[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (30 mars 1790.] 443 M. Gossln expose que les collecteurs des impositions, dans les provinces de Lorraine, du BaFrôis et des Trois-Evêohés, font difficulté de recevoip, des ecclésiastiques, les quittances du don gratuit, en déduction des impositions pour les six derniers mois de l'année 1789, ee qui est contraire à l'article 3 du décret de l'Assemblée nationale sur cet objet ; il propose en conséquence un projet de décret qpi est adopté par l’Assemblée, et dont la teneur suit s « L’Assemblée nationale décrète que dans la Lorraine, le Barrois et les Trois-Evêehés, les collecteurs recevront, pour comptant, les quittances du don gratuit, en déduction de l'imposition des ecclésiastiques pour les six derniers mois de l’année 1789, et que le présent décret aura son exécution dan§ toutes les provinces où le don gratuit a lieu. » Les rapporteurs des décrets qui sont à l’ordre du jour né se trouvent pas dans la salle et laissent l’Assemblée dans l’inaction.' M. d’André. Je fais la motion qu’avant la fin de cette séance, M. le président invite en général tous les rapporteurs à se trouver exactement à leur poste ppur ne pas retarder les travaux de l'Assemblée. M-de Fumel-Montségup. Les comités font le travail de 1,200 personnes; il n’est pas étonnant qu’ils soiept surchargés et ne puissent faire face a tout. M. Marttlneen.Leseul moyen à prendre c’est d’obliger les membres qui sont de plusieurs comités, à opter. M. Carat, l’aîné. Il est scandaleux de voir violer aussi souvent le règlement que nous avons adopté à Versailles et qui défend aux membres de l’Assemblée d’êtFê de plusieurs comités à la fois. Gomment pouvons-nous chercher à épurer les assemblées administratives quand nous ne donnons pas l’exemple, tandis que les brigues, les intrigues régnent au milieu de nous, distribuant les places 0m murmures s'élèvent). On a murmuré ; il n’y a que peux à qui s’adressent en ce moment mes paroles qui puissent en murmurer et le trouver mauvais. Pour moi personne ne me fera de pareil reproche. M. le marquis de Bonnay. Je demande le renvoi de la motion au comité de constitution. l’observe en même temps que plusieurs comités se rapprochent tellement, qu’ils rentrent les uns dans leq antres: par exemple» il n’y a aucun inconvénient à être à la fois du comité des ti-r pannes et de celui de liquidation, M-Pestutt de Tvaey. je pe suis d’aucun comité parce que je suis jaloux de ma liberté ; mais je veux aussi conserver la liberté de donner ma voix pour tel comité à celui qqi me paraîtra le plus capable d’y prendre place, sans examiner s’il est déjà de tel autre. Ce n’est pas de là que vient l’embarras momentané où nous nous trouvons, mais plutôt de l’excès de notre zèle. Les forces de l’homme n’pnt qu’une mesure donnée et je trouve que les séances prolongées et multipliées, la correspondance à entretenir, la nécessité de s’instruire sur chaque matière pour ceux qui ne sont pas venus ici avec des magasins, tout çelà remplit la journée qui n*é&> toujours que de 24 heures. Je ne vois pas comment on peut vaquer aux comités sans laisser quelques autres occupations en arrière. - M. Voldel. Postérieurement au règlement, l’Assemblée a oonsacFé le principe que ebaeun de nous a la faculté de nommer, pour un comité, tel autre membre qu’il veut-* M. Grégoire. Je propose, paF amendement, que ceux qui sont entrés dans les comités, ppur U’y pas travailler, soient obligés de éQnner lepr démission. L’Assemblée ne statue ni sur les amendements, ni sur la motion elle-même. Plusieurs membres demandent à passer à l’ordre du jour ét l’Assemblée reprend et adopte cette propqsition. M. le Président rappelle que l'ordre du jour est la suite de la discussion sur l'organisation du pouvoir judiciaire. M. Duport est appelé à la tribune et achève la lecture du mémoire dont l’impression a été ordonnée dans la séance d’hier. (Afin de ne pas scinder ëe document en detjx, nous l’avons annexé en entier à la séance du 29 mars. — Yoy. plus haut p. 408 et §uiv� M. Charles Chabroud (1). Messieurs, je n'ai pas eu la présomption de bâtir un système : jç me suis fait une question principale et qgeiqups questions subordonnées, dont la solution m'a paru devoir précéder toute discussion des détails dp nouvel ordre judiciaire. Les articles dans lesquels votre pçmitq de Constitution vous a proposé ses vues, sont uné série de détails qui suppose des principes qué votre comité a dù recueillir et arrêter comme ses guidés, Lorsque le pian de votre comité est, soumis à votre discussion, vous ne pouvez l’éclairér, 'vous ne pouvez la rendre fructueuse qu'ep suivant la même méthode. S’occuper des détails qui' sont la conséquence, sans avoir jugé les principes, ce serait marcher àtâtops et courir le risqué de se dévoyer. " C'est en me pénétrant de eette idée, qu.e j’ai appliqué mon attention aq projet de votre comité. Niais d’abord, en le considérant dans son ensemble, je me suis demandé, avee une inquiétude pénible, pourquoi je retrouvais, dans ce nouveau système, tous les traits de l’ancien ? Je me suis demandé, si la nation avait voulu l'abolition d’un antique édifice, pour la ridicule satisfaction de détruire, et de réédifier dans le même cadre? Il m’a semblé que le peuple avait attendu mieux dé l’ÀssembJëe nationale ; et, pour ainsi parler, que ce n’était pas la peine de changer la décoration, si la sçène devait rester la même. 11 n’entre pas dans ma tâche de rechercher çp que l’ancien régime pouvait avoir de défectueux. Je pars de ce point, qu’il n’y a presque qu’une voix dans l’Empire pour demander un régime nouveau ; et quand l’opinion publique est derrière vous, qui vous commande et qui vous soutient, je cQhclûs que vqus deyéz aller au mieux possible. Est-il quelqu’un de vous qui ne s’arrête avec (G Le Mçniteu# ae donne qu’UM aualysf du discours du M, Chabroud,. 444 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mars 1790.] satisfaction, avec admiration, dans l’histoire du premier âge de la monarchie française, au récit des procédés simples, prompts, rassurants, par lesquels la justice était administrée à nos pères? Ils sortaient des forêts: ils n’avaient que le bon sens de la nature, ce premier guide des hommes qui ne les trompe jamais; et ils surent se donner ces institutions heureuses de la justice allant au devant de leurs besoins, et du jugement des pairs où la confiance repose sur tant de motifs. A. côté de nous, un peuple puissant, éclairé, libre, est heureux et fier de ces institutions qu’il a conservées. Chez nous, elles n’étaient qu’un souvenir; elles obtenaient les suffrages et les regrets des philosophes, de ces hommes qui nous ont ouvert les yeux, de ces hommes tant décriés par toutes les tyrannies qui pesaient sur nous. Ce sont là de suffisants motifs au moins d’examiner; je ne demande pas autre chose; et peut-être, pour que le peuple français recou vi e, à cette époque mémorable, tous les avantages dont il est privé depuis tant de siècles;... peut-être, soit prévention, soit paresse, ne manque-t-il à plusieurs que la volonté précise d’examiner. Serait-il vrai qu’en certaines matières l’on craint d’être enfin persuadé, et l’on se plaît à ne pas même ouvrir les yeux ? Or, voici ce qui me paraît constant d’après l’examen. Je ne dis pas tout; je dis ce qui m’a principalement frappé. 