148 [Assemblée national®.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 octobre 1790.] Les écrivains de la veuve Gas la font donc mentir sur deux faits principaux. Cette adresse est un recueil de faussetés, et une suite de déclamations calquées sur les écrits des officiers municipaux de Nîmes (1). Le nommé Gas n’était point, comme le dit le mémoire, un marchand de vin accrédité; il tenait simplement un bouchon à Nîmes, devant la porte du Palais. Il était du nombre des légionnaires à poufs rouges, et un des plus furieux ligueurs. Il eût été absurde de s’adresser à cet homme dont l’opinion et les rapports n’étaient point ignorés, pour l’engager à appuyer une liste de bons citoyens; et quand on lui fait dire avec une noble fierté: « Je suis libre, et je ne veux faire tomber « mon choix que sur ceux qui me seront désignés par la vertu », ce beau discours sera regardé comme une invention ridicule par tous ceux qui ont connu cet homme. On voulut fouiller, dans la journée du 14 juin, la maison de Gas. On opposa de la résistance; on tira, des fenêtres, quelques coups de fusil; la maison fut forcée, et le cabaretier fut tué. Je suis loin d’excuser les désordres qui se sont commis à Nîmes; la colère, la chaleur du combat, l’opiniâtreté de la résistance sont même de faibles excuses pour ce qui s’est passé dans la ville. Mais que dira-t-on sur les meurtres commis à la campagne, loin du tumulte des armes? Un M. Noguiér et sa femme, âgés de plus de 70 ans, massacrés par les légionnaires à houpe rouge, dans le temps qu’ils dînaient tranquillement ; un M. Maigre et son fils, les plus respectables négociants de Nîmes, massacrés de sang-froid à quatre lieues de la ville; un enfant de 12 ans du sieur Peire, assassiné tandis qu’il allait porter à dîner à son père, occupé à la campagne; de pauvres ouvriers, descendus des Gévènes pour le travail des vers à soie, tués par ces hommes féroces, dès qu’ils étaient connus pour protestants. Voilà les horreurs que j’aurais voulu taire pour l’honneur de l’humanité et de ma patrie, et que les indignes mémoires fabriqués par M. Boyer, substitut du procureur delà commune de Nîmes, et colportés par le maire, son digne collègue, me forcent à publier. L’Assemblée nationale rendra bientôt un décret qui apprendra à toute la France quels sont les véritables auteurs de nos malheurs et de nos troubles. On saura que le prétexte de la religion, saisi par les ennemis de la Révolution, a occasionné ces scènes d’horreur, que ces ennemis n’ont pas craint d’exposer le pays qui nous a vus naître à la plus horrible dévastation, pour tâcher de soutenir leurs anciennes prérogatives, en séduisant le pauvre peuple par un motif si respectable, et en renouvelant une haine qu’on n’avait pas lieu de soupçonner avant les perhdes manœuvre qu’ils ont osé se permettre sous les dehors trompeurs d’une fausse piété. (1) La femme Gas, pour donner un prétexte spécieux au voyage qu’on l’a engagée à faire à Paris, allègue qu’elle n’est venue à la suite de l’Assemblée nationale, que parce qu’elle n’a pu faire entendre sa plainte à M. Brunei, procureur du roi, et à M. Fajon, lieutenant-criminel. L’intégrité généralement connue de ces magistrats, et le choix que viennent de faire d’eux les électeurs du district, pour le nouveau tribunal, les disculpent d’avance de cette téméraire assertion : ils sauront bien la réfuter ; mais je n’ai pu me défendre de leur rendre ce témoignage. La confiance des électeurs qui m’ont honoré moi-même de leurs suffrages pour une place de suppléant, me rend la cause de ces magistrats en quelque sorte personnelle. Attaché sincèrement à ma patrie et à la religion catholique que j’ai le bonheur de professer, je le déclare hautement, je n’ai vu dans toute cette malheureuse affaire que les machinations des ennemis de la Constitution : je déclare hautement que si la religion pouvait être attaquée, je voudrais être un de ses plus ardents défenseurs, que je me croirais heureux, si les circonstances l’exigeaient, de verser jusqu’à la dernière goutte de mon sang, pour rendre hommage à la foi de mes pères qui n’est nullement en péril. Mais ici, Messieurs, je crois les catholiques indignement calomniés, quand les anti-patriotes donnent exclusivement ce nom respectable aux séditieux qui lèvent une tête rebelle contre les décrets de l’Assemblée nationale ; quand ils ont tenté, dans les campagnes de Jallez, de soulever les peuples, sous les faux prétextes que la religion était attaquée ; quand sept officiers municipaux de Nimes osent signer un écrit propre à réveiller les haines, et à exciter des troubles sur des événements dont les bons citoyens voudraient pouvoir anéantir la mémoire; quand ils présentent comme un complot fait pour détruire la religion, la défense que les patriotes ont opposée à leurs machinations. Mais iis vont bientôt être connus et obtenir la justice qu’ils ont droit d’attendre de celle de l’Assemblée nationale. Dans le décret qu’elle va porter sur l’affaire de Nîmes, elle saura bien discerner des vrais patriotes , ceux qui en empruntent le masque tardif et trompeur ; et\son jugement, en frappant sur les vrais coupables , consolidera bientôt l'opinion publique (1 j . Je