392 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE leurs foyers n’entraînat ni confusion, ni abus; sa marche à cet égard sera à peu près la même qu’à leur arrivée : l’on doit encore cet éloge aux Elèves de Mars, qu’il ne s’est élevé aucunes plaintes sur leur conduite en route ; ils ont pleinement justifié cette attente de la Convention, que la surveillance fraternelle, c’est-à-dire les bons avis d’un de leurs camarades qui en serait spécialement chargé, suffirait pour prévenir les écarts que l’inexpérience de leur âge aurait pu produire. Votre comité a pensé aussi qu’il serait convenable que ces jeunes gens gardassent la propriété des objets qui ont été à leur usage personnel au camp des Sablons, et qui consistent dans leur habillement uniforme, leur sabre, trois chemises, un havresac et quelques autres effets d’équipement. Quant aux armes, à tout ce qui tient à l’artillerie, à l’équipement des chevaux, aux effets de campement, outils, ustensiles et autres fournitures, ils seront réintégrés dans les magasins nationaux. Pour compléter l’instruction si heureusement commencée par l’École de Mars, il serait à désirer que le comité Militaire vous proposât incessamment les moyens d’établir à Paris, et pendant l’hiver, des cours publics sur les diverses branches de l’art et de l’administration militaire, et que le comité d’ Agriculture vous fît part de ses vues sur l’apprentissage des métiers les plus utiles que la république ferait suivre à ses frais à des enfants de parents peu fortunés, et dont les élèves de l’Ecole de Mars pourraient profiter. Déjà plusieurs conférences sur des objets d’une si grande utilité font entrevoir la possibilité prochaine de ces institutions. Voici le projet de décret qui contient ces diverses mesures. Guyton-Morveau lit un projet de décret qui est adopté en ces termes : Le comité de Salut public fait un rapport sur les élèves de l’Ecole-de-Mars. L’Assemblée en ordonne l’impression, l’insertion au bulletin, la distribution et rend le décret suivant. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Salut public, décrète ce qui suit : Article premier. - En conformité de l’article XI de la loi du 13 prairial dernier, le camp des Sablons sera levé, et les élèves de l’Ecole-de-Mars retourneront dans leurs foyers ; il leur sera en conséquence délivré par le commissaire de l’Ecole, des états de route, comme ils en ont eu pour venir à Paris, et avec les mêmes précautions. Art. II. - Les élèves emporteront les effets d’habillement et d’équipement qui ont été à leur usage personnel pendant leur séjour à l’Ecole-de-Mars, ainsi que leur sabre; ils en conserveront la propriété. Art. III. - Les fusils, les piques, l’artillerie et tous les objets qui en dépendent, les chevaux et leur équipement; enfin les effets de campement, ustensiles, outils, fournitures, autres que celles mentionnées à l’article précédent, seront rétablis dans les divers magasins nationaux dont ils ont été tirés. Art. IV. - Pour plus de facilité, l’évacuation du camp des Sablons commencera à se faire, par parties, aussitôt après la notification du présent décret, et de manière que l’opération soit achevée le 15 brumaire présent mois. Le comité de Salut public est chargé de donner les ordres nécessaires pour régler les dispositions de détail relatives à cet objet, afin de prévenir tous abus et d’assurer la conservation des établissemens du camp qui ne sont pas susceptibles de déplacement. Art. V. - Le comité de Salut public est autorisé à placer dans les armées de la République, ou à employer dans d’autres fonctions, ceux des élèves et de leurs instructeurs qui y seroient propres. Le comité prendra en conséquence tous les renseignemens nécessaires pour faire ces placemens d’une manière convenable, suivant que les besoins de la République l’exigeront. Art. VI. - Le comité militaire fera, le plus promptement possible, un rapport sur les moyens d’établir, pendant l’hiver, à Paris, des cours publics pour perfectionner l’instruction sur toutes les parties de l’art militaire, et sur celles du service des commissaires des guerres. Art. VII. - Le comité d’Agriculture proposera aussi incessamment à la Convention un projet de décret pour faire faire, à un certain nombre d’enfans peu fortunés, l’apprentissage de divers métiers dont la nation paiera les frais. Les élèves de l’Ecole-de-Mars pourront être admis à cet avantage, suivant le mode qui sera prescrit, et s’ils remplissent les conditions qui seront exigées. Art. VIII. - La Convention nationale déclare qu’elle est satisfaite de la conduite des élèves de l’Ecole-de-Mars, et de leurs progrès dans les différens genres d’instruction qui leur ont été donnés, ainsi que du zèle des instructeurs et agens qui ont concouru à former cet établissement. La Convention nationale attend des élèves de l’Ecole-de-Mars qu’ils conserveront les vertus républicaines qu’on leur a fait pratiquer, et que, par leur entier dévouement à la patrie, ils s’acquitteront envers elle du bienfait qu’ils en ont reçu. Art. IX. - Le présent décret et le rapport seront insérés au bulletin de correspondance, imprimés et distribués : il en sera remis un exemplaire à chacun des élèves instructeurs et autres officiers du camp, par les représentans du peuple près l’Ecole-de-Mars, qui certifieront à la suite qu’ils ont suivi les exercices du camp depuis son établissement jusqu’à sa levée. Cette attestation leur servira à faire entrer cet espace de temps dans l’état de SÉANCE DU 2 BRUMAIRE AN III (23 OCTOBRE 1794) - N° 50 393 leurs services dans les armées de la République (140). [Talot propose comme article additionnel, de décréter que copie de ce décret, certifiée par les représentans du peuple près du camp de Mars, sera délivrée aux élèves (141).] La séance est levée à trois heures. Signé, PRIEUR (de la Marne), président ; GUIMBERTEAU, ESCHASSERIAUX jeune, BOISSY [d’ANGLASj, Pierre GUYOMAR, GOUJON, secrétaires. En vertu de la loi du 7 floréal, l’an III de la République française une et indivisible, signé , GUILLEMARDET, J.