654 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 février 1790.] de prendre aussi quelques moments pour réfléchir à la nouvelle loi qu’il nous présente. Puisque ce projet est nouveau, il doit être de nouveau discuté avant d’être soumis à la délibération. M. Démeunier. Je demande à l’Assemblée la permission de lui faire trois remarques : d’abord, le comité n’a pas prétendu vous offrir une loi définitive sur les attroupements, mais seulement une loi provisoire; il faut donc examiner sous ce rapport les projets qu’il vous a présentés; l’Assemblée a établi quarante-huit mille municipalités dans ce royaume ; il est probable que les officiers d’un aussi grand nombre de muni cipalités seront quelquefois négligents, et je ne dis rien de plus : vous devez donc chercher les moyens d’arrêter les inconvénients qui peuvent résulter de ce nombre infini d’officiers municipaux. Par un autre de vos décrets, vous avez ordonné que les départements jugeraient la conduite des officiers municipaux, mais les assemblées de département ne sont point encore formées. Ces trois observations justifient ce que j’ai avancé, je veux dire que votre comité n’a dû vous offrir qu’une loi provisoire. L’Assemblée ue doit point oublier quel était le point où nous en étions lorsqu’elle a ordonné la rédaction de cette loi : les insurrections du moment nous ont seules déterminés à nous en occuper. Votre comité a dû chercher un remède à des maux instantanés, et rétablir l’ordre dans la perception des impôts. A-t-il ou n’a-t-il pas rempli cet objet? Avant de prononcer sur cette question, il faut réfléchir aux moyens qu’il a présentés. Je conclus, avec M. de Mirabeau, à ce qu’on ajourne la discussion à lundi. On demande que la discussion sur l’ajournement soit fermée. M. l’abbé llaury. Je demande qu’elle ne le soit ni sur l'ajournement, ni sur le fond de la question. On peut renvoyer à lundi pour prendre une détermination finale ; l’expérience vient de nous prouver que de longues réflexions peuvent amener un heureux résultat. Deux choses sont à observer dans le dernier projet qui nous est présenté : l’esprit du décret et les dispositions du décret. Je demande que la discussion soit continuée sur l’esprit du décret. On demande à aller aux voix. La discussion est fermée sur l’ajournement. L’Assemblée décide qu’elle va ouvrir la discussion sur le nouveau projet de loi. M. E-e Chapelier fait une seconde lecture du nouveau projet de loi. Les orateurs inscrits pour parler sur cet objet sont successivement appelés. M. le marquis de Cafayette. Les troubles qui ont existé et qui existent encore daus les provinces ont alarmé votre patriotisme, votre humanité, votre justice. Vous avez senti que rien n’était plus contraire à la liberté que la licence ; vous avez pensé qu’il fallait non seulement établir une nouvelle constitution, mais qu’il fallait encore la faire aimer et respecter de tous. D’après ce principe immuable, vous avez invité votre comité de constitution à vous présenter un projet de loi qui fût propre à ramener le calme et la tranquillité daus le royaume. Ce projet vous avait été présenté hier, ét je me disposais à y faire quelques observations : vous venez d’adopter un autre plan de travail ; j’avoue qu’après n’en avoir entendu qu’une lecture, je ne puis parler ni des principes, ni de la rédaction. J’observerai qu’il serait utile de décréter que sans délai votre comité féodal vous représentera ses vues relativement aux propriétés incendiées ; et comme la réflexion a apporté de grands changements au projet qui vous a été présenté hier, je me borne à demander que tous ceux qui ont fait des projets de décret à ce sujet les fassent parvenir à Messieurs du comité de constitution, qui seront invités à réfléchir sur tous les moyens qui leur seront indiqués, et à adopter ceux qui leur paraîtront les plus convenables, sauf à l’ Assemblée à les peser ensuite dans sa sagesse, M. l’abbé Maury. J’observe qu’on devra être très sèvère dans la discussion du projet de loi qui vient de vous être présenté ; car, si ce décret n’était pas réprimant, il serait encourageant ; la licence est à son comble, et les effets de la licence sont, pour les provinces, des incendies ; pour le royaume, la banqueroute. Le grand objet dont vous devez vous occuper est donc d’arrêter les effets de la licence. Je vous invite à ne pas oublier que la liberté est un très grand bien, sans doute, mais la sûreté des citoyens est un bien plus précieux encore. M. Briois de Beaumetz. Je trouve dans le second projet de décret un article contre lequel je m’élève autant qu’il est en moi : c’est celui par lequel vous prévoyez le cas où les officiers municipaux seraient atteints et convaincus d’avoir coopéré aux insurrections, d’avoir favorisé les émeutes. Je ne crains pas de le dire, et je crois pouvoir le dire avec vérité, cet article est d’une immoralité révoltante. Quoi 1 Messieurs, vous supposez que les officiers municipaux, que les pères du peuple armeront les mains du peuple 1 Vous supposez que le feu de la sédition partira des mains de ceux qui doivent l’éteindre ! De semblables suppositions dégradent les municipalités naissantes, elles étouffent dans l’âme de plusieurs citoyens le désir d’être appelés aux dignités municipales. Et c’est dans une loi constitutionnelle qu’on vous propose de faire entrer ces suppositions! Ah ! gardez-vous bien d’y consentir ! Que le décret que vous prononcerez à ce sujet soit mis à la tête de votre Gode pénal ; qu’il trouve place à la suite de la loi qui désignera la peine que vous réserverez au parricide. M. Pétlon de Villeneuve. Je n’ai point assez réfléchi sur le nouveau projet de décret pour le discuter à fond ; deux observations à faire se sont présentées à mon esprit, elles m’ont frappé, et j’en fais hommage à l’Assemblée. « Les officiers municipaux qui ne recourront pas à la force armée dans les cas d’émeute seront responsables, etc. ; » mais dans les campagnes il n’y a pas de force armée, il n’y a pas même de milice nationale ; la sédition aura fait ses ravages avant qu’on ait pu requérir les troupes, et je crois qu’il serait injuste de prononcer des peines contre des officiers municipaux qui n’auront pas eu la possibilité de faire ce qu’ils auraient voulu faire. J’observe encore que les châteaux sont éloignés des municipalités ; que ces châteaux sont ravagés par des bandes errantes et nombreuses : si la force armée est repoussée par les séditieux, parce qu’elle sera plus faible en nombre, les mu*