suis, avec un profond respect, Messieurs et chers collègues, votre très humble et très obéissant serviteur, Jean-Henri Voulland, citoyen d'Uzès, député du département du Gard à l'Assemblée nationale . TROISIEME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 30 OCTOBRE 1790. Nouvelle adresse de la veuve Gas et de ses enfants à l'Assemblée nationale , en réponse à la lettre (1) C’est ainsi que s’expriment les administrateurs du département du Gard, dans une adresse qu’ils ont présentée, le 25 septembre dernier, à l’Assemblée nationale. Iis s’y plaignent amèrement, que les officiers municipaux se sont permis de traiter de libelle incendiaire , le récit que ces administrateurs furent chargés de rédiger par ordre exprès de l’assemblée électorale des événements arrivés à Nîmes, les 13, 14, 15, 16 et 17 juin dernier. Ce récit a été adressé à l’Assemblée nationale et au roi, par les commissaires du département du Gard. « Tous les faits, disent les administrateurs chargés « de la rédaction , qui sont consignés dans ce récit furent œ scrupuleusement examinés; chaque phrase, chaque « mot furent sévèrement discutés: le corps adminis-« tratif jugea qu’il devait se renfermer dans un énoncé « exact de ce qui s’était passé sous ses yeux; il s’abs-a tint de tout raisonnement, de toute réflexion, et vou-« lut que son premier pas dans l’honorable carrière qui a venait de lui être ouverte fût marqué du sceau de « l’impartialité. Le mensonge est audacieux et violent, « la vérité doit être simple et calme. » L’adresse et le récit dont il est fait mention seront remis, avec plusieurs autres pièces, à MM. les députés: on les prie de vouloir bien porter leur attention sur ce récit, en les comparant avec tous ceux dont les officiers municipaux inondent la capitale et la province. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 octobre 1790. J 149 que M. Voulland, député du Gard, a adressée à MM. les députés à l'Assemblée nationale (1). Messieurs, une malheureuse veuve dont on a pillé la maison, dont on a massacré le mari, et qu’on a réduite, avec six enfants, à la misère la plus affreuse, devait-elle s’attendre, lorsqu’elle vous lit le véridique récit de ses infortunes, qu’on oserait la taxer d’imposture? Pouvait-elle supposer que des meurtriers, d’infâmes assassins, qui ont encore les mains teintes du sang de son époux, élèveraient leurs voix coupables, et ne seraient pas accablés sous le poids des remords ? Certes, cette impudente audace a lieu de la surprendre ; mais puisqu’il faut qu’elle combatte de nouveau ces monstres implacables, qu’ils descendent sur l’arène et bientôt on verra que l’égide de l’effronterie dont ils se couvrent ne peut pas suffire pour les mettre longtemps à l’abri des étincelles qui jaillissent de toutes parts du flambeau de la vérité. La veuve Gas a vu avec la plus vive douleur gué l’un de vous, Messieurs, se livrant à des illusions bienfaisantes, qui font l’éloge de son cœur, a pris, dans une lettre qu’il vient de vous adresser, la défense des sieurs Marc-Antoine Ribot et Isaac Vincent. J’aurais gardé un silence respectueux et profond, en attendant le décret qui doit fixer mon sort, si M. Voulland , trompé par de perfides correspondances, ne vous eût présenté, comme des vérités, les calomnies qu’on a mises en usage pour noircir la mémoire de mon époux. Mais le témoignage d’un représentant de la nation est d’un si grand poids, que la réputation de mon mari serait à jamais flétrie, si je ne la justifiais aux yeux de l’Assemblée nationale et de la France entière. Je dois cette satisfaction à l’ombre plaintive de l’infortuné Gas et je vais la lui donner. Ah ! si sa femme, si ses enfants ont tout perdu, si des scélérats leur ont tout enlevé, doivent-ils souffrir encore qu’on leur arrache le seul bien qui leur reste, l’nonneur? Non, sans doute, ils ne le doivent pas et ils verraient de nouveau rassembler autour d’eux et armés de leurs fers homicides, les Fayet, les Ribot , les Vaissière , les Blanc-Pascal, les Vincent , les Pascaly, les Vicioux, les Bernaras, les Cassenac et tous leurs complices, qu’ils s’écrieraient avec ardeur : Infâmes ! commettez, s’il le faut, un crime de plus, ils vous coûtent si peu 1 Mais n’espérez pas que nous laissions flétrir, sans nous plaindre, la mémoire de notre père, de mon époux, comme nous avons laissé piller, sans nous plaindre, nos meubles, nos effets, notre argent et toute notre fortune. Le bon cœur de M. Voulland se décèle et, qui le croirait, le rend suspect dès la seconde page de sa lettre. On impute, dit-il, le meurtre de Gas A UN DE MES PARENTS, dont la probité et la douceur de caractère sont généralement connus; c'est M. Ribot. Ce langage est bien celui d’un parent tendre et compatissant; et si l’amitié de M. Voulland l’aveugle, il est beau toutefois de s’aveugler ainsi. Mais le sieur Ribot n’est pas tel que son parent l’imagine ; et nous osons l’assurer, qu’il est bien loin d’être digne de son attachement; car c’est bien le sieur Ribot qui marchait à la tête des assassins de Gas. Il peut se rappeler qu’il entra avec le sieur Isaac Vincent chez un de leurs voisins, catholique, dont les deux fils étaient gardes nationaux; il doit se souvenir qu’il