[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [iM juin 1791. ] l’Assemblée l’embarras de nommer des commissaires, qu’elle charge de prendre les déclarations dont il s’agit, les trois commissaires qu’elle avait chargés d’aller au-devant du roi. M. il’ André. Non ! non ! M. Pétiou de Villeneuve, un des commissaires. Il est très nécessaire que l’Assemblée ne renomme pas les trois premiers commissaires. (L’article 3 est mis aux voix et adopté.) M. Duport, rapporteur , donne lecture de l’article 4 ainsi conçu : Art. 4. « Le tout sera rapporté à l’Assemblée nationale, pour être pris, par elle, les résolutions qu’elle jugera convenables. » (Cet article est mis aux voix et adopté.) M. le Président. Je préviens l’Assemblée qu’à l’issue de la séance les membres auront la bonté de se retirer dans les bureaux pour procéder à la nomination des trois commissaires qui seront choisis à la majorité absolue des suffrages. M. Goupil-Préfeln. Si la nomination se fait à la majorité absolue, il est possible que cela dure trois jours, ce qui, par la nature des circonstances, entraînerait une perle de temps trop considérable. Je propose que la nomination ait lieu à la majorité relative. (Non! non!) M. d’André. Je propose qu’on se rende sur-le-champ dans les bureaux et qu’on revienne dans l’Assemblée après l’élection. (La motion de M. d’André est adoptée.) M. le Président. Conformément au décret que l’Assemblée vient de rendre, la séance est suspendue pour se retirer dans les bureaux. (La séance est suspendue à deux heures.) M. Treilhard, ex-président , occupe le fauteuil. (La séance est reprise à deux heures trois quarts.) M. Alexandre de Beanliarnais, président , prend place au fauteuil. M. le Président. Avant de prononcer le résultat du scrutin, l’Assemblée ne désapprouvera pas que je fasse entrer dans la salle MM. les gardes nationales de Varennes , qui ont accom-pagaé le roi et qui demandent à prêter le serment. (Oui! oui !) (Les gardes nationales sont introduites ; elles ont à leur tête M. Georges, maire de Varennes et membre de l’Assemblée.) M. Georges prend la parole et s'exprime ainsi : « Messieurs, « Permettez-moi de suspendre un instant les hautes fonctions que j’ai l’honneur de partager avec vous, pour ne paraître dans cette auguste Assemblée que comme maire de Varennes, au milieu de mes concitoyens et compatriotes des villes de Varennes, Clermont et lieux voisins, qui tous ont concouru avec la même ardeur, le 543 même courage et le même patriotisme, au salut de la chose publique. « Vous les voyez devant vous, Messieurs, ces enfants de la patrie, qui n’ont pas craint d’exposer leurs jours pour suspendre la marche du roi et de sa famille, prêts à dépasser la ligne de démarcation de l’empire français, et de protéger leur retour jusque dans la capitale. « Déjà, Messieurs, vous connaissez le détail des principales actions de ces braves citoyens; aussi je n’userai pas de redites, pour ménager les moments précieux de l’Assemblée nationale. « Le courage et le patriotisme de deux petites villes frontières apprendront à toute l'Europe ce que peut la France réunie par le même civisme; déjà elle sait ce que vaut un peuple qui n’a eu besoin que de vouloir terrasser le despotisme pour conquérir en un seul jour la liberté. « L’occasion est trop belle, Messieurs, et nous en profitons pour renouveler le serment d’être toujours fidèles à la nation, à la loi, et de défendre, jusqu’à la dernière goutte de notre sang, la Constitution que vous nous avez donnée, et qui fera à jamais le bonheur et la gloire de i’Em-pire français. » (Les gardes nationales prêtent le serment et s’écrient : Nous le jurons! au milieu des applaudissements de l’Assemblée.) M. le Président, répond : « Votre vigilance, vos soins et votre activité ont arrêté une fuite dont l’effet attirait sans doute sur la France une guerre désastreuse; par cette conduite estimable, vous pouviez exposer vos foyers à être ravagés par nos