{Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (12 mars 1790.] \M Nous devons prévenir, Messieurs, ces deux dangers, assurer la liberté naissante des élections dans toute sa pureté, et en rappelant aux membres de l’Assemblée, le serment de ne pas en désemparer avant que la Constitution soit achevée, priver du droit d’éligibilité ceux qui auraient quitté ou quitteraient leur poste pour aller solliciter les suffrages dans les prochaines élections. , , C’est, Messieurs, l’objet du décret que j ai 1 honneur de vous proposer : « L’Assemblée nationale décrète qu’aucun de ses membres ne doit être présent dans les lieux des prochaines élections des assemblées primaires de départements et de districts; et que ceux de ses membres absents, qui seraient dans les lieux de ces prochaines élections, ne pourront être ni électeurs, ni éligibles. » Le projet de décret de M. Gochelet est fort applaudi. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angély). Sans contredit, un citoyen ne peut exercer en même temps des fonctions dans les assemblées administratives et dans le Corps législatif; mais je demande que tout autre membre de l’Assemblée soit exclu de l’éligibilité, par cela seul qu’il se trouve dans la province où se font les élections. Voici ma motion : « Ceux des membres de l’Assemblée nationale qui sont actuellement dans les provinces, ne pourront être électeurs ni éligibles, ni même se présenter dans les assemblées de districts et de départements. » (Cet amendement est très applaudi.) M. üaurissart. Les deux préopinants sont trop modérés. La correspondance supplée aisément à la présence. Je demande qu'aucun membre de l’Assemblée nationale ne puisse être électeur ou éligible. M. de Sinéty. Je réclame la priorité pour la motion que j’ai déjà faite, et qui tendait à ce que tout membre du Corps législatif fût déclaré incapable de toute espèce d’éligibilité. M. Guillaume propose un autre projet de décret. Le voici: « L’Assemblée nationale décrète que toutes fonctions dans les assemblées administratives sont incompatibles avec celles du Corps législatif. « En conséquence, aucun de ses membres actuels, ni aucun de ceux qui auraient donné ou qui donneraient par la suite leur démission, ne pourront paraître aux assemblées primaires, ni être électeurs ou éligibles pour les assemblées de districts et de départements. » Cette incapacité aura lieu non seulement pendant la durée de la législature actuelle, mais encore pendant les deux années qui la suivront. » M. Bureaux de Pusy. J’adopte et j’appuie la motion de M. Cochelet et l’amendement de M. Regnaud : tout ce qui a été ajouté est inutile, s’il n’est pas dangereux. Exclure des affaires publiques tous les membres de l’Assemblée nationale, ne serait-ce pas faire le mal des administrés? La plupart de nos collègues sont des magistrats, ils ont passé leur vie dans l’étude des lois, ils deviendront précieux dans les nouveaux tribunaux; ne serait-il pas dangereux de les en exclure ? Je n’irai pas plus loin, et je demande la question préalable sur toute proposition. (L’Assemblée nationale décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur toute autre proposition que sur la motion de M. Cochelet et l’amendement de M. Regnaud.) M. Iwe Bois-Desguays. En s’attachant aux termes de la motion, on pourrait être à une demi-lieue de la paroisse où se tient l’assemblée, et influer directement sur les élections. 11 est indispensable d’adopter l’amendement de M. Regnaud. M. Martineau. La motion et l’amendement ont l’un et l’autre le même sens: on pourrait rédiger ainsi le décret: « Aucun membre de l’Assemblée nationale ne pourra être présent aux élections, et n’y pourra être ni électeùr, ni éligible. » M. de rVoailles. Il y a une incompatibilité manifeste entre les fondions du pouvoir administratif et celles du pouvoir législatif: il faut déclarer formellement cette incompatibilité : elle ne prononcera rien relativement aux élections dans les tribunaux, parce qu’elle ne peut pas porter sur les places qui sont à vie. M. Destutt de Tracy. Les propositions de MM. Martineau et de Noailles rentrent absolument dans celles que nous venons d’écarter par la question préalable. M. Boutteville-Dumetz. Il s’agit d’un article constitutionnel. Il est nécessaire d’établir des différences entre les fonctions administratives et les fonctions judiciaires à vie. Je demande le renvoi au comité de constitution. (L’Assemblée renvoie les différentes motions au comité de constitution, et charge ce comité d’en rendre compte lundi prochain.) M. le Président. M. le premier ministre des finances vient de m’adresser un mémoire relatif à l 'établissement d’un bureau de trésorerie. L’Assemblée veut-elle en entendre la lecture tout de suite ou après le rapport de son comité des finances sur le même objet ? (L’Assemblée décide que le rapport du comité des finances sera d’abord entendu.) M. le marquis de Montesquieu, au nom du comité des finances, monte à la tribune et fait un rapport sur le mémoire de M. le premier ministre des finances, lu dans la séance du 6 mars (1). Ce rapport est ainsi conçu: Messieurs, lorsque le premier ministre des finances vint dans cette Assemblée, le 14 novembre dernier, vous entretenir de la situation pressante du Trésor public, et des projets qu’il méditait pour l’avenir: « Ce sera, vous disait-il alors, l’objet d’un second mémoire, où l’arrangement final des finances sera traité. Mes idées sont arrêtées à cet égard ; mais j’attends, pour vous en rendre compte, que l’on sache positivement le résultat des économies que vous avez exigées du département de la guerre. » Quoique la dépense de ce département soit encore incertaine, pressé par les circonstances ; pressé par l’état de sa santé, et sans doute pour obéir à votre décret du 26 février, M. Necker vous a adressé, le 6 de ce mois, un mémoire dont vous (1) Le Moniteur ne donne qu'un sommaire du rapport de M. le marquis de Montesquieu. 448 [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 mars 4790.] avez chargé voire comité de vous faire aujourd’hui le rapport. Nous commencerons par faire passer rapidement sous vos yeux les différents objets qu’il embrasse, et que nous reprendrons ensuite chacun en particulier. M. Necker vous retrace les différentes circonstances qui ont préparé l’état de détresse où se trouve le Trésor public. Il les avait prévues et annoncées dans un de ses précédents mémoires. L’ancien déficit non encore comblé, les anticipations non renouvelées, la cessation de quelques impôts, l’altération de plusieurs autres, les dépenses extraordinaires et enfin l’intérêt des derniers emprunts; tous ces objets réunisf orment, pour les dix derniers mois de cette année, un vide de 294 millions. Occupé des moyens d’y suppléer, il vous présente l'alternative d’une création suffisante de billets d’Etat, ou d’une réunion de moyens tenant à un plan de conciliation, d’ arrangement ou de mitigation. Suivant ses calculs, ce qui lui reste en caisse, ce que doit y verser encore la caisse d’escomple, la diminution prochaine des dépenses, la cessation des privilèges, le renouvellement espéré d’une partie des anticipations, le rapprochement des termes de payement des recettes générales, la contribution patriotique, un emprunt modéré sous une forme attrayante, des paiements de rentes et pensions, ou appointements faits partie en argent, partie en papiers, et enfin l'acquittement de certaines dépenses en billets sur l’année 1791 ; tels sont les moyens par lesquels le premier ministre