734 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 février 1791.] grandir, elles ne serviraient qu’à retarder le développement des idées sorties victorieuses du sanctuaire des lois et de la liberté. ( Applaudissements .) Après avoir donné une notion préliminaire de la découverte, il reste, Messieurs, à vous dire quelques mots de son auteur. C’est un de ces hommes ardents et contemplatifs, qui ne bornent pas leur esprit à la seule spéculation ; qui attachent toujours une action à leur pensée; et qui, par conséquent, sont propres à perfectionner et à éterniser les fruits de leurs veilles. Ce n’est pas à une nation enflammée par le patriotisme et la liberté, qu’il est permis de dédaigner de pareils hommes : des erreurs en ce genre sont des taches pour les peuples éclairés. Ce ne sera point vous, Messieurs, qui refuserez de leur servir d’appui, et vous aimerez sûrement le langage que celui-ci vous tient. Voici comme il s’exprime en parlant de son art : « Une des plus inconcevables comme des plus utiles fonctions à assigner à la mer, sera sans doute de la faire revenir dans les terres pardessus les côtes qui la dominent, de la faire remonter sur ces grands et naturels aqueducs, les sources, les rivières, les fleuves qui nous coïncident du haut en bas dans son bassin, dernier réceptacle des eaux du globe. « Ces eaux y resteraient toujours et livreraient le globe à la stérilité, sans la pénétration des rayonssolaires qui, s’amalgamant avec elles, les vaporisent, les convertissent en un fluide mixte de pesanteur spécifique moyenne, pour les élever, vapeurs légères, dans la région des nuages. « Là, condensés en fluide aqueux, seforment, sur la cime des montagnes, et se déroulent de nouveau par gravitation naturelle et sur leurs plans inclinés, tes sources, les rivières, les fleuves entraînés vers la merquidoit les reproduire encore. « Métamorphose admirable, circulation active et féconde, où la nature se peint en si grands traits, êtes-vous donc, vapeurs légères, le seul moyen possible et naturel de la réversion des eaux vers leurs sources élevées? Non.... un homme dans sa faiblesse au milieu de vous, éléments, vous conçoit autrement, et par un autre équilibre d’air et d’eau, sans attendre une vaporisation, ou lente ou incertaine à se produire, vous prescrit en masse fluide une marche rétrograde, et pour le bonheur universel vous fait recommencer à plusieurs fois votre cours (1). » Voici maintenant comme hauteur parle de lui-même, dans le style de tout artiste digne de l’être : « J’ai médité, j'aiagi, jepuisêtreutiie, et je veux l’être à ma patrie. Je me présente au concours, et je la prie de méjuger elle-même. Qu’elle m’abandonne à l’obscurité, si je suis un homme ordinaire; qu’elle se serve ne moi, si je lui parais capable. Ma situation ne me permet pasd’atteudre. Mon insouciance de tout ce qui ne servait pas ma passion pour les arts m’a ruiné. Ma fortune a disparu, je sens ma force, et la vie fuit. Ce serait avec la plus vive douleur que je me verrai contraint de quitter ma patrie, à l’époque, surtout, où elle a recouvré sa liberté. Mais si je suis méconuu par mes concitoyens, je me dois, et je me donne à J’humanité entière. » Le comité ajoute, Messieurs, que l’impatience de l’imagination de l’auteur et l’urgence de ses besoins agiront contre lui-même, s’il n’est pas lixé promptement par quelques grands travaux d’utilité publique, et dégagé de la crainte de s’expatrier, ou des inquiétudes de manquer de subsistance. Cette situation extrême ne peut que décider en sa faveur l’Àss-mblée nationale. Los artistes qui marchent à l’immortalité ne demandent pas de grands sacrifices. Us ne sont avides que de travaux et de gloire. Un regard de leur patrie, un regard de la postérité sont pour eux les premières des récompenses. Toutes ces considérations, Messieurs, ont convaincu le comité que l’intérêt île la nation est d’employer et de secourir l’auteur de cette découverte. si la nation ne veut pas perdre un homme qu’elle pourrait regretter. Mais, vu l’importance du sujet, et la nécessité d’observer scrupuleusement sous tous ses rapports toute machine nouvelle, le comité a pensé qu’il est de la prudence des représentants de la nation de s’assurer encore plus amplement de la vérité et de l’étendue de l’invention de M. deTrouville; qu’il serait dans la prévoyance de l’Assemblée de nommer six commissaires dans son sein, de les choisir entre les membres les plus versés dans les sciences, et de les adjoindre à son comité. Ils appelleraient encore les hommes les plus éclairés, soit de l’académie, soit des savants isolés. Il lui Userait ensuite rendu compte de cette admirable découverte, dans les détails les plus approfondis, et les commissaires lui indiqueraient le premier essai, ou le premier usage qu’il conviendrait d’en faire. Il n’est pas à craindre sans doute que l’envie ose, sous nos yeux, approcher du berceau de la liberté; ainsi l’Assemblée nationale, parfaitement instruite, prendra alors sans inquiétude tel parti qu’elle jugera digne d’une grande découverte et d’une grande nation. PROJET DE DÉCRET. « L’Assemblée nationale, sur le compte avantageux que son comité d’agriculture et de commerce lut a ren u, d’un moyen nouveau également simple et puissant, d’élever les eaux et de les transporter à de grandes hauteurs et distances, présenté par M. de Trouville, et voulant protéger une invention qui peut avoir une si grande influence sur la prospérité de l’agriculture, du commerce et des arts utiles, décrète : « Que six commissaires.choisis au scrutin parmi ses membres, se joindront au comité d’agriculture et de commerce, pour concerter avec lui et avec les gens de l’art, le devis des frais d’une première machine telle que la proposera le sieur de Trouville, afin qu’il soit démontré en grand à la nation les avantages ou les inconvénients de l’invention annoncée; se réservant l’Assemblée nationale de délibérer, sur le rapport que lui feront ses commissaires, ce qu’elle jugera être le plus utile au bien général. » M. Martineau. Je ne doute pas que la découverte du sieur de Trouville ne soit aussi sublime qu’utile ; mais je vous prie, Messieurs, de considérer qu’il n’appartient pas à une Assemblée législative ni à ses membres de juger de l’utilité ou même de la possibilité de l’exécution d’une telle machine. En conséquence, je ne demande pas l’ajournement ; mais je demande que l’Assemblée nationale renvoie la découverte à l’examen de l’Académie des sciences. (1) Extrait du mémoire de M. de Trouville. M. de Bouf fiers. M. le rapporteur n’a pas in-