[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 janvier 1791.) le cours de l’année 1791, conservera la moitié de sa pension, indépendamment de son traitement. » Bien entendu qu’ici sont compris tous les prêtres pensionnés. (Le paragraphe 4 est adopté). M. de Folleville. Avant que M. de Mirabeau n'aille plus loin, je dois à sa délicatesse de faire une observation : c’est que ceci étant une dérogation formelle à la constitution civile du clergé, décrétée par nous et jurée par plusieurs pasteurs, ils deviennent parjures en ce moment. M. de Mirabeau. Messieurs, si la délibération n’était pas entamée d’une part, et que, monsieur, de l’autre, n'eût pas déclaré qu’il n’y prenait aucune part ..... M. de Folleville, M. de Mirabeau est trop bien partagé du côté de la logique pour ne pas permettre aux autres qu’ils en usent. M. de Mirabeau. Je réponds que l’article dont il est question est absolument réglementaire, que certainement cette Assemblée n’a pu dire que ses règlements ne changeraient pas avec les circonstances. M. de Folleville. Gomme ceci n’est que subtilité, je déclare que je n’en suis plus. M. de Mirabeau. L’amendement de M. Alquier formerait le 5e paragraphe, ainsi conçu : « 5° Q æ son comité ecclésiastique lui présentera, dans le plus court delai, un projet d’instruction sur la constitution civile du clergé, pour être adressée aux directoires de departements, avec ordre de la publier incessamment dans toute l’étendue de leur territoire. » (Adopté.) M. Charles de Caineth. Je demande, par amendemeni, que M. le président se retire dans le jour par devers le roi. M. de Mirabeau. Gela est compris dans le 6e paragraphe dont je vais donner lecture. Plusieurs membres interpellent M. de Mirabeau. M. de Mirabeau. Il est infiniment plus facile de parler à l’Assemblée que de répondre à dix personnes à la fois. Le 6e et dernier paragraphe du projet de décret est ainsi conçu : « 6° Que le présent décret sera porté dans le jour à la sanction du roi. » (Adopté.) M. le Président donne lecture de deux lettres qu’il a reçues du ministre de la marine, l’une relative aux dépenses des armements extraordinaires ordonnes en mai et en août dernier; l’autre relative aux dépenses du transport des commissaires du roi, et de 6,0ü0 hommes aux Antilles. L’Assemblée ordonne le renvoi de ces lettres, ainsi que des états y annexés, à son comité de marine. M. de Kyspofer, au nom du comité d'aliénation, propose de vendre des biens nationaux aux 69 municipalités de Lauzun et de Villeneuve, dans le département de Lot-et-Garonne. Un membre du même comité fait la même proposition en faveur de la municipalité d’Auzay (Vendée). L’Assemblée rend le décret suivant: « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l’aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites, suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux, dont l’état est annexé aux procès-verbaux respectifs, des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret; Savoir : Département du Lot-et-Garonne. « À la municipalité de Lauzun, pour la somme de ........ 33,381 1. 9 s. « A la municipalité de Ville-neuve, pour la somme de ..... 47,570 1. » Département de la Vendée. « A la municipalité d’Auzay, pour la somme de ............ 106,460 1. » M. le Président. Messieurs, je dois vous informer qu’il se a brûlé demain, en présence des commissaires de l’Assemblée et du commissaire du roi, pour 1,500,000 livres d’assignats rentrés dans la caisse de l'extraordinaire. Cette opération se fera dans la cour de la caisse de l’extraordinaire, rue Montorgueil. M. le Président indique l’ordre du jour d& demain et lève la séance à trois heures et demie. ANNEXER A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 7 JANVIER 1791. Nota. M. Pierre de Delley (ci-devant Delley d’Agier) fil imprimer et distribuer, à la date du 7 janvier 1791, une opinion sur l’impôt que nous reproduisons ci-d'-s-ous. — Ce document a été annexé au tome XLVI des procès-verbaux de l’Assemblée nationale. Quatrième opinion de M. Pierre de Delley, député du Dauphiné , sur l'organisation de l'impôt , précédée de ses observations sur l’état général des contributions et perceptions énoncées dans le tableau imprimé du comité d imposition. — (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale, séance du 11 janvier 1791.) Messieurs, Le labb au présenté par le comité se divise en trois parties. Dans la première sont comprises les impositions 70 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 janvier 1791.] et perceptions anciennes, montant à 766,764,182 1., Dans la deuxième les contributions et perceptions pour l’année 1791, montant à ............... 551,690,000 La troisième partie présente, en admettant les bases énoncées, le résultat numérique le plus satisfaisant, un soulagement pour la masse des contribuables de ..... 215,740,182 Et au moyen des 36 millions payés par les privilégiés, ce soulagement s’élève, selon le comité, à la somme de ................... 251,207,033 c’est-à-dire à plus du tiers des impositions générales. D’après d’aussi grands avantages, quel est celui de nous qui n’a pas imaginé que l’utile et laborieux propriétaire en profiterait au moins pour sa part? Eh bien ! Messieurs, toute cette brillante perspective ne conduit cependant, en suivant le plan du comilé, qu’à faire supporter aux propriétés foncières, pour 1791, une très considérable augmentation d’impôt. Et je vais le prouver. Le comité propose pour 1791 une contribution foncière destinée à rentrer au Trésor public, qui, réunie aux frais des perceptions, monterait à ........................... .. 300,000,000 1. Vous avez connu le principe vrai , que l'impôt n’était dû que nar la récolte faite ; ainsi les a00 millions proposés pour 1791 seraient supportés par la récolte de 1790, et cette récolte a déjà payé la dîme, évaluée d’une manière exagérée dans le tableau à 133 mil ions, mais qui peut être comptée, en la réduisant à sa juste valeur, pour 90 millions, ci. 90,000,000 J’observe que le comité l’a considérée plusieurs fois comme impôt, ce que j’accorde pour un instant, me réservant mon opinion sur son principe à cet égard. Les résultats du système décrété pour la contribution, prétendue mobilière, mettant, comme je le prouverai, dans l’absolue nécessité de rejeter sur la cote des citoyens actifs et sur la cote du loyer d’habitation beaucoup plus de moitié des 67 millions proposés pour la contribution dite mobilière, il retombera sur le propriétaire foncier, pour son habitation et comme imposition directe, forcée à raison de la propriété foncière, plus de 30 millions, ci ...................... 30,000,000 Je le prouverai. Les 35 millions de la contribution patriotique seront fournis au moins et jusqu’à concurrence de 25 millions par les propriétaires fonciers; ce seront même les seuls qui ne pourront y échapper, ci ......... ..................... 25,000,000 Les dépenses locales d’administration et de justice étant supposées comprises dans les 300 millions du premier article, fine Report ..... 445,000,000 1. reste que la mendicité qui a été oubliée par le comité, et qui exigera environ 15,000,000, ci. . . 15,000,000 Total de ce qui sera réellement imposé sur les propriétés foncières en 1791, si l’on suit le plan du comité .......... 460,000,000 Or, en 1790, les terres n’ont supporté en impositions véritablement foncières que 347 millions, même en forçant toutes les parties qui n’y retombaient qu’indirectement ; en voici le détail: 1° Environ 180 millions pour les tailles réelles, vingtièmes, décimes et autres dénominations, ci ........ 180,000,000 1. 2° La dîme portée comme ci-des?us à 90 millions, ci ..... 90,000,000 3° La partie des 60 millions de l’impôt de la gabelle qui pesait réellement sur les terres, et qui pouvait être considérée comme imposition directe, était infiniment moins considérable qu’on ne se l’imagine, et le soulagement n’est pas pour la masse des propriétaires fonciers (comme je l’établirai si l’on me permet quelques détailsjdes deux cinquièmes de cet impôt, c’est-à-dire de 24 millions, ci ........... 24,000,000 Les charges résultant de la corvée en nature exigeraient des développements que je ne puis me permettre sans m’écarter de mon sujet; je me bornerai à annoncer ici que dans les paroisses où l’on proposait au rabais l’entretien des routes, celte imposition alors en argent ne montait pas au trentième de l’imposition directe, et l’on ne doit la porter dans le compte actuel et comme charge réelle sur les propriétés foncières, que pour 6 millions, ci ......... L’impôt sur les milices exigerait aussi des observations, pour distinguer la partie qui doit être considérée comme impôt ; j’en ferai mention pour 3 millions, ci. Toutes les autres charges que le comité a voulu considérercom-me impôt sur la propriété, tels que les frais litigieux pour faits de contrebande, de chasse, etc. ; les dégâts causés par le gibier, ceux des juridictions inutiles; les vexations ou exactions de tout genre, etc. ; la mendicité des religieux, le casuel des curés, etc. présentent quelques articles qui pourraient être considérés comme impôt forcé, à raison de la propriété ; je compterai pour cette partie obligée environ 24mil' lions, et c’est sûrement beaucoup trop ........... Les droits d’aides, ceux sur le tabac, sur les traites intérieures, etc., arrivent si indirectement à 6,000,000 3,000,000 24,000,000 A reporter 445,000,000 1. A reporter .... . 