dit à cet homme : Où sont vos fils? Il faut qu’ils mar-(1) Nous devons la communication de cetle pièce à l’obligeance de M. Ferdinand Boyer, député du Gard. chent; que le père désolé ne voulait pas laisser sortir ses fils, parce que, disait-il, avec raison, on massacre tous les catholiques. Le sieur Ribot sait bien qu’il lui répondit alors : Soyez tranquille, mon ami, quand je suis à la tête de ma compagnie, il n'y a rien à craindre. Ce tendre père embrasse ses deux fils et leur dit : Puisqu'il le faut, mes amis, partez, mais laissez-vous plutôt tuer que de tirer sur vos concitoyens, je vous le recommande; allez, que le ciel conserve vos jours et qu'il prenne pitié de notre malheureux sort. Ah 1 certainement le sieur Ribot a perdu tout cela de vue ! Un homme comme lui est-il fait pour sentir et pour apprécier les élans de la vertu ? Il n’éprouve pas seulement des remords ! D'après la connaissance que j'ai du caractère et des mœurs de mon parent, ajoute M. Voulland, il m'a été impossible d’ajouter foi d ce récit. Quel est l'honnête homme qui ne penserait pas comme cet honorable membre de l’Assemblée nationale? Peut-il même être permis d’avoir d’autre pensée ? Non, très certainement, non. — Mais quelle différence il y aurait eu dans la façon de voir de M. Voulland, s’il avait su que le sieur Ribot ne cessait de faire preuve, depuis le commencement de la Révolution, des sentiments les plus factieux et les plus fanatiques; s’il avait vu le sieur Ribot, lors de l’émeute du mois de mai, posté au coin de la salle de spectacle, encourager du geste et de la voix les soldats du régiment de Guyenne à fondre, le sabre à la main, sur les malheureux catholiques; s’il avait appris que, lors de la tenue du camp fédératif de Boucoiran, le sieur Ribot s’y comporta d’une manière telle que le sieur d 'Azémard, major général de la fédération de Nîmes et protestant, n’a pas craint de dire que le sieur Ribot était l’auteur des désastres de notre ville 1 Quelle différence il y aurait eu enfin dans la façon de voir de M. Voulland s’il n’avait point ignoré que le sieur Ribot disait à un soldat catholique de sa compagnie : Nous avons l'œil sur toutes vos démarches, et si vous bougez , Dieu vous préserve que la Gardonnenque descende !... Que pense maintenant M. Voulland des mœurs et du caractère du sieur Ribot ? Je suis désespérée de retracer tous ces faits; mais il le faut pour la justification de mon époux : dois-je permettre que sa réputation soit ternie? Et s’il m’est impossible de supporter la honte, même sur le front d’autrui, comment pourrais-je supporter qu’elle rejaillît sur le mien et sur celui de mes enfants? Cette adresse est un recueil de faussetés et une suite de déclamations calquées sur les écrits des officiers municipaux de Nîmes. C’est un tissu de faussetés ! Quoi, mon mari vit donc encore? Le monstre Cassenac n’a donc pas lavé ses mains dans son sang? Le scélérat Fayet n’a donc pas crié mille fois : Il nous faut la tête de Gas, M. Ribot la veut? Je n’ai donc pas entendu moi-même cet horrible cri ? Mille témoins n’ont donc pas vu massacrer mon époux ? Plus de deux mille autres n’ont donc pas vu Ribot et Pascaly, à la tête de ceux qui ont pillé ma maison, faire des lots de mes effets, les leur distribuer et les aider même à charger pour les emporter? Quoi! l’on n’a donc pas mis la corde au cou de ma fille aînée ? On n’a donc pas tiré plus de quarante coups de fusil sur mon fils aîné ? Blanc-Pascal n’a donc pas meurtri le sein de ma fille cadette avec un pistolet, et Moulins, son satellite, ne l’a donc pas menacée avec son épée? Quoi 1 d’autres pillards n’ont donc point arraché les croix d’or du cou de mes enfants ? Quoi 1 M. Brunei de La Bruyère et M .Fajou n’ont donc pas refusé d’écouter [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [30 octobre 1790.] mes plaintes ? Quoi ! je ne suis donc pas mainte-i nant dans la capitale, n’ayant pu obtenir justice dans mon département, pour solliciter celle des représentants. de la nation ? Ah ! plût à Dieu que tout cela ne fût qu’une illusion ou un roman ! et plût à Dieu que mon époux respirât encore! Que m’importeraient Ribot et Fayet , Vincent et Ber-naras, Blanc-Pascal et Cassenac? Que m’importeraient tous leurs complices, de qui je n’aurais point alors à me plaindre ? Je gémirais sans doute sur les crimes horribles qu’ils n’auraient pas moins commis envers un grand nombre de mes «concitoyens; mais je me consolerais avec mes enfants, avec mon époux !... 