ennemis, ou parles traîtres qui les ont servis ; mais ce danger que vous avez fait courir à vos propriétés prouve que vous êtes des hommes libres et généreux, qui comptent pour rien leur vie, quand elle peut sauver la patrie. Varennes sera un lieu célèbre, que la France entière s’honore de mettre au nombre de ses villes. L’ Assemblée nationale vous engage à assurer tous ses habitants qu’elle sait apprécier les services qu’ils ont rendus; elle peut aussi vous gaiantir que tous les Français reconnaissants se réuniront autour de vos murs, si les satellites du despotisme osaient en approcher. » ( App la u dissemen ts.) M. Moreau-Saint-lIéry. Parmi les actes vraiment dignes d’admiration que le malheur dont nous avons été menacés vient de faire éclore, il en est un qui m'a vivement frappé, et sans doute les sentiments qu’il m’a inspirés sont dans Pâme de tous bons citoyens, c’est la promesse de M. Baudan, qui, prenant une haute et juste opinion du peuple français, et notamment des habitants de Pans, jure au roi, sur sa tète, qu’il arrivera avec sa famille sans aucun accident dans la capitale. Je demande qu’au moment où cette promesse vient d’être si solennellement et si heureusement accomplie, l’Assemblée nationale consigne dans son procès-verbal un témoignage de sa satisfaction de la conduite de M. Baudan, afin que la postérité puisse contempler comme nous le spectacle d’un roi de France livré à toutes les alarmes par des conseils perfides, rassuré par la vertu d’un simple oflicier municipal, honoré loin des cours du choix de ses concitoyens. (Applaudissements.) (L’Assemblée décrète qu’il sera fait une mention honorable dans son procès-verbal de la conduite de M. Baudan.) M. le Président. Par un décret rendu mardi 544 [21 juin 1191.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. matin, vous avez arrêté que la séance serait toujours tenante et qu’elle ne pourrait être levée que par un autre décret. Avant de donner connaissance à l’Assamblée des résultats du scrutin, je vais mettre aux voix la question de savoir si ia séance sera levée. (L’Assemblée, consultée, décrète que la séance sera levée.) M. le Président. Voici le résultat du scrutin pour la nomination des commissaires chargés de recevoir les déclarations du roi et de la reine. Sur 599 votants, la majorité absolue est de 3ÜÜ voix. M. Tronchet en a obtenu 433; M. d’André 354 et M. Duport 351. En conséquence, ces trois membres sont nommés commissaires. La séance est levée à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. ALEXANDRE DE BEAUHARNAIS-Séance du lundi Tl juin 1791, [au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Lanjuinais. Messieurs, le directoire du département d’Ille-et-Vilaine m’a adressé, pour le communiquer à l’Assemblée nationale, le procès-verbal des mesures prises en commun, le jeudi 23 du présent mois, par les corps administratifs et judiciaires établis à Rennes, après l'arrivée du courrier qui leur annonçait l’évasion du roi et de la famille royale. Ces* pièces apprennent que le peuple de ce département a reçu cette nouvelle avec le même calme que tout le reste de l’Empire, et qu’il a donné également des marques réitérées du plus pur patriotisme. (Il donne lecture de ce procès-verbal.) J’ajouterai, Messieurs, que les corps administratifs de Rennes, réunis, ont arrêté que les églises où se réunissaient les non-conformistes, et qui étaient les rendez-vous des ennemis de l’ordre et de la paix, seraient incontinent fermées. (L’Assemblée nationale, applaudissant au patriotisme de ces différents corps, aux mesures qu’ils ont prises et au zèle des citoyens de Rennes pour le maintien de la Constitution, ordonne qu’il sera fait mention honorable de leur conduite dans le procès-verbal.) M. Goupil-I*réfeIn donne lecture d’une lettre à lui adressée par un membre du directoire du département de l'Orne séant à Alençon. Celte lettre porte que le 24 de ce mois, à sept heures du soir, un courrier a apporté