327,000,000 1. [7 janvier 1791. J 71 [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Report..... 327,000,000 1. grever la propriété foncière, et ce ne serait que si lentement > ue le cultivateur en retirerait d< s avantages évidents et sentis, qu’il ri’y attachera pour le moment qu’un prix très modique, parce que votre comité, en supprimant tous ces droits et en voulant les rejeter sur les propriétés foncières, ne favoriserait réellement Sfue les consommateurs et les ortunes mobilières : cependant je les porterai ici comme pesant sur la propriété foncière pour 20 millions, c’est assurément porter bien haut pour 1791 ce bénéfice, ci. ......... .............. 20,000,000 Total de ce que supportaient les terres en 1790 .......... .... 347,000,000 1 . Quant à la suppression des droits sur les cuirs, sur les fers , sur les huiles, elle pourra favoriser un jour l’agriculture, mais en 1791 le soulagement est presque illusoire pour le laboureur : il paye le fer a! ssi cher actuellement qu’en 1789, et n’a pas encore vendu un sol de plus, ni ses bestiaux, ni ses huiles. Ainsi cet article de bonification, pour 1791, serait si minime, qu’on ne peut en faire état. Ce soulagement prétendu de 251 millions sur la masse générale des contribuables ne conduit donc, en dernière analyse, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, Messieurs, qu’à faire payer en 1791 aux propriétaires fonciers l’effrayant impôt de 460 millions, au lieu de celui de 347 millions, c’est-à-dire 11 3 millions de plus qu’ils n’ont payé en 1790, lorsque la masse générale des impôts était d’un tiers plus forte qu’on ne propose de les fixer aujourd'hui. Ce simple aperçu suffirait, Messieurs, pous vous mettre en garde contre le plan du comité, et vous engager à prendre d’autres bases; mais il me reste à vous prouver que, même en admettant la volonté d’imposer sur Les terres, en 1791, tout ce que votre comité vous propose, son plan serait encore insuffisant d’après. les réductions qu’il est nécessaire de prévoir, sur les évaluaiions exagérées de plusieurs de ces articles de recette. En effet le premier porté dans son tableau pour 1791 est une contribution foncière de 300 millions, à laquelle somme il faudra ajouter 15 millions pour la mendicité. Or, Messieurs, les impôts directs sur les terres, recueillis par les collecteurs, ne montaient en 1789 et en 1790, déduction faite des non-valeurs, qu’à 178 millions ; cependant 1789 n’est pas tntièrement perçu, et 1790 offre un arriér é important : pensez-vous que ce soit un moyen bien efficace d’obtenir, dans les huit mois de 1791, qui resteront à courir depuis l’instant où l’impôt sera en recouvrement, d’obtenir, dis-t'e, et l’arriéré et le courant, que de présenter aux labitants des campagnes, au lieu de ladiminution sur laquelle ils comptent, une cote presque doublée ? Un cri général s’élèvera, et le mécontentement ou l’impuissance arrêteront dans leurs sources tous les moyens de perception : vous n’obtiendrez ni l’arriéié Di le courant. En vain voudrez-vous entrer en raisonnements avec les habitants des campagnes, en vain vous efforcerez-vous de fs convaincre, ce. peuple simple n’entend rien aux subtilités économistes : il n’y a qu’une preuve pour lui, qu’une manière de compter.; c’est le montant de sa cote : je payais l’an passé 6 livres au collecteur, et j’en paye 9 cette année, donc je suis surchargé ; je payais 6 livres l’an passé, et je ne paye que 4 livres cette année, donc je suis soulagé. Ne sortez point, Messieurs, de ce dilemme dans ('organisation de l’impôt foncier ; car toute autre théorie viendrait se briser aux pieds de l’expérience. Je conclus donc, que le cultivateur découragé, loin de s’abandonner aux efforts que l’assurance d’une diminution dans sa cote lui eût fait faire pour la payer, y apportera une résistance invincible, parce qu’à son mécontentement se joindra le défaut des moyens, en sorte qu’au lieu de retirer de la contribution foncière de 250 à 260 millions, qu’elle vous eût produits si elle eût été modérée, vous n’en retirerez pas 160 en 1791, si vous la portez à un taux de 315 millions, et par conséquent le déficit sur ces 315 millions, que le comité espère pour le Trésor public, sera de près de moitié, 150 millions. Le deuxième article du tableau est la contribution mobilière pour 67 millions. Je me suis engagé à prouver que celle contribution, prétendue mobilière, retombera pour près de 30 millions au moins en impositions directes sur les propriétés foncières. Messieurs, il était à peu près convenu que la somme des loyers imposables annuellement en France, avant la Révolution, était de 350 millions; les diminutions des fortunes et du luxe, et surtout les efforts très puissants de chaque particulier, pour dissimuler son loyer sur lequel va peser une aussi forte imposition, opéreront une diminution apparente de plus de 100 millions sur 350 millions, et les loyers ne présenteront plus que 250 millions pour la masse annuelle imposable : d’un autre côté, le tarif adopté pour évaluer les fortunes mobilières présumées à raison du lover (tarif d’après U quel on double, on triple ou quadruple et même décuple ce prix de lover, pour arriver à cette évaluation) donnant infiniment plus de loyers qui ne devront être que doublés et triplés, qu’il ne s’en trouvera de susceptibles d’admettre une plus forte proportion, l’on doit regarder le produit de la ma�se des loyers, multiplié par trois et un quart, comme exprimant le total des fortunes mobilières, évaluées d’après les loyers; ainsi 250 millions multipliés par trois et un quart vous donneront un peu plus de 800 millions pour l’évaluation des fortunes mobilières dont le sol pour livre donnera pour la taxe sur les fortunes mobilières 40 millions, ci ..... 40,000,000 1. La cote de citoyen actif rendra moins qu’on ne "se l’imagine; le nombre est encore au-dessous de 4 millions d’individus, et l’estimation commune des trois journées de travail ne sera pas, terme moyen, de 40 sols ; ainsi nous ne devons compter pour cette cote que 6 millions, ci. . 6,000,000 La cote des domestiques, celle des chevaux et voitures, présenteront aussi des résultats bien inférieurs à ce qu’on s’en promet : portons-les pour 4 millions, c’est le maximum, ci ..... 4,000,000 La taxe sur les fonctionnaires publics, susceptibles de payer la A reporter ..... 50,000,000 !1- 72 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 janvier 1791.) Report ..... 50,000,000 1. contribution à raison des loyers, et qui ne pourront dissimuler leurs facultés, défalcation faite de la partie qui rejaillira sur le premier article, peut être évaluée tout au plus à 6 millions, ci. . 6,000,000 Pins le t rois-centième des 800 millions des revenus mobiliers pour la cote d’habitation, 2 millions 700,000 livres, ci. . . . 2,700,000 Total ..... 58.700,000 1. Mais sur ces 58,700,000 livres, les propriétaires fonciers viendront en reprise, pour le sol pour livre de leur revenu foncier, estimé d’après leur cote de contribution foncière. Or, les revenus fonciers imposables sont à peu près de 1,100 millions, dont le sol pour livre serait de 55 millions : mais 1° il y aura beaucoup de propriétaires fonciers dont le sol pour livre excédera la cote mobilière, et cet excédant, ne pouvant être imputé, ne doit pas entrer dans notre compte; 2° il y aura aussi beaucoup de contributions mobilières qui ne pourront demander de reprises, ou qui n'en demanderont que d’inférieures à leur cote mobilière : c�s deux objets diminueront d’un tiers ces 55 millions, et on ne doit porter en reprise que 36,700,000 livres, laquelle somme déduite de 58,700,000 livres, il restera seulement 22 millions d'obtenus pour l’année 1791, sur les cotes mobilières, celles des citoyens actifs, celles sur les domestiques, les chevaux et voitures, et la cote d’habitation : mais comme vous devpz retirer 67 millions, il vous resiera 45 millions à rejeter : 1° sur la cote mobiliè e jusqu’à ce qu’elle ait payé à raison du dix-huitième; 2° la totalité du restant sur la cote d’habitation. Or, le premier rejet, sur la cote mobilière, îusqu’à ce quYlle ait payé à raison du dix-huitième, donne sur celte cote une augmentation du dixième en sus; elle était de 40 millio s, elle sera de 44; et nos 45 millions à rejeter se réduiront à 41 millions, à répartir sur la cote d’habitation ; et comme nous avons déjà réparti 2,700,000 livres sur cette cote, elle se trouvera supporter réellement une imposition de 43,700,0uÔ livres pour une masse de loyers de 250 millions, c’est-à-dire près du cinquième et demi de la valeur des loyers. Or, comme uans les redevables de cette taxe il se trouvera au moins les deux tiers de propriétaires fonciers, j’ai eu raison de dire que près de 30 millions de la contribution mobilière seraient regardés comme imposition directe, sur les propriétés foncières, et payés à raison de cette propriété sur la cote d’habitation ; d’où il suit que cette énorme imposition sur la cote d’habitation, qui retombera en grande partie sur le pauvre propriétaire, en augmentation de ses autres charge s, donnera lieu à des réclamations, dont on ne peut calculer les suites, et à un retard dans la recette de 1791, qu’on peut hardiment estimer à plus de 20 millions. Le troisième article sur le droit d’enregistrement est porté à 42 millions de revenu net. Messieurs, la somme des droits perçus sous l’ancien régime, san.