-J. SERRES, BALMAIN, CAA. BLAD, secrétaires (142). AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 50 Merlin (de Thionville) se présente à la tribune (143). Bentabole observe que Merlin (de Douai) a un rapport à faire sur le mode d’accusation de ce représentant du peuple. Merlin (de Douai) obtient la priorité (144). Merlin (de Douai), au nom des comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation, présente le projet de décret suivant : La Convention nationale, après avoir entendu ses comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation, décrète : Art. premier. - Toute dénonciation contre un représentant du peuple sera portée ou renvoyée devant les comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation. Art. II. - Si les trois comités pensent qu’il doit être donné suite à la dénonciation, ils déclareront à la Convention nationale qu’ils estiment qu’il y a lieu à examen. Art. III. - Sur cette déclaration, qui ne sera pas motivée, la Convention nationale nommera, à l’appel nominal, onze de ses membres pour lui faire un rapport sur les faits dénoncés et sur les preuves produites à l’appui. Art. IV. - Avant de présenter leur rapport à la Convention nationale, les onze membres entendront le prévenu, lui communiqueront les (140) P.V., XL VIII, 20-23. C 322, pl. 1363, p. 25, minute de la msdn de Guyton-Morveau, rapporteur. Moniteur, XXII, 312; Bull., 2 brum.; M. U., XLV, 54-55. (141) J. Univ., n° 1793. (142) P.-V., XL VIII, 23. (143) Voir plus haut, n° 46. (144) Ann. R.F., n° 32. pièces sans déplacement, et lui en feront délivrer copie, s’il le demande. Art. V. - Après le rapport, s’il tend au décret d’accusation, la Convention nationale décidera s’il y a lieu à l’arrestation provisoire. Art. VI. — Le rapport sera imprimé et distribué. La discussion ne pourra s’ouvrir que trois jours après la distribution. Art. VII. - Le prévenu sera présent à la discussion, et y sera entendu. Art. VIII. - Si, après la discussion, la Convention nationale décrète qu’il y a lieu à accusation contre le prévenu, les onze membres présenteront le lendemain un acte qui articulera et précisera les faits sur lesquels l’instruction devra porter. Art. IX. - Le tribunal qui sera chargé d’instruire ne pourra informer et juger que sur les faits compris dans l’acte d’accusation (145). PERES : Citoyens, le temps est venu de rétablir tous les principes et de fonder un système de justice universelle qui garantisse l’ordre social, sans lequel il ne peut exister ni bonheur individuel, ni prospérité publique. Jusqu’ici le mouvement révolutionnaire qui, par sa nature, entraîne tout hors de sa place, la collision des intérêts, le choc des passions et la fureur des partis, avaient semé autour de nous la confusion et le chaos, et ne nous avaient permis que des demi-conceptions, que des idées imparfaites qui se ressentaient de la circonstance qui les faisait naître; mais aujourd’hui que la République écrase de son pied triomphant la coalition des rois et les factions de l’intérieur; aujourd’hui que les Français respirent sous le règne des lois, des moeurs, de la justice, et que la confiance la plus étendue comme la mieux méritée investit la Convention nationale, il est du devoir de chacun de nous de porter son tribut de zèle et de lumières à cette tribune, afin de rectifier ce qu’il y a de vicieux dans nos institutions, de les porter au degré de perfection dont elles sont susceptibles, et de préparer le peuple à jouir enfin de la plénitude de ses droits. Une grande question s’agite devant vous. Lorsqu’un représentant s’est oublié au point de provoquer contre lui la sévérité des lois, par qui doit-il être jugé, et quelles sont les formes qui doivent être employées dans l’instruction de son procès? Voici mes idées sur cet objet important. La Convention nationale n’existe que parce que le peuple en masse ne peut point exercer sa souveraineté et délibérer sur les moyens d’opérer son salut. Mais s’il était possible qu’il se rendît dans un lieu commun, comme autrefois les républiques grecques, comme aujourd’hui de petites républiques en Europe, et qu’un membre de cette imposante assemblée se rendît sous ses yeux coupable d’un crime ré-(145) Moniteur, XXII, 315. Ann. Patr., n" 661; Ann. R.F., n° 32; C. Eg., n“ 796; Débats, n” 760, 468-469; F. de la Ré-publ., n° 33; Gazette Fr., n 1025; J. Fr., n° 758; J. Mont., n° 10; J. Paris, n° 34; J. Perlet, n° 760; J. Univ., n° 1792, 1793, 1795; Mess. Soir, n’ 796; M. U., XLV, 43; Rép., n 33.