38 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, { S aSbre IM" La Convention décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer (1). La motion est mise aux voix et adoptée. L’orateur, découvert, reprend la parole,1 il applaudit, au nom des citoyens qu’il représente, aux travaux de la Convention, à ceux de ses comités de Salut public et de sûreté générale. « Les Cordeliers vigilants et fermes oui ont tou¬ jours bravé, dit-il, leB plus grands orages, sau¬ ront encore déjouer les projets de fous les intri¬ gants; on ne les verra jamais mollir quand il faudra déployer de l’énergie. « Vous avez maintenant votre comité de Salut public, et vous avez bien mérité de la patrie re¬ connaissante. Du courage, point de faiblesse! L’amour et le maintien des grands principes, telles sont les vertus qui doivent particulièrement caractériser ce comité. La nature des circons¬ tances a nécessité la formation d’un gouverne¬ ment révolutionnaire. Il assurera la liberté pu¬ blique. Vous avez abattu, législateurs, les chefs d’une faction liberticide; mais leurs complices existent encore; ils fomentent, par leurs agents, des troubles parmi nous; sans cesse, ils machi¬ nent la perte des plus ardents patriotes; frap-pez-les aussi, ces hommes dangereux. » Ici, l’orateur sollicite l’acte d’accusation contre les députés détenus et leur traduction au tribunal révolutionnaire. Le Président répond, et invite les pétitionnaires aux honneurs de la séance. Sur la motion d’un membre, La Convention décrète la mention honorable de la pétition, son insertion au « Bulletin » et le renvoi au comité de sûreté générale (2). Suit le texte de la pétition des Cordeliers, d’après le Bulletin de la Convention (3). Une députation de la Société des Cordeliers a été admise à la barre. L’orateur a prononcé le discours suivant : Les membres de la Société des Amis des droits de l’homme de cette Société des Cordeliers, fléau terrible des aristocrates, des fourbes, des modérés, des intrig nts, de ces nouveaux révo¬ lutionnaires, gagés par nos ennemis, pour entra¬ ver, par les élans exagérés d’un patriotisme faux et perfide, les opérations révolutionnaires des vrais amis de la République; les membres toujours fermes et ardents de cette Société républicaine, se présentent à votre barre pour (1) Il y a une erreur évidente du procès-verbal. Il faut lire : « La Convention décrète qu’il y a lieu à délibérer... » (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 367. (3) Bulletin de ta Convention du Ior jour de la lre décade du 4e mois de l’an II (samedi 21 dé¬ cembre 1793). Moniteur universel du 4 nivôse an II (mardi 24 décembre 1793), p. 378, col. 2. applaudir à vos travaux, à ceux des comités de Salut publie et de sûreté générale dé la Con¬ vention; ils vous déolarent que oette Société formera, avec tous les wais républioains, un faisceau inexpugnable pour défendre de tout son pouvoir ces comités salutaires contre leurs calomniateurs, contre tous ces êtres per¬ vers dont le cœur perfide distille un poison mor¬ tel enveloppé sous l’écorce trompeuse du patriotisme, Oui, législateurs, les Cordeliers vigilants et fermes, qui ont toujours bravé les orages les plus grands, sauront encore déjouer les projets de tous les intrigants, de ces âmes de boue qui se jouent impunément du sort et du bonheur de leurs concitoyens, en entravant de la manière la plus perfide les opérations salutaires des comi¬ tés de Salut public et de sûreté générale. En vain, les émissaires de Pitt, en vain leurs com¬ plices s’agitent en tous sens, il faut que ce parti liberticide soit écrasé : il n’y a point à balancer; on ne verra jamais les républicains composer avec les esclaves des tyrans; on ne les verra jamais mollir lorsqu’il faudra déployer de l’éner¬ gie. C’est avoir combattu trop longtemps avec quelque ménagement; l’instant est arrivé où nous ne devons plus en garder. Le peuple veut que le gouvernement républicain assure son bonheur ; il punira avec sévérité ceux qui s’y opposeront. Législateurs, vous avez maintenu votre comité de Salut public, et