-' y comprend! e li s trais de régie, la généralité des domaines corporels, les hypothèques et la formule du papier marqué et des parchemins, était évaluée à un revenu net de 35 à 36 millions (1). Vos décroîs ont supprimé nominativement ou indirectement une foule de droits de recette et de perception, dont l’évaluation par approximation doit être portée à plus de 5 millions. Donc, en suivant l’ancien régime, la recette des droits remplacés par le droit d’enregistrement ne monterait qu’à 31 millions; mais comme leur extension à tous les départements, qui en étaient ci-devant exempts, pourrait former une augmen-taiion de près de 4 millions, nous supposerons que le produit de ces droits, sous l’ancien régime, s’ils avaient été perçus dans tout le royaume, aurait rendu 35 millions de net; c’est assurément bien étendre le maximum. Or, il est facib' de prouver que, même avec les amendements sur les successions et les quittances que vous avez adoptés, les recettes du nouveau droit d’enregistrement, qui les remplace, ne produiront pas ce qu’ils produisaient, parce que les augmentations ne po'tani que sur les actes de la plus grande valeur, toujours les plus rares, cette augmentation ne pourra compenser les déficits résultant du nouveau tarif, sur les i rois quarts au moins des actes au-dessous de 10,000 livres; et il y a les plus fortes raisons de croire que le droit d’enregistrement ne produira pas, cette un née 1791, 35 millions de net, au lieu de 42, espérés par le comité; ce qui occa-ionuera un déficit au moins de 7 millions. Les articles intermédiaires, jusqu’à celui des douanes, n’étant pas encore arrêtés, je n’ai rien à dire sur leurs produits présumés, puisqu’ils seront subordonnés à ce qui sera décrété; mais je m’arrête aux douane-, dont le comité a porté le revenu net, pour 1791, à 20 millions. Messieurs, en 1787, les revenus des traites avaient été portés à un revenu brut d’environ 37 miibonseidemi ;vousavez suppriméou projeté de supprimer ou modifier : 1° Les droits de l’intérieur montant à. . . 7,000,000 1. 2<> Sur les droits de sortie, environ ........................... 3,000,000 3° Sur les droiis ci-devant perçus sur les sels .................. 3,000,000 4° Sur les huiles ............... 2,00U,U00 5° Sur les toiles peintes ........ 1,000,000 6° Sur les péages .............. 1,000,000 7° Sur les marques de fer, jau-A reporter ..... 17,000,000 I. (1) Le produit brut de tous les droits domaniaux montait à ................. Pour réduire ce produit brut aux 35 millions environ des droits remplacés par le droit d’enregistrement, il faut déduire; savoir : Frais de régie ..... Domaines fonciers.. Cens rente , redevance ................ Droits seigneuriaux. Bois et forêts ...... Les 14 deniers pour livre de la valeur des coupes extraordinaires dans les réserves de gens de main-morte... Les hypothèques.... Formules de papiers marqués et parchemins. 4,672,000 l.\ 1,648,000 765,107 2,482,700 9,980,650 250,000 1,226,558 1,965,985 58,121,000 1. 22,991,000 Reste 35,130,000 1. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 janvier 1791.] 73 Report ..... 17,000,0001. ges, courtages , subvention par doublement , ..................... 1,000,000 8° Sur le domaine d’O; rident, au moins ....................... 3,000,000 Total ....................... 21,000,000 1. Resterait donc sur les anciens droits montant, en revenu brut, à 37 millions et demi, la somme de 16 millions et demi; d’où déduisant les frais de régie, montant à environ 8 millions, restera seulement de net 8 millions et demi. En effet. Messieurs, les changements opérés dans le tarif, en diminuant la plupart des droits, ne procureront pas encore, pour 1791, le bénéfice que l’on doit attendre de cette diminution et de son influence sur la fraude : 1° Parce que cette augmentation de recette n’aura lieu que graduellement et que lorsqu’on aura senti, oar l’expérience, qu’il vaut mieux paver un droit modéré que de s’exposer aux dangers de la contrebande; 2° La destruction des barrières, avant leur complet remplacement, a occasionné l’introduction d’une si prodigieuse quantité de marchandises en fraude, que l’année 1791 ne peut, qu’offrir une énorme baisse sur les droits d’entrée. Ainsi, ce >era très modéré que de ne porter qu’à 12 mill ons le déficit sur les 20 millions comptés en recette nette iar le comité. Je passe à l’art icle de la contribution patriotique, qu’il a portée en recette effective, pour 1791, a 35 millions. Vous ne penserez pas, sans doute, Messieurs, que les déclarations faites ou à faire vous donnent assez de certitude sur la véritable quotité de la contribution patriotique, pour que nous puissions compter réellement 35 millions, comme le tiers de sou produit. Que du déclarations conditionnelles ! que de cotes nultes paimi les fonctionnaires publics, qui ne seront pas remplacées ! que de déclarations resteront sans effets, ou par impuissance ou par la mort du contribuable, dont la succession divisée n’offrira plus 40U livres pour chaque copartageant 1 Enfin, combien de personnes ayant payé d’avance la totalité de leur contribution n’ont plus rien à payer ! Toutes ces considérations doivent être pesées; et, dans la chance des probabilités, on ne doit pas s’attendre à retirer, en 1791, plus de 25 millions de e t objet, qui laissera encore un déficit de 10 mi llio ns. Passons à l’article des forêts, porté à 20 millions. Messieurs, les bois domaniaux montent à un million quatre-vingt-treize mille sept cent cinquante-deux arpents, ci. . . . 1,093,752 arpents. Les bois des apanages, à.. 296,201 — Les bois aménagés, possédés ci-devant par les ecclésiastiques, ci .............. 1,106,496 — Les bois aménagés des fabriques, collèges, séminaires, ceux de l’ordre de Malte, ceux affectés aux salines, montant environ à 200,000 arpents, ne doivent Î>as être comptés ici; mais ’on doit compter environ Report ..... 2 , 496 , 449 arpent3 . 200,000 arpents, tant pour les bois non aménagés, possédés par les ecclésiastiques, que pour ceux qu’ils avaient en Alsace et en Provence, sur lesquels on n’a pu se procurer que peu de renseignements, ci ................. 200,000 — Total .......... 2,696,449 arpents. Au total pour tous les bois et forêts, maintenant nationales, 2,696,000 arpents. Ce n’est pas trop s’écarter que d’en distraire 75 mille arpents pour les forêts réservées au roi, et 420 mille pour les portions de bois qui seront aliénées d’après vos décrets et sur l’avis des départements. Restent environ 2,200,000 arpents sur lesquels la nation peut asseoir un r venu. Messieurs, ces 2,200,000 arpents sont de trois classes ; La première comprend toutes les forêts élevées en futaie et coupées, selon la fertilité du sol et la nature du bois, de 100 à 150 ans, pour des bois de construction. La seconde sera composée de tous les bois-taillis de chauffage. La troisième de tous les bois infertiles, servant plutôt à des pâturages qu’à des coupes réglées. Plaçons dans la première classe 500,000 arpents, dont le produit annuel, et tous les fras faits (ne saurait excéder 7 livres l'arpent), donnera par an ....................... 3,500,000 liv. Dans la seconde classe, plaçons 1.200,000 arpents, dont le revenu plus spécieux, en taillis pour le chauffage, peut produire à raison de 10 livres l’arpent, tous frais faits, ci ............. 12,000,000 A l’égard des 500 mille arpents infertiles, ou trop éloignés de la consommation pour produire au delà des frais nécessaires de garde, je pense que ce serait les porter bieu haut que de les évaluer 1 liv. 6 s. l’arpent, ce qui produirai!, pour les 5U0,000 arpents, ci ......... ........... 750,000 Total .......... 16,250,000 liv. Sur ces 16,250,000 livres, il faudra payer la contribution foncière, qui, d’après le plan du comité, serait de [dus du tiers du revenu net ; donc il resterait à peine 11 millions sur les 20 millions qui sont portés par le comité. Je retrouve une preuve de mou assertion par un autre raisonnement : les forêts ci-devant domaniales rapportaient, brut et année commune, 8 millions ; ces forêts étaient certainement la partie la plus spécieuse des forêts du royaume : les réserves ecclésiastiques étaient bien éloignées du degré de valeur qu’on ne peut leur refuser. Or si 1,093,732 arpeuts de première qualité ne rapportaient pas plus de8 millions, il est bien naturel de penser que 2,200,000 arpents moins également riches ne rapporteront pas plus de 16,250,000 livres, sur lesquels il faudra payer la contribution; et lorsqu’on voudra m’objecter qu’il y a des offres pour 25 millions, je répondrai ; 1° Que ces offres n’ont pas été faites avec A reporter , 2,496,449 arpents. 