[Convention natiouale.j ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 26 rend la vie à l’ennemi, auquel nous allions porter les derniers coups; il fait des marches forcées, déjà il est à Mayenne, et, dans une journée, il peut être à Alençon : si on avait laissé partir les 10,000 hommes pour cette ville, les brigands se seraient trouvés entre deux feux. » Fayau. Je n’ai pas demandé la parole pour m’opposer au projet de décret du comité, mais pour faire quelques observations. On ne doit pas jeter sur les représentants du peuple une mé¬ fiance dont il ne convient pas de les environner; on ne peut pas calculer la marche d’un ennemi toujours vacillant, toujours incertain. D’abord, le comité croyait que les brigands se porteraient sur Chartres, et il a donné des ordres en consé¬ quence; ces ordres ont été connus de notre col¬ lègue Thirion et il s’y est conformé. Depuis, le comité a pris un arrêté contraire; mais Thi¬ rion a-t-il pu connaître cet arrêté du 22, dont nous a parlé Couthon ? Voilà ce qu’il faut savoir avant de juger notre collègue. Couthon. Je crois bien que la Convention ne pense pas que j’aie voulu faire la censure des représentants du peuple, ni suspecter les inten¬ tions de notre collègue Thirion, j’ai seulement rapporté les faits pour faire apprécier sa conduite. Je ne dis pas qu’il a pris ces mesures dans des intentions contre-révolutionnaires, mais il les a prises contre toute prudence et tout principe militaire. Merlin (de Thionville). Je demande que la Convention confirme l’arrêté du comité de Salut public. Si ses arrêtés avaient été exécutés, nous aurions été plus souvent victorieux. Mais avant de juger un de nos collègues, il faut con¬ naître les faits. Chartres craignait les brigands, Alençon les craignait aussi, à laquelle de ces deux villes devait-il envoyer des secours*? Il est pos¬ sible qu’il ne connaisse pas l’arrêté du comité de Salut public. D’ailleurs, les rebelles, battus à plate couture par l’armée de la République, se sont dispersés; pouvait-il connaître quelle route ils prendraient1? C’est celui qui était à la poursuite des brigands qui devait informer la colonne du Nord de leur marche. Je demande que la Convention approuve les arrêtés du comité. Un membre. Thirion est un prêtre; la Conven¬ tion doit le rappeler. Merlin (de Thionville). Je suis député du même département que Thirion, et j’atteste qu’il n’a jamais été prêtre. Granet. Je demande que la Convention rap¬ pelle tous les prêtres qui sont en commission. (On applaudit.) Clauzel. Je demande que cette mesure soit éten¬ due aux ci-devant nobles. Bentabole. Il n’est personne qui ne saohe qu’il faut se méfier des prêtres en général. Déjà la raison les a frappés, laissons-la agir; mais dans un moment où on cherche à réveiller le fanatisme, ne prenons pas une mesure précipitée et qui se¬ rait peut-être injuste à l’égard de quelques prêtres ou nobles qui sont réellement patriotes, ec qui ont rendu des services à la République. Bourdon (de VOise). J’appuie la motion de Granet; puisque les prêtres vous sont [suspects, ceux d’entre eux qui peuvent être patriotes ne lro SÉRIE, X. LXXXI. 529 seront pas irrités que vous preniez une mesure de sûreté. Le rappel des nobles et des prêtres est décrété. Bourdon (de VOise). Le plus grand malheur qui peut arriver dans les circonstances où nous nous trouvons, c’est que le comité de Salut public et la Convention ne marchent pas sur la même ligne. Je demande par suite du décret que vous venez de rendre, que les prêtres et les nobles soient exclus du comité de Salut public. Merlin (de Thionville). J’observe que de motion en motion, on parviendrait à faire ren¬ voyer de la Convention les nobles et les prêtres. Quand un membre de la Convention travaille dans un comité, il remplit les fonctions que le peuple lui a confiées; c’est comme s’il était dans le sein de la Convention. Je demande l’or¬ dre du jour sur la proposition de Bourdon. Bourdon (de VOise). Il est certain qu’un noble ou un prêtre peut être plus dangereux dans le comité de Salut public que dans une mission particulière. Il y en a un, que je ne veux pas nommer, qui m’est très suspect à cause de ses liaisons intimes avec Dubuisson, Pereyra et Proly, agents des puissances étrangères. Méaulle. La Convention ne doit pas prendre de mesure générale; mais si on lui dénonce un membre d’un comité, elle doit, s’il est reconnu suspect, l’en retirer; et si Bourdon en connaît quelques-uns, il doit les dénoncer. Bourdon (de l'Oise). Je profite de l’avis du préopinant. Je vous dénonce le ci-devant avocat général, le ci-devant noble Hérault-Séchelles, membre du comité de Salut public, et mainte¬ nant commissaire à l’armée du Rhin, pour ses liaisons avec Pereyra, Dubuisson et Proly. Bentabole. On dénonce un de nos collègues qui s’est fait connaître par des actes de patrio¬ tisme, qui a travaillé à notre immortelle consti¬ tution, et en a été le rapporteur. Ce collègue est absent; la Convention doit l’entendre avant de prononcer. Ne peut-on pas avoir connu des gens qui depuis sont devenus suspects, et être cependant bon patriote! J’observe que Lepelle-tier était, comme Hérault-Séchelles, ci-devant membre du parlement et ex-noble, et il a mé¬ rité le Panthéon. Couthon. Je demande l’ajournement de la proposition de Bourdon. Je ne sais pas si Hérault a eu des liaisons avec des personnes suspectes; je l’ai connu au comité de Salut public, et je ne me suis jamais aperçu qu’il ne marchât pas dans le sentier du patriotisme. Il est maintenant absent, attendez qu’il soit arrivé et qu’il puisse répondre à l’inculpation qui lui est faite. On ht la rédaction du décret qui rappelle les nobles et les prêtres. Un membre. Je demande que dans votre décret soient compris les ministres d’un culte quel¬ conque. Un membre. Si vous adoptez la proposition qui vous est faite, vous commettrez une grande injustice à l’égard d’excellents patriotes. Ci¬ toyens, la République n’avait pas de marine à Brest. Jean-Bon Saint-André y a formé une escadre formidable; il a rétabli la discipline parmi les matelots, et a purgé l’armée navale des traîtres qui s’y étaient glissés. Si vous le 530 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. “6 «i n rappelez, vous êtes injustes envers lui, car il a beaucoup travaillé pour le salut de la patrie, et vous nuisez aux intérêts de la République en la privant des services qu’il peut encore lui rendre, jj J Granet. Ma proposition n’est pas encore élaborée; elle peut avoir des inconvénients. Je demande moi-même le rapport du décret rendu sur ma motion, et le renvoi de toutes les motions au comité de Balut public. Le rapport et le renvoi sont décrétés. Sur la proposition d’un membre [Boussion (1)] « La Convention nationale décrète que le comité de Salut public lui fera un rapport et lui présentera un projet de décret relatifs aux destitutions des officiers de nos armées, qui ne l’ont été que parce qu’ils ont été regardés comme ci-devant nobles ou privilégiés, en vertu des divers arrêtés des représentants du peuple au¬ près des armées. Elle lui envoie toutes les récla¬ mations relatives à cet objet (2). » [Compte� rendu du Journal des Débats et des Décrets (3). Boussion. Citoyens, je viens dans ce moment de me présenter au comité de Salut public avec un républicain qui a servi dans l’armée du Nord et qui a été destitué pour cause de ci-devant noblesse. Ce citoyen n’eût jamais à se reprocher son extraction. C’est tout simplement un cadet de Gascogne, qui n’a jamais songé qu’à se battre pour sa patrie et qui l’a fait toujours avec cou¬ rage. Il apporte des certificats de ses officiers et de ses camarades, qui attestent son civisme et sa bravoure. Le comité de Salut public m’a demandé un renvoi de la Convention pour s’occu¬ per de la destitution contre laquelle je réclamais. Je vous le propose. - La Convention décrète le renvoi. « La Convention nationale renvoie au comité de Salut public l’examen de la conduite des commissaires du pouvoir exécutif dans la ville de Thionville (4). U prendra les mesures les plus efficaces pour en obtenir des comptes. « Le comité de Salut public examinera (5) le fait annoncé dans tous les journaux, relatif aux 20 mille fusils prétendus envoyés du Dane-marck (6). » Suit le texte d'une lettre, qui a évidemment 'provoqué la motion du citoyen Merlin (de Thion-(1) D’après la minute du décret qui existe aux archives nationales, carton G 282, dossier 794. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 239. 13] Journal des Débals et des Décrets (frimaire an II, n° 454, p. 361). (4) L’auteur de la motion est Merlin (de Thion¬ ville), d’après les divers journaux de l’époque. (5) L’auteur de la motion est Bourdon (de l'Oise), d’après les divers journaux de l’époque. (6) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 239. ville ) et dont l'original existe aux Archives natio¬ nales (l).f� Au citoyen Merlm (de Thionville), membre de la Convention nationale, rue Saint-Tho¬ mas -du-Louvre, n° 44, à Taris. « Thionville, le 20 frimaire, l’an II de la République une et indivisible. « Nous avons reçu, citoyen législateur, une marque signalée de la Providence par ta de¬ mande d’écarter le décret de la Commission révolutionnaire. Cette nouvelle est arrivée au moment d’une assemblée d’un grand comité pour reviser une contribution révolutionnaire d’environ 120,000 livres qui a été levée en trois heures sur les citoyens de notre malheureuse ville qui ne l’avait pas méritée. On leva la séance en arrêtant que les sommes seraient rendues aux citoyens en les invitant de faire des dons fibres pour la caisse des secours : j’ai été nommé trésorier par cet arrêté qui a été exécuté à l’ins¬ tant les 16 et 17 du courant. « Un autre service non moins important est de prendre, dans ta sagesse, les moyens d’em¬ pêcher la force armée des garnisons, de prendre des arrêtés civils, et de les mettre militairement à exécution. Sous la couverture de l’assemblée populaire, le citoyen Lafontaine qui a mis les choses sur ce pied en a été le premier la victime. Un certain Privât, aide de camp du général ou commandant temporaire de la place avec un nommé Lafond, des gendarmes et une douzaine de militaires qui lui sont dévoués, gouvernent tout, écrasent et traitent de contre-révolution¬ naire le citoyen qui oserait témoigner une autre opinion que la leur, ils destituent les membres des autorités constituées, nomment à leurs places, font à notre malheureuse cité, sans l’au¬ torité d’aucun corps administratif, une persé¬ cution perpétuelle qu’on peut appeler tyrannie. « Le 6 du courant ils avaient délibéré d’enlever la nuit suivante le meilleur matelas de chaque fit des citoyens, ce qui mit les femmes de la vüle en pleurs, et de suite, sur des représen tâtions solides ils se sont réduits à une invitation qui a produit une quantité de matelas inutiles, parce que les fournisseurs n’en manquent pas, non plus que dans les maisons des émigrés ; il existe aussi beaucoup de laine et crin dans les greniers du district, d’où il résulte que les troupes passa¬ gères sont mal couchées. « Le 9 courant ils arrêtèrent et firent des visites domiciliaires pendant la nuit avec des gardes de l’armée révolutionnaire; parcourant toutes les maisons de la ville, depuis le fond des caves jusqu’au fond des greniers sans trouver nulle part ce qu’ils cherchaient, j’ai été étonné de voir entrer chez moi, à 6 heures du soir, des militaires seuls, sans l’assistance d’aucun offi¬ cier civil ni citoyen quelconque, visité partout comme est dit ci-dessus, me félicitant de ne pas trouver des cadres ni images de saints. Je ne savais pas ce que cela signifiait, ils les ont fait ôter partout dans d’autres maisons, à ce qu’on m’a assuré. « Ils ont fait venir à la Société le pauvre curé (1) Archives nationales, carton AFn 28, plaquette 226, pièce n° 21.