des finances espère remplacer le vide des revenus de l’année; et dans le cas où quelques-unes de ces ressources viendraient à lui échapper, il désire se ménager un nouveau crédit éventuel de 30 ou 40 millions sur la caisse d’escomple. Pour favoriser la circulation si nécessaire des billets de cette caisse, le ministre propose d’accorder, le 15 de juin, une prime de 2 0/0 aux billets qui seront encore dans le commerce ; et, par le même motif, il indique une souscription générale, à l’effet d’acheter des assignations sur les biens dont les ventes ont été décrétées, comme un moyen de mettre plus tôt la caisse d’escompte en état de payer à bureau ouvert. M. Necker passe ensuite à la grande question des avantages et des inconvénients du papier-monnaie: nos assignats, représentatifs d’une partie des domaines royaux ou ecclésiastiques, lui paraissent avoir, sur les billets de la caisse d’escompte, l’avantage d’une solidité plus grande, ou du moins plus apparente, tandis que ceux-ci ont, à leur tour, l’avantage de l’habitude, et peut-être encore celui d’un remboursement plus prochain. Au reste, les uns et les autres paraissent à M. Necker propres à être employés à peu près également dans tous les systèmes, et les assignats lui semblent, pour les fonctions de monnaie fictive, aussi bons que les billets de caisse. Mais ce qu’il serait important de déterminer avec précision, c’est la quantité de ces billets qui peuvent circuler sans inconvénient; et, sur ce point, M. Necker n’ose prononcer d’une manière absolue. Il témoigne des craintes sur l’effet que pourraient produire deux ou trois cent millions de billets ajoutésà ceux qui existent déjà : de là, un engorgement fâcheux, si l’Assemblée ne voulait pas étendre leur circulation aux provinces, et peut-être quelque résistance de la part dès provinces, si l’Assemblée favorisait cette extension. Dans ce dernier cas, il prévoit le danger de l’emploi exclusif des billets au paiement des impositions, ce qui priverait le Trésor publie de tout numéraire pour la solde des troupes, et pour les autres objets auxquels son usage est indispensable. Enfin M. Necker, apercevant dans ce moyen plus de dangers que d’avantages, se résume au parti « d’employer des ménagements journaliers, de combattre séparément chaque difficulté, d’entrer, pour ainsi dire, en composition avec tous les obstacles, et d’user avec patience d’une grande diversité de moyens, afin qu’aucun ne soit exagéré, et ne pèse trop fortement sur aucune classe de citoyens. » Pour ce travail, qui doit rendre pendant quelques mois l’administration des finances très compliquée, M. Necker vous apprend qu’il a senti le besoin d’être aidé, qu’il a conçu l’idée de confier l’administration du Trésor public à un nombre de commissaires de la trésorerie, lesquels, réunis à un président, dirigeraient toute l’action de ce Trésor sans aucune exception ni réserve ; que le roi a adopté ce plan, qu'il l’a autorisé à en faire part à l'Assemblée, et que le dessein de substituer à l’administration d’un seul homme celle de plusieurs personnes obligées d’agir et de délibérer ensemble, doit être mis au nombre des bienfaits multipliés de Sa Majesté. Mais pour l'exécution de ce projet, le ministre des finances vous demande de déroger au décret que vous avez rendu, pour obliger les membres de votre Assemblée à n’accepter, pendant cette session, aucune place donnée par le gouvernement. Il juge que le comité de trésorerie ne peut être choisi avec convenance que dans cette Assemblée. 11 appuie cette opinion de plusieurs motifs publics et particuliers, auxquels il en ajoute un bien affligeant pour nous, celui du dérangement de sa santé, d’une absence nécessaire à son rétablissement, et de la crainte que ses forces ne lui permettent plus de se livrer à des travaux aussi pénibles. Enfin, M. Necker déploie devant nous l’heureuse perspective de l’avenir ; les ventes successives anéantissant la masse des billets en circulation, de cette masse que des soins multipliés pour se procurer un peu de numéraire ont jusqu’ici rendue moins accablante qu’elle n’aurait pu l’être; la réduction des dépenses faisant évanouir ce malheureux déficit de 56 millions; la diminution des anticipations, les extinctions de rentes viagères, l’établissement des moyens déremboursements, des ressources, même pour acquitter l’arriéré, qui s’élèvera, suivant ses calculs, tout au plus à 150 ou 200 millions : voilà ce qui se succédera rapidement, à partir du 1er janvier 1791. Au milieu de ces grands objets, le ministre, au nom du roi, arrête vos regards sur une calamité particulière dont vous aviez tous gémi. Nous n’avez point oublié, Messieurs, avec quel enthousiasme vous avez reçu la proposition de mettre au nombre des dettes nationales, la juste indemnité de ces malheureux propriétaires que les lois sans appui n’ont pu garantir des horreurs de la dévastation. Un dernier objet entre dans le plan du mémoire dont nous vous offrons l’analyse, c’est le remplacement de la gabelle, et l’examen des différents impôts directs et indirects. Des vues sages, des conseils fondés sur l’expérience, se [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |ii mars 1790.] 143 font remarquer dans le petit nombre de pages consacrées à cet objet, et des invitations pressantes de continuer et de hâter encore vos travaux sur les finances, ayec tous les motifs qui doivent vous y engager, terminent le mémoire dont nous allons reprendre les différents articles, afin de vous soumettre, suivant l’ordre que vous nous en avez donné, l’avis de votre comité des finances. Le mémoire du premier ministre des finances se divise naturellement en quatre parties: 1° Les besoins de l’année et les moyens d’y satisfaire ; 2» La question des billets-monnaie mis en circulation ; 3° Le comité de trésorerie ; 4a La situation des affaires en 1791 et le remplacement des impôts. C’est dans cet ordre, qui est eelui du mémoire, que nous allons discuter ces différents objets, chapitre par chapitre. PREMIÈRE PARTIE. Besoins de l’année et moyens d’y satisfaire. Le premier ministre des finances vous rappelle ce qu’il avait dit à l’Assemblée dans son mémoire du 14 novembre dernier, sur l'insuffisance du secours de 80 millions qu’il demandait alors, si, à partir du 1er janvier 1790, l’équilibre n’était pas rétabli entré les revenus et les dépenses, si le produit de la gabelle n’était pas remplacé, si le paiement des droits et impositions essuyait des retards, et si les anticipations n’étaient pas renouvelées. Tout eela est arrivé. Il en est résulté que, dans les deux premiers mois de cette année, le défaut du renouvellement d’une partie des anticipations et ce que n’ont pas fourni les recettes ordinaires, ont causé au Trésor public un vide de 41 millions. Dans le même espace de temps, leTrésor a payé 17 millions sur les 60 de dépenses extraordinaires prévues, l’année dernière, consenties par vous le 19 septembre. Sur ce secours extraordinaire de 80 millions, 39 ont été déjà fournis par la caisse d’escompte ; mais comme elle a imputé, sur la somme entière, 13 millions d’avances précédemment faites par elle, sur différentes rentrées éventuelles, elle ne doit plus que 28 millions, et c’est avec ces 28 millions promis et 20 millions effectifs en caisse que vous entamez les dix derniers mois de l’année. Le ministre vous présente, avec détail, le vide auquel il s’attend dans le reste de 1790, soit par l’excès encore subsistant des dépenses, soit par le défaut des recettes. Cet état est en cinq articles : 1° Dix mois de l’ancien déficit de 56 millions, ou de la différence entre les revenus et les dépenses fixes, montent à 47 millions; 2° 124 millions des revenus de cette année, absorbés encore par des anticipations ; 3° La diminution du produit des gabelles, l’altération du produit des entrées de Paris, de la régie des aides, de la ferme du tabac, etc., évaluées au moins à 60 millions ; 4° Les dépenses extraordinaires qui restent à acquitter dans l’année, au moins 60 millions ; 5° Enfin les intérêts du dernier emprunt de septembre, et quelques autres objets non énoncés, 3 millions. Ces cinq articles composent un total de 294 millions. La première idée qui se présente, en apercevant un vide aussi considérable dans les revenus de la seule année 1790, est la recherche des moyens qui peuvent le combler. Il est évident que le plus expéditif de ces moyens serait , une création de billets équivalente à la masse des besoins. M. Necker présente cette idée, avec une crainte tenant aux circonstances où nous sommes, au défaut de confiance, dont le retour, dit-il, ne peut être que lent et graduel, comme son dépérissement; et en se réservant de discuter eette question, if propose un plan mixte, composé de plusieurs combinaisons différentes, et ce plan étant la plus importante partie de ce mémoire et l’objet principal de vos délibérations, c’est celui que nous discuterons avec le plus de détails. Vous vous rappelez, Messieurs, qu’il s’agit d’as-- surer au Trésor public 294 millions pour achever le service de l’année, et voici les différentes combinaisons de M. Necker: 1° 10 millions sur les 20 qui sont au Trésor public, et 28 millions que la caisse d’escompte doit encore y fournir ; total, 38 ; 2° La réduction sur les dépenses doit avoir son effet graduel dans les dix derniers mois de l’année, et il doit en résulter une diminution de 30 millions sur la masse des besoins ; 3° L’assujettissement des biens ecclésiastiques aux vingtièmes et la cassation des abonnements doivent produire au Trésor public un supplément de revenus d’environ 9 millions ; 4° Les anticipations, dont il reste pour 124 millions, serenouveUentdifficilemeni ; mais M. Necker croit, possible d'en renouveler encore pour 60 millions ; 5° Les receveurs généraux, au moyen du secours que la contribution des anciens privilégiés a procuré aux taillables, pourront rapprocher leurs paiements, ce qui procurerait une recette extraordinaire de 15 millions ; 6° La contribution et les dons patriotiques, environ 30 millions; 7* M. Necker propose un em prunt modéré, sous une forme attrayante, et l’élève seulement à 30 millions ; 8° On pourrait offrir aux rentiers, de leur payer deux semestres, au lieu d'un, et de leur donner le quart seulement en argent, et les trois autres quarts eu effets à 5 0/0 ; ce qui réduirait à moitié les fonds à fournir, pour payer un semestre en 1790. La même ressource pourrait être employée pour le payement des pensions, gages et appointements , et ces deux moyens d’arrangement allégeraient le Trésor public de 50 millions pour cette année ; 9° On pourrait reeuleF des payements de dépenses ou ordinaires, ou extraordinaires, jusqu’en 1791, et les acquitter en effets à cette échéance. M. Necker évalue cette dernière ressource à 30 millions. La réunion de tous ces articles compose une somme de 292 millions, et balance, à 2 millions près, celle des besoins précédemment calculés. Mais comme une partie de ces ressources peut être incertaine, le ministre croit nécessaire d’y ajouter un crédit nouveau, de 30 ou 40 millions sur la caisse d’escompte. Il faut à présent reprendre tous ces objets de spéculation, pour en apprécier la valeur, et peut-être est-il iè 'portant de remarquer, avant tout, 1 44 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 mars 1790.] que le calcul de 60 millions de perte sur la perception des droits, pendant les dix derniers mois de cette année, nous a paru exagéré, et qu’espérant beaucoup de vos décrets, et de l’établissement des assemblées de départements, pour le rétablissement de l’ordre dans les perceptions, c’est tout au plus à 30 millions que nous pouvons évaluer le déficit qui existera cette année, sur cette partie, dont vous avez résolu d’assurer le remplacement entier. D’après cette observation, nous réduirons à 264 millions les 294 qui forment la masse des demandes. De ces 264 millions, il faut défalquer les 38 qui sont en caisse, ou prêts à y être versés. Ainsi, la somme à laquelle il s’agit de pourvoir, n’est plus que de 226 millions. Parmi les moyens combinés par le ministre, il y en a trois d’incontestables; savoir: la réduction sur les dépenses, les vingtièmes du clergé et des abonnés, et la contribution patriotique. Ces trois objets sont évalués parM. JNecker, à 69 millions; et assurément ils ne sont pas forcés. Ainsi, les besoins non assurés se réduisent à 157 millions. M. Necker indique, pour cette année, un rapprochement dans les termes de payement des impositions directes. Il le juge d’autant plus possible, quela contribution desci-devant privilégiés a été très favorable aux anciens contribuables. 11 ne porte ce rapprochement qu’à un douzième des impositions ordinaires, c’est-à-dire à 15 millions, et nous le croyons très praticable. Vous savez même que nous l’évaluons plus haut ; mais ici nous ne voulons rien d’hypothétique, et nous suivons le calcul de M. Necker. Il ne s’agit donc plus, pour assurer leserviceentier de l’année, que d’obtenir 142 millions. Pour se les procurer, M. Necker vous propose quatre opération? différentes, mais qui ont entre elles beaucoup d’analogie. La première consiste en un renouvellement d’anticipations sur 1791. Il le croit possible jusqu’à la concurrence de 60,000,000. La seconde est un emprunt modéré, fait dans un moment favorable, sous quelque forme attrayante, et il l’évalue à 30,000,000. La troisième est un payement de 150,000,000 en effets, pour épargner au Trésor public un payement en argent, de 50,000,000 sur un des semestres de rentes, pensions et appointements payables dans l’année. La quatrième est un payement de dépenses de 1790, en effets payables en 1791. Ce dernier rentre, à peu près, dans la classe des anticipations. M. Necker l’évalue à 30,000,000. Ces quatre ressources réunies montent à 270,000,000, mais ne donneront au Trésor public qu’un secours de 170, et même cette dernière somme n’est plus nécessaire d’après notre observation ci-dessus; on pourrait donc réduire le produit de ces quatre moyens de secours, à la somme de 142,000,000. Elle* est évidemment pour nous la somme des besoins. Nous penserions même qu’avant d’avoir recours à de nouveaux emprunts, il faudrait faire entrer en ligne de compte le complément de l'emprunt de septembre dernier. Il est calculé tout entier pour le payement des intérêts dans l’état de nos besoins, et il s’en faut de 10,000,000 qu’il ne soit rempli. Nous ne doutons pas qu’il ne le soit dans le courant de l’année; ainsi, nous ne nous occuperons plus que d’un besoin de 132,000,000 pour les dépenses de tout genre de 1790, et c’est dans cette proportion que nous examinerons les quatre propositions de M. Necker. Vous n’attendez pas de votre comité des Finances, après tout ce qu’il vous a dit contre le pernicieux usage des anticipations, qu’il vous exhorte à favoriser leur prolongation. Il la croyait proscrite par vos décrets ; mais il a vu avec regret qu’elle ne l’était encore que par vos principes. Quelque déférence que votre comité doive au premier ministre des finances, il ne peut admettre, dans un ordre de choses bien réglé, cette méthode si favorable aux dissipateurs, si propre à éluder la responsabilité, si incertaine dans ses résultats;' et loin d’approuver le projet de renouveler encore pour 60,060,000 d’anticipations, nous oserons vous proposer un décret pour les anéantir à jamais, après l’acquittement de celles qui existent. La responsabilité des ministres est applicable à l’avenir a tous les renouvellements de ce genre qui seraient faits sans autorisation spéciale de l’Assemblée : il est de principe incontestable qu’aucun emprunt ne peut être fait sans le consentement des représentants de la nation, et les anticipations sont le plus cher et le plus désastreux des emprunts. Quant à la proposition de choisir dans l’année un moment favorable pour ouvrir un emprunt de 30,000,000 sous une forme attrayante, nous n’osons nous y arrêter. 