74 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 janvier 1791.[ assez d’authenticité, et par des personnes qui présentent une vraie responsabilité, en cas de mécompte dans leur spéculation ; 2° Que ces personnes spéculaient sur les produits des futaies existantes, dont les coupes prochaines offraient un appât bien propre à les égarer. Jusqu’ici, Messieurs, nous avons trouvé qu’il était naturel de présumer un déficit dans la recette effective de 1791, sur les objets présentés par le comité, et que ce déficit serait probablement de 150 millions sur les contributions foncières, ci ..................... 150,000,000 1. Sur les contributions mobilières ..................... .. .. 20,000,000 Sur le droit d’enregistrement. 7,000,000 Sur les douanes ............ 12,000,000 Sur la rentrée du don patriotique ........................ 10,000,000 Sur le revenu net des forêts nationales ................ .... 9,000,000 208,000,000 I. Total 208 millions de déficit sur la rentrée des revenus publics, que l’on pouvait considérer comme imposition ou hnant lieu d’imposition ert 1791, en observant cependant que sur les 208 millions, environ 170 millions, composant les ileux premiers articles, pourraient n’être considérés que comme retardés dans leur rentrée ; mais il n’en est pas de même des déficits sur les droits d’enregistrement, sur les douanes , sur les forêts , même sur la contribution patriotique. Ci s divers objets formant, comme nous venons de le voir, une somme de 38 millions, ne seront pas un simple retard , mais un déficit effectif pour 1791. Le comité, dans cette partie de son tableau, a offert des objets formant des revenus publics, et l’on ne peut que réclamer sur l’évaluation, en témoignant cependant quelque surprise de rencontrer au rang de ces revenus fixes la contribution patriotique, qui, n’étant qu’un impôt accidentel pour des besoins extraordinaires, n’aurait sûrement pas dû se trouver dans la classe des revenus annuels et permanents : celte contribution patriotique devrait d’autant moins êt: e employée dans cet état : 1° Qu’elle avait été affectée par un �décret .à d’autres objets ; 2° que, par la loi même qui l’a établie, il est expressément promis de la rembourser, lorsque l’argent tombera à 4 0/0, et comme par un effet assi z probable des payements que vous avez ordonnés, il pourrait se faire que l’argent, sous très peu de temps, éprouvât cette baisse, vous seriez alors dans île cas de la rembourser, bien loin de pouvoir l’employer comme un revenu annuel : il sera sûrement aussi peu aisé d’accéder aux motifs qui.ont porté votre comité à vous présenter comme devant servir à compléter la recette de 1791, de véritables capitaux qu’il vous propose d’anéantir, en les destinant à alimenter les dépenses ordinaires et annuelles, sauf aux législatures suivantes à pourvoir au remplacement. En effet, Messieurs, le comité vous propose de compléter .ta recette .de 1791 : 1° .avec la contribution patriotique qui, étant un secours extraordinaire, aurait toujours besoin d’un remplacement. dans deux ans, si l’on n’est pas force de la rembourser avant même que l’on ait achevé de la percevoir,; 2° il vous propose aussi la dette des Américains et celle sur le duc des Deux-Ponts; 3° il compte enfin sur 41 millions de reliquats du magasin de sel et de tabac , qui sont également dus capitaux. Certes, Messieurs, ce n’était pas pour établir en principe, dans une Assemblée constituante, la possibilité de faire concourir les capitaux à la dépense de l’année, que vous avez chargé votre comité de vous présenter un plan complet d’imposition ; il eût été facile, sans tarit de travaux, de décréter que l’on prendrait tant de millions sur la caisse de l’extraordinaire, pour remplacer le produit des impôts supprimés, laissant aux législatures suivantes le soin de les rétablir ou de les remplacer par tels moyens qui leur seraient dictés par les circonstances. Quoi! Messieurs, chacun de vous est pénétré de cette grande et profonde vérité, que la base de toute Constitution est l'assiette et le recouvrement de l’impôt; et l’impôt sera la seule partie de notre Constitution que nous laisserons incomplète ! Quoi I deux ans de travaux n’abou-tironi qu’à prouver de plus en plus à l’Europe que les finances ont été et seront toujours l’écueil où viendront se briser noire puissance et notre bonheur! Quoi! nous avons été appelés pour combler un déficit de 50 à 60 millions, et toutes nos réformes n’aboutiront qu’à en laisser un de 102 millions (1), même en doublant, pour ainsi dire, le produit des contributions foncières : car, Messieurs, c’est, dans toute la force des termes, laisser un déficit, que d’employer en rece'de des objets accidentels, ou aie forcer les produits au delà de ce que réellement ils peuvent fournir; et rejeter aux législatures suivantes le soin d’y pourvoir, ce serait donner lieu de penser, aux ennemis de la Révolution, que, impuissants pour recréer, nous avons indiscrètement détruit. Non, Messieurs , vous prendrez de vous-mêmes et de vos moyens une plus haute idée; vous compléterez votre ouvrage, et donnant à l’impôt toute l’importance qu’il mérite, vous ne terminerez pas vos séance-sans en avoir décrété les bases constitutionnelles, et sans avoir assuré, non seulement pour l’année 1791, mais encore pour les suivantes, toutes les ressources qui doivent établir l’équilibre entre la recette et la dépense.. Nous ne devons, Messieurs, attribuer l’insuffisance de nos résultats sur l’impôt, qu’à la marche irrégulière que nous avons suivie. Nous mous sommes livrés à la discussion des détails, et il fallait déterminer auparavant l’ensemble et ses proportions. Il faut une contribution foncière , il nous faut une contribuiion mobilière , il nous faut des impôts indirects |>our atteindre les propriétés qui se seront soustraites, sous les deux premiers modes, au devoir de l’impôt. Commençons, quelle que soit la quotité numéraire de l’impôt, par fixer la propoition qui existera entre les trois modes d’imposer. J’ai eu l’honneur de vous proposer, le 16 septembre, de mettre en délibération cette proportion, (1) Contribution patriotique.... ..... 35,000,000 Déficit sur les enregistrements ..... . 7,000,000 Sur les forêts ......... ..... ........ 9,000,000 Sur les douanes ............. ... ..... 12,000,000 La dette des Américains .......... 4,000,000 Les ateliers de charité et de mendicité oubliés pour .................... 15,000,000 Reliquat de sel et de tabac par an. 20,000,000 Total du déficit ........ 102,000 000 [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (7 janvier 1791. j 75 et je renouvelle aujourd’hui ma motion parce que les premières ba?es à décréter étaient d’abord la fixation de cette proportion. Plusieurs personnes avaient pensé que l’impôt, devant être déterminé tous les ans, d’après la connaissance des besoins de l’année, on ne pouvait admettre une proportion fixe et déterminée dans sa répartition ; mais je les prie d’observer que c’est la somme numérique des impôts qu’il est essentiel de fixer tous les ans, et non la manière de les répartir. En effet, quel inconvénient pourrait présenter une loi qui fixerait au moins, pour un certain nombre d’années, cette proportion? Qu’aurait de contradictoire un décret ainsi conçu? Les législatures décréteront chaque année la quotité numérique des contributions, d’après la connaissance des besoins de l’année. Les besoins de l’année seront de deux sortes : ceux qui résulteront des dépenses locales, et ceux qui seront une suite des dépenses générales. Les sommes nécessaires aux dépenses locales seront en entier imposées sur les propriétés foncières. Les sommes nécessaires pour subvenir aux dépenses générales seront ainsi réparties : 2/5 sur les propriétés foncières; 1/5 sur les propriétés et facultés mobilières; 2/5 en impôts indirects. JN’est-il pas certain que ce décret, sans inconvénient pour la détermination numérique des contributions, présente l’immense avantage d’éclairer chaque individu sur la partie des charges publiqm s que son genre de propriété sera dans le cas de supporter? Je pense n’avoir pas besoin de répondre à ceux qui prétendraient qu’il est impossible de décréter que les 2/5 seront en iinpôts indirects, parce qu’on ne peut connaître le produit qu’après la recette : oui, la première année; mais on parvient bientôt à une année commune, qui sert de mesure. D’autres personnes auraient désiré qu’au lieu de fixer la proportion à établir entre les trois genres de contributions foncières, mobilières et indirectes , on décrétât que dans aucun cas les propriétés foncières ne pourraient être imposés au delà du cinquième ou du quart de leur revenu net. Cette proposition est inadmissible : outre les difficultés annuelles, résultant des réclamations particulières, les propriétés foncières pourraient, selon les circonstances, se trouver, même en