[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 décembre 1789.] 357 qui le poursuit, que sa conduite, sa fermeté et son silence. « Ce serait néanmoins manquer gravement à soi-même, et attester une négligence coupable de sa réputation , que de ne point s’efforcer de dévoiler la vérité aux représentants mêmes de la nation, quand il leur a été prononcé un discours qui a pu faire impression sur les esprits. « Je désire, ou que l’on m’entende (je l’ai fait demander dans une autre occasion, je suis et serai toujours prêt à donner les éclaircissements les plus détaillés), ou, si l’on diffère, que M. le marquis de Gouy d’Arsy soit tenu d’articuler des faits, de produire et de communiquer les pièces au soutien ; et quoique je ne sache pas encore précisément ce qui a é.é ou sera avancé contre mon administration , me reposant sur ma seule conscience, j’ose assurer que la réfutation en sera complète. c L’Assemblée nationale, lorsqu’elle m’a compris, au moi de juillet, dans le nombre des ministres qu’elle invitait le Roi a rappeler près de sa personne, a daigné me donner un témoignage de son estime qui me sera toujours cher et précieux ; je m’engage à le justifier, et à prouver qu’elle n’a honoré de son suffrage qu’un administrateur incapable de trahir son devoir. « Oserais-je vous prier d’être auprès d’elle l’interprète des sentiments de mon respect et de mon vœu ? « Je suis avec respect, monsieur le président, votre, etc. « Signé : La Luzerne. » M. le due de Liancourt demande que, dans sa réponse, M. le président témoigne à M. de la Luzerne que l’Assemblée nationale n’approuve pas les imputations faites sans preuves contre les ministres du Roi. M. le marquis d’Ambly. Je propose d’exiger que celui qui fait la dénonciation soit tenu de déposer sur le bureau l’énoncé des faits avec les preuves à l’appui. Voici ma motion : « L’Assemblée nationale décrète : « Que tout député qui fera une dénonciation sera obligé de remettre sur le bureau les preuves signées de ce qu’il avance, et que, dans le cas où il sera convaincu d’être un calomniateur, il sera exclu de l’Assemblée. » M. le marquis de Gouy d’Arsy. Je vous confirme tout ce que j'ai eu l’honneur de vous dire hier contre M. de la Luzerne. Il s’est trouvé dans mes expressions une dénonciation ou une injure. S’il y avait une injure, l’Assemblée seule aurait pu me rappeler à l’ordre et ce ne serait pas au ministre à lui indiquer la conduite qu’elle doit me faire tenir. S’il n’y a eu qu’une dénonciation, je n’ai pas besoin de l’autorisation ministérielle pour prouver que je n’ai rien avancé dont je n’aie reçu une mission expresse de mes commettants et dont je ne sois en état d’administrer les preuves. M. le comte de Mirabeau. Préjuger par un décret que les députés de la nation peuvent être calomniateurs ; leur ôter le pouvoir d’exprimer les vœux, les sentiments de leurs commettants ; décider que l’Assemblée a le droit de prononcer l’exclusion d’un de ses membres, de le flétrir aux yeux de la nation qui lui a donné sa confiance, c’est porter un décret avilissant pour l’Assemblée, attentoire à sa liberté et contraire aux droits de la nation, qui seule est juge en dernier ressort de la conduite de ses représentants. Sans doute un député calomniateur serait plus coupable qu’un autre homme, puisqu’ayant des fonctions plus saintes, puisque étant revêtu d’une inviolabilité sacrée, il aurait abusé de tous les genres de confiance. Mais un de nos décrets commencerait par ces termes : Si un député est calomniateur, il sera exclu. Voilà certes un étrange si à faire juger par l’Assemblée.... Je n’ai jamais entendu parler du ministre de la marine que d’une manière favorable à sa morale et à son caractère; mais je déclare que sa sensibilité l’a emporté trop loin, et qu’il parle d’une manière irrespectueuse pour l’Assemblée, lorsqu’il nous représente comme prêts à accueillir toutes les plaintes toutes les imputations contre les ministres. Plus ce sentiment serait condamnable en nous, dont le premier devoir est d’être justes, moins il est permis de nous