1° Comme le pouvoir de juger est entre les hommes un terrible pouvoir, comme la tentation d'en abuser est prompte autant que les moyens sont faciles, la Constitution doit, pour ainsi dire, faire sentinelle de ce côté. L’esprit de corps, qui est justement l’antipode de l’esprit public et patriotique, se produit inévitablement au milieu des hommes assis sur les tribunaux permanents. De là, comme d’une citadelle, il menace la liberté publique et la liberté individuelle; il épie le moment où des pouvoirs restreints serviront d’échelons pour monter à des pouvoirs plus étendus. Ën instituant des assises, on ne laisse pas aux juges qui les tiendront le point de réunion où germent, où s’amalgament ces intérêts particuliers qui composent l’esprit de corps. Ces juges marchent par bandes; le sort les associe ou les disperse; ils se voient, comme en passant, dans leurs fonctions; et nulle combinaison dangereuse à la chose publique n’a le temps de se former entre eux. 2° Le3 tribunaux sédentaires se font dans l’instruction des procès, dans l’application de la loi, une routine particulière. La marche qu’ils ont suivie durant quelques années se perpétue; les officiers ministériels s’emparent de ces usages, et l’on ne s’informe plus si la loi est suivie ou contrariée. C’est ainsi, c’est dans les tribunaux sédentaires qu’est née cette étrange maxime de notre jurisprudence, que la loi périt par la désuétude, c’est-à-dire par la désobéissance des juges. L’on n’aura plus à craindre de telles conspirations contre la législation, dans les jugements des assises. La routine sera rompue de session en session : aux juges qui auront mal interprété ou fait ployer la loi, succéderont des juges qui lui rendront et son sens juste et sa vigueur première; et l’ordre ne sera pas interverti, qui veut que la loi dure jusqu’à ce qu’elle soit révoquée par le législateur. 3° Avec les tribunaux sédentaires, vous avez un état de plaidoirie continuelle et journalière. Des milliers de jurisconsultes et de praticiens appelés dans le principe en petit nombre pour défendre et conseiller les parties, se multiplient, et cultivent comme leur patrimoine les différends des citoyens. Des milliers de plaideurs couvrent journellement les chemins pour aller chercher en même temps leur ruine, des vices qui leur avaient été inconnus, et la justice qu’ils obtiennent s’ils peuvent et quand ils peuvent. Ayez des juges d’assises, vous allez réformer à la longue les trois quarts de celte milice dangereuse qui environne les tribunaux. Moins d’avocats, moins de procureurs, moins de consultations, moins d’assignations, moins de procès. Les voisins s’accorderont lorsqu’ils auront le temps de réfléchir. Au moins ceux qui seront forcés de plaider ne se ruineront pas en voyages inutiles, quand le temps sera marqué où ils devront obtenir justice, et enfin, si l’on ne peut espérer une guérison radicale, la fureur de plaider ne sera plus qu’une maladie intermittente. 4° V03 tribunaux sédentaires donnent une grande prise à la corruption. Les juges sont environnés de leurs parents, de leurs amis, de leurs intérêts; ce sont autant de chemins par lesquels on peut aller mystérieusement jusqu’à eux ou arriver à se les rendre contraires. C’est ainsi que l’intrigue, la protection, les liaisons, l’inimitié avancent ou suspendent les jugements quand elles ne les dictent pas : c’est ainsi que l’intégrité même obsédée cède quelquefois à l’illusion qu’on lui a faite, et que la vertu peut être un moyen dangereux de séduction. Ces dangers disparaissent devant l’institution des assises. Vous qui plaidez, vous qui serez jugé à la prochaine ouverture des assises, vous ignorez quels seront vos juges. Vous ne pouvez former le projet de les séduire ou. de les corrompre. On peut régler que nul des juges d’assises n’exercera ses fonctions dans le district qu’il habite; alors on les aura isolés autant qu’il est possible, et l’on aura déconcerté toutes les intrigues. Ajoutez que, dans les tribunaux sédentaires, les mêmes hommes disposent de l’instruction, des preuves et du jugement. C’est là que le prévaricateur est dangereux, car ses premiers déporte-ments seront en même temps le moyen et le voile du dernier. Les juges d’assises, au contraire, ne peuvent influer sur des formes qui ont précédé leur arrivée, et c’est un garant de plus de leur intégrité. Jè ne vais pas plus loin : il me semble que lorsqu’on aura pesé toutes ces considérations, lorsqu’on les aura discutées de bonne foi, lorsqu’on aura secoué franchement les préjugés qui les combattent, tous les vœux doivent se réunir en faveur de l’établissement des juges d’assises. Enfin les assises ont le précieux avantage de réaliser cette espérance de la justice rendue aux citoyens comme une dette de la société; et sans cette institution, vous aurez en vain décrété la gratuité de la justice. Je vais maintenant exposer les motifs qui me font désirer l’institution des jurés. Tout le monde est pénétré de cette vérité, que les jugements doivent être, dans les cas donnés, l’expression de la volonté de la loi; et que le ministère des juges est réduit à appliquer cette expression au fait qui leur est exposé. Plus vous aurez mis d’attention à resserrer les juges dans ce cercle de leurs fonctions, plus vous aurez approché d’une parfaite organisation ; car [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mars 1790.1 445 vous aurez assuré la confiance des citoyens qui doit être votre but et qui repose sur la loi. Le problème est de trouver un ordre de choses qui exclue l’arbitraire, car où commence l’arbitraire, dans les tribunaux, là meurt la volonté de la loi; là s’évanouit la confiance des justiciables. Cela posé, si je me demande d’où procède l’arbitraire, lorsquè la loi parle, je vérifie qu’il n’a d’autre source que la confusion du fait et du droit dans les jugements. Lorsque le fait est simple, certain et clairement énoncé, le procédé des juges est suivi par tous les regards. Alors ils sont forcés d’appliquer à ce fait la décision qui lui convient, à moins qu’ils ne veuillent déclarer une guerre ouverte à la loi. Mais quand le fait est compliqué et obscur, alors si le juge est le maître de l’arrêter, de le poser comme il lui plaît dans sa conscience, uu mystère étrange enveloppe son opération et tout dépend de ses dispositions particulières. J’ai vu l’opinion publique gronder comme un orage contre le tribunal qui venait de prononcer un jugement : j’ai vu les prétextes ne manquer jamais aux juges pour justifier leur erreur. Quelques nuances, dans le fait, suffisaient pour le dénaturer; des traits accessoires, des présomptions, des convenances les avaient guidés; et faute d’un procédé légal pour séparer le fait, il était impossible de déterminer la question sans controverse. Ainsi, quand Je fait et le droit sont confondus, le juge ajuste le fait, pour la loi; il le manie, il le ramène à ses idées, et c’est précisément en cela que consiste l’arbitraire dans un pays où il y a des lois. La méthode par laquelle on peut arriver à rendre le fait toujours simple, certain et clairement énoncé, est donc le seul moyen d’abolir l’arbitraire : elle est la solution du problème. Or, je la trouve, cette méthode, dans l’institution des jurés. Elle sépare le fait du droit dans les jugements : elle apporte au juge qui doit appliquer la loi, le fait constaté, dégagé de toute obscurité; et quand il prononce, c’est véritablement la loi qui parle par sa bouche. « Ici, dit Blakstone, la partialité est sans ressource : la loi est bien connue; elle