214 [Etais gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] putés aux Etats généraux soient répartis entre chaque canton, dans un nombre proportionné, autant que possible, avec l’exacte population, de manière qu’aucune ville n’obtienne une représentation exclusive, et par cela même dangereuse, sans gêner en rien la liberté des suffrages. CAHIER De la noblesse du bailliage d’ Etain (1). L’assemblée de l’ordre de la noblesse de la ville et bailliage d’Etain, réunie aux termes de la convocation donnée à Versailles le 24 janvier dernier, donne, par le présent acte, à son député, ses pouvoirs généraux pour les représenter aux Etats, et y proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe dans toutes les parties du gouvernement, la prospérité générale du royaume et le bonheur tant commun que particulier de tous les citoyens. L’opinion et le désir de l’assemblée étant que la nation parvienne à jouir d’une constitution juste et solide, qui fixe d’une manière précise et assure à jamais tant les droits respectables du trône que les droits essentiels du peuple, elle donne mandat spécial à son député de réunir tous les efforts de son zèle pour atteindre avant tout à ce grand objet ; elle lui enjoint très-expressément, sous peine d’être désavoué par elle et déchu du pouvoir qu’elle lui donne de ne point délibérer sur les impôts ni de concourir à l’octroi des subsides avant que préalablement la constitution n’ait été réglée, consentie, sanctionnée et solidement établie sur des bases inébranlables. L’assemblée déclarant que c’est le seul prix digne, aux yeux de la nation, des sacrifices qu’elle a déjà faits, qu’elle se dispose à faire encore pour le soulagement de l’Etat. Elle établit pour les premières bases de la constitution, que la loi ne puisse être que l’énonciation delà volonté générale des citoyens exprimée par leurs représentants et sanctionnée par le prince revêtu de toute la puissance exécutrice. Que sous le prince, dont la personne est à jamais sacrée, les ministres de l’exécution des lois dans chaque partie soient tenus de répondre de leur conduite à la nation. Que nulle force ne puisse jamais anéantir l’ordre établi pour la législation et pour la punition des violateurs. Elle recommande à son député de ne jamais perdre de vue ces premières bases, et de se conduire sqns cesse par les quatre maximes suivantes, qui doivent rester fondamentales dans la constitution : 1° Que la France est une monarchie, le roi étant le chef de la nation et l’autorité souveraine résidente en sa personne sans partage, mais toujours subordonnée aux lois fondamentales et constitutionnelles de la monarchie qui doivent sans cesse la diriger. 2° Que le pouvoir législatif appartient à la nation, dont les ordonnances et règlements ne peuvent avoir force de loi qu’après avoir reçu la sanction royale; que la puissance exécutrice appartient au roi, à qui la nation confie le dépôt de la force publique, pour le maintien et l’exécution des lois, pour Ja défendre contre ses ennemis et pour protéger les propriétés individuelles de tous les citoyens. 3° Que la nation française est libre et franche, (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de V Empire. l’autorité souveraine ne pouvant s’exercer en matière d’impôt que par le consentement libre de la nation et avec le secours de ses délibérations et de son conseil en matière de législation, ce qui ne fait que régler et non diminuer l’usage légitime du pouvoir souverain. 4° Que chaque citoyen français est personnellement libre et franc sous la protection du roi et la sauvegarde des lois; en sorte que toute atteinte portée, soit à la liberté individuelle, soit à la stabilité des propriétés, autrement que par l’application des lois et par l’intervention des tribunaux ordinaires, est illicite et inconstitutionnelle. Conformément à ces maximes, elle charge son député d’insister fortement pour que les points suivants �soient érigés en lois fondamentales, préalablement à toutes autres délibérations, et à demander en conséquence : 1° Que les membres des Etats généraux soient reconnus et déclarés personnes inviolables, qu’ils jouissent d’une entière sûreté pour leurs personnes , d’une pleine liberté de suffrages , et que dans aucun cas ils ne puissent répondre de ce qu’ils auront fait, proposé ou dit dans les Etats généraux, si ce n’est aux Etats généraux eux-mêmes. 2° Que la liberté personnelle, individuelle de tous les citoyens soit déclarée inviolable et mise à l’abri des atteintes auxquelles elle est exposée par l’usage arbitraire des lettres de cachet qui doit être absolument proscrit, en sorte que nul Français ne puisse être en tout ou en partie privé de laliberté, par lettres closes, lettres d’exil, lettres de cachet ou autres espèces d’ordres arbitraires, ni autrement que par ordonnance de son juge compétent , ou à la charge que le citoyen arrêté sera remis entre les mains cle son. juge, à l’instant même, et que dans tous les cas il sera interrogé dans les vingt-quatre heures, et élargi avec ou sans caution, s’il n’est pas notablement soupçonné d’un crime punissable de peine corporelle. Qu’il soit défendu à toutes autres personnes que celles prêtant main forte à justice , soit officier , soldat , exempt , porteurs d’ordre ou autres d’attenter à la liberté d’aucun citoyen, en vertu de quelque ordre que ce puisse être, sous peine de punition corporelle telle qu’elle sera ordonnée par une loi émanée des Etats généraux. Que toute personne qui aurait sollicité ou signé tout ordre semblable ou favorisé son exécution, puisse être prise à partie par-devant les juges ordinaires, non-seulement pour y être condamnée à des dommages et intérêts, mais encore pour y être punie corporellement, suivant qu’il en sera décidé par les Etats généraux. Que tout citoyen ait la liberté de vivre où il veut, d’aller, venir, demeurer où il lui plaît, soit dedans ou dehors du royaume et sans qu’il lui soit besoin de permission, passeport, certificats et autres formalités tendantes à gêner la liberté des citoyens. 