11 n’est plus et je vis 1 il n’est plus et l’on calomnie sa mémoire ! Ah ! M. Voulland , par quel prestige faut-il que vous vous laissiez prévenir jusqu’au point de douter de la vérité, malgré les nombreuses preuves que j’ai offertes, tandis que vous croyez sans preuves des criminels qui vous disent eux-mêmes qu’ils ne sont pas coupables ? - Le nommé Gas tenait simplement un bouchon à Nîmes ; il était du nombre des légionnaires à poufs rouges et un des plus furieux ligueurs. Que mes ennemis appellent l’endroit où nous tenions notre vin, un bouchon ou une taverne , qu’importe ! Mais quel est le bouchon où l’on trouve à piller pour plus de 30,000 livres de vin, de meubles ou d’effets ? Il s’agit ici du pillage de ma maison, des excès commis envers ma famille et envers moi, de l’assassinat de mon mari, et je ne dois pas m’arrêter à réfuter une dénomination ridicule. J’aurais dû au contraire ne pas en parler et repousser, avec toute la force et toute l’indignation dont je suis capable, la perfide imputation qu’on fait à mon mari d’avoir été du nombre des légionnaires à poufs rouges et un des plus factieux ligueurs. Mon époux ne fut jamais d’aucune compagnie; il n’était pas du nombre des légionnaires à poufs rouges ; je défie qui que ce soit de le prouver, et je suis si certaine de ce fait, que, si l’on parvient à l’établir, je consens à porter ma tête sur un échafaud. Je ne réponds pas à la qualité de factieux liguews, parce qu’elle tombe d’eîle-même et que tout le monde sait bien qu’il ne peut point exister de ligueur là où il n’existe point de ligue. S’il y en avait une, c’était parmi les protestants, qui, comme on s’en est assuré depuis lors, avaient envoyé des émissaires dans tous le3 environs, pour faire venir le dimanche tous leurs brigands à Nîmes; c’était parmi les protestants, qui, cinq heures avant que le massacre commençât, faisaient battre la générale à Saint-Jean-de-Gardon-nenque et dans d’autres bourgs ou villages éloignés même de 12 et 15 lieues ; c’était parmi les protestants, qui faisaient vendre à Paris, quarante-huit heures avant qu’on pût en savoir la nouvelle, les détails prétendus exacts des massacres que ces perfides disaient qu’on exerçait sur les protestants de Nîmes ; c’était parmi les protestants, qui massacraient alors plus de 300 catholiques, et qui, employant avec art l’arme à deux tranchants de la calomnie, s’en sont servis traîtreusement envers ceux mêmes qu’ils ont assassinés : et c’est ce qu’ils ont fait envers mou mari. On voulut fouiller dans la journée du 14 la maison de Gas. On opposa de la résistance; on tira des fenêtres quelques coups de fusil ; la maison fut forcée et le cabaretier fut tué. Ce passage ressemble tellement au tissu maladroit des calomnies que le club de Nîmes a ourdies dans son adresse, qu’on croirait qu’il en est extrait, si M. Voulland n’en avait fait usage. Ne dirait-on pas, en le lisant, que c’est à cause de la résistance qu’opposa mon mari, qu’on força outre maison et qu’on le tua ? Eh bien ! rien* de tout cela. Point de résistance, puisque, dès le lundi matin qu’on vint chercher mon mari pour la première fois, il s’enfuit en traversant une cour et que je demeurai seule avec mes enfanta. Point de coups de fusil ; puisque, dans la fouille qu’on fit chez moi, on ne trouva ni armes ni munitions. Quels regrets n’éprouvera donc pas M. Voulland, lorsqu’il apprendra que mon mari ne fut pas tué, comme il le dit, le 14 juin et qu’il ne le fut que le lendemain 15? Qu’on ne le tua point dans sa maison, mais qu’une compagnie à la tête de laquelle les sieurs Ribot et Vincent marchaient,. alla le prendre dans l’endroit où il s’était réfugié, pour le conduire au Palais, où il fut assassiné et percé de mille coups par la troupe mémo qui le conduisait ? Pour quelle raison donc attribuer les désordres commis à Nîmes à la colère , à la chaleur du combat, à V opiniâtreté, de la dé-' fense, quand il n’y eut ni combat, ni défense, ni colère ? Nos bourreaux nous assassinaient de sang-froid ; nos bourreaux allaient prendre, pour les massacrer, les blessés dans leur lit, ou entre les bras de leurs femmes et de leurs enfants; nos bourreaux dansaient, au son des instruments* autour des cadavres qu’ils avaient entassés. Quoi 1 le massacre de plus de 300 pères de famille catholique peut-il être excusé par la mort de dix-neuf protestants postérieurement assassinés? Et quand ils auraient été tués avant, aurait-il fallu pour cela faire un massacre? Le sang protestant serait-il donc si précieux qn’il en fallût racheter quelques gouttes par des torrents de sang catholique? Ah! malheureusement, on n’en a que trop versé de l’un et de l’autre ; et c’est parce qu’on en a trop versé, qu’il faut mettre désormais les scélérats dans l’impossibilité d’eu verser davantage et qu’il faut punir de part et d’autre tous ceux qui en ont versé. J’ai répondu, je pense, à tout ce que M. Voulland a dit de mon mari dans sa lettre ; mais ]& dois faire observer, avant de passer aux pièces justificatives, qui y sont jointes, que ces pièces ne sauraient justifier ni Ribot ni Vincent,, ni personne. L’honorable membre le sait bien, et il n’a été certainement porté à en faire usage que par son excessive sensibilité. Quand on possède cette vertu, par quelle fatalité faut-il avoir des parents si peu dignes de l’exciter en nous ? Les déclarations que les sieurs Vincent et Ribot ont signées, pour assurer qu’ils n’étaient pas du nombre de ceux qui ont pillé ou assassiné mon mari, ne sont pas des pièces fort probantes; car quel est le criminel qui, pour échapper au supplice qui l’attend, ne signerait pas de semblables déclarations ? Mais, dans la défense que le bon cœur de M. Voulland lui a fait publier, il fallait bien dire quelque chose; et il est si difficile d’excuser le crime ! Quant à nous, prouvons que les pièces justificatives dont il est ici question ne justifient personne et démontrons que