payant le maximum , proportionnellement moins imposées que les autres facultés ; et le grand principe de l’égalité, à raison des facultés, se trouverait blessé. Il n’en est pas ainsi de la fixation des proportions dans la répartition générale ; elle assure au contraire le principe, si l’on peut, d’après une discussion approfondie, bien établir les bases ; je suis bien éloigné de prétendre faire adopter rues vues sur ces bases, je veux seulement rendre compte des motifs qui me les ont fait préférer, Je vous ai proposé, Messieurs, dans mon opinion du 16 septembre, de décréter que la contribution foncière supporterait les deux cinquièmes des sommes à imposer pour les dépenses générales et en outre des impositions locales ; que les propriétés mobilières supporteraient un cinquième, et que les deux cinquièmes restants seraient répartis en impôts indirects; voici mes aperçus sur cette importante matière : Si je considère l’effrayante masse d’impôts portés, dans la première partie du tableau du comité, à 766 millions, mais que Ton doit réduire à environ 700 millions de réels et effectifs, je cherche par quel miracle cette énorme perception a pu s’opérer, et je ne puis l’attribuer qu’à deux choses : La première, à la multiplicité des moyens employés pour percevoir : jamais avec un ou deux impôts seulement on ne fût arrivé à de semblables produits. La seconde, c’est que seulement 180 millions étaient imposés directement sur les terres, et que le restant n’arrivait à grever la propriété foncière qu’indirectement ou par d s reprises en nature, exigées dans un instant où leur présence ne permettait pas de se refuser au payement. Ainsi même, en adoptant toutes les parties admissibles des comptes présentés par le comité pour prouver que les propriétés foncières étaient surchargées, je n’ai trouvé encore qu’une somme de 347 millions, supportée tant directement qu’indirectement par ces propriétés foncières; ce qui ne forme pas la moitié des 700 millions, montant des impôts généraux. Or, Messieurs, c\-st une bien plus forte proportion que j’ai eu l’honneur de vous présenter le 16 septembre, en demandant que les propriétés foncières supportassent les deux cinquièmes des impositions générales, et la totalité des dépends locales qui pouvaient représenter un dixième de ces dépenses, outre la partie importante de la contribution dite mobilière et celle des impôts indirects auxquels elles se verrout encore forcées de concourir. Maintenant si je jette les yeux sur l’Angleterre, dont le territoire cultivé et productif offre environ 30 millionsd’arpents, c’est-à-dire un peu moins du tiers de nos terres en valeur, je vois un système général d’impôt distribué de manière qu’un septième seulement frappe directement sur les terres. Je m’en demande la raison, et si je crois la trouver, au premier aperçu, dans la différence qui existe entre la somme des propriétés foncières, inférieures en Angleterre à celle des propriétés et facultés mobilières, la réflexion m’oblige bientôt à en chercher une autre, parce que cette différence dans les deux genres de propriétés, loin de se trouver dans la proportion d’un à sept, est à peine d’un à deux et demi, malgré l’effrayante dette publique, l’immense commerce et la banque créatrice, qui, ch z les Anglais, multiplient, en les exagérant, les fortunes mobilières. Obligé de chercher uue autre cause des ménagements accordés aux propriétés foncières dans l’assiette de l’impôt en Angleterre, une grande vue politique s’offre à ma pensée : je me dis, les Anglais ont voulu regagner, en productions extraordinaires de leur sol, ce qui lui manque en étendue ; ils ont senti que pour y réussir il fallait rendre les propriétés foncièrês, le genre de richesses le plus précieux, et que quelques millions perçus de moins sur les terres seraient amplement recouvrés par les impôts sur les consommations, dès qu’on pourrait en augmenter la masse. C’est, Messieurs, à cette sage et profonde mesure que les Anglais doivent (passez-moi l’expression) la splendeur de leur agriculture, etque ce premier peuple du monde comme commerçant, l’est encore comme laboureur. Des développements porteraient jusqu’à l’évidence cette assertion, mais nous sommes pressés d’arriver à des résultats; voici ceux des impositions anglaises, dans une des dernières années. Nous 76 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 janvier 1791.] avons réuni, sous on titre commun, tous les droits qui, sousdiverses dénominations, doivent cependant être considérés comme d’une même espèce : Taxe sur les terres. 56,250,000 1. \ Sur les boissons.. 146,250,000 1 Sur les douanes.. 90,COO,000 I Le timbre ......... 22,500,000 > 348,750,000 1. Sur divers objets l de luxe ou considérés | comme tels ......... 33,750,000 1 Cet aperçu peut donner des idées suffisantes pour apprécier les deux théories sur l’imi ôt, par rapport aux propriétés foncières dont l’ancien régime en France et le système aetuel de l’Angleterre nous fournissent des exemples. Ces exemples sont d’un grand poids. Ce qui, sous des régimes aussi divers ; ce qui, chez un peu p le libre et chez une nation asservie réussissait également, ne doit son adoption et ses succès qu’à de grands et puissants motifs : c’est ici le fruit que l’expérience a mûri. Je ne vous presserai point. Messieurs, de conserver ou d’établir tel eu tel impôt sur tel objet, et de telle manière; mais je vous répéterai sans cesse que, lorsqu’il s’agit du salut de l’Etat, on doit souvent moins consulter ce qui devrait être que ce qui a été : qu’en fait d’impôt, la sagesse des empires co< siste, surtout à ne rien hasarder témérairement; que, dcpos taires delà fortune publique, nous répondrons même des secousses que le p lus pur patriotisme pourrait y exciter. Qu’en un mot, c’est enmatièred’impôi que l’un ne peut arriver du mal au mieux qu’en passant par une infinité de degrés intermédiaires. Mais revenons, et ces-ant de nous appuyer sur des exemples, voyons si le raisonnement seul ne nous conduirait pas au même résultat. L’Assemblée nationale a manif sté son vœu de faire surtout participer l’habitant des campagnes aux bienfaits de la Constitution ; ses bienfaits sur les contributions sont de deux sortes : 1° Elle a voulu rendre justice en supprimant toutes les charges illégales que des siècles d’abus avaient accumulées sur les propriétés foncièi es ; 2° elle veut encore que le cultivateur éprouvp, comme les autres citoyens, le soulagement qu’une sage administration doit assurer à ious. Faisons donc l’énumération de toutes les charges ci-devant imposées, et voyons celles qui sont dans le cas d’être remplacées. 1° Les charges, ci-devant et uniquement supportées par certaine classe opprimée, doivent être supprimées sans remplacement; telles sont les corvées , les milices, les droits de francs-/îe/s, et tous li s droits et vexations énumérés dans la première partie du tableau du comité ; 2° Vous avez supprimé la mendiât'1 des moines et le casuel des curés; c’était un tribut purement volontaire, et vous ne pouvez dénaturer votre bienfait, en substituant une charge forcée à un impôt auquel on pouvait si aisément se soustraire. Ces deux parties à séparer de ce que portaient les terres ont été évaluées, par votre comité, à 100 millions environ. J.- suis loin d’admettre ces calculs; mais il est inutile de les combattre, puisque je ne veux plus reporter ces cent millions, ni en dépense ni en recette. A l’égard de la dîme, avant que d’examiner si elle était véritablement un impôt dans le c. s d’un remplacement, je vais la considérer comme impôt, et montrer que même sous ce point de vue, qui paraît être celui du comité, elle ne devait jamais être portée dans son tableau pour 133 millions, et encore moins être considérée, dans un de ses précédents rapports, comme motif d’une surtaxe sur les terres, d’après ceite fausse évaluation. Lorsqu’cn 1787 l’Assemblée des notables s’occupait du projet de l’impôt territorial en nature, on me fit, en ma qualité de laboureur, l’honneur de me consulter sur le produit qu’on devait en espérer, en l’imposant dans telle proportion avec le produit brut, et sur la manière de le répartir en raison des différences dans la fertilité des terres. Profondément convaincu des suites désastreuses de cet impôt, tel qu’il était conçu, je fus forcé à d’immenses recherches; et comme la partie des dîmes devait naturellement m’offiir des moyens de eomiaraison, j’opérai sur leur produit net et sur leur produit brut, en multipliant les méthodes propres a les évaluer, afin de m’assurer, pur les résultats, de la plus grande appt oximation possible. Les éléments de ces diverses opérations me conduiraient trop loin, s’il fallait les développer ici ; mai> je puis certifier à l’Assemblée que ces nombreux problèmes que j’ai tâché de résoudre, m’annoncèrent constamment que le produit brut des dîmes ecclésiastiques, non inféodées, n’ex< édait pas 85 à 90 millions, et que le produit net se portait, tout au plus, de 60 à 65 millions. Ainsi, en prenant le maximum du produit brut, il se composera de 65 millions de produit net, et