3° Gomme la liberté de publier ses opinions fait partie de la liberté individuelle, puisque l’homme ne peut être libre quand sa pensée est esclave, nous chargeons notre député de demander que la liberté âe la presse soit autorisée, avec les modifications nécessaires pour garantir l’ordre public et l’honneur des particuliers, et qu’elle ne dégénère pas en licence-scandaleuse ; qu’en conséquence la censure soit supprimée, à la charge par l’imprimeur d’apposer son nom à tous les ouvrages, et de répondre personnellement lui et l’auteur de tout ce que ses écrits pourraient contenir [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-Je-Duc.] Qjg de contraire à la religion, à l’ordre général, à l’honnêteté publique , aux bonnes mœurs et à l’honneur des citoyens, et d’en être punis exemplairement. 4° Que toutes lettres confiées à la poste et écrits de confiance soient déclarés sacrés et inviolables, et qu’il soit défendu sous les peines les plus sévères, à tous directeurs ou commis des bureaux de poste, d’ouvrir les lettres qui leur seront confiées, à peine d’être poursuivis extraordinairement par les procureurs généraux qui seront chargés expressément d’y tenir la main, en un mol qu’on prenne tous les moyens et toutes les précautions possibles pour empêcher et prévenir cet abus sacrilège dont on se plaint depuis si longtemps. 5° Que le retour périodique et régulier des Etats généraux devienne le régime permanent de l’administration du royaume; que le retour de leur assemblée successive soit fixé à deux ou trois ans au plus tard, sans préjudice aux cas urgents qui exigeraient une assemblée extraordinaire, et spécialement que l’époque de la seconde tenue qui devra suivre les Etats de 1789, soit déterminée de façon que les Etats soient censés convoqués de droit à cette époque, sans qu’il soit besoin d’une convocation ultérieure , ou, ce qui vaudrait peut-être encore mieux, qu’il soit passé en loi constitutive et fondamentale que les Etats généraux soient permanents et qu’ils s’assemblent tous les ans dans un lieu, à une époque déterminée et pour un temps fixe, comme serait deux mois, après lequel temps écoulé, ils se prorogeraient à la même époque de l’année suivante. 6° Que la fonction essentielle et constitutive des Etats généraux soit déclarée consentie dans les choses suivantes: Exposer les abus sans nombre qui se sont introduits dans l’administration, seul sens raisonnable qu’on puisse donner aux remontrances et doléances qui leur sont demandées; Délibérer, arrêter et rédiger les projets de loi, et les présenter au Roi, en le suppliant très-respectueusement de leur donner la sanction nécessaire, et voilà ce que les lettres de convocation entendent par le mot proposer ; Délibérer sur les contributions qui sont demandées par le Roi, ce que les lettres expriment par le mot aviser ; Accorder les contributions qui seront jugées nécessaires dans la forme la plus avantageuse pour l’intérêt public et seulement pour un temps fixé et déterminé, et après avoir constaté la nécessité des différentes natures de dépenses, ce que signifie dans les lettres le mot consentir ; Qu’ainsi, d’un côté la législation qui ne peut jamais être autre chose quel’expression delà volonté générale de la nation, mais qui n’acquiert sa perfection et son complément que par l'adhésion de la volonté royale, que d’un autre côté la concession libre des contributions publiques, soient formellement reconnues et déclarées former les deux éminentes fonctions qui appartiennent essentiellement à l’assemblée nationale, et qui ne peuvent appartenir qu’à elle seule. 7° Qu’il soit statué dans la forme la plus solennelle, par un acte permanent et authentique, que la nation soit en droit de s’imposer, accorder ou refuser les subsides, d’en régler l’étendue, Remploi, l’assiette, la répartition, la durée, d’ouvrir des emprunts et que toute autre manière d’imposer ou d’emprunter est illégale, inconstitutionnelle et de nul effet, et le temps fixé pour la durée de l’impôt étant écoulé, les Etats particuliers soient autorisés à s’opposer à leur perception, et leurs cours souveraines à poursuivre comme concussionnaires tous ceux qui voudraient en continuer la levée et même ceux qui les auraient pavés volontairement poursuivis comme infracteurs des droits, franchises et liberté de la nation. 8° Qu’il soit également statué qu’à l’avenir non-seulement aucune loi bursale, mais encore aucun e loi essentielle et permanente ne soit établie qu’au sein des Etats généraux et par le concours mutuel de l’autorité royale et du consentement de la nation; que ces lois, pendant la tenue même de l’Assemblée nationale, soient envoyées au Parlement de Paris, les pairs y séant, et à tous les autres parlements du royaume pour y être publiées et inscrites sur leurs registres et placées sous la garde de ces cours souveraines, lesquelles ne pourront se permettre d’y faire aucune modification, mais qui continueront comme ci-devant à être chargées des ordonnances du royaume, du maintien de la constitution et des droits nationaux ; qu’il soit encore statué que les règlements particuliers, les simples lois d’administration et de police, autres que les lois générales et permanentes ou les lois bursales, seront, pendant l’absence des Etats généraux, provisoirement adressées à l’enregistrement libre et à la vérification des cours, mais qu’elles n’auront de force que jusqu’à la tenue de l’Assemblée nationale, où elles auront besoin de ratification pour continuer d’être obligatoires. Qu’il soit statué qu’aucune loi ne puisse être établie dans aucune autre forme que celle d’une proposition faite au Roi par les Etats généraux et d’une déclaration faite par le Roi qu’il agrée et sanctionne cette proposition. 