442 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [19 juillet 1791.] lions, sur un récil, paraissent on ne peut pas plus extraordinaires : elles ne devaient porter que sur la ver, lé du récit. Or, j atteste la vérité de ce fait. Comme un avis du comité n’est pas une loi, comme c’est une simple opinion, si l’Assemblée ne l’adopte pas, elle le réformera; et c’est précisément parce que cela a paru douteux à beaucoup de personnes, qu’il y a eu beaucoup de réclamations, que nous devons le soumettre à l’Assemblée. Il nous a paru que, quoique les principes fussent pour la liberté, quoique cette liberté fût consacrée par des décrets, cependant ces principes d’utilité publique n’étaient pas assez pressants pour consommer la ruine de citoyens fort honnêtes dans plusieurs villes du royaume, telles que Marseille, Bordeaux, Lyon, Nantes et Rouen. Voilà donc l’avis du comité sur ce point. Il est survenu une autre difficulté dans un sens contt aire : c’est qu’à Bordeaux, par exemple, voyant la décision du comité de Constitution et le décret du 16 août, on a dit : Il ne do;t y avoir qu’un grand spectacle. En conséquence, on a suspendu un petit spectacle, connu sous le nom de Variétés, qui existait même lorsque le privilège exclusif était dans toute sa force, et cela sous prétexte que le décret du 16 août, 1790 entretenait un privilège exclusif'. Ainsi le directeur, par une décision de la municipalité, on ne peut plus erronée, sans doute puisqu’au moins le décret du 16 août 1790 devait faire rester les choses dans l’état où elles étaient avant ce décret, a été privé de son spectacle. Si vous maintenez le décret du mois d’août dans toute son étendue, il faut donc une disposition qui empêche que ceux qui, sous la loi du privilège exclusif, existaient à côté du grand spectacle, ne puissent être évincés. « Enfin, la propriété des auteurs dramatiques a été attaquée sous le prétexte de ce privilège exclusif. Les entrepreneurs de spectacle, voyant notre décret du 16 août 1790 et l’opinion du comité de Constitution, ont dit : Nous devons être comme dans l’ancien état; et dans l’ancien état, nous ne payions rien aux auteurs dramatiques. Donc nous ne leur devons rien donner maintenant. Ils ont été plus loin : ils ont prétendu que les auteurs ayant fait imprimer leurs ouvrages et graver la musique, ils avaient droit de s’en emparer chez un libraire, et en achetant un exemplaire, de jouir sans rien payer. « Voilà, Messieurs, les dispositions les plus contraires à la propriété la plus certaine, la plus personnelle, la plus sacrée, celle qui appartient à l’homme par son génie ; voilà comme on cherche à épuiser tous les moyens possibles de l'attaquer, et voilà ce à quoi il faut remédier, d’une manière très positive. Je vais vous lire notre projet de décret : « Art. 1er. Tous les théâtres qui existaient à l’époque du 16 août 1790, par privilèges exclusifs, seront maintenus dans l’effet desdits privilèges, sans que, jusqu’à leur expiration, il puisse être établi d’autres théâtres dans la même ville, à la charge par eux d’exécuter les dispositions de la loi du 16 août 1790, relativement à la redevance à laquelle ces théâtres sont soumis. «< Art. 2. Tous les petits théâtres, connus sou« le titre de Variétés , qui existaient à la même époque, seront conservés dans leur jouissance; et les corps municipaux ne pourront leur refuser leur autorisation, nonobstant les privilèges des grands théâtres. « Art. 3. Conformément aux dispositions des articles 3 et 4 du décret du 13 janvier dernier, concernant les spectacles, les ouvrages des auteurs vivants, 'môme ceux qui étaient représentés avant cette époque, soit qu’ils fussent ou non gravés ou imprimés, ne pourront être représentés sur aucun théâtre public dans toute 1 étendue du royaume, sans le consentement formel et par écrit "des auteurs, ou sans celui de leurs héritiers et cessionnaires, pour les ouvrages des auteurs morts depuis moins de 5 ans, sous peine de confiscation du produit total des renrésenta-tions au profit de l’auteur ou de ses héritiers ou cessionnaires. «Art. 4. La convention entre les auteurs et les entrepreneurs de spectacles sera parfaitement libre, et les officiers municipaux, ni aucuns autres fonctionnaires publics ne pourront taxer lesdits ouvrages, ni modérer ou augmenter le prix convenu ; et la rétribution des auteurs convenue entre eux ou leurs ayants-cause, et les entrepreneurs de spectacles, ne pourra être saisie ni arrêtée par les créanciers des entrepreneurs du spectacle. » M. Rewbel. Le premier article me paraît autoriser une ii justice. A Lyon, on a bâti, sur la foi de la loi du 13 janvier, un très beau spectacle : aujourd’hui l’ancien, sous prétexte qu’il a payé un privilège de 50 ans, ne veut pas que le spectacle ait IL u, il veut ruiner le spectacle et ceux qui ont prêté les fonds, 11 en est ainsi à Marseille et dans d’autres villes. Vous voyez, Messieurs, que cela est très injuste. M. Ce Chapelier, rapporteur. Je réponds à l’objection qui vient d’être faite, que la question gît uniquement dans le point de savoir si le décret du 15 août, qui a conservé les spectacles dans la durée de leurs privilèges, à la charge seulement par eux de payer la taxe des pauvres, aura son exécution, on s’il est détruit par le décret du mois de janvier. M. Castellanet. Le projet de décret qui vous est présenté, ne tend rien moins qu’à anéantir totalement la liberté des spectacles, que vous avez établie par votre décret du 13 janvier dernier. Je ne citerai que l’exemple de Paris. Certainement la ville de Paris nous offre dans ce moment une garantie considérable de spectacles élevés depuis le décret du 13 janvier dernier, d’autres mêmes depuis celui du 16 août. S’il fallait s’eu tenir au décret proposé aujourd’hui, il faudrait, par une conséquence naturelle, faire fermer ces spectacles. Le décret du mois d’août de l’année dernière dit expressément que les spectacles publics pourront être ouverts avec l’agrément des municipalités. Les anciens spectacles ne sont-ils pas déchargés des redevances qu’ils payaient annuellement, soit aux gouverneurs, soit à leurs secrétaires? A Marseille, par exemple, la grande salle de spectacle était soumise à une redevance de 30,000 livres en faveur du secrétaire du prince de Beauvau, et de plus à sept ou huit représentations au profit des hôpitaux. Je demande la question préalable. • (L’Assemblée, consultée, déclare qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur le premier article.) M. Ce Chapelier, rapporteur. En ce cas, il faut dire, à la place des deux premiers articles, que le décret du 16 août n’était que provisoire, et que celui du 13 janvier est général, et doit être exécuté. Voici, en conséquence, la nouvelle rédaction que je propose pour le projet de décret : 443 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 juillet 1791.] « L’Assemblée nalionale, considérant que la loi du 16 août 1790 n’était que provisoire, et que la loi du 13 janvier dernier contient des dispositions générales, qui seules doivent être exécutées dans tout l'Empire français, a décrété, sur l’article premier du projet du comité, qu’il n’y a pas lieu à délibérer; en conséquence, décrète : Art. 1er. « Conformément aux dispositions des articles 3 et 4 du décret du 13 janvier dernier, concernant les spectacles, les ouvrages des auteurs vivants, même ceux qui étaient représentés avant cette époque, soit qu’ils fussent ou non gravés ou imprimés, ne pourront être représentés sur aucun théâtre public dans toute l’étendue du royaume, sans le consentement formel et par écrit des auteurs, ou sans celui de leurs héritiers ou cessionnaires pour les ouvrages des auteurs morts depuis moins de 5 ans, sous pcine_ de confiscation du produit total des représentations au profit de l’auteur, ou de ses héritiers ou cessionnaires. Art. 2. « La convention entre les auteurs et les entrepreneurs de spectacles, sera parfaitement libre, et les officiers municipaux, ni aucuns autres fonctionnaires publics ne pourront taxer lesdits ouvrages, ni modérer ou augmenter le prix convenu; et la rétribution des auteurs convenue entre eux ou leurs ayants-cause, et les entrepreneurs de spectacles, ne pourra être ni saisie, ni arrêtée par les créanciers des entrepreneurs du spectacle. » (Ce décret est adopté.) Une députation des comédiens du théâtre de Molière est admise à la barre. V orateur de la députation s’exprime ainsi : « Représentants d’un peuple libre, « Nos frèr. s sont déjà sur la frontière pour le maintien de la Constitution et de la liberté que vous avez décrétées. Les comédiens du théâtre de Molière, attachés par état au service de la capitale, se trouvent dans ce moment privés de la gloire que nos frères d’armes vont cueillir; souffrez qu’ils puissent, dans ce moment, abandonner une portion du produit de leurs travaux journaliers pour entretenir six de leurs frères d’armes sur la frontière. « Directeur du spectacle de Marseille, j’ai été le premier à offrir un don patriotique de lüO Jouis. Directeur du théâtre de Molière, j’ai encore aujourd’hui le bonheur d’être le premier de mes camarades à manifester les mêmes sentiments patriotiques ; et sans rien altérer du serment que nous avons fait, de verser au premier momeut notre sang pour la défense de nos frères, je remets sur le bureau la soumission, que nous vous faisons tous, de contribuer pendant un an à la solde de 6 de nos frères d’armes. « Je fais encore le serment de ne jamais souffrir que l’on représente ni que l’on débite sur mon théâtre aucun principe, aucune maxime étrangère aux lois que vous avez décrétées. Heureux si mon exemple apprend à mes confrères que l’homme qui peut, pendant des heures entières, captiver l’attention du public, doit être plus que tout autre circonspect sur les maximes qu’il doit énoncer. » ( Applaudissements .) M. le Président répond : « L’Assemblée nationale ne peut voir qu’avec le plus sensible intérêt la nouvelle preuve que vous lui donnez de votre patriotisme. L’union de tous les citoyens, leur empressement à dévouer leurs fortunes et leurs vies à la défense de la loi et de la liberté publique, ne laisse à ceux qui en seraient encore ennemis, que le désespoir de leur impuissance. ( Applaudissements .) « L’Assemblée nationale vous invite à assister à sa séance. » Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une adresse des amis de la Constitution , de Saint-Quentin, qui annoncent qu'ils sont prêts à voler aux frontières comme leurs frères d’armes de la garde nationale de Paris, pour le maintien de l’ordre et le respect des lois. L’ordre du jour est un rapport du comité des domaines sur V aliénation du sol de la forêt de Beaufort , faite au sieur Barandier-Dessuile. M. Gros, député de Boulogne , rapporteur. Messieurs, lorsque, par votre décret du 22 novembre 1790, sanctionné le l°r décembre suivant, vous avez posé, en principe, que toute concession, toute distraction du domaine public, faite sans le consentement de la nation, est essentiellement nulle ou révocable, vous avez cru de la dignité de la nation et du devoir de ses représentants, de tempérer la rigueur de ce principe par quelques excentions particulières, pour ne pas causer une infinité de maux partiels capables d'influer sur la somme du bien général. En se pénétrant de l’esprit de votre décret, il est aisé de se convaincre que, si vous avez voulu exercer un grand acte de justice contre les déprédations qui ont grossi la fortune de quelques gens avides et intrigants, au détriment de la chose publique, vous avez eu aussi l’intention de ménager l’intérêt des particuliers, autant que celui de l’Etat peut le permettre. L’inféodation du sol de la forêt de Beaufort, qui est soumise à votre examen, n’intéresse pas seulement le sieur Barandier-Dessuile, à qui elle a été faite; il est également nécessaire de la considérer relativement aux divers particuliers qui se trouvent aujourd'hui aux droits du sieur Des-suile. Nous allons, Messieurs, vous présenter cet objet sous tous ses rapports. S’il est de notre devoir de nous attacher à la sévérité des principes, l’humanité et la justice nous imposent l’obligation de n’omettre aucune des considérations qui pourraient influer sur votre détermination. Avant de vous entretenir de cette affaire, il convient peut-être d’écarter le reproche qu’un membre de cette Assemblée a déjà fait à votre comité, de ne pas fixer vos premiers regards sur quelques aliénations d’une importance majeure. L’impatience de l’auteur de ce reproche ne tardera pas à être satisfaite, puisqu’on rendra compte, incessamment à l’Assemblée, de l’échange du comté de Sancerre. Mais nous ne devons pas négliger les autres objets ; et celui-ci est d’autant plus instant, que les corps administratifs du département de Maine-et-Loire sollicitent vivement votre décision à laquelle est attaché le sort de près de 300 familles. La forêt de Beaufort, située en Anjou, contenait anciennement 2,275 arpents. Des usurpations