de 25 millions de frais; les 25 millions de frais restaient presque en entier dans le lieu même où la dîme était prélevée. Et certes il ne serait pas juste de prétendre que ceux qui profitaient, par l’effet de la consommation et de l’habitation des percepteurs, de la presque totalité de ces 25 millions de frais, fussent tenus de les payer aujourd’hui, par un remplacement qui porterait loin de leurs foyers ce qui servait souvent à les alimenter. Quant aux 65 millions de net, une grande partie eiait consommée sur les lieux par les bénéficiers et religieux , et c’était un soulagement important. Mais ces 65 millions, seulement payés par certaine partie des propriétés foncières pour des dépenses générales dont tout le monde profitait, étaient une vexation exercée sur les propriétaires qui en étaient exclusivement chargés, et l’exacte justice exigerait, si l’on se décidait à un remplacement, de répartir ces 65 millions sur tous les genres de propriétés et de facultés. Or, comme je tâcherai de prouver que les revenus fonciers et ies revenus mobiliers sont à peu près égaux en France, il résulteque ces 65 millions devraient être partagés, et que, tout au plus, 32,500,000 livres devraient être imputés comme charge directe sur les propriétés foncières. Ce point éclairci, je vais considérer la dîme sous un autre aspect, et me demander si la dîme peut être regardée comme un impôt, exigeant un remplacement ; je crois pouvoir répondre par la négative. En effet, les dîmes accordées pour concessions de fonds, ou tout autre titre onéreux, rentraient dans la classe de tous les droits seigneuriaux, champarts et rentes foncières rachetables, et ne duiveut pas (dus iufluer sur l’assiette de l’impôt, que le rachat de Cis mêmes droits n’y influera lui-même. Quant aux dîmes qui n’ontaucun titre onéreux de concession, elles rentrent dans la classe de tous ces droits tyranniques que vous avez sup- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (7 janvier 1791.] primés sans indemnité. Il n’est dû, pour cette suppression, aucun remplacement; il en serait d’autant moins dû, que la dîme ne portant pas sur le sol , mais seulement sur certaines récoltes , on pouvait souvent s’y so istruire. Nous ne regarderons donc point cette suppression de la dîme, ainsi que la suppression de toutes les barrières intérieures qui gênaient le commerce, comme devant entrer en considération dans l’assittte de l’impôt; ce sont des abus de moins, depuis que vous les avez détruits; et la seule question qui vous reste à résoudre n’est point comment on remplacera tel ou tel objet supprimé, mais comment on parviendra à répartir, avec une égalité proportionnelle sur tous les genres de faculté, les contributions à décréter. Pour arriver à ce but , commençons par chercher les moyens d’évaluer nos richesses foncières et nos richesses mobilières : des aperçus, même très vagues, ne doivent pas être rejetés, et vous permettrez que je vous soumette les miens. Les propriétés et facultés mobilières des particuliers d’un empire se composent de plusieurs objets : 1° La dette active de l’Etat et son numéraire ; ces objets présentent en France huit milliards de capitaux, et un revenu de. . . . 400,000,000 1. 2° Des salaires publics; ils sont en France d’environ 340 millions ................. 340,000,000 3° ü s bénétices sur la balance du commerce extérieur ; ils étaient estimés autrefois à. 60,000,000 4° Des bénétices du commerce intérieur, obtenus par l’achat, la mise en œuvre et la revente au propriétaire foncier de toutes les productions du sol nécessaires à ses besoins, que nous comptons ici pour.. 250,000,000 Total des revenus et facultés mobilières..., ............... 1,050,000,000 1. J’ai compté pour 250 millions la partie des bénéfices que l’industrie intérieure retire de ses achats, mises en œuvre et reventes aux propriétaires fonciers, des productions de leur sol. En effet, cette industrie doit s’étendre sur la moitié environ de tous les revenus bruts du sol cultivé ou productif, que l’on doit évaluer à un milliard; et comme les bénétices sur l'achat, la mise en œuvre et la revente sur cette partie des productions doit être au moins de 25 0/0, dans ces diverses mutations, nous devions réellement porter, comme nous l’avons fait, à 250 millions cette branche de revenu mobilier : et ce qui sert de preuve à mon assertion sur ce fait, que la masse des productions du sol, achetée , mise en œuvre et revendue au propriétaire foncier, sur laquelle l’industrie bénéficie de 25 0/0, est d’environ un milliard, c’est qu’il existe près de 2 millions 500 mille chefs de famille propriétaires, dont les familles toujours plus nombreuses dans cetie classe doivent offrir 15 millions d’individus. Or, chacun de ces 15 millions d’individus doit dépenser, le riche compensant le pauvre, pour son vêtement et les objets de main-d'œuvre , qu’il ne peut se procurer lui-même par le seul secours de sa propriété, environ 65 à 70 livres par an ; et pour les 15 millions d’individus, une somme de un milliard cinquante millions, positivement 77 la même que celle portée dans le compte ci-dessus. Nous pouvons donc regarder comme une approximation juste, à très peu près, celle de un milliard cinquante millions que j’ai obtenue pour la masse des propriétés et facultés mobilières, imposable en France. J’ai tâché, Messieurs, en traitant la contribution foncière, d’évaluer aussi la masse des revenus fonciers imposables, et j’ai cru pouvoir les porter alors à un milliard soixante-quatorze millions. J’arrive encore aujourd’hui au même résultat, d’une manière plus simple que par la méthode synthétique, suivie dans mon opinion imprimée le 5 octobre. La France a environ 100 millions d’arpents cultivés et pro luctifs ; le prix moyen de chaque arpent est de 250 livres, ce qui produit un capital de 25 milliards, dont le revenu, à 3 0/0, terme moyen du produit des terres, est de 750 millions, lequel revenu, réuni au produit des loyers qui étaient ci-devant de 350 millions, donne encore un revenu semblable d’environ 1,100 millions. Il est vrai que la masse des loyers va diminuer, mais aussi les bénéfices de la balance du commerce extérieur, que j’ai comptés pour 60 millions, sont presque anéantis; mais ces déficits ne tarderont pas à être compensés, dans les deux genres de propriétés, par les suites heureuses de la Révolution. 11 résulte de ces approximations qu’en France on peut présumer que les revenus fonciers et les revenus et facultés mobilières présentent, à peu de choses près, la même masse imposable et devraient se trouver également imposés. Mais comme les revenus fonciers sont les seuls assez apparents, pour ne pas faire craindre de grandes rreurs dans la répartition s ir ce genre de propriété, et que ne pouvant que très difficilement estimer les revenus et facultés mobilières individuelles , on s’exposerait à degrandes injustices, si l’on voulait établir, comme dans la contribution foncière, la presque totalité de la contribution mobilière en contribution directe : il faut d’abord ménager davantage les propriétés et facultés mobilières, quant à la quotité des taxes auxquelles elles doivent concourir, ensuite employer des moyens indirects pourarriversans violence à leur répartition ; et c’est pour y réussir que j’ai proposé d’imposer directement sur les propriétés foncières toujours connues, ou plus susceptibles de l’être, les dépenses locales et les deux cinquièmes des dépenses générales, et de ne répartir directement sur les propriétés et facultés mobilières qu’un cinquième des impositions générales, mais de les atteindre indirectement pour le surplus, en établissant des impôts indirects pour les deux cinquièmes restants des impositions générales, dans lesquels les propriétés et facultés mobilières se trouveront obligées de concourir pour environ les trois quarts et demi de ces deux cinquièmes. Un exemple va rendre très sensible ce calcul et prouver que, d’après la base de répartition proposée, les propriétés foncièœs, malgré les amendements apportés au plan du comité, supporteront eocore une proportion de charge excédant celle qui devrait leur être imposée, si l’on voulait arriver à une égalité véritablement proportionnelle. Nous supposerons avec le comité que le montant général des besoins locaux et généraux exige 560 millions d’impôt. 78 [Assemblée nationale.] D'après mon plan, voici la manière dont ces 560 millions seraient répartis. Les revenus fonciers supporteraient : 1° Pour les dépenses locales, environ le dixième des impôts, ci ........................... 56,000,0001. 2° Les 2/5 des 504 millions restants pour les dépenses générales, ci ........ 201,600,000 3° Environ un dixième de ces dépenses générales pour la partie de la contribution mobilière à raison des loyers, et pour celle des impôts indirects auxquels seront forcés de concourir les propriétaires fonciers, ci.... 56,000,000 Total de ce qui serait supporté directement ou indirectement par les propriétés foncières ..................... 