9° Que tous ceux qui sont chargés en chef d’une partie de l’administration quelconque, soient responsables à la nation de la violation des lois et des prévarications ou fautes qu’ils auraient commises ; qu’à cet effet ils soient poursuivis devant les tribunaux, qui seront désignés par les Etats généraux et punis des peines qui seront établies pour chaque contravention ; en un mot, que tout ministre qui aurait dissipé, mal à propos, les deniers qui lui auraient été confiés, qui les aurait détournés à d’autres usages qu’à celui pour le-uel ils auraient été assignés, qui aurait tenté e faire des changements arbitraires soit dans la constitution ou dans les lois, soit dans la durée et perception des impôts, ou qui aurait donné des conseils tendant à établir une autorité arbitraire, soit cité par-devant les Etats généraux pour y rendre compte de sa conduite, et son procès lui être fait, instruit et suivi en Rassemblée desdits Etats, en la forme qu’ils jugeront à propos de prescrire et suivant les lois à faire à cet égard. 10°Que les Etats généraux s’attachent le plus promptement qu’il sera possible à détruire les causes de division entre les ordres, et après que les ordresprivilégiés auront prononcé solennellement leur renonciation à tous privilèges en matière d’impôt et de contributions pécuniaires, que E Assemblée nationale donne la reconnaissance des prérogatives de rang, d’honneur et de dignité qui doivent appartenir particulièrement à l’ordre de la noblesse et qui sont analogues aux principes de la constitution monarchique, et qu’elle soit confirmative de l’exemption de logement de troupes, de débit de villes çt de toutes corvées et prestations personnelles, ainsi qu’elle en a toujours joui. Qu’il soit statué en même temps que les droits de fiefs qui intéressent également les possesseurs de la commune et ceux des deux premiers ordres sont des propriétés sacrées auxquelles il n’est pas 216 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] permis de donner atteinte, et qu’elles sont placées sous la sauvegarde de la loi, de même que toutes les autres propriétés. Que les droits seigneuriaux ou autres, payables en argent ou en nature, ne peuvent être attaqués, et qu’à l’égard de ceux qui frapperaient sur les personnes ou seraient jugés nuisibles à la chose publique ; fondés eu titre, ils ne peuvent cesser qu’en les remboursant aux seigneurs sur le pied d’une estimation proportionnée. Qu’aucune autorité qui ne serait pas fondée sur la loi constitutionnelle ne puisse enlever même au plus faible des citoyens, sa propriété mobilière ou immobilière, si ce n’est pour les services abso-lumentnécessaires à l’Etat, et jugés tels,àlacharge d’estimer dans ce cas, au plus haut prix, et de payer comptant au propriétaire la chose dont il faudra qu’il se prive. 11° Que le pouvoir judiciaire qui estunebranche de la puissance exécutrice et que le Roi fait exercer en son nom par les Parlements ou cours supérieures , ne puisse jamais être réuni sur la même tête avec la puissance exécutrice, ce qui changerait la monarchie en despotisme, mais qu’il soit maintenu dans toute l’étendue de l’autorité qui lui est propre, que les officiers qui l’exercent soient conservés dans tous leurs droits contre les actes quelconques de l’autorité arbitraire et qu’ils n’aientà répondre en corps de leur conduite qu’aux Etats généraux seuls. Que les arrêts des Parlements, tant au civil qu’au criminel, soient irréfragables et sans appel, sauf néanmoins la partie qui se croirait lésée à demander la révision du procès devant toutes les chambres assemblées. Qu’aucune évocation illégale, aucun établissement de commission extraordinaire, aucun acte du pouvoir absolu, ne puisse jamais suspendre ni détourner le cours de la justice ordinaire et réglée. Que l’usage abusif des commissions, des évocations, soit entièrement aboli, à moins qu’elles ne soient demandées par toutes les parties intéressées dans l’affaire à juger ; mais en même temps, pour assurer aux tribunaux le maintien de la considération qui leur est due, et à la nation toute l’utilité qu’elle en doit retirer, qu’il soit pourvu efficacement à la réforme des abus relatifs à l’exercice delajustice tant civile que criminelle, et qu’il soit établi une ligne de démarcation certaine qui prévienne la confusion, si funeste à la chose publique, des objets d’administration et de ceux qui sont du ressort de la juridiction. Que les tribunaux supérieurs chargés de l’exécution des lois, en conservent le dépôt, sans pouvoir le soumettre à aucune interprétation arbitraire, ni s’écarter d’aucune de leurs dispositions. Que les Etats généraux s’occupent des moyens les plus propres à rendre la composition des tribunaux la meilleure qu’il soit possible, et la plus digne de la confiance de la nation. 12° Que du sein des Etats généraux il sorte une constitution d’Etats particuliers en chaque province, dont l’établissement soit sanctionné et l’organisation approuvée parles Etats généraux, qui, comme autant de ramifications de l’assemblée nationale, participant à son autorité, en étendront l’influence sur toute la surface du royaume, et seront chargés de tous les détails de l’administration intérieure en chaque territoire, de la police générale de leur province, de l’administration des forêts, biens et fonds des communautés, des confection, entretien , réparations des grandes routes, des ponts et édifices publics, de la maréchaussée, de la milice nationale, de tout ce qui est relatif à l’économie politique, à la culture, aux arts, aux manufactures, au commerce, aux communications, à la salubrité, la subsistance, la dépense locale, l’éducation publique, l’amélioration et la prospérité de chaque province, en un mot de toutes les parties d’administration confiées jusqu’à présent au commissaire départi, sans que dans aucun cas lesdits Etats provinciaux puissent accorder aucun impôt, faire pour leur province aucune convention, stipulation, octroi et concession quelconque de subsides, ni consentir aucune loi générale et permanente, ce qui est réservé aux seuls Etats généraux. Qu’ils soient cependant autorisés et même chargés de rappeler les principes de la constitution et des droits nationaux, par des remontrances au Roi, et des dénonciations à la nation, toutes