102 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ANNEXE à la séance de l’Assemblée nationale du i 8 avril 1790. nota. M. le baron de Wimpfen fit imprimer et distribuer, à la date du 18 avril, des observations sur le plan du ministre de la guerre, communiqué à l’Assemblée nationale dans la séance du 12 avril.— Cette pièce faisant partie des documents parlementaires de la Constituante, nous l’insérons ci-dessous. Observations préliminaires sur le plan du ministre de la guerre, par le baron Félix de Wimpfen, député du Calvados. Messieurs, de mille observations que je pourrais faire sur le plan du ministre de la guerre, je ne me permettrai de vous en présenter qu’une seule, qui en renferme plusieurs autres. Je ne parlerai pas du plan que j’ai préconisé dans un écrit du mois de février dernier, et qu’un concours de méprises et d’intérêts personnels ont fait rejeter. Je serai court, quoique la matière fournisse amplement à la pensée. Je n’avancerai rien qui ne soit fondé sur l’expérience, et qui ne se trouve encore appuyé par le sentiment des deux généraux de l’Europe qui furent le plus versés dans les détails, et qui, aux talents les plus éminents pour la guerre, joignaient les connaissances les plus réfléchies de l’organisation de toutes les armes. C’est de Saxe et Lowendal que je parle ; deux noms chers à la nation, par les glorieux souvenirs qu’ils réveillent, et les sentiments d’admiration et de reconnaissance que ces deux étrangers ont si bien mérité d’elle. Par le plan maintenant soumis à l’examen de votre comité militaire, et dont il vous sera fait un rapport détaillé, l’on réforme des officiers du génie et des officiers de l’artillerie, et mille à onze cents capitaines des autres armes. Il n'est personne de vous, Messieurs, qui ne sache que les corps du génie et de l’artillerie sont les plus instruits de l’Europe, et qu’il n’est aucune puissance qui ne donnât des grades supérieurs à ceux de nos ingénieurs et officiers d’artillerie, qui se présenteraient pour y prendre service. Et certes, votre intention n’est pas de faire une économie de cette nature. Si ces deux corps sont reconnus pour être hors de proportion avec le reste de l’armée, la justice exige, et la politique conseille, qu’on rende cette réforme éventuelle. Par ce plan, le ministre ne dédouble point les compagnies. Ce premier cadre y est des plus vicieux. Parle dédoublement des compagnies, il se trouverait que chaque compagnie serait commandée par un capitaine qui aurait directement sous ses ordres un lieutenant et sous-lieutenant, dont l’un, de semaine, fait exécuter les ordres du capitaine, quand l’autre reste en réserve pour le service du régiment. C’est sous l’aspect de cette hiérarchie qu’il faut considérer le nombre proportionnel des officiers et des soldats. Avec des cadres, l’on peut augmenter l’armée suivant les circonstances, en augmentant simplement la force des compagnies, où chaque augmentation de cinq hommes renforce l’armée de [18 avril 1790.] 10,000 hommes. De sorte que dans aucun cas imaginable, l’on n’ait nécessité de créer de nouveaux corps, au lieu que, des compagnies de 90 ou 100 hommes, sont, à 30 ou 40 hommes près, au dernier terme de leur force, et ne permettent d’augmenter celle de l’armée que d’un quart ou d’un cinquième, à moins de lever de nouveaux corps, ce qui est un parti extrême et dangereux au moment d’une guerre. J’ai dit que le capitaine devait être considéré sous l’aspect du commandant d’une compagnie, ayant sous ses ordres une troupe composée d’officiers, de sergents et de soldats. C’est un ensemble que commande le capitaine; et c’est ce qu’il ne faut point perdre de vue, quand on prétend juger, avec connaissance de cause, la proportion qui doit exister dans une bonne organisation entre le nombre des officiers et celui des soldats. En considérant maintenant le cadre d’un régiment dans son ensemble et dans ses parties majeures, nous trouvons qu’un régiment doit avoir son commandant en chef, de même que la compagnie a le sien; et que les parties majeures du régiment sont des bataillons qui doivent également avoir chacun son commandant particulier qu’on appellera lieutenant, colonel ou commandant