vous avez bien mérité de la patrie reconnaissante : ce comité (et nous devons en accepter l’augure) continuera de justifier la confiance que le peuple a mise en lui. Du courage, point de faiblesse, l’amour et le maintien des grands principes; telles sont les vertus qui doivent plus particulièrement le caractériser; telles sont celles qu’il déploiera avec plus de force encore, étant appuyé par l’opinion publique, soutenu par le faisceau indis¬ soluble des vrais républicains. La nature des circonstances a nécessité la formation d’un gouvernement révolutionnaire; mais c’est pour assurer plus promptement et plus efficacement le bonheur du peuple, eu renversant tous les projets liberticides. Que pourrait craindre pour la liberté, ce gouverne¬ ment révolutionnaire, quand il n’est établi que pour l’assurer? La terreur, qui est à l’ordre du jour, peut-elle être dirigée contre les patriotes? Non... c’est contre les aristocrates, les malveillants et les agent perfides seuls qu’elle est avec raison diri¬ gée. Vous avez abattu, législateurs, les chefs d’une faction liberticide, et leurs complices existent encore ! Ces complices fomentent par leurs agents, leurs amis, des troubles dans la République; ils entretiennent la division et machinent sans cesse la perte des patriotes les plus ardents qu’ils font calomnier de la manière la plus perfide : frappez-les aussi, législateurs, ces hommes dangereux; que l’acte d’accusation contre les députés détenus, complices de cette faction liberticide, soit envoyé au tribunal révolutionnaire, et la Convention aura encore une fois bien mérité de la République. , 'Réponse du Président. Citoyens, des républicains ne donnent et ne reçoivent jamais des éloges. Vous nous avez loués; nous avons donc fait nôtre devoir. Eh bien I voilà notre récompense, la seule qui soit [Convention nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. fo [iéSbre «93 digne du peuple qui nous a commis le soin d’établir sur des bases inébranlables son indé¬ pendance et sa liberté. Il n’est que trop vrai que de perfides mandataires, qui ont trop longtemps siégé parmi nous, avaient osé conspirer, dans le sein même de la Convention, contre le peuplé, leur Souverain et le nôtre. Les principaux chefs ne sont plus; leur forfaiture a été effacée dans leur sang. Il reste encore quelques-uns de leurs complices sous la main de la justice : ils sont accusés au nom du peuple; s’ils sont coupables, ils n’échapperont pas à la vindicte nationale, qui les réclame et les attend. Le tribunal révolutionnaire doit les juger. La Convention a décrété, il n’y a pas longtemps, qu’un nouveau rapport lui apprendrait si la liste des conspirateurs devait être grossie de quelques nouveaux traîtres échappés à la rigueur d’un premier examen; le rapport ne peut être fait qu’avec les pièces de la procédure, qui sont nécessaires au tribunal pour décider du sort des accusés qui ne sont pas encore jugés. Sachez, patriotes de 1789, vous qui, à cette époque, avez appelé courageusement la Képu-blique, sachez que la justice nationale ne sera jamais retardée, ni éludée, en faveur d’aucun citoyen, quelle que soit son existence, son état, ses rapports et les fonctions publiques dont il peut être revêtu. La justice est une, comme la République; elle en est la plus sûre politique. C’est la seule — nous vous le déclarons au nom de tout le peuple français; oui, c’est la seule, dont nous voulons suivre invariablement, mais spontanément, les principes. Nous devons et nous voulons être étrangers à toute influence. Nous saurons la repousser loin de nous dans toutes les occasions, et en garantir surtout les magistrats qui tiennent dans leurs mains les balances de la justice. COMME rendu du Journal des Débats et des Décrets (l). Des pétitionnaires sont admis à la barre. L’orateur. Les amis des Droits de l’homme, les Cordeliers... Couthon. Je demande à faire à la Convention une observation qui, en apparence, ne tient à (1) Journal des Débats et dès Décrets (frimaire an II, n° 458, p. 418). D’autre part, le Moniteur universel [n° 92 du 2 nivôse