SÉANCE DU 1er JOUR DES SANS-CULOTTIDES AN II (MERCREDI 17 SEPTEMBRE 1794) - N° 36 239 nationaux, surtout dans les petits districts, où les administrateurs, affublés du bonnet rouge, ne sont en partie que de ces patriotes masqués, qui ont toujours préféré leurs intérêts particuliers à l’intérêt général. Je viens vous rappeler ce qui s’est passé dans le district de Sarreguemines, département de la Moselle, où des dilapidations terribles ont été commises dans la vente du mobilier du ci-devant comte de Vergennes, du duc de Deux-Ponts, de la ci-devant comtesse de La Leyen, et du ci-devant prince de Sarrebruck, puisque par un rapport fait à la Convention, un administrateur seul est accusé d’avoir diverti pour 4 millions. Il est avec son président depuis huit mois à la Conciergerie. Je laisse au tribunal le soin de dépouiller cette matière et de venger avec la plus sévère justice la nation de ces dilapidations, si elles ont eu lieu. J’ai demandé la parole au sujet de la vente de la maison et du jardin de l’émigré Mandel. Ces biens ont été vendus au district de Sarreguemines, au-dessous de la mise faite par Joseph Burting, jardinier à Saint-Avold, qui avait porté la maison à 12 000 L et le jardin à 3 000 L ; la maison a été adjugée à 10 000 L, et le jardin a été adjugé à Bidault fils, administrateur du directoire, à 2 400 L, sans qu’au préalable les affiches aient été posées à Saint-Avold, lieu et ban où se trouvent situés les biens. Lallemand, agent national, a, par une lettre débouté Joseph Burting, jardinier, sur la demande qu’il a faite au district sur cette vente. Par décret du 19 ventôse, la Convention nationale a renvoyé au représentant du peuple Mallarmé la dénonciation et la lettre de l’agent national, pour en prendre connaissance, et en faire son rapport à la Convention. Le représentant Faure a destitué Bidault fils de ses fonctions et le représentant Mallarmé a destitué Lallemand, agent national dudit district. Je demande contre eux l’exécution de la loi du 17 septembre 1793 (vieux style), et le renvoi de toutes ces observations aux deux comités des Finances et de Sûreté générale réunis (68). 36 On demande que les élèves de l’Ecole de Mars assistent tous à la fête de la cinquième sans-culottide. Cette proposition est combattue, et on propose de n’en admettre qu’un détachement ; après quelques débats le décret est rendu comme il suit : Sur la motion d’un membre, la Convention nationale décrète que tous les élèves de l’Ecole de Mars participeront à la fête du dernier jour des sans-culottides ; charge le comité d’instruction publique (68) Moniteur, XXI, 783-784. Mention dans Gazette Fr., n° 991. d’en disposer le plan, de manière qu’ils y trouvent une place (69). PEYSSARD : L’intention de la Convention étant dans toute les occasions, de fraterniser avec les élèves de Mars, la dernière sans-cu-lottide me paroît être le moment le plus convenable pour lui faire exprimer ce sentiment. Je demande donc que selon le plan que le comité d’instruction publique doit vous soumettre pour la fête qui doit avoir lieu la dernière sans-culottide, le corps entier des élèves de Mars y trouve une place. Il ne faut point les y faire assister par partie ; ce seroit donner à ceux qui ne s’y trouveroient pas une mortification qu’ils n’ont pas méritée. Cette fête nous fournira aussi un beau moment pour confondre les aristocrates, ranimer les patriotes, et confondre ceux qui se déchaînent contre la Convention. Tous me semblent avoir droit d’assister à cette fête, et elle laissera dans l’esprit de ces jeunes élèves une impression utile à la République. COUPÉ (de l’Oise) (70) : Je dois ajouter un fait. Mes collègues, ainsi que moi, témoins de la manière dont ces élèves ont manœuvré hier dans un endroit où manœuvroient jadis les troupes ci-devant royales, n’y ont point vu de différence ; et la manière dont ces manœuvres ont été exécutées, fait le plus grand honneur à ceux qui ont imaginé cette école. BENTABOLE : On vous a parlé avec éloge de la manière dont les jeunes élèves se sont conduits hier, et nous en avons tous été d’accord. Il ne s’est point élevé de calomniateurs contre les élèves de Mars ; mais quelques personnes ont pu craindre que les malveillans ne parvinssent à donner à cette institution une direction dangereuse pour la chose publique ; c’est le secret qu’on a constamment gardé sur ce dépôt, qui a pu inquiéter : ainsi personne ne s’est élevé contre eux, mais bien contre ceux qui pourroient entreprendre de les faire tourner contre la chose publique. PEYSSARD : Ce sont les observations de mon collègue Bentabole qui sont désorganisa-toires, et non les miennes. PELET : Il semble à quelques personnes, quand on parle du camp de Mars, que l’on s’adresse à eux; ils s’identifient tellement à cette école, que faire quelques réflexions sur eux c’est calomnier les élèves. Je demande donc que la Convention écarte l’idée que les élèves puissent être mortifiés de ce qu’ils n’as-sisteroient à la fête que par un détachement. Pourquoi vouloir que ces élèves ne se croient pas bien représentés par une députation? Il me paroît bien plus digne d’eux et de la Convention d’y assister par détachement, et de continuer leurs exercices. Un membre [MASSIEU] (71) : J’observe que les exercices des élèves seront discontinués le jour de la cinquième sans-culottide. (69) P.V., XLV, 308. C 318, pl. 1287, p. 3. Décret n° 10 919 signé de la main de Peyssard, rapporteur. (70) Mess. Soir, n° 760 donne seul le nom de l’intervenant. (71) J. Perlet, n° 725. 