11 n’y a d’attrait à offrir que celui d’un gros intérêt. C’est là qu’aboutissent en dernière analyse les plus ingénieuses combinaisons. L’emprunt de septembre dernier était pour l’emprunteur à 6 et demi et n’est pas rempli. A quel prix faudra-t-il donc porter l’intérêt d’un emprunt cette année pour le rendre séduisant? L’idée de payer aux rentiers les trois quarts en effets et un quart en argent, et de les y engager par l’avantage de recevoir deux semestres au lieu d’un, semble plus proposable; elle s’exécuterait de gré à gré: elle serait utile aux rentiers, dont le payement serait rapproché, et au Trésor public qui acquerrait en facilité le montant d’un demi-semestre qu’il serait dispensé de payer en argent. Mais cependant il faut supputer le résultat d’un pareil arrangement avant de l’adopter, et le calcul en sera facile. M. Necker évalue ce moyen à 50,000,000 d’économie pour le Trésor public; ainsi, les sommes payées en effets seraient de 150,000,000. Il en coûterait donc inévitablement, l’année prochaine, l’intérêt de ces 150,000,000 à 5 0/0, c’est-à-dire 7,500,000 livrés, à la vérité, pour le payement d’une dette, mais d’une dette qui ne coûte aucun intérêt, et qu’il est possible d’acquitter peu à peu. Ce serait acheter bien cher le faible secours de 50,000,000; ce serait accroître beaucoup le déficit, et de plus, cet arrangement ne profiterait qu’aux riches ; les petits rentiers ne. pourraient y participer. La quatrième, qui consiste à payer partie des dépenses de cette année par des mandats sur l’année prochaine, est une manière moins chère, à la vérité, d’anticiper sur les revenus de l’année 1791, mais c’est encore une anticipation. Vous avez résolu de les proscrire; ce sont elles qui nous ont conduits où nous sommes. Vous éterniseriez les mêmes embarras, si vous les tolériez sous quelque forme que ce soit. Si vous les tolériez, tous vos arrangements, pour l’année prochaine, porteraient à faux : toute perspective d’ordre et de bonheur serait illusoire, et votre comité croirait manquer à vos principes et aux siens, s’il adoptait ce dernier expédient, quoique le moins fâcheux des quatre. A l’appui de ces moyens, dont le succès ne paraît pas infaillible à M. Necker, il vous demande [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [i* mars 1790.] 145 un nouveau crédit de 30 ou 40,000,000 sur la caisse d’escompte, et pour accréditer ces billets, dont il prévoit le besoin, il vous propose d’accorder une prime de 2 0/0 à ceux qui existeront encore dans le commerce au 15 de juin. 11 vous propose aussi d’exciter le zèle des bons citoyens à une'souscription pour acheter des assignats sur les biens du clergé ou du domaine, afin de retirer les billets de caisse de la circulation. Sur ce dernier article, Messieurs, nous avions espéré que la caisse d’escompte n’aurait pas besoin de nouveaux secours, le 15 de juin, puisqu’elle s’est engagée à payer à bureau ouvert ses billets au 1er de juillet. C’est pour lui en donner les moyens, que vous lui avez accordé le remboursement en annuités de son contrat de 70,000,000, et que vous lui avez promis pour 170,000,000 d’assignats. Les alarmes du premier ministre des finances doivent exciter votre vigilance sur cet article important, et il est indispensable d’y pourvoir. Quant au crédit éventuel que demande M. Necker, il sera juste de le lui accorder d’une manière quelconque, si les autres moyens que vous prendrez ne lui suffisent pas, ou si ceux sur lesquels vous comptez le plus, vous manquaient en tout ou en partie. A cet égard, nous ne vous proposerons que de vous confier à sa sagesse, et de vous conduire suivant les circonstances. Quant à nous, en nous résumant sur cette première partie de nos observations, nous croyons, comme nous l’avons déjà dit, pouvoir évaluer à 30 millions, pour dix mois de cette année, la perte sur les impôts indirects, et nous vous proposons de vous en tenir à cette évaluation, sauf à accorder un supplément à la fin de l’année, s’il y a lieu; ainsi, nous réduirons la somme des besoins de l’année à 264 millions. Pour y fournir, nous ne sommes d’avis d’adopter ni le renouvellement des anticipations, ni l’emprunt de 30 raillions, ni l’arrangement avec les rentiers, ni le payement en mandats sur 1791. Nous en avons dit la raison. Nous reconnaissons pour bonnes les six autres combinaisons du premier ministre des finances, auxquelles nous ajoutons seulement 10 millions, reste de l’emprunt de septembre dernier. Enfin il restera, pour compléter le service de l’année, à trouver les moyens de faire entrer au Trésor public une somme de 132,000,000 livres. Nous vous observerons seulement, avant de terminer cette première partie, que, parmi vos ressources, il en est une très précieuse, très importante, qui, par les calculs dont nou3 nous occupons, semble réduite à un point que nous ne pouvons concevoir. Quoi! Messieurs, souffrirons-nous que l’Europe apprenne, ou que le quart des revenus du territoire, du commerce et de l’industrie des Français ne s’élève pas à 100 millions, ou que, dans la plus importante époque de la monarchie, dans celle qui doit le plus exalter le patriotisme, il a presque été nul ! Non, Messieurs, vous ne le souffrirez pas. Le patriotisme existe dans les cœurs, et la crainte qui en arrête l’explosion est frivole : votre devoir est de le dire, de te prouver et de veiller avec sagesse, avec autorité même, s’il le faut, sur les ressources qui doivent assurer le salut public. Permettez-moi, Messieurs, un calcul bien modéré, qui va du moins établir le montant de la contribution patriotique sur une base certaine. Vous avez décrété qu’elle serait le quart de tout revenu, et partagée en trois payements dans l’espace de trente mois. Le quart dü revenu équivaut à deux dixièmes et demi : deux dixièmes et demi, en deux ans et 4” Série, T. Xïï. demi, donnent un dixième par an. Vous savez tout ce qu’a produit jusqu’ici un dixième sur le territoire seul, et combien il doit s’être accru par la contribution des privilégiés. Si vous y joignez toutes les fortunes en rentes, en industrie, en appointements, en commerce, vous aurez au moins doublé la somme. Et ce qui, d’après ce calcul, donnerait pour un seul dixième, et par conséquent, pour le premier terme, au moins 120 millions. n’est pas évalué à plus de 25 par M. Necker, puisqu’il le porte seulement à 30, en y comprenant les dons faits directement à l’Assemblée. Vous pouvez juger de ce que cette ressource, telle qu’elle a été consentie, pourrait encore produire au Trésor public. Nous proposerons en conséquence d’adresser aux assemblées de départements et aux municipalités, des instructions