[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 juin 4791.] 503 toyen de l’Empire est parjure à son serment, dans ces instants où le premier fonctionnaire public se laisse entraîner par les ennemis de la liberté française, avec l’espoir, sans doute, de nous replonger dans l’esclavage, devions-nous, Messieurs, laisser des doutes sur notre profond respect pour nos législateurs, et sur notre attachement à la Constitution que vous nous avez donnée? « Non, Messieurs, nous avons vu la patrie en danger; nous vous avons vus veiller sur elle, et la patrie est sauvée; vous n’avez pas désespéré du salut public , et les ennemis de la liberté gémissent de l’impuissance de leurs efforts. « Pénétrés d’admiration pour la fermeté, la sagesse que vous avez montrées au milieu de l’orage, nous avons pensé qu’il était de notre devoir de vous offrir l’hommage de nos vœux et de notre dévouement. « Tous les Français ont été les témoins de votre héroïsme et l’ont partagé; le sang-froid du courage a régné dans la capitale ; l’harmonie la plus heureuse n’a fait d’une ville immense, qu’une seule famille; et déjà, d’un bout à l’autre de l’Empire, cet exemple est suivi. « Notre bonheur est votre ouvrage, Messieurs ; et notre dévouement à la chose publique peut seul égaler notre reconnaissance. « Pleins de ces sentiments, nous nous présentons au milieu de vous, pour jurer fidélité à la nation et obéissance à vos décrets. » (. Applaudissements .) M. le Président répond : « L’Assemblée nationale est satisfaite de l’expression de vos sentiments ; elle sait que la distribution de la justice, à laquelle vous êtes préposés, contribuera au maintien de la tranquillité intérieure dans ces moments critiques. Les soldats de la nation, c’est-à-dire tous les citoyens, la rassurent parfaitement contre les ennemis du dehors. « L’Assemblée nationale vous accorde l’honneur de la séance. » (L’Assemblée décrète l’impression et l’insertion dans le procès-verbal du discours de la députation et de la réponse du Président. M. Alexandre de Beanharnais, président , reprend le fauteuil. M. de Menou, au nom du comité militaire. Messieurs, d’après la demande qui vous a été faite ce matin par un membre du district de Clermont relativement à des armes et à des munitions de guerre, j’ai eu l’honneur d’observer à l’Assemblée que le comité militaire s’occupait de cet objet et en rendrait compte dans la journée. Je viens vous apporter quelques articles sur cet objet. Je vais en même temps rendre compte à l’Assemblée que d’après un mûr examen qui a été fait au comité militaire de concert avec le ministre de la guerre et avec M. de Rochambeau, il a été décidé dans le comité militaire que l’on présenterait à l’Assemblée nationale une augmentation de 16 officiers généraux. M. de Rochambeau a insisté entre autres objets sur ce que les différents points des frontières devant être soigneusement surveillés, le nombre d’officiers généraux décrété jusqu’à présent par l’assemblée générale n’avait pas été suffisant. En conséquence, il a demandé que pour à présent, il fût nommé 4 lieutenants généraux et 12 maréchaux de camp. (Murmures.) En conséquence, j’observe à l’Assemblée que non seulement il faut des officiers généraux dans les places de guerre, mais que son intention est qu’il s’assemble différents corps de troupes hors des places de guerre. Il faut des officiers généraux pour les commander. L’Assemblée nationale doit désirer que toutes les mesures possibles soient prises exactement, et qu’on ait tous les moyens suffisants pour défendre nos frontières; ainsi le comité militaire s’est cru indispensablement obligé de présenter le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que les officiers généraux commandant les troupes sur les frontières du royaume, sont autorisés à faire délivrer aux gardes nationales qui seront employés sous leurs ordres, tant en corps d’armée, que dans les places de guerre, ou autres postes quelconques, les armes et munitions de guerre de toute espèce, ainsi que les effets de campement et autres attirails de guerre qu’ils jugeront nécessaires, sous la condition