les fois qu’ils jugeront que ces droits sont attaqués ou qu’ils sont en danger ou seulement menacés, Qu’ils soient pareillement autorisés à établir des commissions intermédiaires revêtues d’une partie de leur pouvoir, pour les suppléer pendant l’intervalle de leurs assemblées, qui seront annuelles et à temps fixé avec des procureurs-syndics généraux chargés spécialement de veiller aux intérêts de leurs concitoyens et de transmettre aux compagnies souveraines, pour y être enregistrées, les lois locales et momentanées de police et d’administration intérieure promulguées dans les intervalles des séances de l’Assemblée nationale, après que les Etats provinciaux auront vérifié qu’elles ne contiennent rien de contraire aux privilèges et droits de leur province, lesquelles lois cependant auront besoin d’être ratifiées par les Etats généraux dans leur prochaine tenue, pour continuer à être obligatoires. 13° Qu’on établisse dans chaque province des assemblées secondaires ou de district qui seront subordonnées aux Etats de la province, et qui seront chargées de leur donner toutes les connaissances qui pourront intéresser leur ressort. Par cette division de travail les besoins de chaque partie des provinces seraient mieux connus, les affaires mieux suivies ; et les Etats provinciaux, mieux éclairés par le travail des assemblées secondaires et mieux instruits des localités différentes, pourront décider avec plus de connaissance et de certitude. Notre député fera valoir spécialement et dans toute leur force les droits particuliers de la Lorraine au rétablissement de ses Etats provinciaux qui n’ont été que suspendus et non anéantis ; rétablissement fondé sur sa constitution primitive, sur ses chartes conservatrices, sur la promesse récente du Roi; rétablissement qui doit avoir lieu pour elle indépendamment de ce qui pourrait être décidé pour les autres provinces, qui n’ont jamais eu d’Etats; rétablissement qui sera fait suivant une organisation nouvelle plus analogue aux circonstances actuelles, plus convenable à ses différentes localités, plus propre à faire le bien particulier de la Province, en se rapprochant le plus qu’il sera possible du régime d’administration générale, qui sera jugé par l’Assein-blée nationale plus convenable au bien de tout le royaume. Notre député, en demandant le rétablissement de nos Etats particuliers, insistera pour qu’il n’y ait qu’un seul corps d’Etat pour la province de Lorraine et de Bar, une désunion ne pouvant être que très-funeste aux deux duchés dont les territoires sont entremêlés l’un dans l’autre, qui, aux termes du traité de cession, ne doivent jamais être séparés mais former toujours un gouverne- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] 217 ment dont il ne doit rien être démembré, attendu que l’établissement de deux Etats particuliers pour une même province, en diminuant ses forces, ne feraient que doubler la dépense. Que du moins le Barrois non mouvant ne soit jamais séparé des Etats particuliers de Lorraine, pour être réuni à ceux de Bar, en cas que cette ville en obtienne. L’assemblée convaincue de la loyauté des intentions du Roi, de la sincérité de ses promesses et du patriotisme du ministère actuel, n’aurait rien à ajouter à cette partie des pouvoirs de son député, si l’instabilité des événements n’obligeait pas la nation à affermir les bases de sa constitution contre les vicissitudes possibles d’un avenir moins heureux pour elle. Cette prévoyance nécessaire est le seul motif qui la porte à recommander de nouveau à son député de ne s’occuper de l’octroi des subsides qu’après le règlement de la constitution, tel qu’il sera réglé par les Etats généraux , aura été préalablement délibéré, accordé et sanctionné, à peine d’être désavoué et déchu de ses pouvoirs. Cet objet lui tient tellement à cœur, que c’est le seul sur lequel elle entend limiter ses pouvoirs. En ce qui concerne les impôts, l’assemblée charge son député : 1° De proposer aux Etats généraux, lorsqu’ils s’occuperont des subsides, que tous les impôts actuels, tant ceux qui sont en régie que ceux qui sont affermés ou compris dans les fermes générales, soient annulés et révoqués pour être remplacés par des impôts nouveaux ou du moins par une concession nouvelle de ceux qu’ils auront trouvé bon de conserver, afin qu’il ne subsiste plus désormais un seul impôfqui n’ait son origine dans la concession libre des prochains Etats, et qui n’ait reçu cette limitation qui sera incorporée à son établissement, de n’être octroyé que pour un temps fixe et déterminé. 2° De proposer qu’il soit statué et déclaré par les Etats, qu’à l’avenir la nation ne reconnaîtra aucun impôt comme légalement établi et ne se réputera garante et prenable d’aucun emprunt, lorsque n’ayant point été accordé par elle en l’assemblée des Etats généraux, il ne serait revêtu que d’un simple enregistrement dans les cours, déclaration concordante avec celle de la magistrature, qui mettra pour jamais la nation et la magistrature à l’abri des enregistrements forcés, des révolutions désastreuses dont le refus d’enregistrer a été l’occasion, et qui consolidera la constitution en annulant d’avance le seul supplément par lequel on pourrait penser à remplacer un jour les Etats généraux. 3° L’opinion et le désir de l’assemblée sont que la constitution ayant été solidement fixée, les Etats généraux s’occupent ensuite de rétablir l’ordre et l’économie dans lesfinances, de reconnaître exactement l’étendue des besoins réels de l'Etat, celle de la dette publique et de régler sur ces connaissances les sacrifices patriotiques que la dignité du trône, le maintien de la foi publique et la nécessité du service dans les divers départements pourront imposer au zèle de la nation. L’assemblée croit ne devoir prescrire à son député aucun plan fixe d’opération et de délibération sur cet objet de sa mission, parce que sa conduite en cette partie est nécessairement dépendante des ouvertures qui lui seront faites de la part du gouvernement et des lumières qu’il acquerra par les renseignements communiqués aux Etats, par son travail personnel et par ses conférences avec les autres députés. Elle désire cependant que la vérification des besoins et de la dette publique soit faite par l’examen détaillé de chaque espèce de besoin et de dette, afin de connaître sur chaque objet la source des abus, et d’y apporter le remède en même temps que le secours. 