688 [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 août 1791.] M. d’Estourinël. Je crois que vous ne pouvez pas vous dispenser d’accorder à M. de La Bartbe une indemnité. M. Camus. Le comité dès pensions verra s’il y a lieu de lui en accorder une. M. d’Estdttrmei. Il est impossible de renvoyer cette affaire au comité ; M. de La Barthe est en activité de service èt il ne pourra obtenir ,de pension. (Murmures.) (Le projet de décret présenté par M. Camus est mis aux voix et adopté.) M. Camus, rapporteur, présenté ensuite un projet de décret concer fiant les rentes viagères constituées au profit de religieux et religieuses. Ce projet de décret est mis aux voix dans les terme-suivants : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité central de liquidation, décrète que les rentes viagères qui auraient été constituées au profit de religieùx et religieuses, indépendamment de la dot fournie à leur monastère, et celles qui seront justifiées, dans les formes prescrites par l’Assemblée, avoir été acquises de leur pécule, seront liquidées à leur profit et en leur nom personnel, pour continuer, par lesdits religieux et religieuses, à en jouir leur vie durant. » (Ce décret est adopté.) M. Vernier, Messieurs, l’Assemblée a décrété l’organisation des bureaux de régie de la caisse de l’extraordinaire, de la trésorerie nationale ; il convient maintenant d’orgàniser les bureaux des ministres de la justice, de l’intérieur, de la marine, de la guerre, des affaires étrangères et des contributions publiques. En conséquence, je fais la motion qu’il soit ordonné à ces différents ministres, et à tous ceux dont les b ireaux sont payés sur les revenus de l’Etat, de présenter, d’ici au 4 septembre, les plans d’organisation dès différents bureaux de leur département. (Cette motion est mise aüx voix et adoptée.) M. Ooudard, au nom du comité d'agriculture et de commerce , fait un rapport sur la situation du commerce extérieur de la France pendant la Révolution , en 1789, et s’exprime ainsi : Messieurs, Vous touchez enfin aux termes de votre carrière; vous venez de constituer en corps de nation un grand peuple tourmenté pendant près de 14 siècles par l’incertitude de son existence politique. Maintenant que la France, sous l’empire des lois, va marcher constamment vers la prospérité, vous jugerez sans doute devoir consacrer quelques-uns des derniers moments de votre vie publique à embrasser les principales ressources de ce vaste et riche territoire qu’un peuple actif et ingénieux doit désormais mettre lui-même en valeur. C’est dans cet objet, autant que pour répondre par des faits à l’imputation des ennemis de la Révolution, qui publient qu’elle a creusé le tombeau de notre industrie, que votre comité d’agriculture et de commerce m’a chargé de vous présenter un tableau de la situation du commerce français en 1789, première année de la liberté. Vous jugerez, par l’analyse, de nos relations commerciales au moment même de la conquête de notre liberté, dans cet instant où de grands dangers et les plus chers intérêts suspendaient en quelque sorte toutes les facultés productrices du travail, ce qu’a pu le peuple français au milieu même des crises de la Révolution;* vous apercevrez en même temps tout ce qu’il est capable d’entreprendre et d’exécuter, aujourd’hui que, régénéré par vos lois, il va Se mouvoir à volonté dans les vastes combinaisons dü travail, agrandies encore sous l’influence des fortes conceptions qu’enfantent toujours avec fruit l’amour et la possession de la liberté. Nous considérons les relations commerciales extérieures de la France, sous 5 divisions : 1° relations en Europe ; 2° relations avec nos îles d’Amérique; 3° armements pour les Indes orientales; 4° exploitation des pêches; 5° mouvement de notre navigation dans les mers d’Europe et sur nos côtes. En vous présentant successivement, Messieurs, les principaux éléments qui composent chaque division, et en rapprochant les documents commerciaux rassemblés pour 1789, de ceux rëciieil-lis en 1788, d’après les dépouillements des journaux des douanes frontières, vous trouverez dans ce parallèle la mesure du plus ou moins d’activité qu’a éprouvée, dans l’année de la Révolution, chaque partie principale de l’industrie française. 