l’attribuer. Le ministère, considéré comme un pouvoir abstrait, a trop fait de mal à la France pour que nos défiances soient sitôt guéries, mais les ministres actuels ont plutôt éprouvé une partialité honorable à leur caractère. Quant à la motion qu’on nous propose, je demande la question préalable; toute formule qui blesserait notre liberté doit être repoussée; à plus forte raison devons-nous rejeter avec horreur le dogme que l’on voudrait établir, de l'inviolabilité des ministres et de la responsabilité des députés. M. le marquis d’Ambly. Elevé dans les camps depuis Page de douze ans, je n’ai point appris à faire des phrases; mais je sais faire autre chose. L’honneur me dit et m’ordonne de soutenir qu’une dénonciation sans preuves est une injure dont ne doit jamais se servir un député. M. le baron de Menou. Je ne puis ni approuver, ni ira prouver M. le marquis de Gouy d’Arsy, mais je dois faire observer à l’Assemblée que la lettre du ministre est irrespectueuse. M. Bouche observe que la question a été jugée relativement à M. Pétion de Villeneuve contre qui une semblable motion avait été faite. Il fut décidé qu’il n’y avait lieu à délibérer. M. le Président met aux voix la question préalable dans la manière accoutumée. L’épreuve faite deux fois est deux fois douteuse. On demande l’appel nominal. D’autres membres demandent que la séance soit levée attendu l’heure avancée. M. le Président, du consentement de l’Assemblée, lève, la séance à quatre heures.] ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE BOISGELIN, ARCHEVÊQOE d’aix. Séance du jeudi 3 décembre 1789, au matin (1). La séance est ouverte à 9 heures du matin. M. le vicomte de Beaufiarnais, l’un de (1) Cette séance est incomplète au Moniteur . 358 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 décembre 1789.] MM. les secrétaires, donnelecture du procès-verbal et des adresses suivantes : Adresse du corps municipal de la ville deBolbec, présentée par le sieur Cavelier, avocat, l’un de ses membres, député à cet effet, contenant l’expression d’une parfaite adhésion à tous les décrets de l’Assemblée nationale, 1a. demande d’une Justice royale, et d’une autorisation par un décret de l’usage des mécaniques pour l’encouragement et la prospérité du commerce. Adresse des principaux habitants et officiers de la garde citoyenne de Ja ville de Rambervillers en Lorraine, par laquelle ils adhèrent, avec une soumission respectueuse, à tous les décrets rendus et à rendre par l’Assemblée nationale, et notamment à celui delà loi martiale; ils demandent les armes nécessaires à leur milice, et une Justice royale. Adresse des officiers municipaux de la ville d’Etampes, dans laquelle ils renouvellent les sentiments de reconnaissance et de dévouement envers l’Assemblée nationale. Adresse de la commune de la ville de Montau-ban en Bretagne, du même genre; elle demande un chef-lieu de district et une cour royale. Adresse du conseil permanent de la ville d’Agde, contenant une adhésion parfaite à tous les décrets de l’Assemblée nationale sanctionnés par le Roi, et notamment à celui concernant la contribution patriotique; à l’exemple de plusieurs municipalités de la province de Languedoc, elle improuve la déclaration de la noblesse de la sénéchaussée de Toulouse, et celle du clergé de la même ville. Adresse de la communauté de Cbâteauneuf-Mazône en Dauphiné, par laquelle elle adhère, avec une respectueuse reconnaissance, à tous les décrets rendus par l’Assemblée nationale, sanctionnés par le Roi. Elle déclare qu’elle emploiera toutes les forces qui sont en son pouvoir pour les maintenir avec vigueur. Adresse des citoyens de la ville d’Usson en Auvergne, du même genre; ils demandent la destruction de tous les poteaux à carcan, établis par le régime féodal, et en même temps la conservation du Siège royal. Adresse du même genre de la ville de Montreuil-sur-Mer; elle annonce qu’elle a reçu tous les décrets de l’Assemblée nationale sanctionnés par le Roi, et qu'elle s’est empressée de leur donner toute la publicité possible. Adresse du même genre de