parties de l’administration de plusieurs provinces : je le comparerais avec raison au ministre qui, sous Louis XIV, prétendait diriger Turenne du fond de son boudoir. L’opinant développe un grand nombre de circonstances où la subordination exigée serait, sinon impossible, du moins dangereuse. Il adopte l’ajournement. M. Rewbcll. Chaque département deviendrait par cet article entièrement subordonné à un bureau du ministre et complètement étranger à l’Assemblée nationale, qui n’aurait plus de législation générale et particulière à faire, parce que ces fonctions seraient par le fait dévolues au conseil. Je rejette cet article. M. Target. La disposition qui avait été supprimée de l’article, et que M. Defermon a voulu rétablir pour la combattre, a été rejetée par le comité, parce qu’il n’a pu entendre que les opérations faites par les assemblées administratives, en exécution de vos décrets, eussent besoin d’nne nouvelle sanction, quand elles y seraient conformes. M. Defermon. Il est impossible de concilier cette profession de foi avec l’article qui porte que les assemblées administratives seront sous les ordres du pouvoir exécutif.