403 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAMES. [18 juillet 1791.] la désobéissance à la loi et d'empêcher le maintien ou le rétablissement du bon ordre. Vos comités m’ont chargé de vous en faire le rapport. Ils ont pensé, Messieurs, qu’il était important que la sévérité de la loi se dirigeât contre ceux qui, profitant de l’erreur, de l’égarement, de l’ignorance de quelques citoyens, les portent à désobéir à la loi, à être les instruments des violences et des désordres. Ils ont pensé qu’il fallait punir aussi ceux qui, dans les attroupements, provoquent des attentats tels que ceux qui vous ont affligés hier, par des cris séditieux et meurtriers, qui déshonoreraient le nom français, si l’on ne savait que ce sont des brigands salariés qui les exercent. Ils ont pensé qu’il fallait entourer les soldats de la loi, auxquels vous devez de si justes éloges, de toute la protection de cette même loi, et ne pas souffrir que lorsqu’ils paraissent pour-la faire exécuter, des cris séditieux ou des violences pussent être invoquées impunément contre eux. Ils croient avoir rempli ces trois objets par les trois articles que voici : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï ses comités de Constitution et de jurisprudence criminelle, décrète ce qui suit : « Art. 1er. Toutes personnes qui auront pro' voqué le meurtre, le pillage, l’incendie ou la désobéissance à la loi, soit par des placards ou affiches, soit par des écrits publiés ou colportés, soit par des discours tenus dans des lieux ou assemblées publiques, seront regardées comme séditieuses ou perturbatrices de la paix publique ; et en conséquence, les officiers de police seront tenus de les faire arrêter sur-le-champ et de les remettre aux tribunaux pour être punies suivant la loi. « Art. 2. Tout homme qui, dans un attroupement ou émeute, aura fait entendre un cri de provocation au meurtre, sera puni de 3 ans de chaîne , si le meurtre ne s’en est pas suivi et comme complice du meurtre, s’il a eu lieu. Tout citoyen présent est tenu de s’employer ou de prêter main-forte pour l’arrêter. « Art. 3. Tout cri contre la garde nationale tendant à lui faire baisser ou déposer ses armes est un cri de sédition, et sera puni d’un emprisonnement qui ne pourra excéder 2 années. « Le préseut décret sera imprimé et envoyé dans tous les départements. M. Pétion paraît à la tribune. (Vive agitation.) Un grand nombre de membres : Aux voix ! aux voix ! M. Pétion. Je désirerais seulement entendre une seconde lecture du projet afin de connaître positivement ce qu’il contient. Voilà le seul motif qui m’a fait monter à cette tribune. M. Regnaud (de Samt-Jmn-d’ Angély) , rapporteur, fait une seconde lecture du projet. M. Pétion. Je demande la parole. Un grand nombre de membres : Aux voix ! aux voix ! M. d’André. Je demande que l’on entende M. Pétion. (Le silence se rétablit.) M. Pétion. Le moment dans lequel je parle est peu favorable à l’opinion que je vais défendre; je la défendrai cependant avec la plus intime conviction. Je dis que le premier article du projet des comités, dans la partie que je vais exposer à l’Assemblée, est très funeste à la liberté de la presse. ( Rires ironiques.) A gauche : Oui ! Funeste à Marat, Brissot, Laclos, Danton! M. Pétion. Il est des expressions dans cet article à l’aide desquelles on pourrait rendre des jugements très arbitraires. (Applaudissements à l'extrême gauche.) Vous n’avez pas cru sans doute que mon dessein était de m’élever contre la totalité de l’article, du moins ou n’a pas dû le croire. (Murmures.) Il est dit dans cet article, en termes vogues : « Toutes personnes qui auront provoqué le meurtre, le pillage, l’incendie ou la désobéissance à la loi. « Personne plus que moi ne respecte les lois rendues. (Exclamations ironiques et applaudissements.) Messieurs, les murmures ne m’empêcheront pas de continuer. Toutes les calomnies dont je puis être environné ne m’empêcheront pas de parler avec la dignité et la franchise qui conviennent à un représentant de la nation. (Applaudissements.) Je dédaigne profondément les calomnies et je défie aucun membre de cette Assemblée, aucun citoyen d’articuler contre moi un seul fait dont un honnête homme puisse rougir. (Applaudissements.) Je dis que je respecte la loi quand elle est rendue, et je' vais plus loin, j’engage à la respecter. Mais, Messieurs, il est bon d’observerque les expressions dont on se sert dans l’article peuvent donner lieu à une multitude de persécutions, et telle ne doit pas être votre intention. Lorsqu’une loi est rendue, certainement il faut la respecter, mais. Messieurs, qu’entend-on par provoquer à désobéir aux lois? Lorsqu’une loi est rendue, sans doute on doit lui obéir, mais il est permis à tout citoyen, tout en lui obéissant, d’établir que la loi rendue n’est pas conforme aux principes de la raison et de la justice. (Murmures.) J’aurai écrit avec liberté sur une loi rendue. Eh bien! Que me dira-t-on? On me dira : vous avez affaibli le respect qui est dû à la loi par la manière dont vous vous êtes exprimé, vous avez engagé à la désobéissance à la loi; si vous n’aviez pas écrit contre celte loi, personne n’aurait désobéi. C’est donc vous qui avez provoqué la désobéissance. Voilà, Messieurs, par quels moyens on parvient à tuer insensiblement la liberté île la presse qui est le rempart le plus formidable contre l’oppression. Un membre : C’est pour Brissot que vous parlez là. M. Pétion. Je demande donc que les expressions qui concernent ce qui doit être qualifié de désobéissanceàlaloisoientrendues plus précises de façon à éviter toute interprétation contraire à la liberté de la presse. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angély), rapporteur. D’après les observations d'è M. Pétion, voici comme je propose de rédiger l’article : « Toutes personnes qui auront provoqué le 404 [Assemblée nationale.] meurtre, le pillage, l’incendie et conseillé formellement la désobéissance à la loi, etc... » M. Pélion. Je suis d’accord. (La modification proposée à l’article premier est adoptée.) M. Troiichet. L’article 2 édicte une punition de 3 ans de chaîne contre fout individu qui, dans un attroupement ou émeute, aura fait entendre un cri de provocation au meurtre, si toutefois le meurtre ne s’en est pas suivi. Je demande qu’il soit bien entendu qu’au cas où la peine des galères ne serait pas insérée dans le Code pénal, le coupable visé dans l’article qui nous occupe subira la peine correspondante inscrite dans le Code pénal. M. Regnand (de Saini-Jean-d' Angêly) , rapporteur. J’adopte l’observation. M. Guillaume. L’article 3 du décret qui vous est présenté ne porte que sur les cris qui sont dirigés contre la garde nationale. Je crois qu'il n’est pas moins important de réprimer les mômes cris lorsqu’ils sont dirigés contre les officiers publics chargés de mettre la force en action. Je demande donc que l’on ajoute une disposition à cet égard. M. Regnaud (de Saint -Jean-d’Angély), rapporteur. Cette loi a déjà été portée antérieurement; mais il n’y a pas d’inconvénient à l’insérer dans l’article. On pourrait donc dire : « Tout cri contre la garde nationale ou la force publique en fonctions, etc. » (Cette modification est adoptée.) En conséquence, le projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï ses comités de Constitution et de jurisprudence criminelle, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Toutes personnes qui auront provoqué le meurtre, le pillage, l’mcendie, et conseillé formellement la désobéissance à la loi, soit par des placards ou affiches, soit par des écrits publiés ou colportés, soit par des discours tenus dans des lieux ou assemblées publiques, seront regardées comme séditieuses ou perturbatrices de la paix publique ; et, en conséquence, les officiers de police seront tenus de les faire arrêter sur-le-champ, et de les remettre aux tribunaux, pour être punies suivant la loi. Art. 2. « Tout homme qui, dans un attroupement ou émeute, aura fait entendre un cri de provocation au meurtre, sera puni de 3 ans de chaîne, si le meurtre ne s’en est pas suivi, et comme complice du meurtre, s’il a eu lieu : tout citoyen présent est tenu de s’employer ou de prêter main-forte pour l’arrêter. Art. 3. « Tout cri contre la garde nationale, ou la force [18 juillet 1791.] publique en fonctions, tendant à lui faire baisser ou déposer ses armes, est un cri de sédition, et sera puni d’un emprisonnement qui ne pourra excéder 2 années. « Le présent décret sera imprimé et envoyé dans tous les départements. » (Ce décret est adopté.) M. Garat ainé. Messieurs, vous venez d’établir une loi contre les provocations directes. Je demande que vous en fassiez aussi une contre les provocations indirectes. Les lois de toutes les nations qui ont voulu pourvoir à la sûreté publique ont eu soin de prévoir les moyens indirects par lesquels on pourrait y porter atteinte. C’est contre ces moyens indirects qu’il faut se prémunir. (Murmures.) Plusieurs membres : À l’ordre du jour I M. Garat ainé. Sans dire d’une façon précise: désobéissez à la loi, on peut cependant écrire avec trop de liberté, avec licence contre la loi. (Murmures.) Plusieurs membres : A l’ordre du jour! M. Garat aîné. Je suppose qu’en écrivant ainsi contre la loi, un individu calomnie les législateurs, qu’il cherche à rendre suspects leurs intentions, leur caractère, et je suppose qu’après avoir écrit ainsi, il se couvre du nom imposant d’une collection d’hommes particulière, pour faire parvenir cet écrit à tous les départements, à toutes les sociétés des amis de la Constitution; je le demande, Messieurs, une telle conduite ne fend-elle pas à la sédition'? (Murmures.) Plusieurs membres : A l’ordre du jour! M. Rarnave. Le moment où les circonstances semblent solliciter et autoriser le plus de sévérité de la part de la loi, contre les causes quelconques des troubles, est aussi celui que l’Assemblée nationale doit choisir pour exprimer de la manière la plus forte son respect profond pour la liberté et la haine dont elle ne s’écartera jamais pour tout ce qui porterait le caractère de l’inquisition ou de l’arbitraire. Je demande donc qu’on passe à l’ordre du jour. (L’Assemblée consultée décrète Tordre du jour.) M. de Witlgenstun, officier général, est admis à la barre , et prête le serment décrété le 22 juin. (L’Assemblée lui accorde les honneurs de la séance.) M. Thibault, évêque du départemnent du Cantal , au nom du comité de vérification , donne lecture de la liste des députés qui n’ont pas répondu à l’appel nominal fait le 12 de ce mois, et annonce que MM. de Bonnay et de Sérent ont déclaré qu’ils assisteraient dorénavant aux séances de l’Assemblée. La liste des absents est définitivement arrêtée comme suit : AKCH1VES PARLEMENTAIRES.