1° Du commerce français en Europe. Résultat n° 1. A. Nous comprenons soüs cette première division, non seulement nos relations avec l’Espagne, le Portugal, l’Italie, l’Angleterre et toüs les peuples du nord, mais encore avec les Etats-Unis d’Amérique, les Levantins et les nations büfbaresques. Vous vous rappelez, Messieurs, que l’eXercice dü commerce a deux branches, nos achats qui constituent les importations, et nos ventes qui composent les exportations. Je dois vous observer que les relations commerciales des ci-devant provinces d’Alsace, de Lorraine et des Trois-Evêchés avec l’étranger, ne font pas partie de l’énumération qui va suivre, attendu qu’elles communiquaient encore librement avec lui en 1788 et en 1789, années mises en parallèle, de manière qu’on* n’avait alors aucuns moyens mécaniques de constater l’étëndüe de leur commerce extérieur; je ne citerai dans les calculs que les sommes rondes, afin de rendre plus faciles tous les rapprochements entre les deux époques comparées. Les importations de l’étranger en France, qui montaient en 1788 à 302 millions; s’élèvent a la vérité, eh 1789, à 345 millions; mais c’est par une circonstance absolument étrangère à la Révolution : en effet, la disette des grains nous a obligés d’importer cette dernière année pour une valeur de 73 millions en grains, farine et légumes, objets qui nesorit compris que pour 13 millions dans la masse des importations de 1788, de sorte que, sans cette disette, nos importations eussent été moindres de 17 millions en 1789 qu’en 1788. Résultat n° 1. R. D’un autre côté, on aperçoit que les articles manufacturés, que nobs avons reçus ostensiblement de l’étranger en 1789, ne s’élèvent qii’à 684 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 août 1791.] 57 millions, tandis que les mêmes articles composaient, en 1788, une valeur de 62 millions; nous paraissons donc avoir payé un tribut moindre de 5 millions à l’industrie étrangère pendant l’année de la Révolution. Je ne fais entrer dans ce calcul aucunes données approximatives sur la contrebande, parce qu’elles entraîneraient dans une série de propositions qu’il faudrait appliquer, tant aux importations qu’aux exportations de l’une et l'autre époque, et que les éléments de ces différents problèmes embarrasseraient la marche de cette esquisse destinée à vous présenter rapidement les principales circonstances bien constatées de notre commerce pendant la Révolution . Résultat n° 1. C. Les exportations de France pour toutes les puissances ou contrées de l’Europe, présentent, en 1788, une valeur en marchandises de 365 millions; cette valeur, pour 1789, n’est que de 357 millions; il existe donc une différence en 'moins de 8 millions, pour la dernière époque, celle de la Révolution : mais cette faible diminution sur une masse de ventes de cette importance est d’autant moins alarmante, qu’elle porte sur un moindre débouché, en 1789, des marchandises étrangères dont il se tient entrepôt dans quelques ports du royaume, et qui ne procurent que des profits modiques d’emmagasinage et de commission. En analysant, au contraire, les classes de marchandises qui composent, en 1789, la somme d’exportations de 357 millions, on reconnaît que nos ventes en marchandises patrimoniales et en denrées de nos colonies, ont obtenu, cette année, un débouché progressif comparé avec celui de l’année précédente; ce qui est un bienfait pour les propriétaires fonciers, les agriculteurs et tous les agents de nos manufactures. Résultat n° I . D. S’agit-il, par exemple, de suivre les produits de notre sol dans les marchés européens, on aperçoit que, si nos vins présentent à l’une et l’autre époque une vente de 24 millions, celle de nos eaux-de-vie, de la valeur de 9 millions, en 1788, s’est élevée à 12 millions en 1789 ? Résultat n° 1. E. Cherche-t-on à connaître quelle faveur obtiennent chez l’étranger les articles de l’industrie française? On découvre que nos marchandises ou vragées particulièrement en laine et soie, ne présentent qu’une valeur de 97 millions en 1788, lorsque cette masse est de 104 millions pour 1789, ce qui annonce, à l’égard de cette dernière époque, une augmentation de 7 millions, notamment en draps et effets de laine et de soie. Résultat