est la même pour tous les rangs et pour toutes les conditions ; elle s’ensuit comme une conclusion régulière des prémices du fait auparavant établies. » Il serait inutile de développer longuement ici les considérations qui font cesser la crainte de la séduction, de la corruption, de la partialité, dans cette institution au moins, plus que dans toute autre. Des hommes probes seront désignés par leurs concitoyens, inscrits sur des listes honorables; le sort et les récusations réciproques trancheront tous les fils de l’intrigue, et si vous n'arriviez pas ainsi à l’impartialité, il faudrait dire qu’elle est chez les humains une belle chimère. Enfin, dans ce précieux établissement, vous élevez un rempart à votre liberté. Gomme le despote divise, pour assurer son empire, les forces sur lesquelles il règne, de même la liberté doit atténuer, en les divisant, les pouvoirs qui la menacent; elle doit les réduire au degré d’activité qui est indispensable. Le juge abandonné à lui-même, qui arrête le fait et applique la loi, est revêtu d’un pouvoir effrayant. Séparez ces fonctions, vous condamnez cette puissance que vous craignez, à n’être qu’utile; alors, il est impossible au juge de s’agrandir : isolé, il n’a pas un pouvoir, il n’a que des fonctions; le pouvoir réside dans les deux branches des juges du fait et des juges du droit d’une manière simultanée; il ne se partage pas. Je n’arrêterai pas plus longtemps votre attention sur cette question principale : elle a été traitée par le préopinant d’une manière désespérante pour le préjugé. Il a approfondi le sol que je n’ai fait que raser. Je conclus qu’ayant aboli l’ancienne organisation, les juges d’assises et les jurés sont le mieux que vous puissiez lui substituer. Je passe à des questions subordonnées, et mes observations vont s’appliquer d’une manière plus spéciale au projet de votre comité. En laissant à part les raisons de préférer un autre système général, celui de votre comité a fait naître dans mon esprit des doutes qui se sont arrêtés sur quatre points principaux : Le concours du peuple et du monarque, dans l’institution des magistrats; L’inamovibilité des magistrats; Les degrés de juridiction; Les diverses compétences. § i. — De l'institution des magistrats. Je cherche vainement le principe en vertu duquel le choix que le peuple fait de ses juges, doit être confirmé par le roi; et le roi pour nommer ses procureurs, doit attendre que le peuple les lui ait indiqués. A l’égard des juges, on a dit que le pouvoir exécutif doit être un, et l’on a cru qu’il ne serait plus un, si le roi n’intervenait pas dans la nomination des juges. Je demande d’abord ce que l’on désire pour que le pouvoir exécutif soit un. Veut-on que toutes les branches de ce pouvoir soient réunies en faisceau dans la même main? J’emprunte ma réponse de l’abbé deMably : « Pour peu, dit-il, que l’on soit instruit des causes qui, dans tous les temps et dans tous les pays libres, ont occasionné des désordres et des révolutions, on jugera sans peine que rien n’est plus dangereux que de confier à la même personne l’exécution des lois dans toutes les branches différentes de la société. Il n’est pas possible que cette masse énorme d’autorité ne donne enfin au simple protecteur des lois le droit de les éluder, de les violer, et d’en faire à son gré de nouvelles. » Mais, à mon sens, pour que le pouvoir exécutif soit un, il suffit que tous les agents préposés à son exercice marchent en vertu d’une impulsion commune et identique, et que tout soit subordonné, comme en mécanique, à un ressort priucipal. La constitution est, si je puis ainsi parler, le devis de la machine; elle énumère divers rouages; elle prescrit un seul mouvement. Sous l'autorité et sous la protection du roi, les citoyens seront assemblés, ils nommeront leurs juges, et les juges exerceront leurs fonctions. Le pouvoir exécutif transmettra aux tribunaux la loi dont iis sont les organes, il appliquera les forces qui lui sont confiées, à l’exécution des jugements : aidés de la puissance royale, les juges auront une grande autorité ; sans elle iis ne pourront rien : tels sont les traits dans lesquels je reconnais ici l’unité du pouvoir exécutif. Et remarquez comme on se fourvoie, lorsqu’on ne suit pas la ligne droite que les principes ont tracée. L’administration est tout autant dans l’ordre du pouvoir exécutif, et cependant on ne vous a pas proposé de faire intervenir le roi dans le 446 [Assemblée nationale.) AftCHlVlé PÀRLÈMENTÀIrÈS. [30 mars 4790.] choix âe vos administrateurs. L’antinomie de vo*- tre constitution serait frappante : dans le sens de votre comité le -pouvoir exécutif serait un d’un côté* et il ne serait pas un de [‘autre* 0r\ suppose que [es juges doivent obtenir les provisions du prince* et l’on dit que le prince qui les accorde ne doit nas être l’instrument passif des choix que souvent il pourra he pas approuver. Cette difficulté est nulle pour moi, parce que la nécessité des provisions est aussi nulle. Je tiens que le jugeiostitué par le choix du peuple n’à pas besoin, pour entrer en possession de ses fonctions, d’un autre titre que l’acte déterminé, par la constitution qui le lur confère. Lés provisions seraient une, forme superflue, et par conséquent vicieuse ; et si, comme je l’espère, nos juges ne sont pas inamovibles* l’inutilité de cette forme serait* par sa fréquence, encore plus choquante* Ges réflexions m’ont convaincu que pour fonder l’intervention du prince dans le choix des juges, on avait érigé, en principe ce qui n’a nullement ce caractère. Je suis ailé plus loin ; et j’ai trouvé que ce système est renversé par l’un des principes les plus constants qui soient professés par l’Assemblée nationale. . Le pouvoir judiciaire doit être orgàüisé de manière qu’il ne mette en danger ni la liberté politique * ni la liberté civile Vous ave? conclu de là* que le pouvoir, judiciaire ne peut être confondu ni avec celui de faire la loi, ni avec celui de l’exécuter. Or* appeler le dépositaire du pouvoir exécutif à influer sur l’institution des juges* c’est préparer une ligue du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire, dans laquelle je trouve cette dangereuse confusion. Quel ascendant en effet le prince n’aurait-il pas sur des juges qui tiendraient leur mission de lui ? Avec des armées où envahit tous les droits, on enchaîne les peuples. La force est le moyen de domination le plus prompt, mais elle n’est pas le plus sûr* Les nations sont averties* elles peuvent se préparer à la résistance; et si elles succombent, elles protestent en secret contre la violence*, et n’attendent pour s’en affranchir que le premier moment favorable; Les tribunaux environnent le pouvoir dont ils dépendent* d’une apparence légitime ; ils donnent Cours à dés maxiines qui passent pour la loi ; ils modifient insensiblement les opinions et les mœurs; ils déguisent ainsi le joug, et le peuplé se courbe peu à peu sans l’apercevoir. G’fest à l’aide des tribunaux que les rois des Français établirent leur prérogative sur les ruines du régime féodal. Les seigneurs qui eussent opposé la forcé à la force, ne virent pas l’artifice et ils furent subjugués.Le peuple qtii n’était compté pour rien, passa, par cette interversion du despotisme, dans un esclavage moins dur* mais il fut toujours esclave* Les tribunaux qui appartiennent au prince* s’accoutument facilement à séparer leurs intérêts; de ceux du peuple ; il üe