434 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1791.] la loi; c’est au procureur général syndic à faire vérifier par des commissaires les violations qui lui sont dénoncées, et lorsque les départements ne sont pas dans leur devoir, c’est au Corps législatif à ies y rappeler. Quant à la violation du territoire de la municipalité de Moret, je crois que dans aucun cas, dans aucun temps, dans aucune circonstance, vous ni* devez laisser porter la plus légère atteinte aux lois protectrices de lu liberté. Je demande que le roi soit prié de faire donner des ordres au directoire du déparlement de Seine-et-Marne, pour qu’il fasse vérifier par des commissaires les faits contenus dans le procès-verbal de la municipalité de Moret et pour qu’il en rende compte directement à l'Assemblée nationale. M. «T Aiguillon. J’adopte totalement les opinions de MM. Revvbell et Regnaud; mais je propose qu’on ajoute ceci : que les comités réunis seront chargés de demander au ministre de la guerre par quels ordres les chasseurs de Lorraine ont agi. c’est le ministre de la guerre qui a donné des ordres, il me paraît responsable d’un grand délit ( Applaudissements ), du plus grand de tous les délits, celui d’avoir confondu tous les pouvoirs et d’avoir porté une atteinte véritable à la Constitution. {Applaudissements.) (L1 Assemble ordonne le renvoi du procès-verbal de la municipalité de Moret aux comités militaire, d-s rapports et des recherches réunis, et décrète qu’il sera demandé au ministre de la guerre par quel ordre les chasseurs du régiment de Lorraine ont agi.) L’ordre du jour est un rapport du comité de Constitution sur la résidence des fonctionnaires publics (1). M • He Chapelier, rapporteur. Messieurs, vous avez renvoyé à vetre cuniité de Constitution la pétition de la commune de Paris, sur l’état et les obligations de la famille du roi, dans le gouvernement français. Vous avez donc voulu une loi constitutionnelle, et non un décrit du moment, qui laisserait en arrière une loi importante du royaume, et n’en serait que l'ajournement. Nous partageons les vues de votre sagesse; nous pensons, après un examen très réfléchi, que le corps constituant doit faire, le plus rarement qu’il est possible, des décrets de circonstances. Ainsi c’e-st une loi constitutionnelle que nous vous apportons. Nous n’avons point à craindre que les événements actuels portent leur influence sur votre décision ; ce ne sont ni les alarmes qu’on se plaît à répandre, ni les agitations qu’on cherche à exciter, ni un départ qui peut blesser les convenances, mais qui n’enfreiut pas les lois, qui peuvent vous occuper : vous ne porterez votre attention que sur la Constitution décrétée par vous, et acceptée par le roi, et vous chercherez, pour la confection de la loi que vous allez discuter, qu lies sont les conséquence.? de cette Constitution dont toutes les parties doivent être d’accord, et sortir du même principe. Le travail que nous vous soumettons aujourd’hui n’est cependant qu’une portion de celui (1) Le Moniteur ne donne qu’uno analyse de ce discours. qu’embrasse cette matière. Pour fixer complètement l’état et les obligations des membres de la famille du roi, il faut non seulement dire quels sont ceux d’entre eux, qui, comme fonctionnaires publics, ou prochainement appelés à le devenir, sont assujettis à la résidence; mais encore déterminer les règles qui seront suivies pour la régence et l’éducation de l’héritier présomptif on du roi mineur. Sous fort peu de jours, nous vous apporterons ces projets de lois et, plus promptement encore, nous vous soumettrons un projet de décret sur les émigrants. Cette dernière loi est aussi nécessaire que les antres, et la liberté ne s’en alarmera pas. Il faut distinguer le droit qui appartient à l’homme en société, d’aller, de venir, de partir, de rester, de fixer son domicile où bon lui semble, et le délit qu’il commet quand, pour exciter, on pour fuir lâchement les troubles de sa patrie, il eu abandonne le sol; l’ordre ordinaire est alors dérangé, les lois qui lui conviennent ne sont plus les lois applicables, et comme dans un moment d’émeute la force publique prend la place de la loi civile, ainsi, dans les cas d’émigration, ia nation prend des mesures sévères contre ces déserteurs coupables qui