[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { 29 brumaire an il 473 (19 novembre 1793 le citoyen Lanneau, procureur syndic du district a dit : « Citoyens, « Depuis 14 mois, j’ai abandonné l’autel pour une femme, et bientôt un enfant prouvera que mes sacrifices ne furent plus imaginaires. « Mais, citoyens, à côté de ce contrat de la raison et de la tendresse existe encore le brevet de l’imposture et du charlatanisme que je reçus des mains de la superstition. J’ai frémi, quand j’ai aperçu ce honteux contrat, je m’empresse de le détruire. Hâtez-vous donc de le livrer aux flammes, car j’aurais à rougir si l’enfant qui va me naître me surprenait des titres de prêtre, c’est-à-dire des titres à l’indignation des sages; il rougirait lui-même d’avoir à attribuer le délai de son existence à un préjugé qui tyrannisait jusqu’à la nature, et auquel il entendra repro¬ cher les malheurs des humains. Je demande acte du dépôt que j’en fais sur le bureau, et que le brevet soit livré aux flammes, en présence de toute l’assemblée qui m’entend. A l’instant, les citoyens Masson et Martin, ci-devant vicaires épiscopaux, qui, par un acte solennel, avaient déjà renoncé aux fonctions de prêtres, ont demandé également acte du dépôt qu’ils font chacun de leurs brevets de prêtres pour être brûlés avec celui du citoyen Lannean. Sur quoi, après avoir ouï le procureur de la commune, le conseil générai a donné acte aux citoyens Lannean., Masson et Martin de la re¬ mise qu’ils font sur le bureau de leurs brevets de prêtres, et • en applaudissant aux vertus philosophiques de ces trois républicains, a arrêté, sur leur demande, que leurs brevets de prêtres seront sur-le-champ brûlés, ce qui a été exécuté en présence de toute l’assemblée, et qu’extrait du présent procès-verbal sera envoyé à la Convention avec invitation d’en faire faire mention honorable au Bulletin. Et ont, les citoyens Lanneau, Masson et Martin, signé sur le registre avec les membres du conseil général, le procureur de la commune et le secrétaire greffier. Pour extrait : Labouré, secrétaire. Extrait du registre des délibérations du directoire du district d’Autun (1). Séance publique du 16 brumaire de l’an II de la République. Le citoyen Masson, président de ce district, a déposé sur le bureau une déclaration par lui déjà donnée au comité de surveillance le treize de ce mois, par laquelle il renonce pour jamais aux fonctions de prêtre qu’une fatalité inévitable lui avait imposées et que sa raison avait toujours réprouvées. Le directoire du district, applaudissant à ce nouveau témoignage que le citoyen Masson donne de son civisme et de sa philosophie, Arrête, ouï le procureur syndic, que ladite déclaration sera consignée et transcrite sur le registre à la suite des présentes et qu’extrait en sera envoyé, tant au conseil général de la com¬ mune d’Autun, qu’à la Société populaire de la même ville, à l’administration du département, et à la Convehtion nationale. Et ont, les administrateurs, signé aveo le procureur syndic et le secrétaire., Le citoyen Masson aux administrateurs du jvj district d'Autun. Citoyens, J’ai déclaré, le 13 brumaire dernier, au comité de surveillance, ma renonciation solen¬ nelle à la qualité de prêtre. Je croyais que le comité vous ferait passer cet acte, et y joindrait l’arrêté pris à cet égard; il ne l’a pas fait : je m’empresse d’y suppléer, et de vous faire part de mes sentiments. Je n’ai pas attendu à ce moment pour demeurer convaincu que la qualité de prêtre était incompatible avec la Révolution et la philosophie qui en est la base. Les idées superstitieuses et fanatiques ne se sont jamais accordées avec ma raison et, depuis long¬ temps, j’avais abjuré dans mon cœur les figures étranges qu’une fatalité inévitable m’avait imposées. Veuillez croire, citoyens, que je ne suis point prêtre, et que je n’ai nulle envie d’en reprendre jamais les fonctions. Je vous invite, à prendre un arrêté qui constate la déclaration que je vous fais, et à l’envoyer au département. x Signé : Masson. Pour extrait conforme : P. Bozut, secrétaire. Le général de brigade Sonlerac à l’armée des Pyrénées-Orientales fait hommage à la patrie d’un traitement de 1,200 livres dont il jouit comme officier invalide. Mention honorable et insertion au « Bulle¬ tin » (1). Suit la lettre du général Soulérac (2). Le général de brigade Soulérac, au Président de la Convention nationale. « Citoyen Président, « Elevé au grade de général de brigade à l’armée des Pyrénées-Orientales, après trente-sept années de services, et jouissant d’un trai¬ tement de douze cents livres comme officier d’in¬ valides, traitement qui, dans cette circonstance, me devient superflu quoique n’ayant d’autres ressources que les appointements attachés à mon grade, permettez, citoyen Président, que j’en fasse hommage à la patrie; j’ai reçu d’elle tant de bienfaits, qu’il est juste, à mon tour, que je lui donne cette faible marque de ma vive reconnaissance, trop heureux, lorsque je pourrai témoigner à la République que je suis digne d’être au nombre de ses enfants, prêt à faire tous les sacrifices pour faire triompher la cause sacrée delà liberté et de l’égalité, que j’ai juré de défendre ou de mourir à mon poste en la défendant. (1) Archives nationales, carton C 285, dossier 826. (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 314. (2) Archives nationales, carton C 284, dossier 817. 