de bataillon, le nom n’y fait rien: lesquels commandants sont responsables envers le colonel de l’exécution de ses ordres, comme les lieutenants le sont envers le capitaine. Passant ensuite jusqu’à l’organisation, ou au cadre d’un des quatre corps d’armée, nous trouvons un commandant en chef, des commandants d’ailes, des commandants de divisions, des commandants de brigades, des maréchaux et aides-maréchaux généraux des logis, des majors et aides-majors généraux, des ingénieurs, des commissaires, des capitaines et lieutenants, des guides» des aides-de-camp, etc., etc., tous agents indispensables qui portent tous le nom générique d 'officiers, et qui n’agissent que sur des masses organisées en subdivisions; car pour remuer une machine, telle qu’une armée, les agents moteurs doivent former une chaîne du long de laquelle les conceptions et les ordres du chef courent, se répandent, arrivent et s’exécutent avec la rapidité du feu électrique. Un général d’armée doit être obéi comme Jupiter qui remue tout l’Olympe par le seul mouvement du sourcil. Après avoir tracé, très en abrégé, le tableau de la hiérarchie militaire et de la correspondance des agents moteurs, j’observerai à ceux qui trouvent que le nombre des officiers est trop considérable pour celui des soldats, qu’il ne se trompent que parce que les premiers cadres, ceux des compagnies, sont vicieux, et parce qu’ils n’ont pas fait les réflexions que le nombre des officiers est le nombre de guerre, tandis que celui des soldats est le nombre de paix ; qu'en cas de guerre le nombre de soldats sera augmenté, suivant l’exigence de la guerre que nous aurons à soutenir; pendant que celui des officiers doit rester stationnaire, parce qu’il n’est point de désastres qui ne peuvent résulter, à la guerre, du défaut d’instruction et d’habitude dans ceux qui doivent commander et conduire des autres, vu que depuis que la tactique a fait des progrès, elle est plus dans les jambes que dans les bras, et qu’il n’est point de général dont le génie puisse suppléer au défaut d’instruction, d’habitude, je dirai même de routine, des officiers de tous grades, qui, dans les évolutions, conduisent les sections d’une armée, et enfin que si une bataille décide souvent du sort d’une campagne, une campagne décide 103 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [19 avril 1790.] quelquefois du sort d’une guerre, et le sort d’une guerre de celui d’uri Empire. Ces courtes observations dont je pourrais faire un gros livre où il n’y aurait rien de trop, tendent à vous engager, Messieurs, à ne point permettre qu’il soit exercé de réforme ni sur l’artillerie, ni sur le génie, ni sur les officiers encadrés dans les compagnies ; et à vous prémunir contre le préjugé qu’on emploie trop d’officiers généraux, et d’officiers de l’état-major de l’armée, lorsque cependant c’est de leur instruction que dépendent les succès de la guerre; et qu’il serait impossible que nous eussions des officiers généraux et un état-major instruit à la guerre, s’il n’y en avait pas un nombre suffisant d’employés pendant la paix. L’erreur, à cet égard, ne provient que de ce qu’on considère que l’inutilité actuelle de tant d’officiers, et qu’on ne songe pas que si l’on n’a une armée que pour la guerre, il faut toujours avoir des officiers instruits pour la plus grande force où cette armée puisse être portée. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE MARQUIS DE BONNAY. Séance du lundi 19 avril 1790 (1). La séance est ouverte à 9 heures du matin. M. Poule, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi soir. M. Hœderer, autre secrétaire , lit le procès-verbal de la séance d’hier dimanche. Ces procès-verbaux n’éprouvent aucune réclamation. 