de rendre compte au ministre de la guerre des distributions qu’ils auront ordonnées, et de prendre ses ordres à cet égard. « L’Assemblée nationale ordonne aux officiers généraux employés, de veiller avec le plus grand soin sur les différents arsenaux, magasins et dépôts d’armes et munitions de guerre, les autorisant à changer le lieu de ces dépôts, s’ils le croient nécessaire à leur sûreté. Il est expressément défendu aux différents corps administratifs de s’immiscer dans tout ce qui peut avoir rapport à cette branche d’administration militaire. « L’Assemblée nationale décrète que le ministre de la guerre est autorisé à augmenter de 16 officiers généraux, le nombre de ceux qui, d’après les précédents décrets, sont actuellement employés, savoir; 4 lieutenants généraux et 12 maréchaux de camp; le ministre est autorisé à choisir les 4 lieutenants généraux et les 12 maréchaux de camp, soit dans la ligne, soit parmi les officiers généraux actuellement existants. A ces 16 officiers généraux seront attachés des aides de camp, dont le nombre sera fixé conformément aux précédents décrets de l’Assemblée nationale. » (Ce décret est mis aux voix et adopté à l’unanimité.) M. Charles de Lameth. Je demande que le ministre de la guerre, après s’être concerté avec le comité militaire, soit tenu de remettre, au premier jour à l’Assemblée nationale, la liste des officiers généraux qui sont émigrants ou qui, pour toute autre cause, ont encouru la déchéance de leurs emplois, en vertu des décrets de l' Assemblée; car il est important de procéder à leur remplacement. ( Applaudissements .) M. Delavigne. J’appuie la motion de M. de Lameth, et je prie Monsieur le Président de la meitre aux voix. (La motion de M. de Lameth est mise aux voix et adoptée.) M. de llenon, rapporteur. Quelques membres de l’Assemblée nationale ont témoigné le désir de connaître l’état actuel des différents approvisionnements de guerre, des vivres, des effets de campement et autres objets nécessaires aux troupes pour entrer en campagne. Le comité se prépare à rendre un compte dé- 504 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 124 juin 1791.]. taillé de ces différents objets, mais pour tranquilliser l’Assemblée et la nation, et leur inspirer de la confiance dans les moyens de défense qui existent, en cas d’attaque des frontières, je puis, si l’Assemblée y consent, lui rendre un compte succinct des approvisionnements qui existent. (Oui! oui!) Depuis le département du Nord jusqu’à celui du Haut-Rhin, inclusivement, il existe 700 pièces de canon, pouvant former plusieurs équipages de sièges, et de ceux connus sous ie nom d’équipages légers ; les différents magasins renferment sulfisamment de poudre pour faire la guerre la plus active pendant 7 à 8 ans. ( Applaudissement s.) Les approvisionnements de boulets, de balles, etc., sont très considérables et on travaille à les augmenler. En farines, il y a de quoi faire vivre pendant 18 mois 200,000 hommes de troupes. En effets de campement, il y a de quoi mettre en campagne 3 armées de chacune 60,000 hommes, et on travaille à les augmenter. Les places de guerre sont pourvues de toute l’artillerie nécessaire, et on s’occupe avec la plus grande activité d’augmenter tous les moyens de défense, ainsi que de faire fabriquer le plus grand nombre possible de petites armes dans les différents ateliers du royaume. (Vifs applaudissements.) (L’Assemblée ordonne que ces détails seront consignés dans le procès-verbal.) M. Lavenue. Je demande que le ministre de la guerre fasse part à l’Assemblée, de son plan de défense pour nos frontières. ( Murmures et rires ironiques..) (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. le Président. Messieurs,!. deSombreuil, officier général, se présente pour prêter un serment ; je vais lui lire la formule. (Il la lit.) M. de Sombreuil (à la barre). Je le jure! ( Applaudissements .) M. le Président. L’Assemblée nationale , Monsieur , vous accorde les honneurs de la séance. M. Boutteville-Dumetz, au nom du comité d'aliénation. Messieurs, votre comité d’aliénation m’a chargé de vous faire lecture