ne peuvent plus prétendre ni à ses bienfaits pour leurs personnes, ni à sa protection pour leurs propriétés. Nous sentons et la justice et l’urgence de cette loi; nous n’en ferons pas attendre le projet; ce sera encore une loi constitutionnelle, mais qui, comme la loi martiale, ne sera applicable qu’à ces moments de désordre et d’incivisme qui en solliciteront l’application. Aujourd’hui, c’est un décret sur la résidence des fonctionnaires publics; ceux qui sont, à des titres différents, chargés du gouvernement de l'Empire sont certainement obligés de résider. Mais ce n’est aussi qu’à ceux-là que la loi de la résidence doit être imposée. Tous les autres citoyens ne peuvent être dans leurs voyages, dans la fixation de leur domicile, ni aperçus par la société, ni atteints par une loi, à moins que ce ne soit plus ni leur liberté dont ils fassent usage, ni leurs droits qu’ils exercent, mais une émigration dont ils se rendent coupables. Outre le roi qui est le premier fonctionnaire de l’Etat, il est des membres de sa famille qui, sans être encore fonctionnaires publics eu activité, sont si prochainement appelés à la suppléance héréditaire que la Constitution leur défère, qu’ils doivent être assujettis à la résidence. L’héritier présomptif, quand celui-ci est en minorité ; celui de ses parents majeur qui est le plus près de la succession au trône, doivent résider dans le royaume ; et un devoir de famille, sur l’observation duquel la nation doit veiller, assujettit à cette résidence la mère de l’héritier présomptif mineur. C’est là que doit s’arrêter la loi, parce que, quoique tous les mâles de la famille du roi soient par la Constitution appelés à la succession du trône, par droit de primogéniture, la libre disposition des personnes ne peut pas être étendue au delà de ce qui est strictement exigé par l’utilité publique. Ce sera déjà une fiction que celle qui placera dans la classe des fonctionnaires public-s en activité continue, les membres de la famille du roi qui, venant immédiatement après lai, sont ses premiers suppléants au trône; un double danger résulterait de la loi gui, prolongeant la fiction jusqu’au dernier individu de cette famille, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES-[23 février 1791.] les astreindrait à la résidence. Leur liberté serait attaquée sans qu’ils eussent accepté aucunes fonctions publiques qui les assujettissent à aucuns devoirs. Lafamilledu roi serait, sans avantage pour elle, fr appée d’un esclavage politique, dans lequel chacun de ceux qui la composeraient, n’étant ni fonctionnaires publics, ni citoyens, désapprendraient les devoirs de ceux-ci, sans avoir ni intérêt ni occasion de s’instruire des obligations de ceux-là. Ensuite ce serait une famille privilégiée, jusqu’à son dernier rejeton, et qui, pouvant s’accroître à l'infini par ses ramifications diverses, menacerait l’égalité politique, sauvegarde de la liberté et base de la Constitution. Que les premiers membres de la famille du roi soient considérés comme fonctionnaires publics, parce qu’ils peuvent à chaque moment le devenir, mais que les autres soient libres comme tous les citoyens ; qu'ils en exercent les droits, et qu’ils jouissent du bénéfice de toutes les lois sociales, en conservant toujours les titres à la suppléance héréditaire qu’ils tiennent de la Constitution et de leur naissance : voilà les conséquences les plus pures de la Constitution française. PROJET DE LOI. Art. 1er. Les fonctionnaires publics, dont l’activité est continue, ne pourront quitter les lieux où ils exercent les fonctions qui leur sont déléguées, s’ils n’y sont, autorisés. Art. 2. Ceux des fonctionnaires publics dont l’activité n’est pas continue seront tenus de se rendre aux lieux de leur résidence politique, pour le temps où ils doivent reprendre l’exercice de leurs fonctions, s’ils n’en sont dispensés. Art. 3. L’autorisation on la dispense ne pourront être accordées aux fonctionnaires publics que par le corps dont ils sont membres, ou par leurs supérieurs. Art. 4. Le roi, premier f mctionnaire public, doit avoir sa résidence à portée de l’Assemblée nationale, lorsqu’elle est réunie ; et, lorsqu'elle est séparée, le roi peut résider dans toute autre partie du royaume. Art. 5. L’héritier présomptif de la couronne