420 [Assemblée nationale.] échappé à leur prudence, puisque leurs projets sont avoués, que tous les bons Français se rallient autour de l’autorité royale et qu’ils repoussent cette liberté folle qufserait licence, cette autorité populaire qui serait anarchie; qu’ils dissipent cette ivresse au sein de laquelle, abusant d’un peuple fatigué de vos Assemblées orageuses, on voudrait établir le pouvoir arbitraire dans un empire où la destruction du clergé, de la noblesse, des parlements ..... {On applaudit de toutes parts.) Dans un empire où il n'existe plus d’intermédiaire entre le peuple et le roi, où la destruction du clergé, de la noblesse, des parlements... ( Les applaudissements redoublent.) M. Lavie. Il est bien étonnant qu’on ne veuille pas entendre l’oraison funèbre de tant d’oppresseurs. {La partie gauche et les spectateurs Applaudissent.) M. deCazaîès reprend. Je crois que si je voulais répondre aux sarcasmes par lesquels on m’interrompt, il me serait facile de prouver que c’est l'oraison funèbre de la monarchie... {La partie droite de l'Assemblée applaudit à son tour.) Ils veulent établir un pouvoir arbitraire dans un empire où la destruction de la noblesse, du clergé, des parlements ne laisse aucune borne au pouvoir d’un seul; ils veulent établir un état de choses où, si vous n’êtes le plus libre, vous serez le plus esclave des peuples; ils veulent établir un pouvoir arbitraire plus despotique que celui d’Orient, dont les fureurs se brisent encore contre le respect des peuples pour la religion et pour ses ministres. Tel est cependant le terme inévitable où vous conduisent ces prétendus amis de la liberté, qui ne veulent pas du gouvernement que veut la nation ; qui veulent rendre étranger à ce gouvernement ce pouvoir judiciaire, ce lien sacré qui unit les rois et les peuples : ce lien brisé, l’anéantissement de l’autorité royale est nécessaire : cette autorité n’aurait pas assez de pouvoir pour punir des factieux qui feraient trembler les juges par les crimes que ces mêmes juges étaient destinés à punir. Mais que veulent donc ces ennemis de la prérogative royale? Espèrent-ils renverser le trône sur lequel les descendants de Glovis sont assis depuis quatorze siècles? Une portion considérable de la nation s’ensevelirait sous ses débris, et vingt ans de crimes ne finiraient pas cette révolution désastreuse. Comment peut-on craindre cette influence royale pour une nation qui a recouvré le droit de s’assembler par ses représentants, d’exprimer, de faire valoir directement sa volonté? Repoussez donc loin de vous ces terreurs qu’inspirent les ennemis delà prérogative royale; repoussez donc ces faux principes que prêchent des hommes qui, constamment serviles, flattent l’autorité partout où ils la trouvent; qui caressent l’autorité populaire, et qui flattaient naguère l’autorité royale qu’ils calomnient aujourd’hui. Il ne s’agit ici ni d’intérêts particuliers, ni de classes différentes ; c’est l’intérêt commun, c’est l’autorité royale qu’il faut défendre. Que tous les amis de la patrie se rallient devant cette sauvegarde! persuadons-nous de cette vérité, que le pouvoir exécutif doit être maintenu dans toutes ses parties pour maintenir le bonheur et la liberté publics : cette vérité n’est redoutable que pour des factieux qui voudraient usurper l’autorité de leur légitime maître ..... {Ce dernier mot excite de grands murmures.) L’autorité royale doit être aujourd’hui la divinité tutélaire de tous les Fran-[7 mai 1790.] çais, le fanal de ralliement des bons citoyens. L’autorité royale n’est dangereuse que pour les hommes qui ne voient des dangers que dans le retour de l’ordre. Réunissons-nous tous pour défendre cette autorité sacrée, et demandons que le roi choisisse parmi trois sujets qui lui seront présentés. MM. l'abbé Maury, Madier de Montjau et Lemu-lier de Bressey s’élancent à la tribune, et embrassent M. de Cazalès. M. le comte Stanislas de Clermont-Tonnerre demande la parole. Elle lui est refusée (Y oy.plus loin son discours annexé à la séance de ce jour.) La partie gauche demande à aller aux voix. — La partie droite se lève pour appuyer cette demande. La discussion est fermée à l’unanimité. Un des secrétaires lit la question conçue en ces termes : « Le roi aura-t-il le pouvoir de refuser son consentement à l’admission d’un juge? » M. de Toulongeon. Je demande à proposer un seul amendement. Lorsqu’il a été question de la sanction, on a dit : Le roi pourra-t-il refuser la loi ? Son refus sera-t-il suspensif ou absolu? Ici on dit : Le roi pourra-t-il refuser le juge élu par le peuple? 11 faut ajouter : Son refus sera-t-il suspensif ou absolu? Voilà mon amendement. M. Barnave. U n’y a pas à délibérer sur eet amendement, qui n’est que la répétition plus simple de la proposition de M. Goupil. Quand nous nous en tiendrions aux formes, ü n’y aurait pas lieu à délibérer. L’Assemblée a décrété la forme des questions, il est impossible de la changer. Mais l’amendement est trop inadmissible pour le combattre par des moyens de forme. Supposer que le refus peut être suspensif, ce serait supposer qu’il existe un pouvoir capable déjuger ce refus. Quel tribunal ne serait intérieur en dignité à la majesté du monarque? Quel tribunal serait plus capable de juger de la bonté d’une élection que le peuple qui a élu, que des hommes qui habitent à côté du juge, et qui ont cru pouvoir y confier leur honneur et leur fortune? (L’Assemblée décide unanimement qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur cette question.) M. Brlois de Beaumetz. Je ne conçois pas comment on peut aller à l’appel nominal sur une question de cette nature : dans ma conscience et d’après les différentes opinions, il ne me paraît pas qu’il puisse y avoir deux avis, ou bien il faudrait supposer que la première question préjuge la seconde : il est évident que l’Assemblée se réserve la liberté tout entière sur la seconde question. Quand j’ai proposé la série que vous avez adoptée, je n’ai pas eu l’insidieuse intention de vouloir que l’Assemblée se liât par la marche seule de sa délibération. J’ai été conduit par l’ordre des idées pour faire passer cette délibération par tous les degrés nécessaires pour la rendre complète. Après la première question, le seconde restera tout entière, et c’est sur celle-là que peut être placé l’appel nominal. (La première question est mise aux voix par assis et levé.) L’Assemblée décrète, à une majorité peu considérable, mais très déterminée : « Que le roi n’aura pas le pouvoir de refuser son consentement à l’admission d’un juge élu par le peuple. » ARCHIVES PARLEMENTAIRES.