124 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1791.] guet, vont boire, et, feignant de s’être enivrés, font les insolents, et tiennent à !a garde nationale, dans le corps de garde national, les propos les plus indécents. M. Malvaux, au lieu de contenir son équipage, voyant que quelques murmures commençaient à s’élever, dit que nous n’étions ici que des brigands. Il s’adressa à un avocat, bon patriote, brave homme, qui lui dit des vérités sur la conduite humiliante qu’il tenait; il lui rispota vivement, on a crié tout à coup aux armes ; la garde nationale est sur-le-champ rassemblée; la plus grande partie des citoyens a pris les armes, après avoir fait rentrer les femmes et les enfauts. La municipalité, à la tête de ses gardes nationales, a marché pour ramener l’ordre et le calme, et à 10 heures, tout était dans la plus grande tranquillité. Les patrouilles ont marché toute la nuit. Hier matin, 12, la municipalité a dressé procès-verbal de tout ce qui s’est passé. Ils veulent, ces indignes aristocrates, occasionner les mêmes troubles qu’à la Martinique. L’Assemblée nationale aurait bien dû nous envoyer des forces : il en est grand temps, je vous l’assure. « Au moment où j’allais terminer ma lettre, il nous arrive une nouvelle de la Martinique, qui nous apprend que le maire et les échevins, formant la municipalité de Sainte-Lucie, ont été enlevés par une frégate et portés au Fort-Royal. « Gela nous confirme bien dans l’avis que nous avions eu; et à coup sûr, nous perdrions dans notre maire, un homme de bien, sage, et qui conduit bien les choses. » M. Bégonen. Voici deux autres adresses , l'une des négociants et capitaines de navires du Havre , Vautre de la société des amis de la Constitution de la même ville , composée de 800 citoyens. La première est ainsi conçue : « Messieurs, « Lors de l’émission de votre décret du 15 mai, les négociants et capitaines du Havre qui ont fréquenté les colonies, ou qui y ont des relations habituelles, vous représentaient que le nouveau régime que l’on tentait d’y établir, était impossible dans son exécution; les clameurs de la malveillance, de l’ignorance ou de l'intrigue étouffèrent nos justes réclamations, et, certains des maux affreux que le décret allait produire, nous fûmes contraints de nous taire et de gémir en silence. Heureux si nous nous fussions trompés dans nos pressentiments. Mais, hélas ! tout ce que nous avions annoncé est arrivé. «> Dans la ville du Gap et dans toute la province du nord de File de Saint-Domingue, sur Je simple avis de ce funeste décret, les têtes se sont exaltées; l’indignation et les fureurs se sont emparées de tous les esprits; les querelles de parti, les différences d’opinions ont disparu; tous se sont réunis pour la cause commune; tous ont juré de sacrifier mille fois leur vie, de s’ensevelir sous les ruines de leur malheureuse patrie, plutôt que d’être les tranquilles et imbéciles spectateurs de sa ruine. Nous vous portons, Messieurs, les propres expressions des avis authentiques que nous en avons reçus. « Et ne croyez pas que le mécontement des colons se soit borné à de simples réclamations et à de vaines menaces. Oui, Messieurs, nous le disons en frémissant, dans une assemblée générale, on a fait la motion d’arborer le pavillon anglais et cette motion a été applaudie. De même que dans ces temps funestes de terreur et de calamité, les magasins sont fermés, le commerce est interrompu, tous paiements sont cessés, cha-r cun court aux armes, et on se prépare de toutes parts à la plus vigoureuse défense; au Gap, on monte les batteries du fort, pour repousser les téméraires qui oseraient venir prêcher une doctrine perfide et sanguinaire. Tous les citoyens, les municipalités, les corps administratifs, les troupes de ligne, tous n’ont qu’un sentiment, qu’une âme; ils maudissent les liens qui les attachent à nous; et, dans leur désespoir, ils s’écrient que la France est leur plus cruelle ennemie. « C’est ainsi, Messieurs, que par des idées outrées et des systèmes hors de saison, on est parvenu à égarer les citoyens les plus fidèles. ( Murmures à gauche .) Les avis ont été donnés et reçus dans les différentes provinces et parties de l’îfe ; partout les mêmes préparatifs. Nous voilà donc réduits à faire la conquête de nos colonies et à égorger nos frères, pour des idées métaphysiques. Nous ne vous disons pas, Messieurs, que l’indignation est au comble contre certains ports de mer partisans de cette fausse philanthropie; que l’on refuse d’en acquitter les créances, et qu’on veut renvoyer les navires qui sont attendus. « Nous frémissons des suites terribles que ces événements préparent : nous y voyons la ruine certaine de nos provinces maritimes, le désespoir de 5 ou 6 millions d’hommes, une foule de maux que nous n’osons envi-ager. Et qui sait, en effet, quel le peutêtre la chaîne de ces malheurs I Veuillez arrêter la ruine qui menace l’édifice superbe que vos glorieux travaux avaient élevé. Nous vous supplions de ne pas tromper les vœux de ces colons, toujours fidèles à la mère-patrie... » {Oui, oui; il y paraît) «... prêts encore à verser leur sang pour elle. Eclairés par l’expérience, suspendez, Messieurs, l’exécution de cet impolitique décret, attendez, comme nous vous l’avons déjà dit, que les esprits soient mûrs pour la philosophie. « Laissons au temps à préparer ses douces et bienfaisantes leçons; nouveaux Espagnols, irons-nous dans notre ardent et intolérant patriotisme, porter le fer et le feu dans ces paisibles contrées, pour y faire goûter nos principes? Vos lois, pleines de sagesse, gouverneront un jour l’univers; mais c’est cette même sagesse qui les fera adopter, et jamais la violence. Non, Messieurs, vous ne renverserez pas, par une commotion violente et une rigueur outrée, de riches établissements, objets de la jalousie de nos ennemis, et une des principales causes de la richesse de la France. « Nous sommes, etc. » (Suivent 7 ou 8 pages de signatures.) Voici la lettre de la société des amis de la Constitution : « Messieurs, « Une douloureuse expérience vient confirmer les vives inquiétudes qu’avaient causé le décret du 15 mai, concernant les gens de couleur. Quand les ports du royaume firent entendre leurs réclamations, on crut alors que l’intérêt particulier les avait dictées; on voit aujourd’hui qu’elles n’avaient d’autre objet que l’intérêt public, que le véritable intérêt de la patrie. Les dépêches de M. Blanchelande, un grand nombre de lettres particulières, les rapports unanimes de tous les Français qui arrivent de Saint-Domingue, se réunissent pour prouver que la nouvelle de ce