d’un projet d’instruction aux corps administratifs concernant la vente des biens nationaux. Le voici : « Quelques abus s’introduisent dans l’aliénation des domaines nationaux ; des doutes s’élèvent sur le sens de plusieurs décrets, sur la manière de les entendre. « 3 objets ont principalement fixé l’attention de l’Assemblée nationale: * Les insolvables, les élections d’amis ou nominations de commands ; « Les enchères partielles en concurrence avec des enchères sur la totalité des objets composant des lots d’adjudication ; « Les ventes ou baux à vie, faits à des titulaires par leurs chapitres. « L’Assemblée nationale n’hésite point à ie penser; les corps administratifs adopteront tous des procédés uniformes et réguliers, dès qu’ils ne conserveront aucun doute sur le vœu de la loi ; les abus eux-mêmes disparaîtront aussitôt que leur source et les funestes conséquences qu’ils peuvent entraîner seront connues. « Tel est le but et tel sera sans doute l’effet de l’instruction que l’Assemblée nationale croit devoir adresser aux différents districts et départements du royaume. I « Des hommes d’une insolvabilité notoire se présentent aux adjudications des domaines nationaux, élèvent leurs offres à des prix hors de toute proportion avec la vraie valeur des objets qu’ils enchérissent, et contractent des obligations qu’ils sont dans l’impossibilité de remplir. « Ces hommes se flattent, ou d’interrompre le cours des ventes, ou de mettre à contribution ceux qui veulent sérieusement acquérir. « D’autres citoyens moins coupables, mais trompés par leur propre cupidité, ne rougissent pas d’employer de tels agents pour obtenir des acquisitions plus avantageuses. « D’accord avec eux, un insolvable se rend adjudicataire d’un domaine national important; il en fait aussitôt, par des élections d’amis ou de commands, la répartition entre les véritables acquéreurs; et bien certain de se jouer à son gré de ses engagements, il s’inquiète peu si les différents prix répondent à la vraie valeur des biens assignés à chacun d’eux. « Tels objets sont cédés aux uns pour des prix de beaucoup inférieurs à leur valeur; tels autres conservés par l’adjudicataire primitif, ou assignés à d'autres commands pour des prix excessivement exagérés, et sans aucune proportion pour leur véritable valeur. Par quels moyens ces abus seront-ils arrêtés dès leur naissance? Le citoyen sera-t-il assujetti à faire preuve de sa solvabilité pour être admis à enchérir? ou celui qui ne pourra point en justifier, sera-t-il tenu de fournir caution solvable, ou de payer à l’instant même de l’adjudication tout ou partie de l’acompte déterminé par les décrets? « Ce remède extrême n’a paru à l’Assemblée nationale, ni le plus juste, ni le plus conforme au véritable intérêt de la nation, elle a pensé qu’il suffirait de renfermer dans des bornes précises, la liberté justement laissée à tous les citoyens d’enchérir les domaines nationaux, de réveiller, d’animer le patriotisme des magistrats sur ces délits d’un nouveau genre, et surtout d’éclairer les citoyens sur leurs vrais intérêts, sur les conséquences des cessions , élections d'amis ou nominations deicçmmands que font à leur profit de tels adjudicataires. « L’Assemblée nationale se bornera donc à indiquer aux corps administratifs les précautions qu’ils ont à prendre; aux magistrats les devoirs qu’ils ont à remplir, aux citoyens les pièges tendus à leur avarice ou à leur crédulité, à tous enfin les principes qui doivent les diriger, et qui se réduisent aux règles suivantes : « 1° Les directoires de districts sont autorisés à ne point admettre aux enchères : 1° tous ceux qui ne justifieront pas d’un domicile certain et d’une contribution foncière ou mobilière, au lieu de leur domicile, ou qui, à défaut de celte justification, ne déposeront pas, entre les mains du secrétaire, le premier terme de payement d’après la première mise à prix, et suivant la nature des biens qu’ils enchérissent; 2° ceux qui, ayant déjà subi l’événement d’une folle enchère, n’auront pas acquitté depuis les sommes dont ils seront restés débiteurs; 3° les enchères des som-