précises sur l’indispensable obligation imposée à chaque citoyen, de concourir au rétablissement de la chose publique, et sur les moyens les plus efficaces et les plus assurés pour prévenir une négligence aussi coupable dans son principe, qu’elle serait funeste dans ses effets. Le succès de cette disposition diminuerait encore les besoins de cette année, et pourrait les ré duire à une somme très modique. DEUXIÈME PARTIE. Des billets d’Êtat. Après avoir proposé le plan mixte qu’il croit le plus propre à la circonstance, le premier ministre des finances examine, sous les différents rapports, la question dont la décision pourrait le plus influer sur le parti qu’il s’agit de prendre relativement au service de cette année. Peut-on, ne peut-on pas employer des billets d’Etat pour cet usage? Des billets appuyés sur l’hypothèque spéciale des biens du domaine et du clergé, des biens qui vont être désignés expressément et affranchis de tout service public, peuvent-ils, sans danger, être mis en circulation? L’intérêt attaché à ces assignats peut-il ôter l’inconvénient reconnu à toute monnaie fictive? Voilà la question applicable à la circonstance. Le premier ministre des finances commence par l’intéressante comparaison des billets dont nous venons de vous parler, avec ceux de la caisse d’escompte. Il trouve aux uns et aux autres de3 avantages et des inconvénients. A ceux-là, J’avantage de l’hypothèque; à ceux-ci, la faveur de l’habitude. Au reste, il les croit également propres à faire les fonctions de papier circulant. Mais est-il facile d’accroître, sans danger, la somme des papiers en circulation, sous quelque forme qu’on les admette? Est-il une proportion confirmée par l’expérience à cet égard? M. Necker pose nettement ces questions ; mais ses réponses partent de la supposition qu’il faudrait, pour sortir d’embarras, porter l’émission des billets iusqu’à la somme de 2 ou 300 millions au delà de celle qui existe déjà en billets de caisse. Si donc nous arrivions à penser autrement que tM. Necker sur le fond de la question, nous pourrions attribuer celte différence d’opinions à la seule différence de nos données. Plusieurs des ressources qu’il propose étant certaines et admissibles, il ne faut plus chercher la somme entière de 294 millions, mais seulement celle de 132,000,000 livres. Et si la caisse d’escompte n’a effectivement que 160 millions de billets en circulation, elle n’aura pas une plus forte somme d’assignats à employer 10 116 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 mars 1T90.] pour retirer ses billets. Or, les deux sommes réunies ne composent qu’un total de 292 millions. Ainsi l’excès d’émission de billets, qui aurait frappé M. Necker dans la supposition de 460 millions, ne le frapperait peut-être plus lui-même, lorsqu’il la verrait réduite à 292 millions. Nous nous croyons fondés à lui observer, à cet égard, que, dans son mémoire du 14 novembre dernier, il proposait d’élever à 240 millions l’émission des billets de la caisse, quoique ces billets n’eussent pas alors le gage imposant que leur donne aujourd’hui, tant pour le capital que pour les intérêts, l’abandon d’une partie considérable des biens du domaine et du clergé. Nous lui observerons encore, d’après son mémoire actuel, que la circulation des billets doit être infiniment facilitée par une forme nouvelle et par la faveur d’un intérêt; nous en conclurons du moins, avec quelque vraisemblance, que ce que le premier ministre des îinances espérait au mois de novembre, avec une émission de 240 millions de billets de caisse sans intérêts, nous pouvons l’espérer de même avec celle de 292 millions en assignats portant intérêt et bien hypothéqués. S’il était question d’admettre, pour la première fois, une monnaie fictive, et de lui faire prendre la place des fonds réels qui nous manqueraient, il y aurait sans doute plusieurs considérations importantes à balancer, avant de s’y décider; mais le cas est bien différent : il existe des billets, il en existe un grand nombre; ce n’est plus une uestion abstraite qu’il s’agit déjuger. C’est entre es inconvénients que vous devez choisir et prononcer ; si d’un côté l’inconvénient des billets de caisse est inévitable, si surtout, comme il faut bien le présumer d’après le mémoire de M. Necker, l’espoir de les voir circuler librement au mois de juillet, peut être douteux; si, au contraire, il faut encore en accroître le nombre, comme le ministre le demande, il ne s’agit donc plus que d’examiner lequel est préférable ou d’un papier, ou de l’autre, et la question se réduit aux termes les plus simples; ce n’est donc que sous ce rapport que nous allons l’examiner. Il y aura encore au mois de juillet pour 160 millions de billets de caisse en circulation ; il faudra, pour remplir ce que désire M. Necker, y en ajouter pour 40 millions, total 200; et si vous vous rappelez, Messieurs, le projet d’opérations dont je vous ai rendu compte dans la première partie de ce mémoire, il aurait fallu encore 60 millions en anticipations, 30 millions en emprunt direct, 150 millions en effets constitués ou à terme, pour épargner 50 millions au Trésor, et 30 millions en mandats sur 1791, ce qui compose un emprunt total de 270 raillions. Ainsi, Messieurs, la question actuelle n’est pas de savoir lequel vaut Je mieux d’avoir, ou de n’avoir pas du papier circulant. La réponse serait facile, et nous vous dirions sans hésiter, qu’il vaut mieux n’en pas avoir; mais il s’agit de décider s’il vaut mieux se borner à établir une circulation de 300 millions d’un papier évidemment bon, évidemment solide, plutôt que d’en conserver pour 200 millions d’un autre qui ne tient plus ce qu’il promet, qui ne peut plus subsister que par autorité, qui, non acquitté passé le premier de juillet, présenterait une infraction formelle à vos décrets, et qui ne nous dispenserait pas d’emprunter, dans le cours de cette année, 270 millions, au risque de nous soumettre aux plus grands sacrifices, d’échouer peut-être dans cette entreprise, et de perpétuer du moins les embarras qui nous tourmentent : puisqu’une circulation de papier est inévitable, acquérons du moins, à un intérêt modique, la certitude de faire face à tout, et dé sortir enfin de cette désolante inquiétude qui, tous ies deux mois, vient mêler sa peine à tant d’autres et nous enlever jusqu’aux consolations de l’avenir. Votre comité, après avoir balancé toutes ces diverses considérations, a pensé que, sans blesser des principes inapplicables à la circonstance actuelle, et même sans manquer aux ménagements convenables pour d’anciens préjugés , on pouvait et l’on devait prendre un parti qui dégageât à la fois la caisse d’escompte et, le Trésor public ; il a pensé que les assignats sur les biens du domaine et du clergé pouvaient seuls rendre cet éminent service, et qu’il fallait tout disposer pour les y rendre propres. Votre comité fonde son opinion sur celle de M. Necker lui-même, qui juge les assignats aussi propres à tenir lieu de monnaie que les billets de la caisse, et qui croit que l’intérêt accordé aux billets doit eu rendre la circulation plus facile. Enfin nous pourrions citer encore le vœu qui vous a été porté avant-hier par la commune de Paris, vœu dicté par le patriotisme, qui sans doute aura des imitateurs, et dont l'exécution rendrait bien simple et bien facile toute l’opération qui peut vous libérer. L’opinion de votre comité est donc : 1° qn’il faut rembourser les 170 millions dus à la caisse d’escompte, par une somme pareille en assignats