étant, en cette qualité, le premier suppléant du roi, est tenu de résider auprès de sa personne. La permission du roi lui suffira pour voyager dans l’intérieur de la France ; mais il ne pourra sortir du royaume sans y être autorisé par un décret de l’Assemblée nationale, sanctionné par le roi. Art. 6. Si l’héritier présomptif est mineur, le suppléant majeur qui sera le plus près de succéder à la couronne, d’après la loi constitutionnelle .de l’Etat, sera assujetti à la résidence, conformément au précédent article, sans que, par la présente disposition, l’Assemblée nationale entende rien préjuger sur la loi de la régence. Art. 7. Tant que l’héritier présomptif sera mineur, sa mère sera tenue à la même résidence. L’Assemblée nationale n’entend rien préjuger sur ce qui concerne l’éducation de l’héritier présomptif ou d’un roi mineur. Art. 8. Les autres membres de la famille du roi ne sont point compris dans les dispositions du présent décret; ils ne sont soumis qu’aux lois communes aux autres citoyens. Art. 9. Tout fonctionnaire public, qui contreviendra aux dispositions du présent décret, sera m censé avoir renoncé, sans retour, à ses fonctions; et les membres de la famille du roi seront censés de même, en cas de contravention, avoir renoncé personnellement et sans retour à la succession au trône. (Vifs applaudissements.) (L’Assemblée ordonne l’impression de ce rapport et du projet de décret, et en ajourne la discussion à la séance de vendredi prochain.) M. Troncliet, au nom du comité féodal. Il s’est glissé dans l’impression faite à l’Imprimerie royale du décret du 23 décembre dernier deux erreurs. La première consiste en ce que, dans le préambule de la loi, un décret antérieur s’v trouve rappelé sous la date dn 19 du même mois, au lieu de celle du 18 ; la seconde, en ce que, dans l’article 3 du décret du 23 décembre, on avait imprimé deux fois, au lieu du mol panade, celui de pacage. La première erreur se trouve aussi dans la minute du procès-verbal, mais la seconde n’est qu’une faute d’impression, dans l’édition de l’Imprimerie royale.) Il y aurait lieu de faire opérer deux rectifications. (L’Assemblée ordonne que la date du 18 sera substituée dans la minute du procès-verbal à celle du 19, et que M. le Président donnera des ordres nécessaires pour réimprimer l’édition de l’Imprimerie royale.) M. Tronchet, au nom du comité féodal. Messieurs, je suis chargé par votre comité féodal de vous présenter un rapport sur plusieurs questions relatives au rachat des rentes seigneuriales , qui se sont élevées en exécution du décret du 3 mai 1790 (1). Bien que les articles que je crois avoir l’honneur de vous proposer ne soient que des articles additionnels à ceux qui ont été déjà proposés par M. Merlin, pour n’en faire qu’un seul même décret, votre comité a cru cependant devoir eu faire l’objet d’un rapport particulier. Messieurs, la difficulté de combiner plusieurs anciens principes du régime féodal avec le rachat des droits ci-devant féodaux, et avec les règles que le décret du 3 mai a prescrites pour ce rachat, a fait naître plusieurs questions importantes, qu’il est nécessaire et urgent de résoudre. Une première classe de ces questions appartient au point de savoir quelle peut être i’in-tluence des anciens principes concernant le jeu de fief dans l’exécution du rachat des droits féodaux, qui a été permis par le décret du 3 mai. L’Assemblée nationale a pris pour base générale de s s décisions dans cette matière, que la suppression de la féodalité ne devait rien changer, jusqu’au rachat, aux droits de propriété utiles des ci-devant seigneurs ; en sorte que, jusqu’à l’extinction totale des effets de la féodalité par un rachat, les ci-devant seigneurs devaient conserver tous les droits utiles et non honorifiques qui en résultaient, et les exercer avec la même plénitude. Les règles, que nos coutumes ou la jurisprudence avaient établies sur la matière du jeu de fief, avaient pour objet la conservation des droits utiles attachés an fief. Le jeu de fief ne peut plus avoir lieu à l’avenir, mais il y a eu des jeux de fiefs faits antérieurement; ces opérations étaient subordonnées à des règles qui avaient été jugées nécessaires pour le maintien respectif des droits (1) Ce document n’est pas inséré au Moniteur.