n° 1. F. Enfin, veut-on apprécier si les consommateurs européens ont un goût persévérant pour nos denrées d’Amérique, les sucres et cafés? On aperçoit que la totalité des ventes de cettejnature, qui, n’était que de 157 millions en 1788, s’élève à 160 millions pour 1789, année de la Révolution. Ainsi, sous les 3 points de vue, de l’intérêt de notre agriculture, de l’intérêt de nos manufactures, de l’intérêt de nos colonies, les relations extérieures de la France n’ont éprouvé aucun effet désastreux de notre situation intérieure en 1789; et si nous n’avons pas acquis cette année une semblable masse de matières d'or et d’argent que les années précédentes, pour en nourrir notre circulation, non seulement cette circonstance est étrangère à la Révolution, mais nous voyons encore que l’achat des subsistances n’a pas dû entraîner l’écoulement de notre ancien numéraire, puisque, ainsi qu’on l’a vu, nous nous le sommes procuré, en 1789, avec nos propres marchandises; enfin, toutes compensations bien observées dans nos comptes respectifs avec les puissances, nous devons encore avoir obtenu une créance définitive sur l’étranger de plusieurs millions. 2° De nos relations avec nos îles d'Amérique. Résultat n° 2. Notre commerce avec les îles d’Amérique et la partie d’Afrique, qui en est une dépendance, comprend, d’un côté, les expéditions de France en marchandises de toute sorte, et d’un autre côté, les retours dans nos ports en denrées d’Amérique. Nos expéditions, pendant les 3 années qui ont précédé celle de la Révolution, montaient à 98 millions, et elles ne s’élèvent qu’à 78 millions en 1789. Ce déficit de 12 millions a également sa source dans la disette qui a tourmenté la France en 1789. Les étrangers admis à approvisionner nos colonies, que nous ne pouvions alors sustenter entièrement, ont profité des facilités qu’ils ont obtenues pour introduire dans ces îles, avec des farines, quelques autres parties de marchandises en concurrence avec celles de France. Quant aux retours dans nos ports en denrées d’Amérique, ils présentent, année moyenne de 1786, 1787 et 1788, une valeur de 190 millions, et cette masse de retours, en 1789, s’est élevée à 218 millions, ce qui offre une augmentation de 28 millions en faveur de la Révolution. Ainsi Jes avantages et désavantages se balancent encore dans l’exercice de cette partie du commerce français. 3° Des armements pour les Indes orientales. Résultat n° 3. En reportant, Messieurs, votre attention sur les armements destinés pour les Indes orientales, qui comprennent nos relations avec les îles de France et de Bourbon, et nos établissements dans l’Inde et en Chine, vous reconnaîtrez qu’en 1789 il a été expédié de France, pour ces parages, 24 mille tonneaux chargés de 16 raillions, tant en marchandises qu’en piastres, soit pour le compte des négociants, soit pour celui des ac-, tionnaires composant l’ancienne association de la compagnie française des Indes. L’année moyenne de leurs armements prise sur 1786, 1787 et 1788, offre une semblable quantité de 24 mille tonneaux : mais la somme des chargements en marchandises et piastres, ou frais d’expéditions, s’élève à 19 millions ; c’est donc 3 millions de [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 août 1791.] 685 plus que le montant des cargaisons expédiées pendant l’année de la Révolution. Celte variation a sa source dans l’incertitude qu’ont dû concevoir à cette époque les actionnaires formant l’ancienne association de la compagnie des Indes, sur la durée de leur privilège; inquiétude qui les a poursuivis dès 1788, et les a conduits à diminuer dès lors leurs avances. 