2 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 décembre 1789. l’effet de la volonté de toute la République, mais bien de ceux qui la gouvernent. Enfin, la seule chose juste en rejetant cette offre est de faire payer aux Génevois qui possèdent des terres en France le quart des revenus. M. le marquis d’Estourmel. Je crois qu’il est convenable que M, le président écrive au ministre des finances pour s’instruire des causes de ce don et de l’intention de ceux qui le font. M. Chassebœuf de Volney. Depuis 35 ou 40 ans que la République de Genève est sous la garantie du gouvernement français, elle lui a coûté plus de 10 millions. Plusieurs membres , interrompant : Dites plus de 20 millions. M. Chassebœuf de Volney. J’ai entre les mains deux lettres de Genève, qui m’assurent que le don qui vous est offert n’émane pas de la République. Je demande que la discussion soit ajournée. L’Assemblée consultée ajourne à mardi soir l’affaire de Genève. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’Angély). Il y a quatre mois que les députés de Saint-Domingue sollicitent de l’Assemblée un décret qui autorise les colonies à recevoir des farines étrangères que la métropole ne peut leur fournir. Si la multitude des affaires ne vous permet pas d’entendre le rapport dont vous avez chargé, le 29 août, six membres du comité d’agriculture et du commerce, votre intention ne pouvant pas être que la colonie manque de subsistance, vous entendrez sans doute qu’elle se pourvoira elle-même . M. Paul Aalrac. Les colons ont pris cette permission d’eux-mêmes et depuis bien longtemps ils ont ouvert leurs ports. D’ailleurs les farines sont proportionnellement à meilleur marché dans la colonie que dans la métropole, puisque la farine ne s’y vend que 4 sous la livre. M. de Gony-d’Arsy. C’est une assertion dont l’orateur ne pourrait nous fournir la preuve. M. de Eameth. Il me paraît très-douteux que la farine puisse être à un prix si modique à Saint-Domingue, d’après le cours du blé en France. M. de Thébandière. Il est indispensable que l’Assemblée s’occupe de cette affaire, parce que la permission que le gouvernement a donnée pour l’introduction des farines des Etats-Unis expire au 1er février prochain. M. le Président. J’observe que cette affaire n’est point portée à l’ordre du jour. L’affaire de Saint-Domingue est ajournée à mardi après l’affaire de l’offrande de Genève. M. Daignon, médecin ordinaire du Roi, offre à l’Assemblée plusieurs ouvrages de sa composition et un thermomètre de santé, monté en or et garni de diamants, en se réservant la moitié d§ sa valeur. La confrérie du Saint-Sacrement de Saint-Roch fait un don patriotique de 2,002 livres en espèces. Les personnes qui l’apportent sont autorisées à assister à la séance. M. le Président donne lecture du résultat du scrutin pour la nomination des nouveaux membres du comité des recherches. Les députés élus sont : MM. Palasne de Champeaux, Buzot, Goupil de Préfeln, Gaultier de Biauzat, Bouteville-Dumetz, Alquier, Le Goazre de Kervélégan, l’abbé Joubert, Gourdan, Salicetti, Verchère de Reffye, Salomon de La Saugerie. M. de Lafare, évêque de Nancy, qui avait eu le même nombre de suffrages que ce dernier, donne sa démission. M. le marquis de Gony-d’Arsy. J’ai eu l’honneur le 2 de ce mois de prendre en présence de la nation un engagement solennel. Je viens vous prier de fixer le jour, après les fêtes, qu’il vous plaira d’accorder une audience entière pour entendre la dénonciation du ministre de la marine (1) et la lecture de toutes les preuves et pièces justificatives que nous sommes chargés de présenter à l’Assemblée nationale au nom de nos commettants. Pour éviter, s’il est possible dans une cause aussi importante, que des papiers ministériels ne travestissent mes paroles, comme certains l’ont déjà fait, et ne me fassent dire précisément le contraire de ce que j’aurais dit, je demande permission de déposer par écrit sur le bureau ces quatre mots, qui-contiennent la requête que j’ai l’honneur de vous présenter. Quelques voix : A l’ordre, l’orateur ! Le dépôt annoncé n’a pas lieu et l’Assemblée n’ordonne rien sur la motion. M. Coroller Du Monstoir, député d'Henne - bon. Je suis chargé de présenter un don patriotique de la ville de Port-Louis, qui n’est peuplée que de vieux militaires retirés et de marins sans fortune. Cette population aurait donné de grandes sommes si elle n’avait consulté que son patriotisme et elle a fait de grands efforts pour vous offrir celle de 947 livres. Les jeunes citoyens volontaires ont ouvert les premiers une caisse patriotique pour obtenir cette somme. Les officiers et soldats du bataillon auxiliaire des colonies me chargent également de vous offrir 2,250 livres. Les officiers et soldats du 1er bataillon de Bas-signy joignent à ces sommes, celle de 3,600 livres. Le bataillon auxiliaire des colonies ne s’est pas borné à offrir la somme de 2,250 livres; j’ajoute qu’une partie de ce bataillon employé au service du port de Lorient a versé dans la caisse patriotique de cette ville une autre somme de 1,190 livres. (1) M. de La Luzerne. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [94 décembre 1789.] 3 Quel exemple ces braves guerriers lie donnent-ils pas à tant de gros capitalistes et de riches rentiers l M. Temulier de Bressey, député de Dijon , fait l’annonce d’un don patriotique de la part d’une dame, créancière d’une rente viagère de 60,000 livres. Elle fait remise et abandon : 1° du tiers de cette rente viagère qui demeurera, pour l’avenir, réduite à 40,000 livres; 2° de 80,000 livres pour arrérages échus et arriérés. Cette dame désire n’être pas connue, mais elle fait remettre à MM. les trésoriers de la caisse patriotique un engagement ou soumission signée d’elle, en vertu de quoi ils pourront se faire représenter les titres pour les revêtir des mentions de réduction et de quittances nécessaires. M. le Président. M. Tronchet a la parole pour faire un rapport sür le mémoire de M. le garde des sceaux concernant les difficultés qui se sont élevées pour V exécution du décret des 8 et 9 octobre dernier sur la procédure criminelle. M. Tronchet (1). Messieurs, le mémoire que M. le garde des sceaux vous a fait remettre le 8 décembre contient dix-huit questions, ou difficultés, qui se sont élevées sur l’exécution du décret des 8 et 9 octobre dernier. Indépendamment de ce mémoire, plusieurs honorables membres noüs en ont remis d’autres, dans lesquels nous avons distingué deüx nouvelles questions qui nous oe| paru devoir être ajoutées à celles présentées par M. Je garde des sceaux. Enfin, Messieurs, les députés de Béarn nous ont fait connaître, par des mémoires particuliers, que les tribunaux des deux provinces du Béarn et de Navarre, avaient, quant à présent, une organisation toute particulière, d’après laquelle il devenait nécessaire, pour pouvoir y appliquer la réformation provisoire de la procédure criminelle que Vous avez décrétée, de leur donner un règlement local et provisoire, en attendant que l’orgaüisation générale du pouvoir judiciaire ait soumis ces deux provinces au régime commun à tout le royaume. Ainsi ce rapport vous présente, en premier lieu, à discuter un assez grand nombre de questions, dont la solution vous conduira à compléter, par uh décret, la loi générale de la réformation provisoire de la procédure criminelle ; en second lieu, à examiner les difficultés locales qui suspendraient l’exécution de la loi générale dans le Béarn et la Navarre, si Ces difficultés n’étaient pas levées provisoirement par un règlement particulier à ces provinces. C’est avec regret que je vous indique une carrière un peu longue à parcourir; je tâcherai de soulager votre attention en simplifiant, le plus qu’il me sera possible, la discussion des questions nombreuses que votre premier décret a fait naître, inconvénient presque toujours inséparable de la promulgation d’une nouvelle loi. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. PREMIÈRE PARTIE. Mémoire de M. le garde des sceaux et questions qu’il y faut ajouter. Ce mémoire est divisé et se divisé naturellement en trois sections. La première comprend les questions relatives aux fonctions et aux devoirs des adjoints. La seconde comprend les questions relatives aux fonctions et aux devoirs dti conseil des accusés. La dernière comprend les quëstiôns relatives à la forme de l’instruction et des jugemëhts. Cette division naturelle des questions pourra* Messieurs, vous donner un moyen de soulager votre attention : vous serez, ën effet; les maîtres de couper le rapport eh trois parties, si Vous le jugez à propos, et après avoir entendu le rapport des questions relatives à l’une de ces sections* d’enteudre les articles du projet du décret qui y seront relatifs, et opérer ainsi sur chacune des trois sections. Je suivrai, à cet égard, l’ordre que l’Assemblée me prescrira,. première section. Questions relatives aux fonctions et aux devoirs des adjoints. Avant de vous exposer ces questions et d’entreF dans le détail des réflexions que chacune d’elles peut occasionner, votre comité a cru qu’il était essentiel de vous rappeler, en peu de mots, les motifs qui ont dicté l’institution des adjoints, et les principes qui servent à déterminer leur* véritable caractère et à définir leurs fdnetions. La publicité de la procédure criminelle, voilà le principal point de réfdrmation provisoire que vous avez désiré, et que vous avez voulu opérer par votre décret des 8 et 9 octobre. Beux grands motifs vous ont fait désirer une procédure criminelle publique : l’intérêt général de la société, l’intérêt particulier des accusés. La société entière est doublement intéressée dans la poursuite des crimes publics : elle a intérêt qüe le coupable, qui trouble l’ordre et là sûreté publique, n’échappe point à la peine qui doit garantir les individus de nouveaux attentats, et servir d’exemple à ceux que la morale ne retiendrait pas; la société est encore intéressée à ce qu’aucun de ses membres he puisse devenir la victime d’une accusation calomnieuse. La présence du peuple, qui doit défendre la société de ces deüx inconvénients, ne vous dispensait pas de venir au secours de l’accusé d’une manière plus directe. L’hunianité réclamait depuis longtemps, en Sà faveur, une procédure qui, déchirant le Voile qui cachait à l’accusé la marche de l’accusateür, pût le mettre à portée de combattre à armes égales avec l’accusateur et le jugé. Mais, en protégeant l’innocence, la loi ne devait pas favoriser l’impunité du coupable : un règlement dont l’effet aurait été de soustraire �presque tous les coupables à la punition eût été l’acte d’une piété barbare qui aurait réservé de nouvelles victimes aux forfaits d’un scélérat enhardi par l’impunité. C’est cette importante considération qui vous a