faut pas s’attendre à les voir jamais les apôtres sincères de la liberté pubiiqde. Et quand la liberté publique est opprimée, on ne doit pas compter sur4 quelque liberté pour les individus* Si alors un Louis XI est assis sur le trône, si l’Etat est gouverné par un Richelieu; les victimes sont désignées et les juges* qui ne sont pas ceux du peuple* obéissent et condamnent. Une longue habitude de Voir tout émaner du monarque commande, malgré nous* à notre opinion* Nous avons peine à concevoir des magistrats non institués par le magistrat suprême, qui ndus semble Ja source de toutes fonctions publiques; Nous cherchons des nuances entre le peuple qui laissait exercer ses droits, et le peuple qui les a repris* Nous faisons ployer les principes pour les ramenpr à nps idées, au lieu què nos idées devraient être réformées d après les principes. G’est pour payer encore le tribut au préjugé que l’on vous a proposé* à ce sujet* une espèce de transaction entre le peuple et le prince, et le concours de l’un et de Fautre dans la nomination des juges. Je regarde, ee partage comme un de ces mezzo termine par lesquels on compose en tre le principe et la violation * èt je ne crois pas que les mezzo termine conviennent à l’Assemblée nationale* et dans une constitution* . Vers te second âge des parlements du royaume, lorsqu’ils furent rendus sédentaires et perpétuels, çes compagnies se recrutèrent par cette méthode. À chaque vacance elles présentaient au foi trois sujets* et l’un des trois obtenait tes provisions du roi* Il semble que dans cette usurpation des droits du �peuple, quelque pudeur s’opposait des deux côtêf à ce qu’on les exerçât dans leur intégrité. Voici l’exemple que votre comité a suivi. Mais devez-vous imiter, quand le peuple reprend ses droits ce qui avait lieu quand les ministres et les parlements se les disputaient ? J’ai ouï soutenir qu’on ne peut refuser au monarque cette intervention dans le choix des juges, au moins comme attribut de convenance et de dignité. Je né conçois pas comment importe à la dignité du roi des Français* cette faculté d’éconduire un sujet qu’il de connaît pas* et de donner la préférence à un autre sujet qu’il ne eûnnaît pas mieux* Pesez* je vous prie, cette considération. La confiance du peuple appelé à choisir un juge, est, en effet* dans un individu* et non dans deux. Le second serait toujours l’homme de la forme, et non un rival donné au premier. H ne resterait au prince que le jeu ridicule d’une confirmation forcée* ou la nomination d’un juge qui h’aurait pas la confiance du peuple (1). Mais bientôt la politique de ia equr, qui tend toujours à dépouiller lè peuple, établirait son ascendant * lé peuple se lasserait d’un choix toujours éludé, leB ministres profiteraient de son indifférence. L’intrigue ferait les juges, et je ne sais si la vénalité secrète et ensuite la vénalité légale ne se reproduiraient pas facilement* Sans doute* on ne doit pas imaginer que lé peuple choisira toujours bien; il ne faut pas compter sur des miracles* Mais je disque si la loi prend soin d’éclairer cette opération Un désignant tes candidats, l’On a tout à espérer de l’intérêt du peuple ; je dis qu’il n’y a pas dé raison, à beaucoup près, de croire que les ministres du roi fissent mieux ; je dis que l’amovibilité des juges sera te remède dés erreurs du peuple ; et enfin je préfère que 1e blâme d’un mauvais choix ne puisse jamais remonter jusqu’au prince. A Dieu ne plaise que j’estime donner atteinte à l’autorité légitime du roi* quand je propose d’en séparer l’institution des juges ! Je m’élève contre une prérogative ou illusoire OU dangereuse, et qui, sous 1 Un ou l’autre rapport* doit être proscrite. Maié je veux que les jugés, institués par 1e meilleur eboix possible soient dans la plus Jlj Dkhl tôùtéê tés Mectioiis (pii 'orit ëtt liM sriivant cèttë baéthod'ê, il y a, tônjofirs là persohtië désignée et cèllll gui fie lotit ti'ottûratè gtie pettr obéir à la forme. On appelle celles-ci les Chardelliers. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mars 1790.] 447 grand® dépendance possible du pouvoir qui fait exécuter la loi, et qui en est le conservateur. Je veux que les juges ne soient protégés que par leurs vertus, et que* du trône et du ministère, iis voyent se fixer sur eux leurs regards assidus d’une surveillance impartiale. Je veux que, par la constitution, le prince soit établi le censeur des tribunaux, et le vengeur de la société* Contre les prévaricateurs. Ainsi, en même temps que je dispute au roi des chimères indignes de lui, ou une influence funeste au peuple* je lui assigne les pouvoirs utiles qui constituent la véritable grandeur. Je pense donc, contré l’opinion de votre comité, que le roi ne doit avoir aucune part à la nomination des juges. Mais, opposé encore à votre comité en ce qui concerne les magistrats qui exercent ie ministère public, je crois qu’il faut en abandonner aü roi le choix libre et entier» Ceux-ci sont les préposés immédiats du pouvoir exécutif, Ils acquittent ie prince du devoir qui lui fut imposé lorsque les actions publiques furent mises sur sa tête par le peuple à qui elles appartienuent. Ils suivent* à son nom, les tribunaux, pour y faire parler sans cësse la lbi, pour leur déférer les délits qui blessent la loi* pour maintenir l’observation pure de lâ loi. Ils sont immédiatenant comptables aü prince, ils correspondent avec lui, ils le représentent dans leurs fonctions. Ces officiers ne sont donc, en effet* que les préposés du roi* ses procureurs, dans l’acception rigoureuse du mot. Il faut renverser toutes les idées pour concevoir des préposés qui ne soient pas nommés par celui qüi les commet. Plus le mandat est important, plus il est nécessaire qu’il soit ie fruit de la confiance. Après avoir imposé au prince de grandes obligations, si voüs le forcez à recevoir ses coopérateurs* vous ôtes injustes et inconséquents. A côté de ce principe naturel, est-il permis de faire valoir de simples considérations ? Il en est une qui me paraît bien importante, Je veux parler de la censure réciproque qui s’établira entre les juges nommés par le peuple, et le ministère public institué par le prince* Une heureuse émulation attachera les magistrats à leurs devoirs, elle servira au maintien de la constitution. Toute négligence, tout abus de pouvoir, toute extension d’autorité disparaîtra devant les réquisitions des procureurs du roi, ou devant les injonctions dés juges ; et là loi, conservée par cet équilibre, ne sera jamais oubliée dans les tribunaux. Je conclus qu'il faut laisser au peuple le choix absolu de ses juges, et que le roi doit nommer ses procureurs sans l’intervention du peuple. g II. Dé V inamovibilité. Ce n’est pas tout que les juges soient nommés par le peuple* il faut encore quèl'élection populaire ne confère pas un caractère irrévocable. Une nation ne sera pas longtemps libre, si elle accorde l’inamovibilité à ceux qu’elle prépose à des fonctions publiques. Je sais qu’une impérieuse nécessité commande, dans un grand Empire, l’établissement d’üne magistrature suprême, inamovible, héréditaire même. Mais plus eette dignité superbe est en même temps importante àu maintien de la Constitution et menaçante pour la liberté, pins U faut éviter de luMonner des rivales, et la dénuer de l’appui qu’elle pourrait trouver dans d'autres magistratures inamovibles* J’expose des idées qui ne sont contradictoires qu’en apparence ; c’est le