[Assemblée nationale»! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 décembre 1790.] Les habitants de Rouen ne se refusèrent pas à la prorogation de ces droits, mais ils demandèrent avec juste raison que la totalité de leurs produits fût appliquée au profit de leurs hôpitaux, et qui dès lors ne pouvaient subsister sans ce secours. La persévérance des réclamations, particulièrement de celles de M. le cardinal de La Rochefoucauld, fit enfin fléchir le despotisme de l’abbé Terrav, et, à celte époque, ou accorda sur cette usurpation, mais au litre dérisoire de don, une somme annuelle de 80,000 livres au profit de l’hôpital général de Rouen et de 20,000 livres à l’Hôtel-Dieu. Ce prétendu don a été prorogé par différents arrêts du conseil en 1774, 1780 et 1786, en payant à chaque lois le droit du marc d’or. Le produit de ces droits dans leur totalité, pendant les années 1783, 1784, 1785, 1786, 1787 et 1788, s’est élevé, année commune, à 298,004 livres 17 sous 1 denier. C-*s droits ont été prorogés définitivement par l’édit de février 1780 pour dix années; ils expirent le 31 de ce mois, ainsi que nous l’avons déjà dit. C’est sous ces différentes considérations que je suis chargé, Messieurs, au nom de vos trois comités réunis des finances, de l’impôt et de mendicité, de vous présenter le projet de décret suivant : (M. Le Couteuix donne lecture du projet de décret.) M. de Follcville. Je demande que le travail général sur les besoi ns de la chose publique et sur ceux des villes vous soif présenté incessamment et que le projet de décret qui vous est proposé soit ajourné jusque-là. M. Frélcam. Je viens d’être prévenu par M. le rapporteur du comité de mendicité (1) qu’il est prêt à vous proposer une somme de quinze millions pour les besoins des villes. M. Le Couteulx. Je réponds qu’il n’y a pas un instant à perdre, puisque le secours finit avec le mois courant. Le comité de mendicité, à qui mon projet de décret a été communiqué, a trouvé que, loin de contrarier ses vues, cette mesure les assurait davantage. J’ajoute que la dette arriérée de ces deux hôpitaux est de 422,000 livres. M. JPrlessr. Que demandent les citoyens de Rouen? De continuer à payer un impôt pour venir au secuurs de leurs malades. Nous devons applaudir à leur générosité et y consentir avec empressement. M. Moreau (de Tours). Toutes les villes sont plus ou moins dans le même cas et vont vous adresser des demandes semblables. Je propose de faire un décret général au lieu d’un décret particulier. G1' sera une grande écon mie de temps. (L’amendement de M. Moreau est ajourné.) Le décret est rendu en ces termes: « L’Assembiée nationale, après avoir entendu le rapport fait au nom des comités des finances, de l’imposition et de mendicité, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les droits d’entrée qui se perçoivent à Rouen (1) Voy. le rapport de M. de Liancourt, Archives parlementaires, u> me XVII, page 105, et le rapport fait dans ja séance du 16 décembre 1790. 483 sois la dénomination de droits réservés, qui ont succédé au don gratuit, et qui ont été prorogés définitivement pour dix ans par l’édit de février 1780, continueront, à compter du 1er janvier prochain, à être payés et perçus provisoirement au profit des deux hôpitaux de cette ville, en attendant la publication des lois générales qui seront décrétées sur la mendicité, les hôpitaux du royaume, et sur les droits d’entrée dans les villes et l’organisation générale de l’impôt. Art. 2. « Les percepteurs actuels seront tenus de verser les fonds de leur recette aux mains des officiers municipaux, qui, de leur part, les verseront dans la caisse des trésoriers des deux hôpitaux de Rouen, dans la proportion des besoins respectifs de chacun d’eux, laquelle proportion sera déterminée par les membres du directoire du département. Art. 3. « Tous les six mois, les officiers municipaux rendront, au directoire du départ ement, le compte de leur gestion, pour raison de leur perception desdits droits, et des sommes qu’ils auront payées aux trésoriers desdits hôpitaux. Art. 4. « Lesadministrateursdesditshôpitanxrendront