491 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 janvier 1791.) leur devoir; s’il s’élève des difficultés, s’ils s’écartent de leurs fonctions, c’est à l’Assemblée nationale à les redresser. Vos décrets défendent aux tribunaux de s’immiscer dans leurs opérations, de les contrarier, de les gêner; il est donc certain que les corps administratifs sont seuls compétents pour l’exécution des lois, et les tribunaux ne peuvent prendre connaissance d’aucunes contestations élevées sur les mesures qu’ils auront adoptées à cet égard ; donc, d’après ce simple exposé de principes, il est évident que le projet de décret qu’on vous a présenté, est bon quant au renvoi des délits; le tribunal n’en était pas saisi, et la nature des faits conduisait au comité des recherches. Mais ce n’est pas le véritable but de ceux qui s’opposent à la marche de la loi. Ce qu’il importe de voir d’un bout du royaume à l’autre, c’est un petit nombre de factieux qui, regrettant leursprivilèges, leursdroitsoppresseurs... (Applaudissements à gauche ; murmures à droite.) M. de Foucault de Lardlmalte.Vous ne savez dire que des sottises. ( Applaudissements à droite; murmures à gauche .) M. Barnave. Ce n’est pas sérieusement de la compétence d’un tribunal ou des corps administratifs, car il n’y a pas à cet égard de doute sincère; ce n’est pas du pouvoir temporel ou spirituel, c’est de la temporalité des biens ecclésiastiques qu’il s’agit. (On applaudit.) M. de liautrec. Rappelez donc M. Barnave à l’ordre. (Murmures.) M. Barnave. Ce n’est pas seulement sur cette question qu’on a fait jouer des menées artificieuses, qu’on a cherché à réveiller ce qu’il y a de plus sensible pour exciter contre les fondateurs de la liberté. Jamais vous n’avez rendu un grand décret sans qu’on abusât du nom des choses les plus sacrées parmi les hommes, ce mot de monarchie , si cher à tous les Français (Agitation violente à droite ; applaudissements nombreux à gauche), n’a-t-il pas été invoqué, quand vous avez rendu des décrets contre la tyrannie ? Le mot propriété n’a-t-il pas été invoqué, toutes les fois que vous avez rendu des décrets contre les usurpations qui avaient réduit au néant la fortune publique, pour créer de ses débris des fortunes privées? (On applaudit.) Ne vous étonnez donc pas qu’on cherche à s’armer contre vous du nom sacré de la religion, quand vous détruisez les abus qui la profanaient; quand, dans votre sagesse et votre justice, vous avez arraché les uns à la pauvreté qui les humiliaient, et les autres à cette opulence qui les rendait des objets de scandale ! (Les applaudissements redoublent.) Votre véritable crime, aux yeux de ceux qui s’élèvent contre vous, est d’avoir enlevé à des individus les abus dont ils jouissaient, et rendu au culte le respect et l’autorité qu’il avait perdus. Il est temps de prononcer d’une manière à faire cesser ces dissensions et à sauver l’Etat des malheurs auxquels on voudrait le livrer, et de la guerre civile dans laquelle on ne le conduira pas, mais à laquelle certainement on voudrait le conduire. Tandis que les uns regrettent des abus irréligieux, s’appuient du nom sacré de la religion, une autre secte s’élève; elle invoque la constitution monarchique; et sous cette astucieuse égide, quelques factieux cherchent à nous entourer de divisions, à attirer les citoyens dans des pièges, en donnant au peuple un pain empoisonné. (La partie droite entre dans une grande agitation. MM. de Marinais, Malouet et plusieurs autres membres cherchent à se faire entendre , et ne peuvent y parvenir). Ce n’est pas ici le moment de traiter ce qui concerne cette insidieuse, perfide et factieuse association. (Les agitations et les cris de la droite augmentent ; les applaudissements de la gauche y répondent. — Chaque fois que MM. de Marinais, Malouet et autres membres veulent prendre la parole , ces applaudissements redoublent. M. Malouet quitte sa place, s'élance vers la tribune et parle à M. Barnave en gesticulant d'une manière très vive.) M. Charles de Cameth. Mettez à l’ordre M. Malouet, l’intendant, qui fait le spadassin auprès de la tribune. M. Barnave. Le moment n’est pas arrivé de vous entretenir de cette association. Sans doute, ks magistrats chargés de veiller à la tranquillité publique auront pris les précautions qu’exige cette tranquillité. Plusieurs voix de la droite : Ce n’est pas à l’ordre du jour; allez aux Jacobins. M. Barnave. Sans doute, le comité des recherches instruira bientôt l’Assemblée de ces manœuvres factieuses, de ces distributions de pain à moitié prix, destinées à porter le trouble dans le peuple et à en armer ..... (On applaudit.) Plusieurs voix de la droite: Il n’est pas question là d’Amiens. M. Barnave... et vous dénoncera dénoinina-tivement ceux qui ne craignent pas de se montrer et de paraître les auteurs de ces manœuvres et les chefs de cette faction ; mais j’ai cru devoir parler de ces faits, parce qu’il est évident que tant d’audace ..... (La droite s’agite ; la gauche applaudit.) Il m’a paru évident que des manœuvres aussi hardies au milieu de la Révolution, dans une ville qui l’a toujours défendue, et qui la défendra toujours, avaient un appui, et ne pouvaient avoir d’espérance que dans les mouvements, les résistances qu’on se propose d’effectuer par le moyeu du refus du serment des ecclésiastiques fonctionnaires publics. Ne mettons pas dans notre conduite une faiblesse qui occasionnerait de grands maux, et qui bientôt rendrait nécessaire une sévérité douloureuse; il ne faut pas commencer par sévir contre des pasteurs, contre des hommes simples ou trompés, que leur intérêt attache au nouvel ordre de choses ; ce n’est pas par là, dis-je, qu’il faut commencer, mais par la destitution de tous les évêques, d’un bout du royaume à l’autre. (La partie gauche fait entendre des applaudissements nombreux et prolongés.) Ceux qui sont membres de l’Assemblée nationale, et qui n’ont pas prêté leur serment, devraient être déjà remplacés dans tous les départements; le peuple, les fidèles, demandent de nouveaux prélats. Plusieurs voix à droite : Non ! non ! Plusieurs voix à gauche: Oui ! oui ! (Applaudissements.) M. Barnave. Sans doute, la plupart des pasteurs qui étaient avec les fidèles dans une habj*