4° Elle désirerait que les impôts à octroyer puissent être distingués en deux classes bien âé-terminées par leur dénomination, savoir : en subsides ordinaires affectés à l’acquit des dépenses fixes, annuelles et permanentes, dans lesquelles seraient comprises les perpétuelles, et en subsides extraordinaires et à temps, affectés à l’extinction des dettes remboursables à époques fixes et au payement des rentes viagères; elle désire que ces" deux sortes d’impôts ne soient accordés que jusqu’à concurrence de ce qui sera jugé, par la nation assemblée, être nécessaire : 1° pour l’acquittement des rentes viagères, arrérages et amortissement successifs de la dette publique ; 2° pour le service annuel de chaque département dont les dépenses seront fixées par la nation avec une sage économie, et auquel ensuite une portion de la contribution publique serait précisément assignée, comme par exemple telle portion au département de la guerre, telle autre portion au département de la marine, ainsi des autres. Elle désire qu’il soit statué que les ministres de ces différents départements seront responsables des sommes qui y auront été affectées et tenus d’en rendre compte aux Etats généraux, qui nommeront des commissaires chargés de veiller à ce qu’elles soient employées suivant leur destination. Elle désire qu’il soit établi une banque nationale, dont les administrateurs choisis par les Etats généraux seront comptables à eux seuls; que l’excédant de l’impôt non employé aux différents départements d’après les états qui en auront été vérifiés et arrêtés, soient versés dans cette banque ; qu’elle soit de même le dépôt des fonds affectés à l’extinction des dettes remboursables à époques fixes et au payement des rentes viagères. Que le Roi soit supplié de rendre public, chaque année par la voie de l’impression, le tableau ou compte général et détaillé des finances, recettes et dépenses de l’année, de même que la liste des dons, gratifications et pensions, offices et places accordées chaque année, les noms des personnes qui les auront obtenus, avec l’énonciation des motifs qui les leur ont fait accorder. 5° Notre député demandera, en outre, que dans le payement de la dette nationale la province de Lorraine soit extrêmement ménagée, puisque sa dette particulière a été acquittée par elle-même, lors de sa réunion à la monarchie, et que la dette actuelle de la France à pris son commencement et son plus fort accroissement avant cette réunion. 11 fera encore observer que le solde la Lorraine est très-difficile à cultiver, qu’il demande une plus grande quantité de bêtes de labour ; que d’ailleurs cette province étant sur la frontière du royaume, exposée par cette position à porter le poids des guerres, non-seulement par le transport des convois, mais encore par les routes qu’elle est forcée d’entretenir pour les communications faciles de ces convois; sa quote-part dans la dette publique doit être mise dans une juste balance, en considérant surtout que les grandes charges de la France, comme les grandes gabelles, sont antérieures à la réunion des deux duchés à la monarchie. 6° En ce qui concerne encore les subsides 218 [États gén. 1789. Cahiers. 1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-Ie-Duc. extraordinaires et à temps, qui doivent être affectés à l'extinction de la dette publique, rassemblée désirerait qu’il fût possible de libérer, dès à présent, le trésor royal de cette espèce de charge, afin que l’impôt envers l’Etat se trouvant réduit à la somme constatée de ses besoins fixes et ordinaires, et l’Etat n’ayant plus à pourvoir qu à cette espèce de dépense, il s’établisse à l’instant même un ordre clair , simple , indestructible, qui serait la sauvegarde la plus assurée contre le renouvellement du désordre. 7° L’assemblée pense que le régime du subside borné au taux des charges ordinaires, du subside à temps, du subside qui ne puisse être prorogé ni augmenté que par une assemblée d’Etats généraux, oblige de prévoir les besoins inopinés d’une guerre qui surviendrait dans l’intervalle d’une tenue d’Etats à l’autre ; elle désirerait encore qu’il y fut pourvu par le moyen le plus simple et le plus expéditif. Ce moyen pourrait être de statuer que dans le cas de guerre, la masse des impôts octroyés pour le service ordinaire serait augmentée d’un ou. deux sols pour livre, sous la dénomination de crue de guerre, tant pour faire face aux intérêts d’un emprunt, non à rentes viagères, mais à époques fixes de remboursement, qu’à un excédant annuel applicable à l’extinction de l’emprunt. Exemple : Supposons un impôt ordinaire de 400 millions ; supposons pour les premiers frais d’une guerre imprévue un besoin de 160 millions : la crue de guerre d’un sol pour livre, sur les 400 millions, produirait, par an, 20 millions tant pour l’intérêt de l’emprunt de 160 millions, que pour l’excédant annuel imputable au remboursement du capital. Gomme il n’arrive que trop souvent que les princes, conduits par des vues de gloire et d’ambition, entreprennent légèrement des guerres ruineuses pour leurs sujets, lesquelles guerres n’ont d’autre objet que leur intérêt particulier et non celui de l’Etat, qu’ils sacrifient à leur ambition, au désir de s’agrandir et de faire des conquêtes, l'assemblée désirerait qu’il fut statué comme loi fondamentale qu’à l’avenir le Roi ne pourrait entreprendre de guerre offensive qu’après en avoir délibéré avec les Etats généraux, leur en avoir exposé les motifs et reçu leur consentement, étant contre toute justice qu’une nation s’épuise d’hommes et d’argent et s’expose à toutes les horreurs de la guerre, uniquement pour