sur la caisse de l’extraordinaire, tels que vous les avez décrétés au mois de décembre, et portant intérêt à 4 ou à 5 p. 0|0, à dater du jour qu’ils seraient délivrés en payement (I); 2° qu’il faut accorder à ces assignats la faculté de tenir, dans la circulation, la place qu’y occupent à présent les billets de la caisse d’escompte, et d’être reçus dans toutes les caisses, tant publiques que particulières ; 3° que la caisse de l’extraordinaire sera tenue en même temps de verser au Trésor public-une somme de 132 millions en assignats pareils, pour être employés à tous les payements nécessaires au service de l’année 1790. Mais en même temps que votre comité adopte cet avis, il ne se dissimule pas qu’il serait dangereux de laisser au hasard le succès d’une si grande entreprise. Vos assignats, Messieurs, peuvent opérer le salut de l’Etat ; mais il faut que vous le vouliez absolument, et que vous ne laissiez aucun doute à cet égard. Il faut que les immeubles qui représenteront ces assignats, soient évidemment libres de charges, d’hypothèques, enfin de tout ce qui pourrait inquiéter chaque porteur d’assignat sur sa portion de propriété. Quant il sera démontré que la nation a entre les mains ce dont elle a besoin pour subvenir aux dépenses du culte, à l’entretien des ministres, aux pensions des religieux, au soulagement des pauvres et aux créanciers du clergé, sans toucher aux immeubles consacrés à servir de gages aux assignats, dès cet instant même, ils auront non seulement une valeur d’opinion, mais une valeur numérique. Iis seront effectivement et non fictivement une monnaie, et une monnaie avantageuse . à recevoir, toujours échangeable en monnaie réelle, et toujours utile à tous les objets du commerce. Voilà, Messieurs, ce que vous pouvez (1) La caisse d’escompte ne mettrait en circulation que la somme d’assignats necessaire au retrait de ses billets, : et 4 cet égard on peut tout attendre du zèle de ses admiv nistrateurs et de ses actionnaires. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. faire, mais ce qui ne sera pas, tant que vous laisserez en retard plusieurs opérations préliminaires. 11 en est de bien importantes à déterminer, de bien pressantes, de bien nécessaires. Elles seules peuvent mettre en valeur ce grand moyen de salut. Tout dépend de la manière dont vous allez assurer les principaux besoins du culte, et c’est alors que certains d’une immense latitude, vous pourrez marcher à grands pas vers l’entreprise de l’extinction delà dette et du soulagement du peuple. L/avis que votre comité vient de vous soumettre est subordonné à ces précautions qu’il sollicite de votre sagesse.il pense que, sans elles, vos assignats n 'auraient qu’une valeur d’opinion variable comme elle, et c’est avec regret qu’il vous verrait mettre au hasard ce qu’il vous est si aisé d’élever dans un instant au-dessus de tous les efforts des ennemis de la patrie et de la révolution. TROISIÈME PARTIE. Du comité de trésorerie. Le premier ministre des finances a senti les difficultés de tout genre que présentent les circonstances. Il semble que l’état des affaires, en 1790, rassemble également tous les inconvénients du passé et de l’avenir. C’est le passage des anciennes habitudes au nouvel ordre de choses. La complication résulte non seulement des rapports nécessaires de toutes les parties de l’administration, mais encore de l’inévitable contrariété qui s’élève entre les réformes établies et les restes encore subsistants d’un ancien régime prêt à s’éteindre. C’est là même, c’est au moment des changements utiles qu’il croit avoir le besoin, et qu’il semble avoir le droit d’appeler l’Assemblée nationale à concourir aux efforts de son zèle. Ce sont les principes de la Constitution qui doivent diriger le cours des affaires publiques. C’est à la nation à veiller sur ses plus grands intérêts. L’état et les changements de la finance sont les plus grands intérêts d’une nation; il faut qu’elle fixe elle-même ses dépenses journalières, qu’elle en assure et qu’elle en détermine les payements, qu’elle veille sur ce qu’elle donne, qu’elle en dirige la recette et l’emploi, qu’elle dispose enfin de son trésor sans aucune exception ni réserve. Ces hautes considérations ont fait naître à M. Necker, et adopter par le roi, l’idée de substituer à l’administration d’un seul ministre des finances, celle d’un bureau de trésorerie, qui associe en quelque sorte les représentants de la nation à cette importante administration. Ce bureau de la trésorerie serait composé de plusieurs commissaires, choisis pour la plupart parmi les membres de l’Assemblée nationale. Le président, soit seul, soit avec quelques-uns des commissaires, ou tous ensemble, seloa la volonté du roi, rendrait compte à Sa Majesté des délibérations du bureau de la trésorerie, et les commissaires seraient à l'avenir les seuls ministres du roi pour le département du Trésor public. 11 en résulterait trois grands avantages ; le premier serait qu’un seul homme ne serait pas chargé de toutes les parties d’une administration immense, et que l'administration serait dirigée par les connaissances réunies des hommes les plus instruits. Le second, qu’aucune opération de détail ne serait secrète et cachée, et que cette publicité de tous les moments ne laisserait plus à craindre le retour de la corruption et [lî mars 1790.] 4�7 des abus. Le troisième, qu’une correspondance constante établirait un accord invariable entre les opérations des finances et les délibérations de l’Assemblée nationale. C’est sous ce dernier rapport que le premier ministre des finances envisage l'établissement du bureau de la trésorerie. Il n’eu est pas de la législation des finances comme do la législation dans toute autre matière. Les lois civiles et criminelles ne sont pas, et ne doivent pas être exécutées par ceux qui les dictent; mais il est uue exécution inséparable de la législation des finances. C’est l’Assemblée législative qui doit juger du compte en dépense et en recette. C’est elle qui doit déterminer la charge publique et qui doit établir l’impôt. C’est elle qui doit régler la répartition ; c’est elle qui doit examiner, autoriser ou proscrire les différentes méthodes de recettes et d’emploi ; c’est elle qui doit fixer toutes les dépenses des départements ou des provinces : il faut le dire, la législation en finance ne se distingue point de l’administration du Trésor public. Comment peut-elle suivre un régime qui consiste dans les détails immenses, et dont aucun de ses membres ne peut connaître la marche habituelle ?Des comités, bornés à la simple inspection. 