240 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE La proposition de Peyssard est décrétée (72). 37 La section Guillaume Tell [Paris] proteste de son attachement à la représentation nationale, offre et dépose sur le bureau la somme de 1 127 L 4 sous 6 d en don patriotique. Mention honorable, insertion au bulletin (73). [ Adresse présentée par une députation de la section de Guillaume Tell à la Convention nationale, Paris, lre sans-culottide [an II\ (74) Représentans du peuple. Des artistes distingués par leurs talens et ce qui vaut encore mieux, par leur patriotisme, nous avoient témoigné le plus vif désir de concourir au soulagement des intéressantes victimes de l’explosion de la poudrerie de Grenelle ; hier leur désir a été satisfait. Ils se sont réunis à la section de Guillaume Tell dans son temple de la morale où plusieurs d’entr’eux viennent habituellement célébrer les victoires et les bienfaits de la République française : et là au milieu d’une assemblée nombreuse, électrisée par une harmonie vraiment patriotique s’est fait une collecte montant à la somme de onze cent vingt sept livres quatre sols six deniers que nous venons déposer sur l’autel de la patrie. Représentans du Peuple! Vous présenter une offrande destinée à payer au malheur une dette sacrée, c’est remplir, je le sens, une mission qui ne peut que flatter extrêmement des cœurs vraiment sensibles : mais certes ce qui nous flatte pas moins, c’est de pouvoir vous assurer qu’après avoir entendu ces estimables artistes, dont quelques-uns sont en votre présence, après les avoir couverts des applaudis-semens les plus mérités, ces citoyens de la section Guillaume Tell et tous les francs patriotes qui s’étoient joints à eux, ennemis prononcés des rois et de la royauté, amis ardens de la liberté et de l’égalité, se sentoient encore plus disposés à combattre de toutes leurs forces les faux républicains et s’écrioient avec une joie, un accent de vérité que je voudrais en vain vous peindre : Vive la République française, une et indivisible! F. Frassurt, Boullaud, Barry, Leoue, commissaires, Deshaye, commandant en chef et commissaire. (72) Débats, n° 727, 512-513. Mentionné peu-Moniteur, XXI, 783 ; J. Mont., n° 141 ; J. Fr., n° 723 ; Mess. Soir, n° 760 ; Ann. R. F., n° 290 ; M. U., XLIII, 508 ; Gazette Fr., n° 991 ; J. Perlet, n° 725 ; Rép., n° 272 ; F. de la Républ., n° 438. (73) P. V., XLV, 308. (74) C 318, pl. 1297, p. 2. Reproduite dans Bull., 1er jour s.-c. ; J. Fr., n° 723 ; Mess. Soir, n° 760 ; Ann. R. F., n° 290 ; Gazette Fr., n° 991 ; J. Perlet, n° 725 ; Ann. Patr., n° 625 ; C. Eg., n° 760 ; Débats, n° 727, 513. [Produit de la collecte faite au temple de la Raison de la section Guillaume Tell pour les blessés de la poudrerie de Grenelle, le 30 fructidor an IT\ (75) 38 Un membre dénonce que le nommé Mullot, de la commune de Mende, département de la Lozère, vient d’être mis en liberté par le comité de Sûreté générale, de qui on a trompé la religion sans doute, puique ce même Mullot avoit été mis en réclusion par Borie, représentant, parce qu’il avoit fourni des munitions à l’infâme Charrier, chef des brigands de la Lozère, qui n’avoit d’autre munition que celle qui lui fut remise par Mullot, et avec laquelle le sang des patriotes a coulé. Cette dénonciation a été renvoyée au comité de Sûreté générale, où le citoyen Borie sera appelé pour donner des renseigne-mens (76). 39 PONS (de Verdun) : Des personnes que je ne connais que dans le sens que les malheureux sont tous de la connaissance des représentants du peuple m’ont, ces jours-ci, adressé une pétition. L’humanité me commande de vous en faire part ; des raisons politiques vous défendent de la discuter à cette tribune ; l’aristocratie, qui s’agite autour de vous dans tous les sens ne manquerait pas de tirer parti de votre humanité même. J’ai cherché le moyen de lui ôter cette ressource; je crois l’avoir trouvé en vous invitant à concentrer cette affaire dans le sein des trois comités. Huit femmes ont été condamnées à mort par le ci-devant tribunal révolutionnaire [les anthropophages du tribunal de Robespierre] (77) ; leur exécution n’a été suspendue que parce qu’elles ont été reconnues enceintes. (75) C 318, pl. 1297, p. 3. En marge est portée l’attestation de la réception de ce don. (76) P. V., XLV, 308. C 318, pl. 1287, p. 4. A rapprocher des interventions de Reynaud et de Duquesnoy mentionnées ci-dessus n° 31. Décret n° 10 926. Rapporteur : Reynaud. (77) Gazette Fr., n° 991.