la ville de Blois ; elle présente un plan pour l’arrondissement du département dont elle doit être chef-lieu. Délibération de la communauté de Bizanos en Béarn, par laquelle elle adhère aux arrêtés de l’Assemblée nationale, renonce à ses privilèges, et remercie MM. les députés de Béarn de leur zèle pour la chose publique. Délibération de la communauté d’Artiguelouve en Béarn, par laquelle elle adhère aux décrets de l’Assemblée nationale, et réclame contre les injustices qu’elle prétend avoir reçues au parlement de Pau dans les affaires qu’elle a eu à soutenir contre son seigneur, conseiller dans ce tribunal. Deux délibérations de la ville de Nay en Béarn, par lesquelles les habitants de cette ville, quoique divisés en d_eux partis, se réunissent néanmoins pour adhérer aux arrêtés de l’Assemblée nationale. Adresse de la communauté de la Sablonnière en Brie, contenant l’expression des sentiments de reconnaissance et de dévouement dont elle est pénétrée envers l’Assemblée nationale; elle fait un don patriotique de la contribution qui doit être supportée les six derniers mois de cette année, par les ci-devant privilégiés. Adresse du comité civil et militaire de Chalais en Saintonge, contenant l’expression de son dévouement respectueux, et son entière adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale; il demande l’établissement d’une Justice royale, et annonce que les habitants de son district ont déjà fait leurs déclarations, relativement à la contribution, et en ont réalisé une partie. M. Scliwendt, député de Strasbourg, a annoncé à l’Assemblée que la ville de Strasbourg a arrêté qu’il serait fait une nouvelle avance de 300,000 livres sur les impositions de 1790, dont 100,000 livres payables en décembre, 100,000 livres en janvier, et 100,000 livres en février. 11 ajoute que tous les décrets de l’Assemblée ont été enregistrés, purement et simplement, par le magistrat municipal ; que la garde nationale Strasbourgeoise a prêté, sous les armes, le serment de fidélité à la nation, à la loi et au Roi, et que toutes les dispositions sont faites pour le recouvrement de la contribution du quart du revenu. L’Assemblée exprime unanimement sa satisfaction. M. Bouch e, député d’Âixen Provence, demande que l’Assemblée ne témoigne pas moins de reconnaissance envers la communauté de la Sablonnière. C’est un petit bourg, peuplé de bonnes gens, d’hommes simples méritant toute la considération de la représentation nationale. Le don patriotique fait par cette communauté peut devenir très-utile, si l’exemple est suivi et se propage. L’Assemblée accède à la demande de M. Bouche. M. le président écrira à la ville de Strasbourg et à la communauté de la Sablonnière. M. Mangin, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est admis à prendre séance, en remplacement de M. Dourthe, député de Sedan, démissionnaire. M. le Président. L’ordre du jour appelle la discussion de quelques articles qui ont été omis sur les assemblées tant administratives que nationales et sur les élections. M. Target, au nom du comité de constitution, propose de décréter les articles suivants : « Art. 1er. Les assemblées primaires et les assemblées d’électeurs ne pourront, après les élections, faites, ni continuer leur séances, ni les reprendre, jusqu’à l’époque des élections suivantes. « Art. 2. L’acte d’élection sera le seul titre des fonctions des représentants de la nation, la liberté de leurs suffrages ne pouvant être gênée par aucun mandat particulier. Les assemblées primaires et celles des électeurs adresseront directement au Corps législatif les pétitions et instructions qu’elles voudront lui faire parvenir. « Art. 3. Le nombre des députés à l’Assemblée nationale sera égal au nombre des départements du royaume, multipliés par neuf. Ces Trois articles sont décrétés sans discussion. « Art. 4. Les assemblées des électeurs pourront, s’ils le jugent à propos, nommer des suppléants pour remplacer, en cas de mort ou de démission, les députés à l’Assemblée nationale; ces suppléants pourront être choisis par scrutin de liste.