474 [Convention nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { g � « C’est avec ces sentiments, que je vous prie de me croire un défenseur zélé de ma patrie. « Salut et fraternité. Le général de brigade , commandant en chef Varmée de Villelongue, « SOULÉRAC. » La Société républicaine d’Issoudun, départe¬ ment de l’Indre, applaudit aux travaux de la Convention nationale et l’invite à rester à son poste. Insertion au « Bulletin » (1). Suit V adresse de la Société républicaine d’Issou¬ dun (2). La Société républicaine d’Issoudun, départe¬ ment de l'Indre, à la Convention nationale. « Citoyens représentants. « La tête du tyran est tombée, le fédéralisme est anéanti, l’accapareur est déconcerté; c’est votre ouvrage, nous y applaudissons. Encore du courage et de l’énergie, et le triomphe de la liberté est assuré. Restez donc à votre poste, c’est le vœu de tous les vrais républicains. Le génie qui présida à notre sublime constitution peut seul l’affermir sur des fondements iné¬ branlables. « Fournier, président; Mater, secrétaire; Hénault, ex-secrétaire. » Les membres du conseil général de la com¬ mune de Faverges, district d’Annecy, félicitent la Convention sur ses travaux et l’invitent à res¬ ter à son poste jusqu’à ce que l’homme libre ait l’instruction publique, un code de lois dignes de lui, et jusqu’à ce que la race des rois soit dis¬ parue. Insertion au « Bulletin » (3). Suit le texte de la lettre du conseil général de la commune de Faverges d’après un document des Archives nationales (4). « Faverges chef-lieu de canton, district d'Annecy, département du Mont-Blanc, le sixième jour du second mois de l’an II de la République une et indivisible. « Citoyens représentants, « Vous avez fait tomber la tête du monstre Capet. Par ce coup de justice et de sévérité, vous avez fait pâlir les tyrans sur leurs trônes de boue. Dans les journées salutaires des trente-un mai, premier et second juin, vous avez écarté l’orage affreux qui allait désoler la. France; du milieu des éclairs est sortie tout à coup cette sublime charte constitutionnelle, l’admiration de l’uni¬ vers. Vous avez rompu les fils de la trame odieuse qu’avaient ourdie les vils scélérats qui avaient (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 314. (2) Archives nationales, carton C 286, dossier 842. (3) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 314. (4) Archives nationales , carton C 285, dossier 826. juré la perte de la République; c’est vous qui avez arrêté la marche rapide de l’or corrupteur de l’infâme agent du fou couronné. « Eh bien ! votre tâche n’est pas encore rem¬ plie, c’est à vous qu’il est réservé de mettre le frontispice à l’édifice majestueux dont vous n’avez encore posé que les fondements. G-ardez-vous, hommes de la Montagne, de confier à des mains étrangères l’achèvement d’un si bel ouvrage si vous ne voulez pas que le soleil n’ait lui qu’un instant pour vous. « Quand l’homme libre sera entouré de l’instruction publique; quand vous aurez donné aux Français républicains un code de lois digne d’eux; quand la vengeance nationale aura fait disparaître de dessus la surface du globe la race infernale des rois; quand les cités orgueilleuses seront humiliées ou anéanties; quand la paix universelle aura fixé le sort du genre humain, et quand toutes les nations se seront prosternées devant le Dieu de la France, alors, et seulement alors, vous devrez être rendus à vos foyers, mais couverts des bénédictions du grand peuple qui vous proclamera et ses bienfaiteurs et ceux de toutes les générations futures. « Les membres du conseil général de la commune de Faverges. « J. Exertier, faisant les fonctions de maire; M. Duport, excusant le secrétaire-greffier. Un secrétaire dit : « Cochet, prêtre, fils d’un de nos collègues, quitte l’autel, prend le fusil et part pour les frontières. » Mention honorable et insertion au « Bulletin » (1 > Compte rendu du Moniteur universel (2). Cochet, fils d’un des représentants du peuple, envoie à la Convention ses lettres de prêtrise, et annonce qu’il prend un fusil, et part pour les frontières. (On appaudit.) La citoyenne Herpin, femme Courtenoud, de Versailles, fait don de cinq pièces d’argent, dont une est celle de son mariage; mais cette pièce porte l’effigie du tyran, et la citoyenne Courte¬ noud l’a en horreur. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (3). Suit la lettre de la citoyenne Herpin, femme Courtenoud (4). « Citoyen Président, « Quoique attachée, sous certains rapports, à une pièce qui me rappelle un lien que j’ai (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 315. (2) Moniteur universel [n° 61 du 1er frimaire an II (jeudi 21 novembre 1793), p. 247, col. 3]. D’autre part, les Annales patriotiques et littéraires [n° 323 du 30 brumaire an II (mercredi 20 novembre 1793), p. 1496, col. 1] rendent compte de la lettre du fils Cochet dans les termes-suivants : « Le fils d’un député envoie à l’Assemblée ses lettres de prêtrise. Il prend un fusil et vole aux frontières. (Applaudi.) « Mention honorable. » (3) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 315. (4) Archives nationales, carton C 284, dossier 817. Bulletin de la Convention du 3e jour de la lre décade du 3e mois de l’an II (samedi 23 novembre 1793).