propre de tout pouvoir de tendtfe à s’agrandir et d’en saisir les moyens. Ainsi, je crois que des juges inamovibles entreprennent tôt Au tard sur les droits du peuple* en faveur du prince, et successivement sur les droits du pria ce* en leur propre faveur. Il serait miraculeux que des officiers* revêtus d’un grand pouvoir* réunis constamment pour des fonctidhs communes* ne s’avisassent point de ce qu’ils pourraient tenter* L’histoire nous a peint les Commencements faibles* Tés progrès timides, et enfin, les pas de géant de ces grands corps, qui* tout à l’heure, en imposaient à la monarchie. Lorsque toüs les rameaux du pouvoir sont réunis dans uhe seule main* une sorte d’instinct dit au peuple, dais sua avilissement même* qu’un obstacle doit être opposé à cette main dangereuse. Alors l’opinion plus forte que le despote, le contraint à poser lui-même la barrière qui doit le contenir. Les partisans de i’inâmovibilité des Offices pensent-ils que ce fut sous Louis XI qu’elle devint en France une maxime de la loi ? Le peuple asservi respire au moins lorsque quelque contradiction retarde l’essor du pouvoir arbitraire* Mais quand le peuple est librè» quand il a repris ses droits* il ne doit laisser à ceux qui les exercent pour liii aucun moyen d’en abuser. Alors il faut qüe le temps soit marqué Où les dépositaires de sa confiance descendront de leurs postes pour lui rendre compte* et que la constitution seule soit le contrepoids de l’autorité qu'elle a commise* Le juge inamovible (et en général celui qui ne rentre point dans la vie privée après avoir rempli des fonctions publiques) est à mes yeux un homme bien redoutable* Jé fie passerai point à côté de lui sans me dire, avec un frémissement secret* il tient l’un dés fils d’o& dépendent mon honneur* ma Vie et mes biehs* S’il est méchant, si je suis faible, touà mes rapports avec lui seront des atteintes portés à toa liberté* J’aurai contre lui le remède d’une grândë et solennelle accusation * mais combien d’iniquités obsdures, Combien de vexations particulières ne restent pas en deçà du caractère de prévarication qui l’autoriserait * car il ne faut pas que les juges puissent être légèrement inculpés: Vous ne voulez pas que celui-là puisse devenir juge, qui n’a pas la confiance du pèuple, èt vous voulez qu’il puisse la perdre eâns cesser d’être juge ! L’hypocrisie aura capté cette confiance ;, lë choix fait* à pèihe le masque sera-t-il nécessaire* Vous rendez irréparable l’erreur d’un moment ! L’inamovibilité est* chez un peuple libre, une mauvaise loi, même à fie considérer que le magistrat irréprochable. Je dis que la vertu même a besoin d’être aiguillonnée ; si elle ne se corrompt pas, elle peut s’endormir dans la parèsse. D’ailleurs* la nature a partagé la tie humaine en trois temps bien marqhês chez la plupart de nous* Le premier est pehr l'apprentissage ; le second, pour le travail-, le dernier* pour lé repos. Bile avertit de cette période finale par l’affaiblissement des otganes* par la perte de là mémoire* par les nuages qui enveloppent i’intèlligettèé. Hé bien I le juge inamovible s’assied encore sur le tribunal après le terme düé là nature lui avait prescrit ; le juge surfit â l’bomaie. J’ai vu Ceux qui n’avaient plhs la forée de gouverner leurs propres affaires* Se réserver encore la fonction de juger les affaires des autres. Ceux-là 448 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mars 1790.J sont juges jusqu’au dernier soupir; n’attendez pas d’eux une « abdication volontaire, qui leur semblerait un avertissement de leur fin, une mort partielle. Des tribunaux composés, régénérés par des élections périodiques, remédient à tout. Ils peuvent seuls compatir avec votre constitution, et ne pas menacer ce bien précieux de la liberté, si difficile à conserver. Je ne crains pas que le bon magistrat ne soit pas, en effet, presque inamovible. Sans doute, le peuple est facile, souvent inconsidéré, la séduction produira quelques erreurs ; mais l’ascendant de son intérêt déterminera celui de la vertu ; et enfin, les suites d’un choix indiscret auront un terme prochain. On a dit que les fonctions des juges supposent des connaissances très étendues ; qu’aucun citoyen ne se vouera à un apprentissage pénible, quand il n’aura pas en vue des avantages durables ; et que si le magistrat doit se consacrer à son état tout entier, son état doit réciproquement lui appartenir sans retour. L’impression qu’a faite cette objection ne vient peut-être que de ce qu’elle n’a pas été approfondie. Je vous prie de considérer que l’apprentissage de celui qui parvient à la magistrature a consisté principalement dans l’étude des lois. Cette étude a d’abord produit un jurisconsulte ; voilà son but immédiat. Le jurisconsulte devieut magistrat, et cesse de l’être sans perdre le fruit de son travail ; ses premières vues sont toujours accomplies. Il me semble que l’on applique légèrement aux magistratures électives, un raisonnement modelé sur celui qui convenait aux magistratures vénales. Sans doute, on n’aurait pas voulu sacrifier des sommes importantes pour n’acquérir .que des titres précaires ; mais dans le nouvel ordre des choses, le jeune homme sortant du collège ne dira pas: je me fais juge, comme son camarade dit: je me fais marchand. Si sa vocation l’amène à l’étude des lois, il verra de loin dans la carrière les places de magistrature comme des accidents honorables, et non comme le terme de sou travail. Ce n’est pas tout ; je prétends que l’inamovibilité est une dispense accordée au magistrat de l’étude qui lui est nécessaire. Il aura besoin de quelque adresse, de quelque intrigue pour parvenir : une fois institué, il sera avec impunité ignorant et oisif. Pourrait-on m’indiquer un remède à cet inconvénient de l’inamovibilité? Je fais une dernière observation. Votrejurispru-dence est un labyrinthe difficile. Vous avez des lois nombreuses, contradictoires, éparses, incohérentes ; et comme si elles n’étaient pas par elles-mêmes assez obscures, vous avez des gloses, des commentaires pour épaissir les ténèbres. Vous avez votre jurisprudence des arrêts qui règne à la place de celle des lois. Voilà ce qui fait que vous désirez, dans vos juges, une érudition pénible. Ils doivent avoir une mémoire meublée des pointillés qu’enseigne ce que vous appelez les livres de droit. J’ai vu cela servir à faire briller l’astucieux savoir du jurisconsulte ; mais ce n’est pas ce qu’il faut au peuple. La loi obligatoire pour tous les citoyens implique une absurde contradiction, quand elle est le secret de quelques initiés. Eli ! pourquoi n'éclairerions-nous pas les issués du labyrinthe? Pourquoi de ces lambeaux de lois qui déshonorent la France, ne feiïons-nous pas sortir uu corps de lois nationales ? A peine est-il quelque dhose qui soit à nous, qui convienne à nos mœurs, dans ces volumineuses compilations sur lesquelles pâlissent nos jurisconsultes. Les Romains consultèrent la sagesse des Grecs, mais ce qu’ils empruntèrent, ils se le rendirent propre; ils eurent uü code, et nous en avons mille sans pouvoir dire que nous en ayons un. On regarde communément l’opération que je propose comme environnée de difficultés insurmontables. Je pense, au contraire, qu’il ne faut que vouloir bien ce qui est utile. Quand les tribunaux ne s’ingéreront plus de la législation, on abolira sans peine cette jurisprudence ténébreuse dont ils étaient les défenseurs intéressés, comme les prêtres