313,600,000 1. A l’égard des propriétés et facultés mobilières, elles supporteraient en apparence : 1° Le cinquième des impositions générales montant à.... 100,800,000 1. 2° Les deux cinquièmes des impositions générales, établies en impôts indirects, montant à ..................... 201,600,000 Total.... ..... 302,400,010 1. [.' Mais il faut en déduire les 56 millions portés ci-dessus, comme devant être indirectement supportés par les propriétés foncières... 56,000,000 Reste......... 246,400,000 1. Donc il ne resterait de réellement imposé directement ou indirectement sur les propriétés et facultés mobilières, que...;...., ......................... 246,400,000 Lesquels 246,400,000 livres complètent, avec les 313,600,000 livres sur les propriétés foncières, les ............... 560,000,000 1. On doit convenir que de semblables résultats peuvent nous suffire pour tranquilliser notre justice en faveur des propriétés et facultés mobilières, puisqu’avec des revenus presque égaux, imposables à ceux des propriétés foncières, elles supporteront réellement un sixième de moins. En effet 256 millions imposés sur environ 1 milliard 50 millions de revenus et facultés mobilières ne sont pas tout à fait le quart de ces revenus et facultés, tandis que 313 millions imposés sur 1 milliard 74 millions de revenus fonciers sont beaucoup plus du quart. Payer plus du quart de son revenu imposable paraît une bien lourde charge, mais nous avons l’espoir d’obtenir bientôt tous les soulagements que doit amener le nouvel ordre de choses, et par la mise dans le commerce des domaines nationaux, qui vont sensiblement augmenter tous les genres de revenus, et par l’extinction de la dette qui diminuera les besoins. Peut-être aussi que nous sentirons un jour, à notre tour, la nécessité d’imiter nos voisins, en perfectionnant le système de nos impôts indirects, de manière à amener entre nos divers genres de propriétés la proportion des impôts anglais sur les terres : alors se développeront pour nos neveux toutes h s ressources de l’industrie agricole; alors, et seulement alors, la France, si bien traitée par la nature, jouira de toute la plénitude de ses bienfaits. Mais en attendant cette [7 janvier 1791.] brillante époque de nos destinées, une vérité dont les habitants des villes doivent se pénétrer, et que les créanciers de l’Etat doivent se répéter à chaque minute, c’est que ce qui fournit à leurs besoins, à leur splendeur, à leur luxe, à l’acquittement de leurs intérêts, c’est le grand atelier des campagnes. Paralyser cette sublime manufacture de tous les biens, c’est tarir dans leurs sources les canaux qui leur apportent la vie. Habitants de nos cités, propriétaires de maisons, créanciers de l’Etat, et vous, négociants, vos intérêts vous commandent ce que la justice exige. Le laboureur ne peut améliorer sou champ, qui vous nourrit, qu’avec son superflu; le réduire au nécessaire, c’est suspendre tous les effets de son industrie; prendre sur son nécessaire, c’est en étouffer tous les germes. Mais assez, et trop peut-être, nous sommes-nous arrêtés sur des principes généralement convenus; reveuons aux termes de ma proposition, celle de fixer la proportion à établir entre les contributions foncières, mobilières et indirectes. Lorsque ces trois bases de proportion auront été décrétées d’après les divers projets qui vous seront soumis dans la discussion, nous nous occuperons des moyens de faire efficacement concourir les propriétés mobilières; et si le mode, à raison des loyers, déjà décrété pour cette contribution, ne permettait pas de porter à une certaine quotité l’impôt à raison des loyers, le timbre, dont le mérite est surtout d’atteindre les capitalistes et les facultés cachées, sera réuni à la contribution mobilière pour compléter ce que ces propriétés doivent supporter. A l'égard des impôts indirects, vous les distinguerez d’abord en impôts sur les consommations, et en impôts ajoutés aux salaires dus pour divers services publics : ainsi vous pourrez regarder comme susceptibles de fournir un impôt sur les consommations, les droits sur les entrées et sorties du royaume, les droits sur les entrées des villes, les droits sur la consommation du tabac, les droits sur les boissons, etc. Vous pourrez ensuite regarder la formule d’en-regisireimnt des actes civils et judiciaires, la conservation des hypothèques, le service des postes aux lettres et messageries, les droits de tuai que d’or et d’argent, les caries à jouer, les poudres et salpêtres comme susceptibles de supporter un impôt additionnel aux prix du salaire, à raison du service rendu. Lorsque les lumières d’une discussion suffisante nous auront décidés sur le nombre et le mode des moyens que vous préférerez pour établir les deux cinquièmes des impôts généraux, en droits indirects, vous fixerez la somme approximative à laquelle vous croirez devoir porter l'impôt sur tel ou tel droit : ainsi, par exemple, si vous jugez que les boissons doivent supporter un droit de 25 millions; que le tabac doive en supporter un de 36, vous demanderez à votre comité de l’imposition un plan d’impôt sur les boissons et sur le tabac, qui laisse espérer une perception égale à celle que vous aviez fixée. Si, à la lia de i’aunée, i’expérieace prouvait qu'on a porté le droit ou trop haut ou trop bas, dans le premier cas, le surplus de recette servirait en décharge pour l’année suivante; dans le cas contraire, c’est alors que l’on pourrait faire un usage convenable des capitaux, en prenant sur la caisse de l’extraordinaire pour faire face au déficit qu’une très excusable inexpérience nous aurait mis dans le cas d’éprouver, soit par la quotité de nos tarifs, soit par toute autre ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 janvier 1791.] 79 cause. Et cette circonstance nous fournit, Messieurs, une observation très importante : notre inexpérience même, dont on ne peut nous faire un crime, lorsque nous en conviendrons, et que nous prendrons des mesures efficaces pour en diminuer les inconvénients ; cette inexpérience même nous oblige à conserver tous les types d’impôts actuellement existants, en modifiant leur régime, afin que nos successeurs puissent juger, avec connaissance de cauœ, de ceux que le vœu du peuple aura repoussés ou moins défavorablement reçus ; de ceux qui, par la facilité des rentrées, présenteront le plus d'avantages; de ceux, en un mot, dont il faudra seulement restreindre ou étendre la latitude. Ce n’est qu’en suivant cette marche, Messieurs, que vous arriverez à obtenir un impôt suffisant pour nos besoins, et exactement réparti, à raison des facultés. Si, dès le mois de septembre dernier, vous aviez voulu adopter, en les modifiant, les bases qui vous furent présentées, l’impôt serait établi et se percevrait. Il est temps de terminer ce grand ouvrage, et les difficultés ne se sont multipliées, que parce qu’un désir immodéré de perfection nous a éloignés trop subitement des routes anciennes. Nous avons voulu proscrire tous les anciens modes, et peut-être eût-il été plus salutaire de se borner à les modifier. Sachons du moins profiter de ce qui nous reste ; nous trouverons amplement, encore, de quoi subvenir à tout, eu écartant des perceptions les formes in juisitoriales qui les avaient rendues odieuses. De quoi s’agit-il ? de trouver 560 millions pour 1791, puisque votre comité vous annonce que les dépenses n’en exigeront pas davantage, môme en y comprenant les dépenses locales. Hé bien, essayons de trouver ces 560 millions; trouvons-eu même 575, ali tique les secours pour la mendicité s'y trouvent portés. Faisons notre compte : Sir 575 millions la mendicité entre pour 15 millions, et les dépenses locales pour 40 à 45 millions. Imposons sur les propriétés foncières une somme de 60 millions, outre celle qui sera versée au Trésor public, pour compléter les secours de la mendicité, et subvenir aux dépenses locales; et ces deux objets se trouveront soldés. Restentmaiütenantles515 millions destinés aux dépenses générales, et qui devront être versés au Trésor public : mais de ce3 515 millions, 5, destinés aux ponts et chaussées , pourront être perçus, au moyen de barrières à toutes les postes, pour l’entretien des routes ; reste donc 510 millions pour lesquels je propose : 1° De porter la contribution foncière, outre les 60 millions pour les dépenses locales et la mendicité, à ...................... 204,000,000 1. 2° De porter la contribution mobilière, à raison des loyers, à une somme qui, réunie au produit du droit de timbre , nous offre un produit net, pour le Trésor publie, de (1) . . .......... 102,000,000 A reporter ..... 306,000,000 1. (1) La contribution foncière proposée dans ce plan, étant seulement de 264 millions, avec les dépenses locales, au lieu de 316, que nécessiterait le plan du comité, on a lieu de présumer que cet allègement dans les taxes foncières favorisera la perception de la contribution mobilière, et qu’au lieu de 20 millions de déficit que » Report ..... 306,000,000 1. 3° D’établir, en impôts indirects, pour compléter les deux cent quatre millions restants (1) : 1° un droit pour la conservation des hypothèques qui, réuni au droit d’enregistrement et au revenu des forêts nationales et des salines, fournira au moins, Pour hypothè-t ques ........... 