192 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Telle est, citoyens représentans, la profession de foi de la société populaire de Brion-du-Gard. Elle ne connoit point de membres dans son sein dont les opinions différent de l’opinion générale. Tous veulent la république une, indivisible et démocratique. Et si quelqu’un mani-festoit des sentimens contraires, il seroit à l’instant rejetté ; son nom rayé des registres et sa personne dénoncée au comité de surveillance. Nous voulons être libres ; mais nous ne voulons plus être opprimés. Nous abhorrons l’oppression et nous sommes néanmoins capables, en vrais républicains de pardonner aux oppresseurs. L’erreur passagère ne sera point un titre d’exclusion pour un citoyen. La société toujours attentive aux événemens qui pourroient éclatter, ne sauroit prononcer avec trop de précision quels sont les principes qui la dirigent; elle déclare solennellement, qu’elle ne reconnoit que la Convention et les loix émanées d’elle. Tous les membres de la société ont juré de verser leur sang pour les soutenir ; ils seront fidèles à leur serment et quelque soit le choc des opinions politiques qui pourroient agiter la France, la Convention et les loix qu’elle aura décréttées seront le talisman de la conduite de la société. La Convention est revêtue de l’autorité souveraine du peuple, et c’est elle seule que le peuple souverain maintiendra dans les droits qu’il lui a délégués. La société ne peut passer sous silence la vive émotion qu’elle a ressenti en apprenant l’horrible attentat commis sur la personne de Tal-lien un de vos dignes collègues. A cette nouvelle, un sentiment profond de douleur s’est emparé de nos cœurs. Un républicain vertueux qui a honoré sa patrie par ses talens et par l’intrépide fermeté qu’il a montrée en déjouant le complot attroce de Robespierre, a été frappé par une main perfide; il est à la veille de perdre la vie! rien n’est capable de retenir notre indignation que l’espoir de sa prompte guérison. Poursuivez, représentans, les auteurs, fauteurs et complices de cet affreux parricide. Puissent les coupables expier leurs forfaits sous le glaive de la loi. Montrez-vous plus que jamais terribles à poursuivre le crime jusques dans son dernier repaire. Assez et trop longtems la république a souffert dans son sein des hommes qui ne respirent que le sang et la mort. Montrez-vous dignes du peuple que vous représentez. Semblables à ces chênes antiques plantés sur le sommet des montagnes qui bravent tous les orages et tous les vents; résistez à toutes les tempêtes politiques; montrez un front audacieux à tous les ennemis de la chose publique; épurez l’atmosphère impur dont vous paroissez environnés, nos corps formeront toujours autour de vous un rempart inexpugnable pour sauver ou pour venger vos personnes outragées. Les membres de la société populaire de Brion-du-Gard au nombre de trois cent cinquante, David Eastre, président et une vingtaine de signatures. 6 L’agent national du district de Valognes [Manche] fait part à la Convention nationale que la nouvelle de la reprise de Valenciennes, du fort d’Ecluse, et les autres avantages remportés par les troupes de la République, ont donné lieu à une fête célébrée par le peuple en masse; il annonce aussi que toute la jeunesse de Valognes combat dans les armées, et que les braves vétérans marcheroient s’il en étoit besoin pour renverser les trônes des despotes coalisés. Insertion au bulletin (12). [L’agent national du district de Valognes au président de la Convention, le 15 fructidor an 77] (13) Nous avons appris par le courrier de ce matin les grandes victoires que nous avons remportées sur terre et sur mer et les riches prises entrées dans nos ports. A dix heures du matin tous les corps constitués civils et militaires, la société populaire, le peuple en masse, étoient sur la place de la liberté. Là on a appris avec toute l’allégresse que peut faire paroitre un peuple libre la reprise de Valenciennes où se trouvent 1100 émigrés qui vont payer la peine due à leurs crimes et cesser de souiller un sol qui étoit las de les porter. La prise du fort de l’Ecluse n’a pas fait moins de sensation et des chants patriotiques se font entendre de toutes parts au milieu d’une musique guerrière. L’administration de district devoit mettre cette pompe à un aussi beau jour de fête, et je me fais un devoir d’instruire la Convention que les citoyens de Valognes sentent tous les élans du vrai patriotisme, qu’ils se réjouissent d’avoir dans nos armées toute leur brillante jeunesse et que nos braves vétérans marcheroient s’il en étoit besoin pour achever de renverser les trônes des despotes coalisés. Vive, vive à jamais la république, une et indivisible, respect sans bornes aux loix et guerre éternel à tous les traitres et les intrigans. Salut et fraternité. Buhol. 