furent ceux des oracles. Les principes dont on doit partir pour régénérer la jurisprudence, ne sont pas variables comme elle. D’après la déclaration des droits de l’homme, les lois, dans le rapport qu’elles ont avec les personnes, ne peuvent rencontrer aucun obstacle dans les mœurs particuliè e�des provinces. Dans le rapport qu’elles ont avec les choes, le droit naturel et le droit des gens leur fournissent de premières bases convenues entre tous les hommes. Je ne vois des difficultés que dans ce qui concerne les insiitutions purement civiles : mais remarquez que si ces institutions sont à l’avantage de tous, ou du plus grand nombre, elles sont bonnes et doivent être conservées et étendues, et que, si elles favorisent quelques-uns au préjudice de tous, la réforme sera aisée et soutenue par le vœu général. Celte grande opération que le peuple attend de ses législateurs, vous ne devez pas espérer de la consommer ; mais cette considération ne doit pas vous retenir, car elle retiendrait aussi ceux qui vous succéderont ; et jamais on n’entreprendrait ce travail important. Il n’y a point d’inconvénient à ce que le peuple reçoive graduellement le bienfait qu’il attend : Il n’y en a poiut à ce que l’œuvre que vous aurez ébauchée passe dans les mains qui supporteront après vous le fardeau de la représentation nationale, pour recevoir d’elles sa perfection. Pénétré de ces vérités, je vo us proposerai d’établir un nouveau comité, que vous chargerez de préparer le plan du nouveau code, et d’en suivre les détails, lorsque vous l’aurez approuvé. Vous transmettrez à la législature prochaine un travail commencé; vous aurez donné un mouvement utile. J’ai fait une digression, mais son objet n’est point étranger à la question que je traite. J’écarte ainsi de plus en plus l’une des objections que l’on fait contre l’amovibilité des magistratures ; car si vous aviez de bonnes lois, c’est-à-dire des lois simples et claires, il serait moins difficile de choisir de bons juges ; et je fais par occasion, sans m’écarter de mon sujet, une observation trèsim-poriante. Enfin il n’est venu à la pensée d’aucun de vous, que les administrateurs dussent être inamovibles; et cependant ils ont aussi un apprentissage à faire et des connaissances à acquérir; mais les éléments sont simples, comme les lois peuvent l’être : je n’y vois pas d’autre différence. Je conclus que le peuple doit revenir périodiquement à l’élection de ses juges. § III — Des degi'ês de juridiction. Dans l’ordre de choses qui va disparaître, on avait pour la plupart des aftaires à suivre de ville en ville trois degrés de juridiction. Un procès se dilatait, pour ainsi dire, en trois procès succès- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mars 1790.] 449 sifs ; et souvent il fallait aller chercher, à de grandes distances, la justice définitive qui est la vraie. Ainsi les tribunaux manquaient leur objet, car ils doivent offrir la justice et non la faire désirer de loin ; ils sont destinés à terminer nos différends, et non à les prolonger. Votre comité a vu le principe et l’écart, mais il n’a pas osé revenir franchement à l’un, et s’opposer nettement à l’autre. 11 vous propose un rapprochement imparfait de la justice; il la fait encore distribuer par des tribunaux graduels. 11 la rend présente et subite pour certaines causes : il ne sait substituer dans les autres, au mal plus grand des trois degrés de juridiction, que le moindre mal de deux. Ne peut-on donc, sans l’institution des tribunaux graduels, faire la juste différence des causes légères et des causes ardues? A l’égard des premières, les discussions longues seraient sans proportion avec l’intérêt et la difficulté; il faut les confiera une instruction sommaire. L’établissement des juges de paix et des tribunaux de districts remplira parfaitement cet objet. On y trouvera progressivement l’action utile du pouvoir judiciaire, étendue sur la surface de l'Empire, et présente partout. Que la solennité des formes soit réservée pour les difficultés majeures! Que le jugement y soit la suite d’une instruction sagement lente, qui permette aux parties de rechercher, de proposer, de prouver leurs moyens! Ces vues sont justes, mais elles ne rendent pas les deux degrés de juridiction nécessaires; et je ne vois pas pourquoi les tribunaux de chaque district, ne seraient pas organisés de manière à juger, sans appel, toutes les causes. L’appel du jugement d’un tribunal, au jugement d’un autre tribunal, est une dénonciation faite à celui-ci de l’erreur que l’on prétend avoir été commise par celui-là. Si le second tribunal est infaillible, ou au moins s’il est nécessairement plus éclairé que le premier, il est assez naturel d’y recourir : mais ne serait-il pas plus simple de composer un tribunal unique, de manière qu’il n’y eût rien de mieux à attendre d’un autre? Pour moi, je ne saurais voir dans les juges, que des hommes faillibles, à quelque place qu’on les fasse asseoir. S’il arrive que le juge réformable commette des erreurs, celui qui réforme n’en est pas exempt; il y a compensation parfaite de péril. Que je sois exposé à un mauvais jugement ou à la réformation d’un bon jugement, où est la différence? Je ne parle pasdes dépens augmentés, qui, dans le second cas, me feront supporter plus impatiemment les suites de l’erreur : je ne parle pas du temps que j’aurai consumé à suivre péniblement les formes etles délais dedeux tribunaux. L’appel et un second degré de juridiction sont, dit-on, une satisfaction due à celui qui a perdu sa cause. Il me semble que conséquemment l’on devrait la même satisfaction à celui qui, sorti victorieux du premier tribunal, est condamné par le second. La règle des tribunaux ecclésiastiques a au moins cette apparence de raison : trois sentences conformes excluent l’appel. Mais , si j’ai bien observé, le second degré de j uridiction n’est en effet qu’un secours donné par la loi même à la mauvaise foi qui l’élude, une caresse faite à la chi cane qui s’aheurte, une barrière mise entre la justice et le faible qui en a besoin. G’esl le jeu de l’homme riche et puissant où le pauvre est toujours écrasé. Cependant, direz-vous, un moyen décisif assurait le gain de votre cause; il a été omis dans la lra Série, T. XII. première instance, et si vous n’avez la ressource de l'appel, une omission aura décidé de vos intérêts les plus graves. , Je réponds que l’inconvénient allégué n’est pas % banni du second degré de juridiction. Je réponds surtout que le moyen omis n’a pas été jugé. Lorsque dans un délai que la loi aura fixé, avec des formes qu’elle aura prescrites, vous exposerez, vous vérifierez une omission, qui empêche que le même tribunal ne prenne encore connaissance de ce qui est en effet pour lui une question nouvelle? Voici une considération que je vous prie d’apprécier. On a toujours distingué des causes qui étaient portées en première et dernière instance aux tribunaux souverains. Les appels comme d’abus (1) allaient directement aux parlements. Quelques-uns de ces tribunaux connaissaient exclusivement des causes des pauvres, des corps et communautés, des abbayes, chapitres et évêchés, et des personnes revêtues de certaines dignités. Cette faculté de franchir les premiers degrés de juridiction, de trouver la justice définitive à la fin d’une seule instance, était regardée comme un bienfait, comme un privilège. Aujourd’hui, quand les citoyens sont égaux en droits, quand les