également, tous les six mois, aux officiers municipaux, un compte général de leur recette et dépense, et lesdits officiers municipaux sont autorisés, sous la surveillance des corps administratifs, et en attendant la publication des lois générales sur tes hôpitaux du royaume, de faire tels règlements provisoires qui seront jugés nécessaires pour la meilleure administration de leurs hôpitaux, et particulièrement pour que les individus valides qui y sont admis y soient entre tenus dans un travail utile et productif.» M. Grossi», au nom du comité de Constitution, fait le rapport suivant : Messieurs, la commune de Mon tau ban demande l’établissement de cinq juges de paix dans son canton, y compris les campagnes. Votre comité a pensé que la population de Montaubàn n’excédant pas 20,000 âmes, trois juges de paix suffisaient. Aux termes de l’instruction adressée aux corps administratifs, les translations de paroisses d’un district à un autre peuvent être faites de l'aveu respectif des districts intéressés; mais sur l’avis des départements, l’Assemblée doit prononcer. Le département de la Somme, les deux districts d’Abbeville et d’Amiens, demandent que lu paroisse de Donders soit du district d’Amiens; les motifs de ce changement sont fondés sur le plus grand avantage des administrés. Il s’est établi deux municipalités dans la ville de Gbolet; le département de Maine-et-Loire, sur le vœu du district, demande leur réunion en une seule; elle préviendra toute mésintelligence et assurera dans une petite ville l’unité de principes si désirable et si nécessaire pour former une bonne administration. Le département demande la réunion de beaucoup d’autres municipalités; mais le comilé a pensé qu’ü était indispensable de connaître le vœu de ces communes. Le département du Nord demande l’établissement de tribunaux de commerce dans les villes 484 [Assemblée nationale.] de Dunkerque, Lille et Valenciennes; cette pétition ne peut souffrir de difficultés. Le département du Bas-Rhin forme la même pétition pour la ville de Strasbourg : elle est également juste; mais on ne peut admettre les exceptions qu’il propose pour la création de cet établissement. Ceux de la Mayenne, de la Seine-Inférieure, de la Haute-Maine présentent la demande des mêmes établissements dans les villes de Laval, Rouen, ]écamp, Saint-Valéry et Langres. Toutes ces villes non seulement peuvent soutenir ces établissements, mais ils leur sont nécessaires; presque toutes les possédaient, et dans celles qui n’en avaient pas, il exisait des amirautés, auxquelles il est nécessaire de suppléer par des tribunaux de commerce. Le département de la Charente-Inférieure demande l’établissement de deux tribunaux du même genre dans les îles de Ré et d Oléron ; la situation, le commerce de ces îles le rendent nécessaire : c’est le vœu des députés du département et de ses administrateurs. Voici le projet de décret que je suis chargé de vous soumettre : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport ou comité de Constitution sur les pétitions des administrations des départements de la Somme, de Mayenne-et-Loire, du Nord, du Bas-Rhin, de la Mayenne, de la Seine-In fér ieure, de la Haute-Marne, de la Charente-Inférieure et de la commune de Mon tau ban, décrète ce qui suit : « 11 sera nommé trois juges de paix à Mon-tauban. « La paroisse de Donsiers est distraite du district d’Abbeville pour demeurer unie à celui d’Amiens. « Les municipalités de Saint-Pierre et de Notre-Dame de Cholet, département de Mayenne-et-Loire, district de cette ville, seront réunies pour n’en former qu’une à l’avenir, qui sera actuellement élue en conformité des décrets. « Les communes des autres municipalités, dont le département de Mayenne-et-Loire demande la réunion, sont autorisées à s’assembler pour manifester leur vœu à cet égard. « Il sera établi des tribunaux de commerce dans les districts de Bergues, Lille, Valenciennes, Strasbourg, Laval, Rouen, Monli vi I tiers, Canv et Langres, ainsi que dans les îles de Ré et d’Oléron, lesquels seront séant dans ces villes, à l’exception de