4° De l’exploitation des pêches. Résultat n° 4. La plus importante des pêches françaises, la seule sur laquelle votre comité ait pu se procurer des renseignements complets, c’est celle de la morue au banc de Terre-Neuve, en Amérique. Cette branche particulière d’industrie, qui forme une école de matelots pour la marine française, a été moins considérable en 1789 que les années précédentes. En effet, l’année moyenne des 3 qui ont précédé celle de la Révolution, présente 48,000 tonneaux employés à la pêche de la morue, et on n’aperçoit que 41,000 tonneaux pour 1789. Le produit en argent de cette pêche paraît éga-leiQent plus faible pour cette dernière époque ; car ce produit ne présente alors qu’une valeur de 12 millions, tandis que l’année moyenne de 1786, 1787 et 1788, s’est élevée jusqu’à 14* millions. Cette diminution doit être attribuée à la concurrence qu’éprouvent les pêcheurs français de la part des Anglais, et surtout des Américains libres, qui trouvent moyen d’approvisionner nos colonies de morue de fleurs pêches, en éludant le payement du droit mis à leur importation, pour établir une préférence en faveur de la morue de pêche française. Mais vous devez espérer, Messieurs, que ce désavantage ne tardera pas à disparaître, au moyen de la sage mesure que vous avez adoptée en décrétant, sur la demande de votre comité, le maintien et l’augmentation des primes d’encouragements, pour cette branche si importante de votre commerce. 5° De la navigation dans les mers d'Europe et sur nos côtes. Résultat n° 5. Vous apercevez, Messieurs, les principaux avantages qui peuvent résulter pour la nation d’un grand mouvement dans la navigation. D’abord un grand nombre de bâtiments nationaux, occupés aux transports maritimes, nécessite l’existence d’un certain nombre de matelots qui, en temps de guerre, deviennent les défenseurs de l’Empire. Ensuite, le transport des marchandises d’importation et d’exportation par des bâtiments nationaux, préférablement à l’emploi des navires étrangers, entraîne des bénéfices considérables au profit des navigateurs qui s’occupent du voiturage maritime. Vous allez juger, Messieurs, jusqu'à quel point ces différentes circonstances nous sont favorables dans le mouvement de notre navigation en Europe et sur nos côtes. Le transport des marchandises d’importation et d’exportation entre la France et les nations qui fréquentent les mers d’Europe, a entraîné remploi, en 1789, de 1,200,000 tonneaux de toute nation (1) ; on n’y comptait que 260,000 tonneaux français. En 1788, il avait été employé au même objet 1,160,000 tonneaux de toute nation, et la part des Français fut de 330,000 tonneaux. Notre désavantage progressif à cet égard provient de la grande activité que déploie l’Angleterre pour envahir sur nous, à la faveur de nos relations commerciales, le transport maritime. Quant à la navigation sur nos côtes ou de port en port du royaume, elle s’exerce entièrement par les navigateurs français : en effet, sur un million de tonneaux ou environ (2), qu’elle occupe annuellement, on ne compte pas 6,000 tonneaux étrangers. Quoi qu’il en soit, Messieurs, la défaveur qu’éprouve notre marine marchande dans notre commerce extérieur en Europe, mérite la plus sérieuse attention de votre part, ou de celle de la législature qui vous succédera. Vous venez, Messieurs, de jeter un coup d’œil rapide sur l’état de l’industrie française pendant la Révolution; vous n'avez aperçu dans ce tableau aucuns indices qui vous annonçassent des manufactures ruinées, des produits agricoles sans débouchés, des denrées coloniales sans consommateurs. La marche habituelle de notre commerce n’est point renversée; sans doute, certaines branches ont éprouvé, en 1789, quelques variations ; mais l’intempérie des saisons n’annonçait-elle pas, dès 1788, de nouveaux besoins pour l’année suivaute ; retracer, Messieurs, cette malheureuse circonstance, n’est-ce pas rappeler que votre courage n’a pas seulement eu à combattre et à déjouer les machinations des malveillants, avant que vous eussiez pu fonder la liberté d’un grand peuple? Si vous quittez, Messieurs, les climats étrangers pour suivre, dans l’intérieur même de la France, les effets de la Révolution sur l’industrie nationale, votre œil vigilant et paternel apercevra la plus grande activité dans le travail de nos manufactures qui emploient la laine, le lin, le chanvre et la soie, toutes matières que notre sot fournit en certaines quantités, mais que l’agriculture française perfectionnée pourra bientôt livrer à nos fabriques en proportion de leurs besoins. En parcourant Je royaume, on remarque le plus grand mouvement dans les fabriques du Languedoc (pardonnez-moi, Messieurs, cette ancienne nomenclature pour être mieux compris des partisans du vieux régime), soit, dis-je dans les fabriques du Languedoc qui façonnent les draps recherchés