privilèges sont abolis, ce qui était l’avantage de quelques-uns, ne doit-il pas être l’avantage de tous ? La raison qui agit d’un effort lent, mais sûr, contre les institutions qu’elle n’avoue pas, a depuis longtemps décrié les degrés de la juridiction. Ils étaient l’aliment de ces hommes chez qui l’amour des procès est une passion pour le tourment de ceux qui les environnent. Le citoyen raisonnable qui se piquait d’expliquer ce qu’il faisait, l’homme de loi surtout, dont l’exemple n’était pas suspect, regardaient les premiers ;degrés de juridiction, comme des passages incommodes, ils y subissaient en courant des jugements contumaciaux. Si le droit féodal, si la vénalité des offices n’eussent fait des justices le patrimoine de quelques citoyens, si les tribunaux inférieurs n’avaient pu revendiquer les justiciables, on les aurait vu tomber d’eux-mêmes, il y a longtemps, par une espèce de désuétude. f L’utilité des deux degrés de juridiction est donc évidemment nulle; la liste de leurs inconvénients est nombreuse. En voici quelques-uns : Vous reconnaissez que le pouvoir judiciaire est mal organisé quand les tribunaux peuvent former des compagnies puissantes. Je prends à témoin l’expérience: les tribunaux qui réforment les autres, trouvent dans leur supériorité des moyens sûrs d’agrandissement, et un moment arrive* où leurs registres rivalisent avec la loi. Vous avouez que le pouvoir judiciaire est mal organisé si le nombre des tribunaux et des juges se trouve plus considérable qu’il n’est nécessaire pour l’administration de la justice. N’est-ce pas là l’effet certain des deux degrés de juridiction ? Vous pensez que le pouvoir judiciaire est mal organisé si son action n’est pas tellement étendue sur la surface de l’Empire, que, présent partout, il puisse être à la portée de tous les citoyens. Serait-il donc présent partout ce pouvoir, lorsqu’il n’agirait efficacement qu’en quelques lieux privilégiés ? faudrait-il - compter pour quelque chose les tribunaux inférieurs dont la présence (1) L’appel comme d’abus n’est pas un appel proprement dit. 29 450 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mars 1790.] serait inutile, puisque, comme un charme, l’appel détruirait leur action ? Vous avez décidé que la justice doit être gratuitement rendue, parce que la justice est une dette de la société. Avez-vous tout fait pour ce principe, lorsqu’abolissant seulement les épices, vous forcez le malheureux qui veut être jugé, à des voyages coûteux, à une double instruction coûteuse ? La société débitrice est-elle quitte, lorsqu’elle ne va pas au-devant de ses créanciers ? Tous savez que les jurisconsultes, les avocats, les procureurs sont un mal nécessaire quand il n’y en a que ce qu’il faut, et hors de cette mesure un grand fléau. Hé bien ! les deux degrés de juridiction seront un germe fécond dont on le verra sortir et se multiplier à l’avenir comme autrefois ; car c’est la guerre qui fait les guerriers. Vous avez vu quelles sont pour les mœurs les suites des procès éternisés : le laboureur abandonner sa charrue et l’oublier, épuiser sa fortune et consumer le temps qui l’eût réparé, contracter les habitudes et les vices des villes ; et uand il n’y va plus pour ses affaires délabrées, evenir l’agent d’autrui, susciter les procès et en attiser l’incendie désormais son élément.... Voilà ce que valent pour les campagnes les degrés de juridiction. Gomment les degrés de juridiction trouvent-ils donc des défenseurs, lorsque tant de motifs sont réunis pour en dissuader? L’habitude.... L’habitude est l’un des tyrans du genre humain. Ce que nous avons vu pratiquer nous semble longtemps le mieux : longtemps nous nous refusons à l’évidence qui condamne des usages invétérés; mais l’Assenablée nationale s’est ouvert des sentiers nouveaux : elle a pris, elle prendra conseil des principes et de l’intérêt du peuple, et jamais d'une aveugle et timide routine. S’il m’était permis maintenant de vous présenter l’aperçu du système judiciaire que je voudrais substituer à celui que je repousse, je ne sortirais presque pas des élémen ts quJa traités votre comité. j’adopterais les juges de paix, distribués dans les cantons, et à peu près la compétence qu’il leur assigne. Hors de cette compétence, ils joueraient le rôle de compositeurs amiables, que le comité leur attribue encore. Je les chargerais d’ailleurs d’ouïr les témoins dans leurs enclaves, d’y dresser les procès-verbaux des descentes de lieux d’après les ordonnances du tribunal du district. Je ne composerais chaque tribunal de district que de deux ou trois juges sédentaires. Je les préposerais à la décision des causes sommaires qui échapperaient à la compétence des juges de paix, ils décerneraient les provisions, ils interviendraient dans tout ce qui exige célérité. Les juges sédentaires au district seraient réduits, dans les matières plus graves, au soin de l’instruction, à l’ordonnance de la procédure jusqu’à la dernière période où il ne manque que le jugement définitif. La loi prendrait toutes les précautions dont on pourrait s’aviser pour s’assurer de leur exactitude et de leur fidélité. Je voudrais ensuite donner à chaque département six ou huit juges principaux qui tiendraient successivement leurs assises dans les chefs-lieux des districts, pour expédier, sur les rapports des juges sédentaires, et après avoir ouï les parties, les affaires réservées à leur compétence. L’institution des jurés s’appliquerait facilement à cette organisation, tant en matière civile, qu’en matière criminelle. Si vous estimez devoir la retarder encore, vous auriez des tribunaux suffisants, disposés à la recevoir un jour sans révolution. Si les vœux de la raison étaient exaucés, elle aurait lieu dès à présent, et peut-être alors pourrait-on réduire le nombre des juges principaux. Un plus grand développement de ce système serait inutile maintenant; je me réserve de l’exposer si ma conclusion est adoptée. Voici ma conclusion : que les degrés de juridiction doivent être abolis. § IV. ■ — Des diverse s compétences. Un des grands maux de la jurisprudence que vous abolissez, était la multiplicité des tribunaux; les questions de compétence semblaient être en embuscade aux entrées du palais, pour surprendre les justiciables. Je crains que l’ou retrouve en grande partie les mêmes inconvénients dans l’organisation que votre comité vous a proposée. Elle me montre des juges de paix et des juges de police, et je ne sais où est le terme précis de leur compétence respective. Elle désire des tribunaux particuliers pour les affaires du commerce, et il sera impossible de déterminer si clairement leurs attributions, qu’ils ne soient pas souvent aux prises avec les tribunaux ordinaires. Enfin, votre comité pense que vous devez encore excepter de la compétence des tribunaux ordinaires, les affaires qui tiennent à l’administration, et qui sont relatives à l’impôt ; en sorte qu’à cet égard son opération consisterait à supprimer des tribunaux d’exception, pour créer d’autres tribunaux d’exception. Voilà donc, si ce système est adopté, [voilà, comme auparavant, les citoyens en proie aux fins de non-procéder, aux conflits, aux règlements de juges, et à tout ce que la chicane peut tirer de parti de l’incertitude des compétences. Les vues de votre comité sont aperçues, et l’on doit leur rendre justice ; mais si elles peuvent se concilier avec plus de simplicité, il me semble que le but sera plus sûrement