an II (dimanche 22 dé¬ cembre 1793), p. 371, col. 1 et 2] rend compte de la pétition des Cordeliers dans les termes suivants : Des pétitionnaires se présentent à la barre, et portent la parole, le chapeau sur la tête. Couthon. Qu’il me soit permis d’interrompre l’orateur pour' un objet important, puisqu’il peut tendre à faviiissement de la représentation natio¬ nale. Je demande pourquoi, lorsqu’on parle devant une section respectable du peuple réunie dans le lieu de vos séances, pourquoi lorsqu’on parle devant les mandataires du peuple chargés de faire respecter sa souveraineté, des pétitionnaires se permettent de garder leur chapeau sur leur tête; remarquez, citoyens, qu’il ne s agit point ici de nous, mais du peuple lui-même. Toutes les fois qu’un homme parle en public ou devant une portion considérable du peuple, il doit respecter la majesté du peuple dans la section qui est devant lui; il doit également la respecter en la personne de ses représentants, la majesté du peuple rien, et qui, dans mon opinion, tient essentiel¬ lement à un système d’avilissement de la Convention nationale. Toutes les fois qu’un citoyen parle en public, il doit respecter la majo¬ rité du peuple devant lequel il énonce Son opi¬ nion, à plus forte raison quand il parle dans le lieu des séances des représentants du peuple. Je pense moi, qu’il doit parler découvert, non par rapport aux représentants eux-mêmes qui ne sont rien, mais par respect pour le peuple entier qu’ils représentent, et à cet égard, je demande l’exécution du règlement de la Con¬ vention. Robespierre. L’abus dont se plaint Couthon ne doit être attribué à aucune mauvaise inten¬ tion de la part des pétitionnaires, mais seule¬ ment à une fausse application d’un principe vrai, à l’imitation d’un exemple dangereux donné par les représentants du peuple eux-mêmes. Il est bien vrai que les hommes sont égaux entre eux; mais il est faux qu’un indi¬ vidu vaille toute la société. Je ne pense pas qu’il faille rien décréter à l’égard des pétition¬ naires. Que mes collègues donnent l’exemple du respect que l’on doit au peuple : tout le monde le suivra. Granet demande la question préalable sur la proposition de Couthon. Couthon demande que Granet motive sa question préalable. Granet. Je demande à" la Convention si l’Assemblée constituante, si l’Assemblée légis¬ lative, si elle-même se sont avilies pour avoir est blessée par le ton léger avec lequel on parle en public. Je demande que tout pétitionnaire soit tenu d’ôter son chapeau lorsqu'il paraît devant lès représentants du peuple. Robespierre. L'abus dont se' plaint Couthon ne peut être attribué à aucune mauvaise intention de la part des citoyens qui sont maintenant a la barre; cependant 11 est réel, cet abus, 11 vient de la mau¬ vaise application d’un principe véritable.Sans doute, tous les citoyens sont égaux entre eux; mais il n’est pas vrai qu’un seul homme soit l’égal d’une por¬ tion quelconque de citoyens : un individu qui parle dans une assemblée doit respecter en elle la société générale dont il est membre. Citoyens, l’abus dont nous nous plaignons a été introduit ici par des membres même de cette assemblée. D’après cela, il n’est pas étonnant que les pétitionnaires aient cru devoir jouir du même droit. Je demande qu’il soit défendu aux membres de cette Assemblée de parler couverts. Un membre demande sur cette proposition la question préalable. Couthon. Je demande que ce membre soit tenu de motiver la question préalable qu’il réclame. Le membre. Je demande si les Assemblées consti¬ tuante et législative se sont crues déshonorées lors¬ qu’une députation de Quakers s’est présentée devant elles? Robespierre. Les exceptions confirment la règle. Les Quakers ont de tout temps eu l’habitude de parler couverts. Je demande le maintien de notre règlement. Cette proposition est adoptée. La Société des Cordeliers vient presser l’acte d’ac¬ cusation contre les 73 députés détenus. Le Président répond aux pétitionnaires que le rapport dépend des pièces qui sont encore entre les mains du tribunal révolutionnaire.