au Levant, soit dans celles de Normandie qui travaillent principalement la laine, le lin et le coton, soit dans les manufactures de la Bretagne et de la Flandre où l’on tisse spécialement le lin et le chanvre, soit dans celles de la Champagne et de la Picardie, renommées, l’une par ses draps fins, l’autre par ses batistes ; partout l’abondance des matières premières et l’activité des commandes pressent l’ouvrier intelligent et laborieux d’augmenter graduellement le produit de son industrie. Enfin il est notoire qu’à Paris, la fabrique des gazes, l’une des branches principales, est dans une grande faveur de débit. Quant à moi, Messieurs, en ma qualité de député de Lyon, je puis certifier que, dans cette dernière ville, célèbre (1) Nombre relatif calculé par celui des voyages, au lieu du nombre effectif qui ne peut être constaté que tiar l’enregistrement de la contenance des bâtiments ors de la construction. (2) Nombre calculé par celui des voyages. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 124 août 1791] 686 par le'goût et l’abondance annuelle des produits en ouvragt s de soie, matières travaillées également avec succès à Tours, à Nîmes et dans quelques autres par ties méridionales de la France, que Lyon, dis-je, éprouve une telle activité dans le travail, que les productions brutes alimentent sans relâche l’industrie de ses habitants, dont le nombre subit à peine pour élever la somme d’ouvrages au niveau des demandes. Cette connaissance intime que j’ai du commerce présent de cette ville me porte à assurer que le besoin de fabriquer en semblable abondance doit se perpétuer, et qu’il n’y a point d’obstacles à l’exercice de cette active industrie. Que vos détracteurs osent donc rapprocher l’effet des événements qui ont environné le berceau de la Constitution, des suites d’une seule des calamités produites par l’intolérance et le despotisme? Qu’ils comparent quelques centaines d’émigrants composant les classes oisives, orgueilleuses, opprimantes de la société, abandonnant aujourd’hui volontairement leur patrie dont ils s’efforcent de mériter la haine, avec ces essaims, ces millions d’hommes paisibles, industrieux, poursuivis par le glaive, lors de la révocation de l’édit de Nantes, forcés d’emporter chez l’étranger, avec les regrets de leurs concitoyens, nos arts, nos manufactures et notre numéraire : ce sont des historiens, en même temps agents du despotisme, ui ont perpétué la mémoire de ces événements. es intendants de la fin du siècle dernier, dans leurs mémoires, surtout ceux de Normandie, du Poitou, de la Guyenne, de la Touraine et du Languedoc ont été entraînés par la force de la vérité, à révéler à la cour de Louis XIV les pertes immenses causées à la France par cette disposition cruellement mémorable. Résultat n° 6. Exige-t-on des rapprochements plus récents : Calculons les pertes de notre commerce pendant la seule guerre de 1756. Nous trouvons, Messieurs, à cet égard, des faits bien précis dans un ouvrage sur la balance du commerce., publié récemment par M. Arnould, qui vous en a fait hommage, et dont l’objet principal est de présenter la variation du commerce de la France à différentes périodes de ce siècle jusqu’au moment de la Révolution. Votre comité, qui a fait une attention particulière à cet ouvrage fondamental, y a reconnu que nos exportations en Europe, qui montaient à 285 millions, pendant l’année moyenne des 7 qu’a duré la paix d’Aix-la-Chapelle, étaient tombées, pendant la guerre de 1756, année commune, à 230 millions, ce qui offre un déficit annuel de 55 millions, que nos expéditions pour nos îles d’Amérique, et la partie d’Afrique qui en est une dépendance', s’élevèrent, pendant la même paix d’Aix-la-Chapelle, à 37 millions, et qu’elles ne surpassèrent pas 13 millions, pendant cette guerre de 1756; c’est encore une diminution périodique de 24 millions ; qu’entin nos cargaisons, pour les Indes orientales, furent de 18 millions pendant la paix d'Aix-la-Chapelle, et ne montèrent pas à plus de 5 millions pendant la guerre de 1756; c’est un dernier déficit annuel de 13 millions. Qu’avons-nous donc recueilli, Messieurs, de tant de désastres éprouvés par notre commerce ?... La paix honteuse de 1763. De quel spectacle différent ne sommes-nous pas aujourd’hui témoins? 