atteint. Or, je demande pourquoi lej tribunal ordinaire ne serait pas en même temps le tribunal du commerce. On me dira que les affaires du commerce veulent une marche particulière, que la lenteur des formes ne leur convient point, que les opérations dont elles dépendent sont de nature à n’être bien jugées que par les commerçants eux-mêmes. Je conviens de tout cela; mais je n’en conclus pas qu’il faille créer des tribunaux séparés pour le commerce. J’aimerais mieux adjoindre aux juges sédentaires des districts, un certain nombre de négociants pour expédier les causes dont l’intérêt n’excéderait pas une somme déterminée, et un plus grand nombre de négociants aux juges principaux, à l’égard des causes plus importantes. Ainsi les négociants adjoints seraient les vrais juges, et les magistrats n’interviendraient que pour rapporter les affaires, rédiger les jugements, et enfin en ordonner l’exécution ; soins particuliers qui ne tiennent plus si étroitement aux principes du commerce, et auxquels je crois que des négociants ne seraient pas propres. J’ai ouï proposer en matière de commerce l’exclusion de toutes les formes et du ministère des gens de loi et de pratique, et peut-être c’est de (Assemblée nationale.] ARCHIVAS cette dernière idée qu’est venue celle des tribunaux séparés. Je ne saurais me rendre à cette opinion, quelque séduisante qu’elle Soit au premier coup d’œil. Parmi les personnes qui font le commerce, il en est d’assez éclairées pour être leurs propres guides ; mais le pius grand nombre, a besoin de secours. Vous ne pourriez empêcher de recourir à des conseils, ceux dont l’intelligence suffit aux opérations journalières de la vente èt de l’achat, et ne suffit pas au débrouillement des difficultés qui surviennent ; vous les forceriez seulement à en faire la dépense en secret, et par conséquent en pure perte-Voyez ensuite quels avantagés aurait', devant le tribunal, le négociant instruit et adroit qui s’énonce, sur le petit ’ marchand qüi sait à peine exposer le fait. Sans doute, il faut tellement simplifier les formes, dans ce qqi touche àq épmmercé, que les gens de loi et de pratique y interviennent le moins qu’il sera possible ; mais il ne faut écarter absolument ni eux ni les formes. Je dis que les formes sént lq sauvegarde des propriétés, j’ai déjà dit que les gens de loi et de pratiqué sont un mal nécessaire : l'exclusion projetée est un mieux chimérique ennemi du bien. Quant à la police, à �administration et aux impôts, il me semble qu’il faut distiüguèr. Ces matières ont leurs rapports d’ordonüàneè’ générale et leurs rapports d’intérêt particulier. Les officiers municipaux doivent faire les dispositions générales pour qu’une fidtmè police soit observée ; les corps administratifs doivent régler la marche, de l’administration et de là perception de l’impôt. Les officiers municipaux et les corps administratifs doivent même avoir ce droit de répondre aux demandes des citoyens que l’on appelle la juridiction gracieuse ; jusque-là ii n’est pas nécessaire de créer des tribunaux. Mais aussitôt qu’un différend survient entre des particuliers, aussitôt qu’une opposition est formée, voilà un litige dont les administrateurs ne doivent pas connaître, parce qu’ils ne sont pas juges ; et s’il n’y a aucun motif d’en ravir la connaissance aux tribunaux ordinaires, il ne faut pas créer inutilement d’autres tribunaux. Dirait-on que les tribunaux ordinaires pourraient s’ériger en censeurs dé l’administration et la contrarier? Je pense qu’ils seraient assujettis à se conformer aux décisions d’ordonnance générale, et que, s’ils s’en écartaient, on aurait, pour les rappeler à leur devoir, les mêmes moyens qui les forceront à se conformer aux lois. J’ajoute qu’en matière de police, les juges de aix seront, comme en toutes, assistés de prud’- ommes qui représenteront la municipalité -, et qu’en matière d’administration et d’impôt, les procureurs-syndics pourront intervenir, si l’intérêt public l’exige, et qu’ils devront être entendus. Je conclus que la Constitution ne doit rien excepter de la compétence des tribunaux ordinaires (1). D’après ces observations, je fais la motion qu’avant de passer à l’examen d’aucun détail, il soit décrété : 1° Que la justice sera administrée par des jurés et des juges d’assises ; (1) J’ai traité cette dernière question très sommairement, parce qu’il m’avait semblé qu’il n’y avait presque qu’une opinion dans l’Assemblée sur les dangers de la diversité des compétences. PARLEMENTAIRES. [30 mars 1790.] 451 2° Que le roi n’interviendra point dans la nomination des jugés ; * 3° Que le peuple n’aura aucune part à la nomination des procureurs du rbi; •' 4° Que les juges seront élus périodiquement par le peuple; 1 ! ‘ h 5° Qu’il n’y aura pas de degrés de juridiction , 6° Que les juges seront rendus propres à connaître de toutes les matières. M r 11 ’ Je fais encore la motion : Qu'il soit nommé un comité, lequel sera chargé de dresser un plan général de législation, d’en entreprendre l’exécutiOn, après qu’il aura été approuvé par l’Assemblée, et de remettre soii travail dans l’état où ii se trouvera, à là fin1 de la présente session, aux membres de ia prochaine législature. ; PROJET PE pÉGRET. TITRE PREMIER. Dispositions générales. 1. Aussitôt que le nouvel ordre judiciaire aura été institué, tous les tribunaux, tops les offices de judicature actuellement en exercice (demeureront définitivement abolis. 2, Tout droit, tout privilège de rendre ou faire rendre la justice, où de Rlaider à certains tribunaux, sqnt supprimés, et U n’y aura en France, qu’un seul ordre déjugés pour connaître toutes matières entre toutes personnes. 3. Les juges ne pourront s’ingérer ni de la législation, ni de radministratiQn, ni faire des règlements, ni citer les administrateurs devant eux pour raison des fonctions de ceux-ci, ni différer au delà de trois jours la transcription sur leurs registres des lois et des décrets du Corps législatif, qui leur seroqt adressés de la part un roi, dans les fornaes légales, le tout à peine de forfaiture. 4. Les juges pourront adresser au roi leurs représentations sur les lois qu’ils estimeront nécessaires de faire, pu d’expliquer, ou d’abroger, afin qu’elles soieuticpmmuhiquées au Corps législatif ; et, à cet effet, ils tiendront un état sommaire des difficultés qui les arrêteront dans Ips différents cas, faute de loi précise ou faute 4’ex-plication de la loi, et leurs représentations seront rédigées annuellement sur cet état (1). 5. Nul ne pourra être admis aux fouettons de juge qu’il ne soit âgé de trente ans accomplis. 6, Les juges ne pourront être destitués, durant le temps de leur exercice, si ce n’est pour cause de forfaiture. 7. La procédure et les jugements seront publics, tous actes de juridictiofi seront faits, les portes ouvertes, dans les lieux qui y seront destinés. 8. Lorsqu’il y aura un corps de lois nationales, décrété par le Corps législatif et sanctionné par le roi, il sera défendu aux parties et à leurs défenseurs, de citer, soit par écrit, soft dans les plaidoiries, aucuns commentaires, glosee, traités, décisions et jugements, sauf à eux d’expliquer, interpréter et raisonner le texte de la loi (1) Cet article et l’article S du titre VII combinés, me Ïiaraissent bien propres à conserver l’unité de la loi, orsque nous n’en connaîtrons qu'une en France ; et, en attendant, à prévenir les interprétations diverses des lois municipales.