11 est fait lecture des adresses suivantes : Adresse des bas-officiers, grenadiers, chasseurs, etc., composant le régiment royal-la-marine. Ils protestent de leur attachement inébranlable à la constitution, du zèle qu’ils mettront à la maintenir; ils renouvellent enfin leur serment civique, et supplient l’Assemblée nationale de rendre leur colonel, M. d’Ambert, à ses fonctions. Voici en quels termes ils s’expriment: « Les bas-officiers, grenadiers, chasseurs, etc., composant le régiment royal-la-marine, pénétrés de respect pour l’auguste Assemblée, se reposant toujours sur la justice de ses décrets, et disposés à ne former qu’un même esprit et à se réunir aux gardes nationales pour lemaintien de la constitution, qui assure à tout individu sa liberté, ne peuvent s’empêcher de vous témoigner tout leur respect sur un événement assez malheureux pour, au moment de leur départ, les priver de leur colonel, qui depuis le commencement de la régénération de cet empire ne nous a inspiré que l’amour du bien public et la plus parfaite union avec tous les citoyens. « Persuadés que les représentants de la nation et le roi regarderont comme inconséquents des propos peu mesurés qu’on impute à notre chef, à qui on ne peut qu’attribuer la régularité de notre conduite, si elle a pu paraître telle dans toutes les circonstances, nous recourons à leurs bontés (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. pour nous rendre un citoyen aussi digne de nous commander que soumis aux décrets de l’Assemblée et fidèle à les faire exécuter, suppliant de ne pas le priver plus longtemps de sa liberté et de le rendre à ses fonctions ; nos peines actuelles nous empêchent de peindre celles où nous sommes sur l’incertitude de son sort. Nous avons de plus renouvelé le serment d’être fidèles à la nation, au roi et à la loi, comme aussi d’employer toutes nos forces pour assurer la nouvelle constitution. « Ainsi délibéré à Marseille, le 6 avril 1790. » M. lîicard de Séalt dit que le roi a déféré M. le colonel d’Ambert à la justice et qu’il faut attendre le jugement qui sera prononcé. Adresse de reconnaissance, d'adhésion et de dévouement de la garde nationale de Toulon, dans laquelle elle dit : « Le jugement équitable que vous avez rendu dans sa cause lui fait un devoir sacré d’un tribut particulier de vénération et d’amour; hommage trop longtemps suspendu par l’empire des circonstances qui ont occupé la garde nationale pour la nouvelle élection des officiers municipaux. Nous prêtons entre vos mains le serment solennel d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout notre pouvoir la constitution dont le peuple français est à la veille de jouir et qui sera le fruit de vos lumières, de votre zèle et de votre courage. Vous verriez les soldats nationaux de Toulon verser jusqu’à la dernière goutte de leur sang, si ce sacrifice pouvait être nécessaire à l’exécution de vos décrets et à la régénération du royaume de laquelle dépend le rétablissement durable de la liberté française. » Délibération des officiers municipaux de la ville de Toulon qui ont arrêté que les régents et professeurs du collège et les frères des Ecoles chrétiennes seraient invités à puiser dans la déclaration des droits de l’homme et dans les divers décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, la matière des thèmes de leurs écoliers et les lignes qu’ils leur donneront à copier. Voici le texte de la délibération : « Séance de la municipalité du 27 mars 1790. « M. Leclerc, officier municipal, a dit: « Messieurs, pour propager l’esprit de patriotisme, pour le faire germer dans le cœur des jeunes étudiants du collège de cette ville, il me semblerait utile d’inviter MM. les régents et professeurs de puiser la matière de leurs thèmes dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen et dans les divers décrets de l’Assemblée nationale que le roi a sanctionnés; de les inviter à faire lire dans les classes et salles d’étude, le discours prononcé par le roi à l’Assemblée nationale le 4 février 1790, ainsi que l’adresse de l’Assemblée nationale aux Français; d’inviter pareillement les frères des écoles chrétiennes et les maîtres d’écriture, de prendre dans ces écrits, qui respirent l’amour de la patrie, les phrases et lignes qu’ils donneront à copier à leurs écoliers, sans préjudice des maximes chrétiennes dont ils sont en coutume de faire usage; et j’ai l’honneur de vous proposer, en même temps, Messieurs, d’adresser aux supérieurs de la maison de l’oratoire un nombre de placards de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, avec prière d’en faire afficher un dans chaque classe et un