11e peuvent pas acquérir et rapporter à l’Assemblée les connaissances qui résultent de l’état journalier des affaires publiques, et ce sont ces connaissances qui peuvent diriger les opérations sur lesquelles vous avez à délibérer, et dont dépend la destinée de l’Etat. Que sera-ce si le ministre, forcé de s’éloigner pour l’état de sa santé qui succombe à vos travaux, ne peut plus vous instruire lui-même, et vous proposer ses propres vues. C’est dans le moment des plus grands embarras qu’il se forme une séparation plus sensible entre l’administration des finances et l’Assemblée nationale. Vous savez combien la présence du ministre delà trésorerie dans le parlement d’Angleterre semble utile pour éclairer et diriger le cours des affaires publiques. Il n’y a point de question qui ne soit éclaircie. Il n’y a point d’opération dont le souvenir puisse être oublié. Il n’y a pas un fait sur lequel on puisse avoir un doute. Le ministre toujours présent répond aux questions, rappelle les principes et prédit les effets. Le premier ministre des finances pense qu’il est résulté, dans cette session, des inconvénients qu’on ne peut réparer de la séparation absolue de l’administration et de la législation des finances. Cependant il a senti combien cette proposition est contraire au décret que vous avez rendu pour obliger les membres de l’Assemblée à n’accepter, pendant la durée de cette session, aucune place donnée par le gouvernement. Ce décret, Messieurs, auquel on vous propose de déroger, n’est pas le fruit de la délibération d’un moment. C’est le même principe qui vous a conduits, quand vous avez déclaré que les ministres ne pouvaient pas être membres de l’Assemblée, et quand vous avez délibéré qu’aucun membre de l’Assemblée ‘ne pourrait accepter des places dépendantes du gouvernement. Vous avez craint égalemeat la séduction qui peut influer sur les sentiments de ceux qui peuvent aspirer à des places dont ils ont les talents, et la séduction même de ceux qui remplissent les places, et par laquelle ils peuvent influer sur ies sentiments de l’Assemblée. Vous avez voulu que les murs de votre enceinte fassent comme une barrière inébranlable entre le centre du pouvoir et le centre de la liberté. Il ne faut pas raisonner, dans le moment d’une révolution non encore achevée, comme dans le temps d’une constitution établie 148 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 mars 1790.] et solide. L’Angleterre a les mœurs d’un peuplé libre. Nous n'en avons encore que les principes, et nous en créons les lois. Un ministre vertueux, uniquement occupé du bien, ne songe pas quelle pourrait être l’impression de sa présence. Il faut qu’une Assemblée nationale soit indépendante de sa propre estime pour celui dont elle doit être le juge. Vous n’avez point encore décidé si un ministre pourrait dans la suite être élu membre de cette Assemblée, et réunir à la qualité de juge la nécessité de s’avouer responsable. Nous ne devons pas, à cet égard, préjuger votre décision. Mais si vous autorisiez cet usage, un ministre, du moins, ne pourrait devoir l’avantage de devenir l’un des représentants de la nation, qu’à la faveur d’une élection libre qui attesterait des vertus supérieures aux talents de sa place, et une haute estime de la part de ses concitoyens. Des choix, faits parmi les membres de l’Assemblée législative, pourraient bien, au contraire, n’avoir le plus souvent d’autre cachet que celui de la laveur et de l’intrigue. Vainement on vous dirait que les commissaires de la trésorerie seraient responsables comme le ministre même, il semble que sa responsabilité ne serait pas entière quand elle serait partagée par des membres de l’Assemblée nationale. Combien ils seraient intéressés à dissimuler les abus, s’ils n’étaient pas armés de toutes Jes forces du courage et de la vertu pour les détruire ou pour les repousser. Il est si naturel aux hommes de chercher à défendre les erreurs qu’ils ont adoptées ! D’ailleurs, Messieurs, des hommes associés au ministère chercheraient bientôt à exercer, dans l’intérieur de l’Assemblée, une partie de cette influence ministérielle dont vous avez voulu préserver vos délibérations. Il faut défendre ceux mêmes qui pourraient aspirer à ces places, des dangers d’une ambition que peuvent leur inspirer tantôt les circonstances, et tantôt leurs propres talents. Si le ministère est une charge publique, ce n’est pas moins une grâce et une faveur distinguée, par la confiance du roi, et par la confiance présumée de l’Assemblée nationale. Quelles sont donc les places dignes d’exciter l’ambition, si ce ne sont pas celles qui président à l’administration d’un grand empire; là se trouvent la puissance et la gloire. C’est cette commission qui doit diriger les conseils. C’est d’elle que dépend le sort du peuple et de l’Etat. C’est du milieu d’elle que s’élèveront ceux qui doivent gouverner les affaires. C’est l’ambition que vous avez voulu banuir. C’est là le noble intérêt dont vous avez fait le sacrifice, et qu’on doit regarder comme le don patriotique des vertuset du talent. Vousavezapprisàla nation qu’elle avait confié ses intérêts à des hommes qui n’en ont point d’autres; et quand vous avez exercé ce noble désintéressement sur des places moins considérables, voudrez-vous rétracter votre délibération pour des places plus distinguées, comme si vos sentiments ne devaient pas s’élever à toute la hauteur de l’amour de la patrie et de la liberté? Votre comité des finance* a cru devoir vous exposer avec la même force et la même énergie les raisons qui peuvent seconder ou contrarier la proposition du premier ministre des finances. H eût borné sa mission à cet exposé impartial des raisons favorables et des raisons contraires; mais vous lui avez prescrit de vous donner un avis, et il vous le donnera avec toute la franchise,qu’ii vous doit. Votre comité pense que l’Assemblée nationale se montrerait inconséquente aux principes qu’ellea établis, et qui lui ont assuré la confiance de tous les Français, si elle adoptait la proposition qui lui est faite. D’ailleurs, -Messieurs, l’avantage d’un comité de trésorerie, substitué à un ministre, est au moins problématique; mais ce qui ne l’est pas, c’est que les membres de cette Assemblée doivent être purs de tout soupçon d’intérêt personnel, c’est qu’ils ne doivent pas affaiblir leur qualité de juges, en devenant comptables, c’est que l’Assemblée elle-même ne doit pas laisser affaiblir la responsabilité, ce palladium de nos libertés et de nos finances. Il est important que le roi demeure lemaîtreab-solu de choisir à son gré les personnes qu’il honorera de la confiance, mais il importe également que ces choix n’excitent dans l’Assemblée ni rivalité ni haine. Le ministère, séparé de l’As-sernblée, en sera plus stable, et l’Assemblée moins orageuse. Enfin, Messieurs, votre comité vous exhorte à demeurer irrévocablement attachés à vos principes, à vos décrets sanctionnés par le roi, sanctionnés sans la moindre réclamation, ni de la part du roi, ni de celle des ministres, et qui perdraient toute leur dignité, si chaque circonstance, chaque intérêt pouvait les diriger et les faire plier à leur gré? Il conclut qu’à cet égard, l’Assemblée nationale doit persister, pour la présente législature, dans ses arrêtés du 7 novembre et du 6 janvier. QUATRIÈME PARTIE. Situation des affaires en 1791, et remplacement des impositions. Le ministre des finances vous transporte par la pensée, au terme peu éloigné où des ventes de biens domaniaux et ecclésiastiques, le produit du rachat des droits attachés à ces propriétés, et les deux derniers termes de la contribution patriotique, auront fait disparaître le papier-monnaie, dont il n’a pu éviter de vous proposer la prolongation. II vous fait observer avec raison et justice, que par des soins multipliés , il a garanti la chose publique des dangers éminents qui pouvaient accompagner l'admission des billets dans les payements, et il vous fait espérer que par la continuation des mêmes soins, il en préservera encore assez longtemps > pour voir arriver dans l'intervalle la diminution attendue et désirée dans la quantité et l'étendue des oillets de caisse. La solde des troupes, dit-il, a toujours été payée; les ateliers de charité, les marchés de Sceaux et de Poissy ont été entretenus, et les approvisionnements en blés et en farines ont été portés à un degré tel, qu'il y a tout lieu d'être parfaitement tranquilles pour la subsistance de Paris , pendant plusieurs mois; et la caisse d'escompte, par une distribution journalière, pourvoit au moins aux payements effectifs que l'ordre public exige absolument, tels que la solde de la garde de Paris, et les secours indispensables aux chefs des principales manufactures, et plusieurs autres. Le ministre se reportant dans l’avenir, voit disparaître entièrement l’ancien déficit, c’est-à-dire la différence entre les revenus et les dépenses fixes, qui s’élevait à 56 millions. Quant à l’exactitude ducompte qui constate cette différence, exactitude qui est effectivement aussi grande, qu’un compte si vaste en est susceptible, il invoque avec raison le témoignage du comité des finances ; et si voire comité rend à cet ouvrage toute la justice qu’il mérite, il trouve avec Assembles nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 mars 1790.] 