M. Voulland n’en a fait usage qu’en désespoir de cause. La première est uu précis de la conduite de Marc-Antoine Ribot. Je ne discuterai que ce qui me regarde. Pendant toute la journée au lundi, y a-t-il dit, je n'ai pas approché la maison du sieur Gas , et je suis en état d'en faire la preuve. A quoi servirait cette preuve d’un fait négatif, quand j’ai offert et que j'offre encore de prouver moi-même, par quarante témoins, s’il le faut, que le lundi, vous, Marc-Antoine Ribot , vous étiez chez moi avec Pascaly l’horloger ; que vous faisiez avec ce der- 14>1 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 octobre 1790.] nier des paquets de mes effets ; que vous les donniez aux pillards; et que, vous érigeant en arbitre parmi ces voleurs, vous disiez à l’un que son lot était trop fort et que vous faisiez augmenter celui de l’autre. J’ai offert et j’offre encore de prouver, que le mardi vous étiez avec le sieur Isaac Vincent , à la tête des assassins qui allèrent prendre Gas dans son asile et l’emmenèrent dans la cour du Palais où il fut assassiné sous vos yeux ; je ne dis pas que vous ayez, comme Cassenac, trempé vos mains criminelles dans son sang, je l’ignore; mais je dirai et j’affirmerai, que ma maison n’aurait pas été pillée, que mon mari n’aurait pas été assassiné, si vous n’aviez pas l’un et l’autre marché à latêtedes pillards et des meurtriers. Oserez-vous dire maintenant, Marc-Antoine Ribot, que les faits rapportés dans le mémoire de la veuve Gas sont faux et très faux pour ce qui vous regarde et que vous ne redoutez aucunement les preuves et que vous n'avez vu Gas ni mort ni vivant? Vous ne redoutez pas les preuves! Eh bien, que les directoires du département du Gard et district de Nîmes souffrent que je les fasse, et bientôt on vous verra frémir, non de rage comme vous le fîtes lorsque vous conduisiez mon époux à la mort, non de cette horrible satisfaction que vous manifestâtes, lorsque le mardi soir vous marchiez sur le cadavre de mon époux pour entrer dans ma maison qu’on démolissait, mais de cette profonde terreur que l’appareil de la justice im prime dans Pâme du coupable. Si elle est tardive quelquefois, cette justice, elle n’en est pas moins terrible! Rappelez-vous qu’en 1567, les prêtres et les catholiques de Nîmes furent massacrés par vos pareils, qui comblèrent un puits de leurs cadavres, comme vous en avez comblé cette année l’immense fosse de l’Hôtel-Dieu, dans laquelle vous jetiez de la chaux vive pour empêcher qu’on les reconnût et qu’on en sût le nombre. Souvenez-vous que les catholiques eurent l’héroïsme, cinq ans après, de ne pas exécuter, sur leurs bourreaux, les ordres de Charles IX. Mais ne perdez jamais de vue que les principaux auteurs du massacre de la Michelade périrent sur la roue, et que le plus grand nombre d’entre eux n’échappa que parla fuite au glaive vengeur des lois. La seconde et la dernière pièce dite justificative est un certificat qui prouve qu 'Isaac Vincent a sauvé la maison de feu M. l’abbé Lapierre du pillage. Mais, s’il a empêché cette maison d’être pillée, il n’a pas empêché, comme il le pouvait, le malheureux Gas d’être massacré ! M. Vincent dément aussi cette calomnie par une preuve péremptoire, dit M. Voulland; c'est qu'étant électeur , il ne sortit point de l’assemblée électorale. Examinons cette preuve péremptoire ; voyons si elle mérite quelque confiance. Et d’abord, comment Isaac Vincent a-t-il fait, comme il la déclaré à M. Voulland , pour ne point sortir le 15 de l’assemblée électorale, et que ce même jour, il se soit transporté, ainsi qu’il résulte du certificat remis comme pièce justificative, à la tête de sa compagnie, dans la maison de M. Lapierre; qu’il sont allés de là chez le sieur Aubri, colonel de la troupe nationale, pour lui rendre compte , — etq ue, quelques heures auparavant, le sieur Isaac Vincent se soit rendu, ainsi que le prouve le même procès-verbal près la maison de Surville, pour dissiper un attroupement qui s’y formait ? Que le sieur Isaac Vincent nous explique maintenant comment il a fait pour aller le lundi chez M. Lapierre, chez M. Surville , à la maison commune, etc., sans sortir de l’assemblée électorale? Et s’il en est sorti pour faire toutes ees courses, pourquoi n’en serait-il pas également sorti pour se mettre à la tête des assassins de mon mari? Voilà donc le frêle échafaudage de la défense des sieurs Vincent et Ribot renversé. Voyons maintenant celui que veut dresser un des assassins de mon mari, celui qui, le premier lui plongea la baïonnette dans le sein, celui qui trempa ses mains dans son sang et s’écria : Allons, amis , lavons-nous les mains dans le sang d’un aristocrate (1); en un mot, le monstre Auguste Cas-senac, qui vient de faire insérer dans le Moniteur, une lettre que très certainement il n’a pas faite, dans laquelle il atteste que Gas n'a été tué que parce que plusieurs coups de fusil partirent de ses fenê tres et parce qu’on trouva dans sa cave un baril de poudre. Il n’est qu’un homme vil comme Cassenac qui puisse mentir avec cet excès d’impudence. Mais quelle preuve apporte-t-il pour étayer cette calomnieuse assertion ?Aucune. Et depuis quand unassas-sin doit-il être cru sur sa