au directoire un décret de l’Assemblée nationale relatif à l’arrestation du roi, avec une lettre du minisire et un récit des principaux faits relatifs à cet événement. Sur-le-champ, ce directoire, réuni pour cet effet avec celui du district, s’est transporté à la municipalité, où cette nouvelle a été publiée avec beaucoup de solennité. Un peuple immense, qui s’était assemblé, a fait éclater sa joie par des acclamations. Le directoire a ordonné que des courriers fussent expédiés pour donner cette nouvelle à tous les districts. Les gardes nationales ont voulu faire le service de ces courriers et sont partis. Un Te Deum a été chanté sur la place d’Ârmes. Tous les corps y ont assisté avec les gardes nationales; l’air retentissait des cris de : (Vive la religion! vive la nation ! vive la loi! vive l'Assemblée nationale ! vive le département ! ( Applaudissements .) M.Gossinrend compte à l’Assemblée du patriotisme et de la sagesse des mesures que ['administration du département de la Meuse, qui comprend la ville de Varennes, a prises sur le grand événement qui l’occupe depuis plusieurs jours, du zèle qu’elle a déployé dans ctte circonslance, ainsi que ses concitoyens de Bar-le-Duc, Saint-Mihiel, Ligny, Gommercy, les gardes nationales et tous les habitants du département. Il saisit cette occasion pour mettre sous les yeux de l’Assemblée la conduite constamment prudente et courageuse que le directoire a déployée depuis son existence pour maintenir la tranquillité publique, l’acquit des impositions, et procurer l’obéissance de presque tous les fonctionnaires publics à la loi du serment; et il donne lecture de l’arrêté du 19 juin, qui improuve divers écrits distribués clandestinement, sous le titre de brefs du pape, mandements ou ordonnances d’évêques, comme subversifs de l’ordre public, attentatoires aux droits de la souveraineté, et défend de leur donner aucune publicité. Il termine par la lecture d’une lettre à lui adressée par un membre du directoire du département de la Meuse, dont suit l’extrait : « Bar-le-Duc, le 24 juin 1791. « Depuis plus d’un mois, des marches et des contre-marches de corps, d’escadrons arrivant aujourd’hui, partant quelques jours après, avançant, reculant et changeant de gîte sans nécessité ni utilité apparente, pouvaient faire soupçonner le mystère qui se découvre aujourd’hui ; et très certainement l’évasion était méditée et préparée de longue main. On n’avait pas pourvu au retour de ces corps et de ces détachements : maintenant que le projet est manqué, ils sont errants; ils ne savent où se réfugier, et ils inspirent des craintes. « Hier, lorsqu’ayanl la certitude de l’arrestation et du départ du roi pour retourner à Paris, nous nous livrions à la sécurité, à la confiance, un exprès vint nous annoncer une armée impériale entrée dans le royaume par les districts de Mout-médy, Etain et Clermont. Cette découverte d’une municipalité de village, adoptée parle directoire de district, se propage en un instant. 200 hommes de la garde nationale de Bar, revenant après l’arrestation, sont invités à rétrograder (ils doivent être actuellement à 10 ou 12 lieues). Tous les habitants des campagnes se rassemblent; àlOheures du soir, Bar en était garni, et à 3 heures du matin, nous devenons certains de ce que nous soupçonnions déjà, que c’était une fausse alarme et qu’on avait pris les détachements errants pour des troupes étrangères. Cette nouvelle est confirmée maintenant; ainsi, c’est une fausse alerte; mais l’effet qu’elle a produit peut faire juger de l’esprit public. Assurez aux gardes nationales des chefs intelligents et surs, des munitions et des effets de campement; et quant à des hommes et des hommes déterminés, soyez sûrs que vous n’eu manquerez pas. (Applaudissements.) (L’Assemblée ordonne qu’il sera fait mention honorable dans le procès-verbal de la conduite du directoire du département de la Meuse.) (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.