5,000,000 I. j Pour foréts(2). 12,000,000 f Pour salines.. 3,000,000 \ Pour d roi ts ( d’enre g i s t r e-l ment .......... 35,000,000 ) 2° IJu droit sur les douanes nationales, qui (misse assurer, pour l’avenir, environ (3) ...... 3° Un droit sur les entrées de Paris et des autres villes du royaume qui puisse assurer environ ........................ A reporter ....... 419,000,000 1. l’on devait prévoir, si l’on eût imposé 315 millions sur les terres, on n’en éprouvera qu’un très faible, si l’on n’impose que 264, parce que le propriétaire foncier fournira d’autant plus aisément à l’une, qu’il seramoius grevé par l’aulre. (1) En déterminant tel impôt indirect sur tel objet et pour une telle quotité de revenus, j’ai seulement voulu présenter des exemples de ce qu’on pourrait faire : mais le seul principe, auquel j’attache de l’importance, est celui qui fixera la proportion des impôts indirects avec les impositions générales, sauf à discuter ensuite les moyens de details pour organiser, d’une manière analogue à nos nouvelles lois, le mode des perceptions sur telle ou telle branche de notre commerce ou de nos consommations. (2) Cet article me fournit deux observations : 4° j’ai porté le revenu net des forêts à 12 millions au lieu de 11 pour lequel je l’ai compté plus haut parce que la contribution foncière, en suivant le plan du comité, eût ôté sur ces forêts d’environ un million de plus qu’on suivant le plan proposé. La seconde observation, c’est que les forêts et les salins étant des revenus publics et non des impôts, n’auraient pas dû se trouver dans cette partie du Budget, je pense qu’il serait très avantageux de leur substituer un impôt iniirect quelconque pour garder ces revenus publics assurés, pour faire face aux non valeurs des autres impôts, ou servir de bases, avec les extinctions de rentes viagères, à une caisse d’amortissement. (3) Ce revenu sur les douanes, ainsi que celui sur le tabac, proposés ci-après, seront bien éloignés de produire en 1791 les sommes pour lesquelles ils sont ici portés pour l’avenir ; mais ces premiers instants de crises passés, le tabac surtout deviendra un objet de la plus grande importance, par l’augmentation de la consommation inévitable, quelque plan qu’on adopte, parce que dans tous, on en baissera beaucoup le prix, et que si nous pouvons un jour réduire ce prix au-dessous de 40 francs, la consommation générale ne tardera pas à s’élever au-dessus de 50,000,000 de livres ; il ne s’agira donc alors pour obtenir les 36,000,000 1. que d’un droit additionnel à la valeur de la chose de 14 à 13 francs par livre. Or, si quelque objet de consommation est susceptible de prêter à cet impôt additionnel, c’est sûrement celui, qui n’est que de luxe ou de fantaisie. Ne perdons jamais de vue que la meilleure façon d’imposer, est celle où le contribuable est-appelé au payement de Fimpôt par le désir d’une jouissance, et que la plus désastreuse, comme la plus vexaloire, est celle où celui qui manque de moyens, parce qu’une nombreuse famille a absorbé tous les produits de sa terre, voit vendre, pour payer l’impôt de l’année, jusqu’à la semence qui devait produire sa subsistance, et de quoi payer l’impôt de l’année suivante. 55,000,000 18,000,000 40,000,000 80 [8 janvier 1791. | [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Report.... 419,000,000 1. 4° Parmi les plans qui vous ont été ou vous seront présentés, vous pourrez en trouver plusieurs qui vous fourniront un moyen d’établir un droit sur la consommation du tabac, de ..... 36,000,000 5° Un droit sur les boissons, de ............................ 25,000,000 6° Un droit sur les postes aux lettres, de .............. . ..... 15,000,000 7° Un droit sur les loteries, les messageries, les cartes à jouer, les affinages et marques d’or et d’argent, les poudres et salpêtres, d’environ ................ 15,000,000 Total des droits et contributions à faire verser au Trésor public, ci ....................... 510,000,000 1. Ce résultat, Messieurs, est d’autant plus satisfaisant que les moyens dont il sera la suite ne sont point difficiles à mettre en action : la plupart des instruments existent ; il ne s’agit que de modifier leurs mouvements, de manière à ce qu’ils ne puissent jamais blesser la liberté civile, grand et unique but de nos travaux. Je ne prétends pas cependant que nous n’éprouverons aucun déficit sur les recettes proposées; il y en aura dans tous les systèmes : mais celui que j’ai l’honneur de vous soumettre, en sera le moins susceptible; il nous sera facile de remplacer celui qui pourra en résulter, par un sacrifice sur les capitaux, sacrifice qui ne portera aucune atteinte à la confiance publique, parce qu’on sentira que nos erreurs n’ont été que l’effet inséparable des circonstances, et qu’il nous était d’autant plus difficile de les éviter, qu’elles tenaient à la nature même des choses. 11 n’est qu’un moyen, Messieurs, d’appeler cette confiance salutaire, sur laquelle repose la prospérité des empires : c’est d’établir un système d’impôt, qui, sans employer des moyens rigoureux, sans présenter de résultat effrayant et incertain, donne toutes les probabilités possibles d’égaliser la recette à la dépense, et pour le présent et pour l’avenir. L’étendue des développements que l’on retrouve dans mes opinions, dont vous avez ordonné l’impression, et le prix de votre temps, me défendent de les répéter ici. Je vous demanderai seulement la permission de répondre aux objections qui pourront être faites dans le cours de la discussion, si vous mettez ma proposition en délibération. Mais quel que soit, Messieurs, le succès de mes efforts, dut-il ne pas répondre à mon zèle, une récompense dont j o�e le croire digne, c’est votre approbation. ASSEMBLEE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. D’ANDRÉ, EX-PRÉSIDENT. Séance du samedi 8 janvier 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier, qui est adopté. M. d’Estagniol. Hier, j’ai fait au comité ecclésiastique une motion qui a été accueillie à l’unanimité; je crois que c'est ici le moment d’en faire mention. Il y a dans le nombre des fonctionnaires publics ecclésiastiques plusieurs d’entre eux qui ont beaucoup de bonne foi en refusant le serment ; ceux-là sont les amis de la Constitution. Il y en a d’antres qui sont de mauvaise foi. Je crois que l’Assemblée peut faire une distinction et il est bien aisé de les distinguer. En voici le moven : c’est de connaître ceux qui, huit jours après la publication du présent décret, donnent volontairement leur démission. Ceux-là mérite la bienfaisance de l’Assemblée nationale. Je demande qu’il y ait un article additionnel au décret rendu hier sur le clergé et qu’il soit dit que ceux des ecclésiastiques fonctionnaires publics qui quitteront dans la huitaine, après la promulgation du décret, conserveront leur traitement. Plusieurs membres demandent le renvoi de la motion au comité ecclésiastique. M. Bouche. Je m’oppose à la motion du préopinant. A la faveur de cette prétendue bonne foi, de ce sens intime qu’on ne voit pas, parce qu’il est dans le cœur, des séditieux, des rebelles, des factieux prétendraient que leur conscience les guide, et ils auraient la satisfaction humiliante d’être récompensés du mal qu’ils auraient fait, et de recevoir des mains du législateur le salaire de leur désobéissance à la loi... Il avait été fait une motion sage ; je ne sais pourquoi elle n’a pas été adoptée. Elle consistait à décréter que les évêques ou curés, qui se retireraient sans motif légitime, n’auraient aucun traitement, ou tout au plus les moyens d’avoir du pain. C’est de cette manière qu’il faut punir ceux qui, refusant d’obéir aux lois, prendraient le parti de la fainéantise pour laisser les fidèles sans pasteurs, et pour faire croire au peuple que la religion est anéantie. ( Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Plusieurs membres demandent l’ordre du jour. (L’ordre du jour est adopté). M. de Follcville. J’ai à vous proposer un article additionnel au décret que vous avez rendu hier sur les messageries ; c’est que les citoyens aient la faculté de se servir à toute heure des voitures publiques, en payant une rétribution un peu plus forte. U est intéressant de faciliter, autant qu’il est possible, les communications entre les principales villes du royaume. En diminuant les prix des messageries, vous avez favorisé les voyageurs peu aisés; il faut aussi favoriser, par la promplitudedu service, ceuxqui ont les moyens de payer une plus forte rétribution. Si vous ne vous occupez pas de cet objet, les maîtres de poste prétendront que les messageries portent atteinte à leurs droits. Ce que je vous propose, c’est d’établir une concurrence avaniageuse entre les messageries et la poste, qui avait acquis, par son privilège exclusif, le droit de vexer les voyageurs. M. Dauchy, rapporteur. 11 faut décréter que les voyageurs pourront traiter de gré à gré avec (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.