parole? Je sais bien que le projet de ses perfides conseils est de vouloir faire croire que des catholiques de Nîmes ont tenté de faire une contre-révolution, et que mon mari était du complot; mais il n’en est pas plus de preuves que des prétendus coups de fusil tirés de ma maison, que du prétendu baril de poudre trouvé dans ma cave. D'ailleurs, comment aurait-on tiré des coups de fusil de ma maison, puisque le mardi, jour auquel Cassenac sait bien qu’il alla chercher mon mari pour l’assassiner et qu’il l’assassina, il n’y avait plus personne dans ma maison, d’où j’avais été ebassée la veille avec mes enfants? Dès le mardi, de très grand matin, n’acheva-t-on pas de piller ma maison même, qu’on avait commencé de piller la veille et que l’on continua de piller sous les ordres de Ribot et de Pascaly? Si donc les pillards furent le lundi et le mardi chez moi, d’où mon mari s’enfuit à leur première approche, est-il possible qu’on ait tiré des coups de fusil de mes fenêtres? Qui les a tirés? Pourquoi Vincent, Ribot et Cassenac ne le disent-ils pas? Pourquoi? Parce qu’ils ne le sauraient. Pourquoi? Parce qu’ils savent bien que mon mari n’était pas dans sa maison, et que c’est dans une autre maison, assez éloignée de la mienne, qu’ils allèrent le prendre pour l’assassiner. En voilà bien plus qu’il ne faut, je pense, pour la justification de mon mari. Je conclus donc, et je dis que dans l’état actuel de la question, ou je suis coupable de calomnie, ou les Ribot, les Vincent, les Pascaly, les Cassenac , les Bernaras, les Vicioux, les Vaissière, les Paulian, les Jourdan et plusieurs autres sont coupables du pillage de ma maison et de l’assassinat de mon mari. Eh bien, qu’ils viennent avec moi se constituer prisonniers; qu’on nous juge et que la loi punisse les coupables. À ces mots, je tes vois pâlir, je les vois frissonner; ils feignent de ne pas m’avoir entendue. Tels sont tes criminels 1 Mais toi, Cassenac, toi que mon malheur excessif me fait encore rencontrer quelquefois dans les rues de la capitale, quelles affaires ont pu t’y faire demeurer depuis que la .garde, se disant nationale, de Nîmes, t’y députa à la Fédération? N’y serais-tu resté que pour avoir l’audace de me calomnier et pour me faire voir tous les jours l’assassin de mon époux? Si tu es innocent, je t’ai bien insulté, demandes-en justice; rends-toi dans les prisons du Châtelet et je m’y rendrai incontinent après toi. Mais tu n’auras pas ce courage. Eh bien, je (1) Voyez, pour tous les détails, ma première adresse à l’Assemblée nationale. [30 octobre 1790.} jg2 [Assemblée nationale*) ARCHIVES PARLEMENTAIRES# te dénonce à la garde nationale, dont tu ôses dire que tu fais partie, je te dénonce à tout Paris, je te dénonce à toute l’Europe, je te dénonce à l’univers entier comme un des assassins de mon époux. Songe maintenant que tu ne peux plus frayer avec les honnêtes gens, sans être lavé de celte inculpation, et souviens-toi bien qu’il ne suffit pas pour cela de nier les faits et de calomnier, dans un journal, les catholiques de Nîmes; mais qu’il ne faut rien moins qu’un jugement pour te rendre l’honneur que tu as perdu. Ne crois pas non plus que les certificats que mendie dans ce moment Marc-Antoine Ribot , puissent vous disculper les uns et les autres. Ne crois pas que vous puissiez l’être par tout ce qu’ont dit ou ce que pourront dire le club et la garde, se disant nationale, de Nîmes; l’un est l’auteur de tous nos maux; l’autre est pour le moins coupable de ne les avoir point empêchés, et conséquemineut ils sont suspects l’un et l’autre. Demande donc, comme moi, qu’on nous juge, et ne sollicite pas, ainsi qu’on le sait, pour tes pareils et pour toi, une amnistie, qui serait éternellement leur honte et la tienne. Tel est mon dernier vœu, j’ai cru devoir le manifester, et je crois devoir supplier de nouveau l’Assemblée nationale, à mon nom et à celui de ma malheureuse famille, de vouloir bienordon-ner, conformément aux décrets rendus pour Mon-tauban le 26 juillet, et pour Schelestadt le 15 août, que l’information commencée devant les juges de Nîmes, relativement aux troubles qui ont eu lieu dans cette ville pendant les mois de mai et de juin, demeurera comme non avenue; et, d'après le déni constant et réitéré de recevoir la plainte de la suppliante et celle de la veuve Bouzanquet et de tant d’autres veuves et orphelins qui sont dans le même cas ; d’après les refus faits par les sieurs Brunei de La Bruyère, procureur du roi, et par le sieur Fajou , lieutenant criminel, d’entendre et de faire entendre les nombreux témoins et de constater l’assassinat atroce et prémédité du sieur Jean Gas, le pillage de sa maison et les excès de tous les genres commis envers sa famille; ordonner que, pardevant tels juges étrangers au département du Gard, qu’il plaira aux augustes représentants de la nation d’indiquer, et à la diligence de la partie publique, qu’il sera informé de l’assassinat du sieur Jean Gas, du pillage de sa maison, de la proscription de toute sa famille, du partage de son argent, de ses meubles, effets et bijoux, circonstances et dépendances. A l’effet de quoi, la présente requête, signée par la suppliante, et toutes les autres pièces