satisfaire l’ambition d’un prince avide de gloire et de conquêtes. Au surplus, l’assemblée déclare que, manifestant ses vues et ses opinions, elle n’entend pas les proposer à son député, comme un plan fixe, mais comme de simples instructions, qu’il pourra communiquer aux Etats, pour n’être prises en considération qu’autant qu’elles ne se trouveraient pas écartées par des vues préférables. PÉTITIONS. Examinons ensuite quelques objets particuliers, dont il est important que les Etats généraux s’occupent. L’assemblée a autorisé son député à demander : 1° Qu’il soit pris tous les moyens possibles, pour garantir les citoyens des terribles effets de l’obéissance aveugle et illimitée de la part du militaire; qu’il soit déclaré et statué que le serment que prêtent les militaires est véritablement et dans le fait prêté à la nation dans la personne de son chef qui est le Roi : que ce serment n’exige pas d’eux une obéissance aveugle et purement passive, capable de les porter à des choses injustes et contraires aux lois de l’Etat , mais qui ne les oblige véritablement que lorsqu’il s’agit du maintien des lois, des intérêts de la nation et de la défendre contre ses ennemis, ne devant jamais oublier qu’ils sont citoyens avant d’être soldats, et que si la nation leur met les armes à la main, ils n’en doivent faire usage que pour la protéger et la défendre et jamais pour l’asservir et la soumettre au pouvoir arbitraire, ce qui serait un crime de lèse-patrie. 2° De demander l’abolition de la gabelle et de l’impôt sur le sel, impôt si nuisible qu’on ne saurait jamais trop se hâter de le proscrire pour toujours. 3° De demanderpour jamais que la foraine et tout droit de transit d’une province de France à l’autre soient abolis. Get impôt vexateur n’a d’autre effet que de mettre des entraves au commerce, sans grossir le trésor de l’Etat, puisque la multiplicité des employés à la perception en absorbe presque le produit. 4° Demander en outre la suppression de tout huissier priseur, institution qui, n’a eu pour objet que d’obtenir de modiques finances, et dont le véritable effet est d’opérer la ruine des malheureux habitants des campagnes, qui avant cet établissement, voyaient faire à très-peu de frais, par des préposés de communautés, ce qui aujourd’hui leur coûte une partie des successions qu’ils recueillent. 5° Que toutes les entraves fiscales qui retardent les progrès de l’agriculture, qui dégoûtent certaines classes de citoyens de l’exploitation des terres et qui nuisent à la facilité des contrats translatifs de propriété, tels que les droits de sceau, de tabellionage, centième denier, etc., etc., soient anéantis. 6° Que toutes les gênes de même nature qui arrêtent l’essor du commerce et la prospérité des manufactures, soient abolies, et qu’il soit pourvu surtout à l’abus des arrêts de surséance devenus arbitraires. 7° Qu’en octroyant les nouveaux impôts, il n’en soit établi ni conservé aucuns qui marquent une différence d’ordre pour la contribution, et que l’égalité proportionnelle de répartition soit ordonnée entre tous les citoyens indistinctement, mais qu’il soit fait un vote particulier pour la noblesse, sans qu’il puisse jamais être question d’abonnement, en faveur de province et de particulier. 8° Qu’il soit pourvu à une meilleure administration des forêts, qui dépérissent sensiblement sous le régime actuel, de sorte que si on n’ y apporte un prompt remède, on manquera bientôt de cet objet de première nécessité dont la pénurie se fait sentir tous les jours de plus en plus. Les dévastations et les aboutissements qui s’y font, en détruiront immanquablement l’espèce; ies peines des délits qui s’y commettent sont trop légères, eu égard au prix actuel des bois, tant de mesurage que de chauffage : elles ont été fixées dans un temps où les bois étaient de petite valeur, elle est au moins quadruplée aujourd’hui, ce qui fait l’appât des malfaiteurs. On ne peut se dispenser de les proportionner à la valeur réelle, avec défenses aux juges, tant de première instance que d’appel, de les modérer sous quelque prétexte que ce soit. Qu’il soit également pourvu à l’encouragement tant des plantations que de la découverte et de l’exploitation des mines de charbon de terre, afin de prévenir la disette totale de la première espèce de combustibles et de rendre pour la seconde la nation indépendante de l’étranger. [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] 219 9° Que la chambre ardente, ce tribunal dont les jugements sont sans appel et où le fermier général et son agent sont parties et juges, soit supprimée, et que les délits qui y sont jugés sur les principes d'un code aussi odieux que tyrannique, soient renvoyés aux tribunaux ordinaires. 10° Que les tribunaux d’exception, d’attribution, etc., etc., soient également supprimés et toutes les affaires qui y étaient portées soient renvoyées à la justice ordinaire. 11° Que la procédure civile soit aussi simple qu’il sera possible et ne retienne des formes que ce qu’il en faut pour assurera chacun la conservation de ses droits. Que tous les offices inutiles ou surabondants pour l’administration de la justice soient supprimés, que la simplicité et la clarté des lois civiles préviennent cette multitude de procès qui est un des plus grands fléaux de la société. 12° Que la vie et l’honneur des citoyens soient placés sous la sauvegarde des lois, tellement que les attentats des méchants et les exccès des dépositaires de l’autorité qui se rendraient coupables de voies de fait ou de calomnies graves ne puissent demeurer impunis. 