ceux des districts de Bergues, Montivilliers et Cany, qui siégeront dans les villes de Dunkerque, Fécaïnp et Saint-Valéry. « Les sièges de ceux des îles de Ré et d’Oléron seront séant à Saint-Martin pour i'île de Ré, et à Saint-Pierre pour celle d’OIeron. « Les tribunaux de ce genre, actuellement existants dans lesdites villes, continueront leurs fonctions, nonobstant tous usages contraires, jusqu’à l'installation des nouveaux juges, qui seront clus conformément aux decrets. « Ils seront installes et prêteront serment en la forme établie par les décrets sur l’organisation de l’ordre judiciaire. » (Adopté.) M. de Saint-Simon, député d' Angoulême , demande et obtient un congé d’uu mois. M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion du rapport fuit au nom des comités de Constitution et de judicature sur la suppression des offices ministériels. [15 décembre 1790.J M. Regnaiid (de Saint-Jean d' Angêly). On vient de distribuer à la porte de la salle un court écrit qui traite d’une manière plaisante une grande question. Le voici : « Avec votre mot d’officiers ministériels, vous « confondez tout. Il y a autaut de différence « entre un notaire, un procureur et un huissier, « qu’entre uu chien, un chat et un rat. Faites-en « donc la distinction, soit dans leur suppression, « soit dans leur création nouvelle et ne sabrez « par votre décision en housards. » (On rit.) M. Dinocheau, rapporteur. Avant que la discussion s’engage, j’observerai que l’on a assez confondu le sort des offices avec celui des officiers; je vais en conséquence vous présenter une série de questions relatives aux offices dont vous déciderez sans doute la suppression. 1° Admettra-t-on dans les tribunaux de district des olfices ministériels vénaux et héréditaires? 2° Les offices ministériels actuellement existants seront-ils conservés ou supprimés? 3° Les olficiers ministériels actuellement existants seront-ils autorisés, en cas de suppression, à continuer par provision leurs fonctions auprès des tribunaux de district, dans lesquels ils seront répartis suivant les besoins du service? 4° En cas de suppression des offices ministériels, les anciens officiers, exerçant auprès des bailliages et sénéchaussées royales, seront-ils remplacés près des tribunaux de district par des hommes de loi ? 5° La distinction des fonctions d’avocat et de procureur sera-t-elle conservée, ou ces fonctions seront-elles exercées cumulativement par les hommes de loi? 6° Les hommes de loi seront-ils chargés exclusivement de l’instruction écrite des procès? 7° Admettra-t-on tous les citoyens à l’exercice du droit de la défense officieuse? 8° Les hommes de loi et les huissiers seront-ils choisis au concours pour remplir le nombre qui sera jugé nécessaire, d’après les décrets de l’Assemblée nationale, sur les avis des directoires de district réunissant les observations des départements? M. Cliabrond. Je demande qu’on aille aux voix sur la première proposition, qui probablement ne souffrira pas de difficultés. M. Regnand, député de Saint-Jean-d’ Angély. Je commence par diviser la question qui vous est présentée. Je ne sais comment on a confondu les procureurs avec les huissiers et les noiaires. Une ligne de démarcation très profonde sépare leurs fondions et doit varier votre détermination; aussi je ne m’occuperai que des procureurs. Vous avez à examiner, relativement à eux, deux questions, l’une constitutionnelle, l’autre qui, dépendant des circonstances, ne concerne que leur intérêt personnel. Constitutionnellement tout homme a le droit de choisir son défenseur comme son médecin; mais de même que vous ne laissez pas exercer la médecine à des charlatans qui empireraient le mal au lieu de le guérir, de même vous ne devez pas laisser les fonctions de défenseurs des citoyens à des hommes qui éterniseraient ou envenimeraient les discussions, au lieu de les faire cesser. Les procès sont les maladies des fortunes comme la lièvre est celle des personnes; il faut que Je soin de guérir les maux ne soit confié qu’à des mains pures et exercées, et c’est au lé-ARCHIVES PARLEMENTAIRES.