relatives qui pourront être fournies par elle seront incessamment adressées à la dite partie publique, pour être informé contre les sieurs Auguste Cassenac, Marc-Antoine Ribot , Bernaras , taffetassier, Cabrit , praticien, Blanc-Pascal , Pa - parût , Isaac Vincent , Pascaly , horloger, Gaujoux, refiler, Bertrand , père et fils, aubergistes, Boudon, uissier, et tous autres auteurs, fauteurs et complices desdits excès, pillage et assassinat : et à signé, à Paris, le 20 novembre 1790. Bertrand, veuve Gas. PIÈGES JUSTIFICATIVES. N° I. Précis de la conduite que moi, Mare-Antoine Ribot , capitaine de la légion nlmoise , dès les premiers moments de sa formation, et actuellement capitaine de la garde nationale , compagnie n° 18, ai tenue dans les malheureuses journées du mois de juin. Le treize à cinq heures et demie du soir, étant à l’esplanade, j’entendis tirer des coups de fusil dans la ville ; je me rendis dans le moment chez moi ; je trouvai partie des volontaires de ma compagnie ; chacun prit son fusil, et je fus avec eux à l’hôtel-de-ville pour y joindre la compagnie, numéro 1, qui était de garde; j’y restai jusqu’au lendemain, à quatre heures du matin ; et pendant la nuit, je m’occupai à prévenir tout fâcheux événement ; deux sergents de la compagnie du sieur Descombiés, pourraient déposer qu’ils furent arrêtés par M. S. Pons, major de la garde nationale, et moi, sous les arcades de l’hôtel-de-ville, environ minuit, portant leurs fusils ; les leur ayant enlevés ainsi que leurs poufs rouges, afin qu’ils ne fussent pas reconuus, nous les en-ageâmes à se retirer chez eux. Sur les cinq eures du matin, je me rendis à l’esplanade, où plusieurs compagnies se rassemblaient ; dans la matinée, je fus envoyé, avec plusieurs autres compagnies de légionnaires, dans le faubourg de la Madeleine, pour fouiller les maisons suspectes, et faire la recherche des armes. Les maisons de MM. Bragouse et Cabanel, qui sont dans ces quartiers, furent respectées, et ce ne fut que le lendemain que les troupes étrangères y firent des dégâts; l’après-midi du lundi, je fus chargé de me rendre aux casernes avec deux cents hommes, pour favoriser la sortie des canons; nous essuyâmes, en passant au cours des Bourgades, plusieurs coups de fusil ; ensuite, pour entrer dans les casernes, nous reçûmes plusieurs décharges, des remparts de la ville, où étaient postés les légionnaires, commandés par Descombiés, Froment et Folacher : pendant toute la journée de lundi, je n'ai pas approché la maison du sieur Gas, et je suis en état a’en faire la preuve. J’observerai que je ne l’ai vu ni mort ni vivant. Le mardi, me trouvant sur l’esplanade, le sieur Boudon, huissier, vient me dire qu’il fallait fouiller la maison attenante à celle du sieur Gas (pour lors le sieur Gas était mort) : je lui répliquai que j’avais visité l’intérieur des arènes, et que dans cette maison, il n’était pas à présumer qu’il y eût des gens cachés ; il persista, et voulut absolument que j’y allasse ; je pris avec moi huit à dix légionnaires et le sieur Boudon pourvisi-ter cette maison qui se trouve entre celles qu’habitait le sieur Gas et les arènes qui appartiennent actuellement à la ville ; cette maison n’était occupée que par deux ou trois femmes, n’ayant pas bonne réputation. Quel fut mon étonnement de' trouver dans un grenier le sieur Vidal, procureur de la commune, et le sieur Laurens, officier municipal, cachés, le premier travesti avec une veste de cotonnade à la provençale. Pour les garantir de tout événement, attendu qu’ils étaient regardés publiquement comme les moteurs des troubles, j’envoyai les légionnaires que j’avais avec moi à leurs postes à l’esplanade, leur déclarant que je répondais de ces deux messieurs ; je dis a MM. Laurens et Vidal, que je ne voyais pas d’autres moyens, pour les garantir, que de les conduire dans la salle électorale. Je fis quitter la la veste qu’avait le sieur Vidal, et Boudon lui fit donner l’habit d’un soldat semestrier qui se trouva dans la cour de cette maison. Je ne perdis point un moment pour les conduire dans la salle électorale ; je les remis à M. le président, sous la sauvegarde de la loi ; ils ont rendu ces faits au- | Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [30 octobre 1790.] {53 then tûmes, et mes plus cruels eunemis ne sauraient les nier. Le mercredi je fus chargé de me rendre avec ma compagnie et celle de M. Affortit, au-devant d’une charretée de pain qui était envoyée par la municipalité de Saint-Gilles; étant à attendre dans le village de Gaissargues, le sieur Durand, sergent d’une compagnie des Froment, vint tomber dans mon détachement ; mes légionnaires le reconnaissant pour l’un des principaux auteurs des événements, voulaient le pendre; j’empêchai qu’ils le fissent. Je le fis conduire dans les prisons avec recommandation qu’il ne lui arrivât pas la moindre chose, ce qui fut exécuté. Ce sieur Durand étant élargi, vint me faire ses remerciements; ce fait est attesté par le sieur Durand lui-même, et il est notoire à Nîmes. Je me borne à ce récit, en protestant que ma conduite, pendant les quatre jours qu’ont duré nos malheurs, est irréprochable; que les faits rapportés dans le mémoire de la veuve