13° Que la vie et l’honneur des citoyens soient garantis de l’erreur ou de l'injustice des jugements : 1° Par un code pénal aussi doux, aussi précis qu’il soit possible et qui concilie enfin les droits de l’humanité avec ceux de la justice; 2° par une composition de tribunaux tels que les juges soient éclairés et non suspects, sans que l’autorité puisse jamais dans aucun cas donner des juges de son choix, établir aucune commission, ni influer en rien dans les jugements; 3° par une forme de procéder telle, que le crime ne puisse que très-rarement se cacher, et que l’innocence puisse toujours se faire connaître; 4° en donnent à l’accusé un conseil à son choix, en rendant l’instruction de la procédure publique, et en proportionnant les peines au délit ; demander en conséquence la réforme totale du Gode criminel établi sur ces principes, et qui, comme en Angleterre, introduise parmi nous le jugement par jurés, qui est le véritable moyen de défendre l’innocence et la liberté contre l’arbitraire de tous les jugements à la fois. 14° Que les députés aux Etats généraux ne soient élus que pour trois ans, au bout desquels une nouvelle convocation fasse procéder la nation à de nouveaux représentants, avec la liberté aux électeurs d’élire de nouveau parmi les membres qui composaient les Etats généraux précédents ceux qu’ils jugeront à propos de conserver; que la nomination aux Etats généraux ne soit jamais faite par aucuns électeurs que ceux qui auront été choisis à chaque fois par tous les citoyens. Que les représentants aux Etats généraux de quelque province ou de quelque ordre qu’ils soient, soient déclarés être les représentants de la nation entière, sans qu’ils puissent jamais être regardés comme députés d’une province, d’un canton ou d’un ordre, ni comme porteurs d’aucun intérêt particulier, mais seulement de l’intérêt général et public. 15° Que les délibérations des Etats généraux se fassent, autant qu’il sera possible, par la totalité des représentants, de quelque ordre ils soient, réunis en assemblée générale; que si ce vœu patriotique ne peut pas encore s’accomplir, les trois ordres, dans le cas où ils ne parviendraient pas à s’accorder dans des délibérations prises séparément, ils se réunissent au moins alors pour former une résolution définitive ; qu’en matière d’impôt, les députés de tous les ordres aux Etats généraux ne délibèrent que les trois ordres réunis et par tête ; qu’il en soit usé de même pour l’audition des comptes des différents départements, des administrateurs de la banque et autres, et pour l'instruction des procès faits par-devant les Etats généraux, mais que dans tout ce qui regarde les intérêts et les droits particuliers de chaque ordre, on ne délibère que par ordre. 16° Que les villes soient rétablies dans la libre élection de leurs officiers municipaux et dans la disposition des revenus des communes, qui ne seront plus soumis à l'inspection des commissaires départis, ni à celle des ministres, mais bien à l’inspection des Etats provinciaux. 17° Que tout privilège exclusif destructeur du commerce et de l’industrie soit aboli pour toujours et qu’il n’en soit plus accordé à l’avenir. 18° Que tous offices, charges et commissions, places, appointements, gages, rétributions, pensions inutiles ou excessives soient supprimés ou modérés. 19° Que la confection et l’entretien des grandes routes soient mis à la charge des voyageurs, rou-liers, etc., etc., au moyen d’un léger péage, qui se lèvera sur eux à chacune des barrières qui seront établies à cet effet, ainsi que cela se pratique dans plusieurs Etats voisins, et qu’à ce moyen le peuple soit déchargé de la prestation pécuniaire représentative de la corvée, qui sera abolie. 20° Que le commerce des grains soit déclaré libre, et l’exportation permise de province à province et même chez l’étranger, sans autre limitation que celle qu’exigerait une disette extraordinaire, et pour prévenir ce malheur, qu’il soit établi, sous l’inspection des Etats provinciaux, des magasins publics qui soient toujours bien fournis, et où, dans le cas de disette, le pauvre puisse toujours trouver du blé à un prix juste et raisonnable. 21° Que les lois et les institutions publiques tendent principalement au maintien de la religion, au rétablissement des mœurs, à augmenter l’attachement des citoyens pour leur patrie, à exciter l’émulation des choses honnêtes, à encourager l’agriculture, l’industrie, le commerce et les arts; à supprimer d’un côté la mendicité, et de l’autre tous les moyens d’acquérir subitement une grande fortune et de s’enrichir sans travail ; qu’il soit établi dans tout le royaume des ateliers de charité; qu’il soit formé des établissements de la meilleure éducation nationale, et qu’il soit pourvu à ce que tous les moyens possibles d’insiruction soient répandus dans tout le royaume. 22° Que les Etats généraux ne se séparent pas avant d’avoir rédigé de la manière la plus claire et la plus précise la déclaration des droits de la nation et les lois de sa constitution, pour être publiée et inscrite dans tous les registres publics de tous les tribunaux et lus deux fois par an dans toutes les paroisses du royaume. 23° Que les Etats généraux �établissent aucune commission intermédiaire, mais seulement des bureaux particuliers composés de personnes éclairées qui seront choisies par les Etats seuls, lesquels bureaux seront chargés chacun distinctement, soit d’une partie déterminée des travaux préparatoires que les Etats généraux auront ordonné sur les matières qui n’auront pas pu être réglées dans la première Assemblée nationale, soit du soin de recevoir et recueillir les notes, les observations et les preuves relatives aux diverses violations des lois et décisions nationales, qui 220 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.j leur seront fournies par les Etats particuliers des différentes .provinces, ou par leur commission intermédiaire, pour en être fait rapport à la prochaine assemblée des Etats généraux. 24° Qu’il soit permis à la noblesse de l’Etat de faire un commerce en gros, sans déroger, ainsi qu’il est libre aux nobles de le faire en Angleterre. 