7 L’agent national du district de Ta-nargue [Ardèche] annonce à la Convention nationale la vente du bien de l’émigré Moré; que cinquante-trois lots, estimés quarante mille neuf cent dix-huit livres, ont été vendus cent vingt-trois mille huit (12) P. V., XL VI, 201. (13) C 321, pl. 1344, p. 26. SÉANCE DU 10 VENDÉMIAIRE AN III (1er OCTOBRE 1794) - Nos 8-10 193 cent vingt-cinq livres; par conséquent, quatre-vingt deux mille neuf cent sept livres au dessus de l’estimation. Insertion au bulletin, et renvoi au comité des Finances (14). 8 Les citoyens de la commune de Cerdon, département de l’Ain, écrivent à la Convention nationale : Pendant que les vertus, les mœurs, la probité servoient de base à vos profondes discussions sur le salut de la patrie; pendant que vous opposiez aux efforts de l’Europe étonnée un peuple de héros représenté par des hommes de génie, le département de l’Ain étoit agité par de vils intrigans dont l’immoralité étoit autant dépravée que l’ignorance étoit profonde : tandis que le peuple, dans le calme de la vertu, dans le sang-froid de la tempérance, souffroit tout, se soumettoit à tous les sacrifices, des monstres qui se roulent dans la fange de la corruption, se livroient à tous les vices et le délire de l’ivresse, méditoient les plus noirs forfaits. Il étoit temps de mettre fin à la tyrannie dans ce département; un jour plus tard, peut-être même deux heures plus tard, le sang auroit coulé à grand flots. Boisset a paru, et son arrivée a fait renaître la confiance; il a rendu les pères à leurs enfans, les maris à leurs femmes; il a terrassé le crime et démasqué l’hypocrisie : achevez, législateurs, achevez vos sublimes destinées; nous vous tracerons de notre sang la route de l’immortalité. Insertion au bulletin, renvoi au comité de Sûreté générale (15). Les citoyens de la commune de Cerdon, département de l’Ain, exposent à la Convention nationale que ce département étoit agité par de vils intrigans qui joignoient à l’immoralité l’ignorance la plus profonde; que ces monstres qui se rouloient dans la fange de la corruption et du vice, méditoient dans le délire de leurs débauches les plus noirs forfaits ; tandis que le peuple, dans le calme de la vertu, dans le sang-froid de la tempérance, souffroit tout, se soumettoit à tous les sacrifices; qu’ils avoient fait entasser dans les cachots des pères de famille, des patriotes qui étoient privés, dans leur captivité, des secours les plus nécessaires et de toute consolation; mais que le représentant du peuple Boisset a fait renaître la confiance ; qu’il a démasqué l’hypocrisie, terrassé le crime, rendu à la liberté les patriotes opprimés, et prouvé par sa conduite que la Convention a réellement mis à l’ordre du jour la justice et la vertu. Ils assurent la Convention de leur dévoue-(14) P.V., XLVI, 201. Bull., 16 vend, (suppl.). (15) P.V., XLVI, 202. ment, l’invitent à rester à son poste et à continuer de déployer son énergie pour étouffer tous les monstres conjurés contre la liberté (16). 9 La société populaire de Gémenos, département des Bouches-du-Rhône, écrit à la Convention nationale qu’elle voit avec douleur qu’on attaque à chaque instant l’honneur de ses membres; que la nation paroît outragée dans ces différens assauts qui n’ont le plus souvent pour base que la témérité et l’injustice ; que tous les représentai sont exposés à être tour-à-tour en but à la calomnie : et alors que deviendrait la Convention nationale? Elle l’invite à rechercher les auteurs de ces trames criminelles, à punir rigoureusement les méchans et les calomniateurs, et à maintenir le gouvernement révolutionnaire. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi au comité de Sûreté générale (17). 10 La société populaire de Bourg, chef-lieu du département de l’Ain, écrit à la Convention nationale : En mil sept cent quatre-vingt huit, le Français vit l’abyme qui s’ouvrait sous ses pas, la tyrannie l’avoit creusé; l’état touchoit à sa désorganisation, et le remède n’étoit que dans une autre forme de gouvernement. Le peuple demanda-t-il alors à Capet et à ses suppôts la permission d’user de la liberté de la presse? Non : le peuple connut le droit naturel, et il s’en servit pour éviter les maux de l’anarchie. Les armées se battent avec courage et triomphent par-tout ; les enfans mêmes qui ont perdu sur l’échafaud, père, parens et amis, adoptent la patrie pour mère, veulent vaincre ou s’ensevelir avec elle. Mais, pendant ces victoires, Hébert, Robespierre et leurs partisans déclaraient la guerre à l’humanité, fondoient leur puissance, sup-posoient des conspirations qu’ils savoient adroitement préparer, prêchoient une morale destructive de toute société politique, entassoient victimes sur victimes, et jouis-soient des délices de Néron, en faisant égorger les Français. D’où peut venir un contraste si frappant de félicité et de malheurs? Il a eu pour principe la défense ou le danger de dire la vérité par le moyen de la presse. L’homme libre ne connoit dans la faculté d'énoncer sa pensée, (16) Bull., 10 vend. (17) P.-V., XLVI, 202-203. Bull., 15 vend.; C. Eg., n° 780.