449 plaisir aussi, dans la déclaration expresse du premier ministre des finances, la réponse à tous ceux qui ont accusé les différents rapports d’être inexacts ou hypothétiques. M. Necker entre dans quelques détails sur la balance à venir des revenus et des dépenses. II pense que les réductions sur ces dernières, qui ont été proposées par le comité des finances, et fixées provisoirement par votre décret à 60 millions, ne s’élèveront pas au delà de 52. Ce n’est pas ici le lieu ni le moment de cette discussion. Nous pouvons seulement vous assurer que si les réductions sur les départements de la guerre, de la marine et de la maison du roi sont telles que nous avons dû les présumer, nous vous fournirons pour 1791 une réduction de dépense, qui excédera les 60‘ millions que vous avez décrétés (I). Le ministre nous indique le renvoi aux provinces, de quelques articles de dépense publique, tels à peu près que votre comité des finances vous les avait présentés. Seulement nous avions pensé que le Trésor public, en cessant de faire ces dépenses, cesserait aussi de percevoir les sommes qui y étaient précédemment appliquées. M. Necker paraît désirer que ces fonds prennent une autre destination, qu’ils continuent d’être versés au Trésor public, et soient appliqués à des remboursements. Nous pensons, en effet, qu’il serait d une haute importance de travailler, le plus tôt qu’il sera possible, à une libération graduelle et constante de la dette publique; mais obligés, avant tout, de veiller aux intérêts du peuple, c’est lorsque nous aurons achevé d’acquérir des connaissances positives sur ses nouvelles ressources, sur ses charges et sur ses moyens, que nous pourrons vous présenter cette question sous son véritable aspect. En attendant, nous ne pouvons qu’applaudir à la prévoyance du ministre et aux vues d’ordre qu’il vous présente. Il ne peut encore vous offrir que des notions incertaines sur la dette arriérée. Le comité que vous en avez chargé vous la fera connaître avec certitude. M. Necker vous demande, au nom du roi, de joindre à la liste de vos dettes le dédommagement, non pas rigoureusement exact , mais sagement équitable que les nouveaux départements, après en avoir pris connaissance, jugeraient devoir accorder aux citoyens dont les habitations ont été brûlées, et les possessions ravagées. La manière dont cette proposition a été reçue dans cette assemblée, dispense votre comité de vous pré-(1) M. Necker observe, dans une note, que le comité a Eorté les réductions à 60 millions, parce qu’il a compté le énéfice des pensions, d'après la somme à laquelle e'Ies se montaient avant la réduction opérée sous te ministère de M. l’archevêque de Sens. Or, cette réduction était de 4,889,000 livres ; elle était portée en recette pour le compte de 1789, et ne pouvait par conséquent être présentée comme un bénéfice relatif au résultat du compte de 1789. Cette observation est juste en elle-même; mais, dans le rapport que cite M. Necker, elle était imprimée au bas de la page; ainsi elle n’a pas échappé au comité des finances. D’ailleurs, la somme entière des pensions, telle qu’elle était avant la retenue de 1787, formant le chapitre de dépense du compte de M. Necker, il fallait bien y opposer la somme entière 4 la réduction. Quant à la réduction sur la dépense des compagnies de finances, il est certain qu’elle ne sera pas complète cette année; mais, dès que le nouveau système d’imposition sera établi, cette réduction aura lieu, et s'élèvera au moins 4 l’évaluation du comité des finances. senter un avis que vos applaudissements ont prévenu. Le reste du mémoire du premier ministre des finances porte sur Je remplacement des impôts, surtout sur celui du sel, el sur le système des autres impositions. Le rapport que le comité des finances vous a fait, au sujet du remplacement de la gabelle, s’accorde parfaitement avec les principes du ministre ; et cependant son mémoire n’avait été communiqué, ni au grand comité des finances, ni à la portion de ce comité, destinée à correspondre directement avec lui. Cet accord de principes nous paraît heureux, et nous avions besoin de ce dédommagement. 11 nous en a assez coûté, dans ce rapport, de nous trouver quelquefois d’un avis opposé à celui d’un ministre cher à la nation, cher à cette assemblée, et dont la santé chancelante nous inspire un intérêt d’autant plus grand, que son altération, nous ne pouvons nous le dissimuler, est le fruit des nombreux sacrifices qu’il a faits à la chose publique. PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale, ayant pris en considération l’étal du Trésor public pour l’année 1790, a décrété et décrète : 1° Qu’à partir de ce jour, aucune anticipation, rescription, ni assignation sur les revenus ordinaires, destinés à être perçus en 1791, ne pourront être renouvelées ; 2° Qu’il sera formé incessamment et dégagé de tout service public une masse de 400 millions de biens du domaine et du clergé, dont les capitaux seront mis en vente, pour les fonds en être versés dans la caisse de l’extraordinaire, conformément au décret du 19 décembre dernier; 3° Qu’en attendant le complément des ventes, les revenus desdits biens seront versés dans ladite caisse de l’extraordinaire ; 4° Que le receveur de cette caisse, aussitôt après la déclaration faite de l’abandon de chaque immeuble, sera autorisé à délivrer au Trésor public une somme en assignats, égale au montant de l’estimation de chacun des objets mis en vente ; lesquels assignats porteront intérêt à 5 0/0 qui seront payés tous les six mois à la caisse de l’extraordinaire; 5° Quant à l’emploi desdits assignats dans le commerce, rassemblée se réserve de prononcer après l’examen du projet qui lui a été présenté par la commune de Paris ; 6* Que les derniers, provenant de la vente des biens ci-dessus désignés, seront spécialement affectés à l’acquittement desdits assignats, et qu’il ne pourra en être distrait aucune partie, pour aucun autre usage, sous quelque prétexte que ce soit; 7° Que les 170 millions dus à la caisse d’escompte seront - incessamment acquittés par la même somme en assignats, que les administrateurs de ladite caisse seront autorisés à échanger contre les billets qu’ils ont dans la circulation; 8° Que 132 millions desdits assignats seront remis au Trésor public, pour assurer le reste du service de la présente année ; 9° 11 sera présenté incessamment à l’assemblée, par le comité des finances, un plan de régime et d’administration de la caisse de l’extraordinaire, relativement àl’exécution des décrets de ce jour. (L’Assemblée ordonne l’impression du rapport et du projet de décret présentés par M. le marquis