26 millions d’hommes se créent une existence politique, au milieu des obstacles, des oppositions, des haines; cependant les sources de la prospérité n’en sont pas taries ; il reste de plus à ce peuple, à la suite d’une agitation salutaire, le bienfait inestimable de sa Constitution. Un semblable fait ne mérite-t-il pas d’être connu des contemporains, et de passer aux générations futures, afin qu’ils puissent apprécier combien sont puissants et efficaces les efforts d’une nation qui veut la liberté? Vous pouvez donc, Messieurs, reporter cette idée consolante dans vos foyers, savoir que les principales sources de la prospérité de la France n’ont reçu aucun échec de la Révolution. Vous y serez même bientôt témoins de la forte émulation dont seront animées toutes les classes actives de la société. Vous aurez contribué à ce mouvement générateur du travail, par de grandes dispositions législatives et administratives; et si vous n’avez pu embrasser tout l’ensemble, ni suivre toutes les ramifications du système commercial, vous jugerez sans doute indispensable de préparer à vos successeurs les moyens de vivifier les parties languissantes de notre commerce. Vous avez reconnu, dans le tableau que je viens d’esquisser, que notre navigation extérieure en Europe, a besoin, pour prospérer, de quelques ressorts puissants, et que l’état de la pêche française à Terre-Neuve mérite également une attention particulière. Je vous prie d’observer, Messieurs, que le mot commerce , prononcé dans le sein d’une Assemblée législative qui embrasse dans ses institutions les intérêts généraux de la grande famille française, ne peut jamais s’appliquer à des faveurs, à des encouragements, à des immunités au profit d'une section spéciale de cette même société. Le mot commerce est pris ici dans cette acception générale qui renferme l’idée du travail annuel des membres de l’association. Si ce travail constitue les rapports directs dé l’homme avec la terre, il se nomme agriculture; Bi ce travail a pour objet la préparation ou la combinaison des matières que produit le sol, il s’appelle manufacture ; si ce travail occupe des agents particuliers au transport et à l’échange des matières brutes et ouvragées, il se nomme trafic ou négoce. Ces 3 éléments fondamentaux de la puissance d’une nation, ces principes de richesses qui acquittent les frais de gouvernement, et salarient tous les fonctionnaires publics, ont besoin, chez une nation qui possède un vaste territoire, d’être continuellement rapprochés, comparés et combinés, afin de diriger ces éléments de manière à obtenir une masse de travail, la plus considérable possible, au profit de la société entière. Vous apercevez, Messieurs, d’après ces définitions, la nécessité d’un centre où viennent aboutir les traces de l’expérience particulière des corps administratifs témoins dans leur sphère respective des besoins et des ressources de chaque localité. Ce centre, suivant vos décrets, doit être le ministre de l’intérieur; mais pour qu’il puisse efficacement employer les connaissances commerciales rassemblées de toutes les parties du royaume et présenter au Corps législatif des observations moti vées sur les moyens d’amélioration dont seront susceptibles les branches de notre industrie agricole ou manufacturière, vous jugerez sans doute indispensable d’organiser incessam- 687 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAI RES. [24 août 1791.J ment cette partie du département du ministre de l’intérieur. > Votrè comité d’agriculture et de commerce a, depuis longtemps, préparé sur cet objet, un plan général conforme aux principes* de la liberté, plan qui sera économique et nécessairement efficace, tandis que l’ancien système de surveillaoce pour le commerce, était dispendieux, inquisitorial, dirigé par une marche lente et embarrassée et sans point unique d’utilité générale. Je vous prie, Messieurs, d’autoriser votre Comité d’agri-cqjture et de commerce à pe réunir à ceux dp Goristitutjpji et deg Contributions publiques, afift de concerter lé plan de la nouvelle organisation d’une correspondance centrale de commerce, dont les principales bases sont déjà rassemblées et dont l’effet sera de conduire à classer toutes les connaissances qui s’y rapportent, à faciliter l’application ou l’accord des principes et des faits de la part de la prochaine législature, et contribuer ainsi sensiblement à l’àipélioration dé la fortune publique. Extraits. |24 août 1791.] 