25° Qu’il est essentiel de demander qu’il ne soit admis dans les élections de l’ordre du tiers, que les personnes supportant toutes une certaine somme d’impositions personnelles ou foncières, afin d’éviter les cabales inséparables de la forme des élections actuelles. L’assemblée déclare que, sur tous les autres objets non exprimés ci-dessus, qui pourraient être proposés ou discutés aux Etats, tant pour l’intérêt de la nation en corps, que pour le bonheur personnel de chacun de ses membres, elle s’en rapporte à ce que son député estimera en son âme et conscience devoir être statué et décidé poulie plus grand bien commun ; elle s’abstient d’insérer dans le présent cahier plusieurs autres objets de détail qui tiennent aux intérêts locaux de la province, tant parce que les Etats généraux ne doivent point être distraits du soin exclusif qu’exigeront les grandes matières relatives à l’état général du royaume, que parce que ces objets particuliers d’administration intérieure seront plus utilement confiés à la sollicitude des Etats provinciaux, dont le rétablissement fera partie de la constitution générale proposée au présent cahier. L’assemblée déclare enfin qu’en consentant de se joindre sur ce point au régime commun d’administration qui sera délibéré par les Etats généraux, sauf les exemptions et le régime particulier qu’exigeront ses localités différentes, elle n’a d’autre intention que celle de lier les intérêts de la province à ceux du reste du royaume, et de faciliter la régénération générale par l’uniformité de principes et de gouvernement ; mais qu’elle réserve formellement tous les droits particuliers de la province dans le cas où, pour quelque raison que ce soit, les Etats généraux se trouveraient hors d’état de remplir les vues importantes qui la déterminent. Un des droits particuliers de la province de Lorraine, celui qui lui est le plus précieux, qui fait sa principale ressource et dont la privation entraînerait infailliblement sa ruine, est celui de pouvoir commercer librement avec l’étranger , droit dont elle a toujours joui sous le gouvernement de ses ducs, qu’elle a exercé constamment depuis qu’elle est réunie à la couronne de France et dans lequel elle a été maintenue par le traité de cession qui stipule la conservation des privilèges des trois ordres : ainsi, dans le cas que les Etats généraux décideraient que les barrières seront portées à la frontière extrême du royaume, l’assemblée enjoint à son député de demander que la Lorraine en soit exceptée; que du moins elle soit exempte du tarif général; que dans aucun cas, elle n’y soit assujettie ; mais que son commerce extérieur et d’entrepôt lui soit conservé, et qu’elle soit maintenue dans le droit qu’elle a, et qu’elle a toujours constamment exercé, de pouvoir commercer librement avec l’étranger. Si les Etats généraux n’approuvaient point la vente des domaines pour l’acquittement de la dette publique, et qu’ils se décidassent à les conserver à la couronne, notre député demandera que les aliénations de domaines faites par les anciens souverains de Lorraine soient déclarées ir-! révocables, vu surtout que ceux qui ont été aliénés par le duc Léopold ont été retirés par le ! duc François, son successeur ; que du moins il fasse tous ses efforts pour qu’il soit lîxé une époque, au delàde laquelle on ne puisse plus rechercher les anciens domaines aliénés ; qu’il réclame vivement contre les envahissements scandaleux des grandes propriétés du domaine, faites depuis peu d’années, notamment contre l’échange du comté de Sancerre dont il demandera que l’examen et la vérification soient faites par les Etats généraux. L’assemblée donne pouvoir à son député de déclarer à l’assemblée des Etats généraux qu’elle donne son consentement à l’abolition de toutes exemptions pécuniaires, en cas qu’elle ait lieu dans tout le reste du royaume et que les impôts que les Etats généraux jugeront à propos d’établir soient répartis également entre tous les citoyens, en proportion de leurs forces et facultés, sans aucune distinction d’ordre, à charge qu’il sera fait un rôle particulier pour la noblesse, laquelle se réserve toutes les prérogatives de rang, d’honneur et de dignité qui lui appartiennent, ainsi que la paisible jouissance de tous les droits féodaux attachés à ses domaines, qui sont des propriétés sacrées auxquelles la justice ne permet pas de donner atteinte et qui sont sous la sauvegarde des lois, comme toutes les autres propriétés, sauf néanmoins que si parmi ces droits il s’en trouvait quelques-uns qui gênent la liberté individuelle et qui frappent sur les personnes, il sera libre de s'en rédimer en les achetant à un prix juste et raisonnable. Ainsi signé des commissaires, de tous les membres présents, du président et du secrétaire. Collationné par le greffier en chef au bailliage royal d’Etain soussigné. Signé BÉGUINET. CAHIER DES PLAINTES ET DOLÉANCES DE L’ORDRE DU CLERGÉ DU BAILLIAGE DU BA3SIGNY, Séant à la Marche , pour présenter aux Etats généraux (1). Dans ces temps heureux, où notre monarque bienfaisant s’occupe essentiellement du bonheur de ses sujets, nous, que des liens sacrés unissent à lui, nous rougirions de nous montrer indifférents dans une cause où l’intérêt particulier doit tout sacrifier à l’intérêt général ; nous connaissons nos droits, ils sontaussi anciens que le trône : et si la religion dont nous sommes les dépositaires et les ministres, l’a établi sur des fondements solides et inébranlables par un concours heureux d’amour et de reconnaissance, le trône doit nous couvrirde ses ailes paternelles, protéger et défendre un corps respectable, en qui il trouve lui-même sa force et son appui. Nous supplions donc très-instamment Sa Majesté de continuer d’accorder sa protection à la religion catholique, apostolique et romaine, et de la détendre de toute son autorité royale, envers et contre tous : principalement contre les écrits éphémères et scandaleux, qui tendent à ternir son éclat et à jeter dans le cœur des fidèles le poison de l’incrédulité et de l’insubordination. Il est du devoir des trois ordres de concourir au bien général, en entrant dans les vues bienfaisantes de Sa Majesté, qui les honore de sa confiance, en les appelant autour delui, pour l’aider à surmonter toutes les difficultés où il se trouve (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire .