7i2 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 septembre 1191. et même d’être poursuivis comme coupables d’attentat à la liberté individuelle, s’il est prouvé qu’ils avaient connaissance de la détention. Art. 5. « Personne ne pourra refuser l’ouverture de sa maison pour cette recherche -, en cas de résistance, l’officier municipal ou le juge de paix pourra se faire assister de la force nécessaire, et tous les citoyens seront tenus de prêter main-forte. Art. 6. « Dans le cas de détention légale, l’officier municipal, lors de la visite dans les maisons d’arrêt, de justice ou prison, examinera ceux qui y sont détenus et les causes de leur détention, et tout gardien ou geôlier sera tenu, à sa réquisition, de lui représenter la personne de l’arrêté, sans qu’aucun ordre puisse l’en dispenser, et ce, sous peine d’être poursuivi criminellement comme coupable d’attentat à la liberté individuelle. Art. 7. « Si l’officier municipal, lors de la visite, découvrait qu'un homme est détenu sans que la détention soit justifiée par aucun des actes mentionnés dans les articles 5 et 6 du titre XIV, il en dressera sur-le-champ procès-verbal, fera conduire le détenu à la municipalité, laquelle, après avoir de nouveau constaté le fait, le mettra définitivement en liberté, et dans ce cas, poursuivra la punition du gardien ou geôlier. Art. 8. « Les parents ou amis de l’arrêté, porteurs de l’ordre de l’officier municipal, lequel ne pourra le refuser, auront aussi le droit de se faire représenter la personne du détenu, et le gardien ne pourra s’en dispenser qu’en justifiant de l’ordre exprès du président ou directeur du juré, inscrit sur son registre, de le tenir au secret. Art. 9. « Tout gardien qui refuserait de montrer au porteur de l’ordre de l'officier municipal la personne de l'arrêté, sur la réquisition qui lui en sera faite, ou de montrer l’ordre du président eu directeur du juré qui le lui défend, sera poursuivi ainsi qu’il est dit à l’article 6 et autres. Art. 10. « Pour mettre les officiers publics ci-dessus désignés à portée de prendre les soins qui viennent d’être imposés à leur vigilance et à leur humanité, lorsque le prévenu aura été envoyé à la maison d’arrêt du district, copie du mandat sera remise à la municipalité du lieu, et une autre envoyée à celle du domicile du prévenu, s’il est connu : celle-ci en donnera avis au parents ou amis du prévenu. Art. 11. « Le directeur du juré donnera également avis aux municipalités, de l’ordonnance de prise de corps rendue contre le prévenu, sous peine d’être suspendu de ses fonctions. Art. 12. « Le président du tribunal criminel sera tenu, sous la même peine, d’envoyer auxdites municipalités copie du jugement d’absolution ou de condamnation du prévenu. Art. 13. « Il y aura à cet effet, dans chaque municipalité, un registre particulier pour y tenir note des avis qui leur auront été donnés. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Duport, rapporteur. Je ne crains pas, Messieurs, d’être contredit par les hommes qui réfléchissent en disant que, de toutes les institutions publiques, la plus importante de toutes est l’institution judiciaire. C’est elle qui protège, d’une manière plus immédiate, les droits reconnus par la déclaration des droits, la liberté, la sûreté, la propriété. On est libre dans un pays, lorsqu’on y est jugé d’une manière impartiale; et, sans une bonne justice, en vain auriez-vous bien organisé les autres pouvoirs. Il s’agit de savoir maintenant quand on établira le juré? D’abord, il ne peut pas être mis à exécution à présent, par une raison qui est décisive; c’est que, comme vous le voyez, il tient en entier à l’établissement de la gendarmerie nationale. Je ne sais pas, parce que cela ne me regarde pas particulièrement, et d’ailleurs, parce que je ne m’en suis pas assez informé, je ne sais pas à qui en est la faute; je ne sais pas pourquoi la gendarmerie n’est pas encore en activité; mais ce que je sais, c’est que, dans les divers départements, il n’y a aucun des établissements principaux qui soient faits. Jusqu’à ce que cela existe, vous ne pouvez pas mettre à exécution votre institution des jurés. Il y a une seconde cause. Les élections du peuple sont certainement une des meilleures institutions politiques; mais, dans les divers départements, on a nommé, soit pour président du tribunal criminel, soit pour être accusateur public, des hommes très capables peut-être de remplir un jour ces fonctions, mais à qui elles sont étrangères. On a choisi, par exemple, d’anciens lieutenants-criminels, et il est évident que, si l’on retrouve dans ces hommes des avantages, on ne peut pas se dissimuler qu’on ytrouvera un attachement trop grand aux anciennes formes, qui sont très opposées à celles établies. Il résulte de tout cela, qu’il faut qu’on ait le temps d’examiner toutes les institutions. Enfin, Messieurs, il est un troisième motif digne d’être aperçu par vous. L’institution des jurés est le meilleur moyen connu pour obtenir une justice véritablement impartiale ; car, appelés pour prononcer sur le sort des individus du même état, devant craindre, comme l’accusé, l’empiétement des pouvoirs constitués, étant en même temps appelés à la justice par la crainte des délits et. des autres attentats qui peuvent être commis contre eux, fisse trouvent dans le véritable rapport pour le bien juger. Le moment où les sentiments haineux diminuent, où les hommes sont divisés ou aigris les uns contre les autres, où les passions aveuglent leur jugement, n’est pas le moment le plus favorable pour commencer l’institution des jurés. Il faut attendre que ralliés à une loi commune, qui est la Constitution, désespérant de pouvoir l’anéantir, la modération et la générosité dominent sur la haine et l’aigreur. C’est alors seulement qu’on ne craindra pas que l’opinion publique altère le jugement des jurés. D’après ces réflexions, je demande que l’on dise que l’institution des jurés sera mise à exécution, 3 mois après que la gendarmerie nationale aura été établie. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |16 septembre 1791.] 713 M. Prieur. On vous propose de retarder l’établissement de la procédure par jurés. Je soutiens que, dès que vous aurez cessé vos travaux, il n’existera plus d’autre moyen d’être jugé criminellement, que d’après les formes que vous aurez adoptées par la Constitution. Or, je dis qu’il n’est pas en votre pouvoir de suspendre cette institution: tous les citoyens ont aujourd’hui le droit d’être jugés par des jurés; caria Constitution, qui est le contrat synallagmatique de la nation avec les individus qui la composent, le leur garantit. Si vous adoptez la proposition de M. Duport, si vous ne fixez un terme très prochain pour cette institution, vous laisserez à la prochaine législature, qui ne sera que le Corps législatif, la suppression d’une des institutions établies par la Constitution. C’est alors qu’on pourrait dire avec raison que votre Constitution n’est qu’un beau rêve philosophique qu’il faut reléguer avec les romans de l’abbé de Saint-Pierre, et que vous détruisez tout pour ne rien établir. M. Duport observe que la raison principale qui doit faire différer l’établissement des jurés est le retard de l’organisation de la gendarmerie nationale. Et pourquoi cette organisation est-elle retardée? Il y a dans la conduite des ministres une marche qui ne me paraît pas naturelle. Leur avons-nous jamais refusé de rendre les décrets qu’ils demandent? Hé bien, pour que la gendarmerie nationale soit enfin organisée, décrétons que le ministre de la guerre vous présentera demain un état détaillé de l’organisation de la gendarmerie nationale; et s’il demande quelque chose, nous lui donnerons tous les moyens a’agir. Le véritable moyen de consommer la Révolution, le véritable moyen d’étouffer les préjugés, c’est d’établir les jurés ; le véritable moyen de les faire respecter, c’est de ne pas en reléguer l’institution dans la classe des romans philosophiques impossibles à exécuter; c’est démarcher rapidement à votre but. Pourquoi l’Assemblée nationale n’appelle-t-elle pas le ministre de la guerre pour qu’il lui rende compte de l’inexécution de ses décrets à cet égard et pour connaître les raisons qui ont fait différer l’organisation de la gendarmerie nationale, et pour que vos jurés soient établis le même jour que la prochaine législature sera appelée à vous remplacer. ( Applaudissements .) On dit qu’il faut que la loi soit connue; mais faudra-t-il plus de 4 jours d’étude pour que cette institution simple, dès que son organisation sera proclamée, soit connue par ceux qui seront chargés de la mettre à exécution. . On dit qu’il faut attendre que les passions contradictoires qu’a fait naître la Révolution soient éteintes ; mais, en Angleterre, où la Révolution est faite depuis longtemps, n’y a-t-il pas deux partis distincts. Youlez-vous attendre que la contrariété des opinions soit détruite? Vous attendrez plusieurs siècles. Ne voyons-nous pas, même après l’achèvement de la Constitution, et au centre des lumières, une protestation de 260 hommes (1) qui se croient encore en 1789? Voulez vous attendre que ces hommes enracinés dans les préjugés féodaux oublient leurs erreurs? Le meilleur moyen de les amener à des sentiments de fraternité et d’égalité, c’est de les accoutumer à voir (1) Déclaration sur l’Acte constitutionnel, signé par 260 membres de l’Assemblée nationale. dans leurs concitoyens des frères, des pairs, des juges. M. Bnzot. Si l’on adopte la proposition que l’on vous a faite, il est évident que l’établissement de cette institution dépendrait du ministre qui pourrait retarder l'activité de la gendarmerie. On doit cependant convenir qu’il faut fixer une époque, un terme uniforme. D’abord il faut qu’on prépare le local, il faut que les juges s’instruisent, il faut qu’ils puissent lire avec attention les décrets que vous allez leur transmettre. Ce délai doit être court, mais cependant il doit être convenable; et pour que cette institution soit hors de la dépendance de toute espèce de pouvoirs, il faut qu’il soit à un terme fixe; je demande que l’on fixe le terme où les jurés seraient en activité dans tout le royaume, par exemple au 1er décembre prochain. Plusieurs membres : C’est trop court. M. Bnzot. Si l’on trouve que c’est trop court, on peut le porter au 1er janvier ; mais je m’oppose entièrement à la proposition de M. Duport. Il me semble que ceux qui pourraient être détenus ou accusés depuis la promulgation de l’acte constitutionnel peuvent avec beaucoup de raison nous dire : « Nous voulons être jugés conformément au mode établi par la Constitution : or, Messieurs, nous aimons mieux attendre 2 ou 3 mois dans les prisons jusqu’à l’établissement du juré. » Il n’y a pa3 un juge qui puisse faire un refus satisfaisant. Je voudrais que le comité nous donnât un article nouveau, au moyen duquel les accusés qui, depuis la promulgation de l’acte constitutionnel, proposeraient d’attendre l’établissement des jurés pour être jugés, le pourront; et que les juges ordinaires ne pourront pas juger si l’accusé propose d’attendre lui-même l’activité du juré: je ne vois aucune espèce d’objection à ceci. M . Duport, rapporteur. Le danger de l’établissement des jurés est dans le moment de son institution ; l’expérience prouvera ces avantages : ce sont les premiers moments qui sont difficiles. J’avais pensé que je presserais l’organisation de la gendarmerie nationale, en disant que le juré ne serait établi qu’après son activité. Je crois que le terme de 3 mois n’est pas cependant trop long. Il faut remarquer que les jurés, dans la ville où siège le tribunal criminel, sont tenus d’y venir sous les peines sévères de la privation des droits de citoyens actifs, et de non-éligibilité pendant 2 ans. Il faut à la vérité qu’ils s’accoutument à remplir ces fonctions dans tous les temps de l’année, et qu’ils ne puissent éprouver de dégoût à le faire. Mais commencer cette institution dans la saison la plus rigouseuse et la plus dure, j’y trouve des inconvénients et j’ai quelques craintes que la première impression ne leur soit pas favorable. Messieurs, je ne puis m’empêcher de faire ici une réflexion que m’arrache ce que j’ai entendu. Ceux qui parlent de la justice paraissent ignorer qu’elle est une chose particulière qui ne participe point des passions humaines. Je conçois que pour faire une Révolution, on s’est permis de la chaleur, du zèle, même quelque aigreur contre les opposants à la Révolution. Mais la justice, Messieurs, a été représentée un bandeau sur les yeux, pour montrer son impartialité parfaite. 714 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 septembre i791.j Pour moi, élevé dans le saint amour de la justice et dans l’exacte observation de ses lois, je trouve qu’un homme est indigne d’approcher de son sanctuaire, lorsqu’il est capable de ne faire aucune différence entre des individus, à raison de leurs opinions politiques ou autres. {Applaudissements). Pour que la chose réussisse plus sûrement, je demande qu’on retarde encore de 2 mois de plus. M. Oarat ainê. J’adopte la première proposition de M. Buzot tendant à déterminer une époque fixe pour la mise en activité de l’institution du juré. Quant à sa seconde proposition tendant à permettre aux accusés le fonctionnement du juré pour être jugés, je la combats, car si, d’un côté, l'humanité réclame la faveur des accusés, de l’autre, l’intérêt de la société veut qu’ils soient promptement jugés et punis s’ils sont coupables. Rien ne serait plus impolitique que de suspendre un seul instant la poursuite des crimes. M. Pétion. Je demande expressément que l’installation des jurés et leur plein exercice commence le 1er janvier prochain. L’Assemblée, consultée, décrète : 1° que l’insti tution des jurés commencera à êtremise en exécution au 1er janvier 1792 ; 2° que jusqu’à cette date les procédures et jugements, continueront à avoir lieu d’après les formes actuellement existantes. M. Merlin. Ce n’est pas assez d’avoir décrété que les tribunaux criminels seront en activité au mois de janvier ; car, si vous vous bornez à cela, ils ne seront point organisés ; il faut beaucoup de préliminaires avant l’établissement des jurés ; je demande donc, qu’il soit décrété que tous les préliminaires requis pour la mise en activité des jurés, soient faits avant le 1er janvier. M. Duport, rapporteur. On peut décréter dès à présent que la pouvoir exécutif sera chargé des préliminaires nécessaires pour mettre les jurés en activité à la date qui vient d’être fixée. (La proposition de M. Duport est mise aux voix et adoptée.) M. Duport, rapporteur. Voici maintenant des dispositionsrelativesaux vacances des tribunaux: « Les juges de tribunaux civils auront tous les ans 2 mois de vacances en 2 époques, lesquelles seront déterminées, pour chaque district, par le directoire du département, de concert avec les tribunaux. « Celui qui est chargé des fonctions de directeur de juré, restera de service au tribunal, soit pour remplir les mêmes fonctions, soit pour décider les affaires sommaires et provisoires qui sont portées devant les tribunaux. » M. Chahroud. J’observe que les articles que propose M. le rapporteur accorde des vacances à tous les tribunaux de district du royaume. Il suit de là que le tribunal de cassation est excepté; il n’a aucune vacance. Je ne vois pas la raison de cette disposition; je crois que, comme les juges de district, les juges du tribunal de cassation doivent avoir quelques moments dans l’année pourpenser à leurs propres affaires, je crois qu’ils doivent comme les tribunaux de district avoir quelques moments de repos. D’après cela, je demande que cette disposition soit rendue commune au tribunal de cassation. (Celte motion est adoptée.) M. Delavlgne. Les administrateurs de départements ne sont pas des représentants. Il faut bien se garder de leur en donner les fonctions. En conséquence, je demande la question préalable sur le concours qu’on veut leur donner avec les tribunaux pour fixer le temps des vacances. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’a pas lieu à délibérer sur cette disposition.) M. Loys. Je demande que les vacances ne soient pas distribuées en 2 époques de temps. M. Prieur. Je demande qu’elles soient fixées dans les mois de septembre et d’octobre. (L’Assemblée, consultée, déerète que les vacances des tribunaux seront de 2 mois depuis le 1er septembre jusqu’au 1er novembre et que pour cette année elles seront d’un mois seulement, du 15 octobre au 15 novembre.) M. Goupilleau . Par une disposition des articles présentés par M. le rapporteur, il est dit que le directeur de juré pourvoira aux affaires provisoires. Mais je demande s’il sera le seul juge dans ce cas-là. Vous avez voulu en établissant votre ordre judiciaire, qu’aucun jugement ne pût être rendu par 5 juges ; je voudrais dans ce cas-là pour les affaires provisoires, que ce directeur de juré fût tenu de se faire assister de 5 hommes de loi, que les jugements fussent rendus au moins à 3 juges. (La motion de M. Goupilleau n’est pas adoptée.) M. Prieur, revenant sur les inquiétudes qu’il venait d’exprimer relativement au retard qu’éprouve le complément d’organisation de la gendarmerie nationale, insiste pour que le ministre de la guerre soit tenu d’en faire connaître le motif. M. Rabaud-Saint-Etieime répond que le comité a encore quelques articles additionnels à proposer sur cet objet; il annonce que tous les départements ne se sont pas encore expliqués sur l’emplacement des brigades; 38 seulement ont fait à cet égard parvenir leur plan au ministre de la guerre; d’autre part, plusieurs départements ont exprimé leur vœu pour une augmentation dans le nombre d’hommes qui composent leur gendarmerie et il est nécessaire que l’Assemblée prononce sur ce vœu. (L’Assemblée décide que M. Rabaud -Saint-Etienne fera un rapport sur cet objet.) Un membre du comité d’aliénation propose un projet de décret portant aliénation de domaines nationaux en faveur de 32 municipalités. Ce projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants : L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de l’aliénation des domaines nationaux, déclare vendre aux municipalités ci-après les biens mentionnés en leurs soumissions, savoir : Département de Seine-et-Marne, A la municipalité de Provins ...... ........ 146,719 1.16s. 6 d,