Gas sont faux et très faux, pour ce qui me regarde ; et je ne redoute aucunement les preuves. Nîmes, ce 18 octobre 1790. Signé : Marc-Antoine Ribot. N° II. Nous soussignés certifions que le quinze juin dernier, ayant été informé que des gens armés avaient entouré la maison de feu M. l’abbé La-pierre, théologal de l’église de Nîmes, oncle de mon épouse, et qu’ils menaçaient d’en enfoncer les portes , je fus prier et requérir M. Isaac Vincent, négociant et capitaine d’une des compagnies de la légion nîmoise, de me faire l’amitié de se transporter à la tête de sa compagnie, en ladite maison, pour prévenir ce dont elle était menacée, et arrêter par là le désordre qui en aurait pu résulter, à quoi il se prêta de la meilleure grâce du monde : étant arrivé en ladite maison, j’en fis ouvrir les portes, et sur ce que l’on m’avait assuré que les personnes à moi inconnues m’avaient menacé d’en enfoncer les portes, que parce qu’elles croyaient qu’il pouvait s’y être caché de3 personnes suspectes, ou qu’elle pouvait renfermer des armes; pour prévenir ce désordre et mettre désormais ladite maison à l’abri de toute incursion, je priai mondit sieur Vincent de vouloir bien faire procéder à une perquisition générale dans toutes les pièces de la maison, et dans le jardin; ce qu’il eut la bonté de faire faire en ma présence, avec tout l’ordre possible. Cette opération faite, n’ayant trouvé aucune sorte d’arme, et encore moins des personnes cachées dans ladite maison, M. Vincent crut qu’il convenait que nous allassions ensemble à la maison commune de cette ville pour donner connaissance de la descente que je l’avais requis de faire, et y étant arrivés, nous rendîmes compte à M. Aubri, colonel de la troupe nationale de cette ville, qui se trouvait alors avec M. Vincent Plauchut, de ce qui venait de se passer. Je déclare, de plus, que quelques heures auparavant, la maison que j’habite ayant été investie par des gens armés, la plupart étrangers, sous le spécieux prétexte qu’on avai t tiré de la tour un coup de fusil, des personnes du voisinage furent prier le même M. Vincent, pour l’engager de venir arrêter le désordre qui pouvait s’ensuivre d’un pareil attroupement. Il s’y rendit en effet, et je n’ai qu’à me louer de la manière dont il s’employa pour maintenir le bon ordre pendant tout le temps que dura la visite qu’on fit dans la maison, ce que je déclare contenir vérité. Fait à Nîmes, le 17 octobre 1790. Signé : Surville. QUATRIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 30 OCTOBRE 1790. Nota. La pièce ci-dessous, imprimée et distribuée, fait partie des documents de l’Assemblée nationale. Exposition des principes sur la constitution du CLERGÉ par les évêques , députés à l'Assemblée nationale. L’Assemblée nationale délibérant sur la constitution civile du clergé, A décrété que chaque département formerait un seul diocèse. Elle a désigné le chef-lieu des nouveaux diocèses. Elle a formé dix métropoles dont elle a marqué l’arrondissement. Elle a supprimé les métropoles et les évêchés qni ne sont pas compris dans le nombre des diocèses et des métropoles qu’elle a dénommés. Elle défend de reconnaître, en aucun cas, et sous quelque prétexte que ce soit, l’autorité d’un évêque et d’un métropolitain, dont le siège serait établi sous la dénomination d’une puissance étrangère. Elle prononce l’extinction et la suppression des chapitres des églises cathédrales, ainsi que des églises collégiales, des chapitres réguliers et séculiers, et des abbayes et des prieurés en règle ou en commende, de l’un et de l’autre sexe, et des chapelles, chapellenies, prestimonies, et de tous les titres de bénéfices, autres que les métropoles, les évêchés et les cures, sans qu’il puisse jamais en être établi de semblables. Elle prononce que chaque nouvel évêque ne pourra point s’adresser au pape pour en obtenir aucune confirmation ; qu’il lui écrira comme au chef visible de l’église universelle, en témoignage de l’unité de foi et de la communion qu’il doit entretenir avec lui, et qu’il demandera la confirmation canonique à son métropolitain, ou au plus ancien évêque de l’arrondissement qui forme la métropole. Elle établit les élections des évêques; elle commet la nomination des curés aux élections; elle confie les élections des évêques et des curés au même corps électoral qui nomme les membres des départements et des districts ; elle abolit les droits de patronages laïques. Elle transforme l’état de l'église cathédrale en église paroissiale, par la suppression, ou la réunion d’une ou plusieurs paroisses ; elle nomme l’évêque , le pasteur immédiat de la paroisse épiscopale; elle détermine le nombre des vicaires qui doivent desservir la paroisse épiscopale, et former le conseil habituel et permanent de l’évêque ; elle prononce que l’évêque ne pourra faire aucun acte de juridiction, en ce qui concerne le gouvernement du diocèse, qu’ap rès en avoir délibéré avec eux; elle nomme vicaires, de plein droit, et sur leur demande, les curés des paroisses qui seraient réunies à la paroisse épiscopale. Elle remet à l’évêque et à son conseil, la nomination des supérieurs et directeurs du séminaire ; elle les déclare membres nécessaires du conseil de