688 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. EXTRAITS des différents résultats formés dans le bureau de la balance du commerce , sur les importations, les exportations et la navigation de la France dans toutes les parties du globe , à différentes époques , et notamment pendant la Révolution. N* I-A. Premier résultat du commerce en Europe, qui comprend nos relations avec l’Espagne, le Portugal, l’Italie, l’Angleterre, les peuples du Nord, les Etats-Unis d’Amérique, les Levantins et les nations barbaresques. CLASSES PRINCIPALES DES IMPORTATIONS DÉNOMINATION des marchandises. PREMIÈRE CLASSE Bois de toute nature, métaux, char bons, cendre, soude, potasse. brai, goudron, suifs, marbre, pierre, soufre, graines et autres productions brutes de la terre. DEUXIÈME CLASSE Matières premières pour les ma nufactures, les fabriques et les arts, telles que soie, laine, coton, chanvre, lin, poil de chèvres, fils divers, cire brute, crin, cuirs et peaux en poil, huile de poissons, plumes non apprêtées, etc. TROISIÈME CLASSE Objets manufacturés en laine, soie, coton, chanvre, lin, poil ou mê lés de ces matières, etc ...... QUATRIÈME CLASSE Autres articles d’industrie étrangère. Cuirs et peaux apprêtés, pelleterie, mercerie, quincaillerie, ouvrages en cuirs, en bois, en métaux, en cristal, en faïence, poterie, terraille, papeterie, sellerie, voitures, etc .......... CINQUIÈME CLASSE Comestibles. Beurre, chairs salées, fromages, fruits confits et secs, blé, farine, grains de toute sorte, huile d’olive, poissons, cacao d’Espagne, café du Levant, sucres raffinés en Angleterre, thés du commerce étranger dans l’Inde .......................... Voyez l’article particulier des grains et farines ci-après, faisant partie de cette cinquième classe. SIXIÈME CLASSE Boissons. Eaux-de-vie de grains, de vins d’Espagne, vins de liqueurs, et bières .............. SEPTIÈME CLASSE Bestiaux et bêtes de sommes. Bœufs, porcs, moutons, chevaux, mules et mulets ............... HUITIÈME CLASSE Drogueries médicinales. Manne, quinquina, séné, safran et autres drogues propres à la teinture, gomme, alun, citron, cochenille, garance, indigo, alisary, mine de plomb, etc ................. NEUVIÈME CLASSE Épiceries. Girofle, poivre, canelle. DIXIÈME CLASSE Tabacs en feuilles ............... ONZIÈME CLASSE Marchandises diverses en une infinité d’articles de moindre importance. ............. . ........ Valeurs totales des marchandises importées ............ En 1789. livres. 45,603,000 79,392,000 43,583,000 14,072,000 115,174,000 6,819,000 8,494,000 18,732,000 3,282,000 7,965,000 1,967,000 345,083,000 En 1788. livres. 51,810,000 81,388,000 45,787,000 16,555,000 62,227,000 8,859,000 9,532,000 15,406,000 4,366,000 4,113,000 2,234,000 302,277,000 CLASSES PRINCIPALES DES EXPORTATIONS DENOMINATION des marchandises. PREMIÈRE CLASSE Bois, métaux, combustibles et au très productions brutes de la terre ........................ DEUXIEME CLASSE Matières premières pour les manufactures, les fabriques et les arts, soie, laine, coton autre que des Colonies françaises •, chanvre, etc. TROISIÈME CLASSE Objets' manufacturés en laine, soie, coton, chanvre, lin, poil ou mêlés de ces matières, etc ...... QUATRIÈME CLASSE Autres articles d’industrie nationale. Mercerie, quincaillerie, cuirs et peaux apprêtés, papiers à écrire, peints, parchemin, bijouterie, orfèvrerie, horlogerie, meubles, glaces, ouvrages en bois, cuivre ; autres ouvrages de modeSj habillements, parfumerie, librairie, savons, verrerie, etc. CINQUIÈME CLASSE Comestibles. Blé, farine, légumes, grains de toute sorte, huile d’olive, morue, sel, fruits de Provence, miel, chairs salées, cacao, cafés et thés du commerce étranger, réexportées, etc ............ SIXIÈME CLASSE Boissons. Vins de Bordeaux et autres de France, eaux-de-vie de vins du royaume et d’Espagne, eaux-de-vie de grains, liqueurs, sirop, taffia et vinaigre ......... SEPTIÈME CLASSE Bestiaux et bêtes de sommes. Bœufs, porcs, moutons, chevaux, mules et mulets ................ HUITIÈME CLASSE Drogueries pour la médecine. Safran, quinquina, rhubarbe, drogues pour la teinture, gomme du Sénégal et arabique, cochenille, noix de galle, verdet, etc ....... NEUVIÈME CLASSE Épiceries. Girofle, poivre, canelle. DIXIÈME CLASSE Tabacs en feuilles et râpés ....... ONZIÈME CLASSE Marchandises diverses en une infinité d’articles de moindre importance. . . ....................... DOUZIÈME CLASSE Articles provenant du commerce français dans l’Inde. Cafés Bourbon et moka, salpêtre, thés de Chine, étoftes et toileries ....... TREIZIÈME CLASSE Denrées des îles françaises de l’Amérique. Café, sucre, indigo, gingembre, rocou et coton, etc.. Valeurs totales des marchandises exportées.., .......... EN 4789. livres. 4,932,000 14,169,000 83,723,000 20,775,000 12,078,000 42,716,000 4,647,000 7,843,000 564,000 2,904,000 2,131,000 3,619,000 160,501,000 357,604,000 EN 1788. livres. 5,860,000 13,464,000 78,543,000 19,121,000 26,772,000 40,278,000 6,398,000 6,547,000 879,000 3,755,000 2,780,000 3,455,000 157,733,000 365,585,000 [Assemblée nationale» J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 août 1791.| 689 SUITE DU RÉSULTAT N° l0'. COMMERCE EN EUROPE, ETC. RAPPROCHEMENTS ENTRE QUELQUES BRANCHES PRINCIPALES D’IMPORTATION ET D’EXPORTATION. N° 1er B. Importations des grains , farines et légumes. N» I“ C. Exportations des vins et eaux-de-vie. ANNÉES. ÉTOFFES DE LAINE, DE POIL OU MÊLÉES. 1789. 1788. Draps de laine .......... Etoffes de laine ........ — de poil .......... — de poil et laine. Couvertures ............ Total en 1789. Draps de laine .......... Etoffes de laine ......... — de poil .......... — de poil et laine. Couvertures ............ Total en 1788. VALEUR. livres. 15,964,000 6,054,000 1,840,000 79,000 161,000 24,098,000 15,506,000 4,902,000 1,713,000 58,000 145,000 22,324,000 ANNÉES. ÉTOFFES DE SOIE, ENRICHIES OU MÊLÉES 1789. Dentelles de soie .......... Etoffes riches or et argent, — de soie ............ — mêlées de soie ..... Gazes de soie .............. — mêlées de soies diverses ................... Mouchoirs de soie .......... Rubans de soie ............ Total en 1789.... 1788. Dentelles de soie. Etoffes or et argent . . . — de soie ........ — mêlées de soie. Gazes de toute sorte... Mouchoirs de soie ..... Rubans de soie ........ Total en 1788. . . . VALEUR. livres. 2,087,000 1,531,000 18,799,000 1,169,000 4,413,000 119,000 255,000 3,310,000 31,683,000 2,968,000 1,423,000 13,771,000 714,000 4,685,000 227,000 2,100,000 25,888,000 lre Série. T. XXIX 44 680 [Assemblé nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 août 1791.] N® 2. Résultat du commerce de la France avec les îles d? Amérique et la partie d’Afrique qui en est une dépendance > Résultat du commerce de la France aux Indes Orientales. Résultat particulier à la pêche de la morue à Terre-Neuve. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 24 août 1791.] é94 N* 5. Résultat de notre navigation dans les mers d'Europe et sur nos eûtes. Résultat des pertes de notre commerce pendant la guerre de 1756. comparé avec la situation pendant la paix précédente d' Aix-la-Chapelle . Extrait de l’ouvrage sur la balance du commerce, par M. Arnould (1). (L’Assemblée, consultée, approuve ce rapport dont elle ordonne l’impression, ainsi que des états y annexés ; elle adopte, en outre, la demande du rapporteur tendant à la réunion des comités d’agriculture et de commerce, de Constitution et des contributions publiques.) L’ordre du jour est la suite de la discussion des articles à ajouter dans l'acte constitutionnel (2). M. Thouret, rapporteur. Messieurs, j’ai l’hon-(1) Voy. les tableaux numérotés 10, 11, 12 et 13 du troisième volume de cet ouvrage. (2) Voy. ci-dessus, séance du 23 août 1791, page 645. neur de présenter à l’Assemblée les dispositions relatives à la garde du roi. Garde du roi. « Le roi aura, indépendamment de la garde d’honneur qui lui sera fournie par les citoyens gardes nationales du lieu de sa résidence, une garde payée sur les fonds de la liste civile. Elle ne pourra excéder le nombre de 1,200 hommes à pied et de 600 à cheval, les grades et les règles y seront les mêmes que dans les troupes de ligne. « Le roi ne pourra choisir les hommes de sa